NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.140222 juin 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Cinquante et unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1402e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 26 mai 2009, à 15 heures

Présidente: Mme LEE

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques de la France sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques de la France sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/FRA/4; document de base (HRI/CORE/1/Add.17/Rev.1); liste des points à traiter (CRC/C/FRA/Q/4); réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/FRA/Q/4/Add.1)) (suite)

1.Sur l’invitation de la Présidente, la délégation française reprend place à la table du Comité.

2.Mme VARMAH souhaiterait des informations sur les mesures prises pour lutter contre l’abandon scolaire. Relevant l’influence des médias dans la construction identitaire des enfants et leur comportement, et soulignant la responsabilité de l’État dans la diffusion d’émissions télévisées de qualité et ne montrant pas de scènes de violence aux heures où les enfants regardent la télévision, elle demande si des mesures sont prises pour interdire la violence à la télévision à certaines heures ainsi que la vente des jeux vidéo violents aux enfants.

3.Enfin, elle voudrait savoir si des dispositions sont prises pour aider les enfants du voyage et les enfants roms qui n’ont pas accès à l’éducation et qui vivent dans des situations précaires.

4.Mme AIDOO fait observer que, malgré les efforts déployés dans le domaine de la santé des adolescents, des problèmes tels que troubles alimentaires, consommation d’alcool et de drogues, comportements sexuels à risque, grossesses précoces et suicides, persistent en France métropolitaine comme dans les territoires d’outre-mer. Le Comité est profondément préoccupé par cette situation et souscrit aux conclusions du Comité des droits économiques, sociaux et culturels qui s’était inquiété, en 2008, du taux élevé de suicides parmi les jeunes. La délégation voudra bien indiquer si la deuxième stratégie nationale d’actions face au suicide, qui devait être définie en 2007, a été mise en place, si elle a été efficace et si elle privilégie davantage les mesures sociales et éducatives que l’hospitalisation et la médication des jeunes. Il serait aussi intéressant de savoir si des recherches sont menées pour comprendre les causes profondes du suicide des jeunes, quelles mesures sont prises pour réduire l’incidence des suicides et la consommation d’alcool et de drogues chez les enfants et comment est évaluée l’efficacité de ces actions de prévention.

5.Il serait utile de savoir si les centres pour adolescents donnent des résultats positifs et s’ils disposent des ressources humaines nécessaires; il semblerait en effet qu’ils manquent de pédopsychiatres et de personnel qualifié.

6.Face au nombre élevé de fugues d’enfants, Mme Aidoo demande ce que l’État partie entreprend pour lutter contre ce problème et si le système d’alerte-enlèvement fonctionne. En outre, elle veut connaître les mesures prises pour informer les enfants de l’existence de la ligne téléphonique d’urgence qui leur est destinée. À ce sujet, elle demande si les enfants en connaissent le numéro, s’ils le composent et si ce service dispose de ressources adéquates.

7.M. FILALI aimerait comprendre les raisons pour lesquelles l’État partie, qui a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant, n’applique que 11 articles sur les 54 qu’elle contient. Il demande notamment si un administrateur ad hoc est désigné dès qu’un mineur est placé en zone d’attente et si, à l’expiration des délais accordés au mineur pour régulariser sa situation, le mineur peut être expulsé vers son pays d’origine sans que soient vérifiées les conditions de son retour. Il voudrait également savoir si les zones d’attente sont considérées comme des lieux de privation de liberté, si le contrôleur général a accès à ces lieux et s’il établit des rapports à ce sujet.

8.Il se dit préoccupé par l’attitude de la police vis-à-vis des jeunes; en effet des rapports établissent qu’elle procède parfois à des interventions musclées, et il est arrivé que des parents en situation illégale se fassent arrêter aux abords des écoles, ce qui a des conséquences néfastes pour les enfants.

9.Mme ORTIZ relève que 80 % des adoptions sont internationales et que, parmi celles-ci, 60 % sont conclues avec des pays qui ne sont pas parties à la Convention de La Haye. Elle note avec préoccupation que, contrairement aux recommandations du Comité, nombre d’adoptions sont des adoptions directes, ce qui ne garantit pas un contrôle suffisant et, partant, le respect des droits de l’enfant. Elle souhaiterait à cet égard un complément d’information sur les nombreuses adoptions conclues avec le Viet Nam, ces dernières années, alors que les procédures ne permettaient pas de protéger suffisamment les droits de l’enfant. En outre, elle demande des précisions sur le rôle des volontaires qui, dans les ambassades de France à l’étranger, sont chargés des questions d’adoption.

10.Il serait également utile de savoir si des études sont menées pour comprendre la forte demande en matière d’adoption et s’il est prévu de prendre des mesures pour répondre à cette demande sans recourir à l’adoption internationale mais en privilégiant l’adoption nationale.

11.La PRÉSIDENTE demande des éclaircissements sur le manque de places de crèche face à l’augmentation de la natalité et sur l’absence de mesures visant à appliquer les dispositions des instruments européens relatifs aux réfugiés, à la protection des minorités et à la traite des êtres humains qui concernent les droits des enfants. La délégation voudra bien fournir des informations sur les initiatives prises afin de promouvoir l’allaitement maternel, préconisé pendant les six premiers mois de la vie de l’enfant pour prévenir l’obésité plus tard, et indiquer si le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel est respecté.

12.Mme MORANO (France) répond que la France a souhaité se doter d’une politique familiale d’immigration humaine et responsable. Le regroupement familial est un droit. Depuis 2007, un étranger qui souhaite faire venir sa famille en France doit justifier de conditions de logement décentes et de ressources suffisantes. Les étrangers qui veulent s’installer en France signent un «contrat d’accueil et d’intégration» qui porte notamment sur la connaissance de la langue française. En 2008, 17 800 admissions ont eu lieu au titre du regroupement familial, et 15 000 personnes ont été régularisées du fait de leur établissement sur le territoire français.

13.Des instructions claires ont été données pour qu’il n’y ait aucune interpellation de personnes en situation irrégulière à la sortie ou aux abords des écoles, et ce, afin d’éviter les conséquences psychologiques pour les enfants.

14.La rétention administrative est une situation exceptionnelle et n’est pas une forme d’emprisonnement. Des travaux ont été effectués pour que les centres de rétention administrative disposent de chambres, de cuisines, de salons et de salles de télévision, et permettent d’accueillir les familles dans de bonnes conditions. Ces conditions d’accueil sont d’ailleurs requises pour le placement des familles dans ces centres et soumises au contrôle du juge. Aucun enfant n’est séparé de sa famille. Cela étant, la France privilégie le régime d’assignation à résidence.

15.Les mineurs isolés ne peuvent être placés en centre de rétention administrative. À leur arrivée à l’aéroport, ils sont placés en zone d’attente et bénéficient de l’assistance de la Croix‑Rouge et d’une aide juridique par l’intermédiaire d’un administrateur ad hoc. La France souhaite que 100 % des mineurs bénéficient de cette aide. Sous la responsabilité du ministère chargé de l’immigration, un groupe de travail interministériel a été créé pour traiter ces questions.

16.Tout mineur a besoin d’une protection, et l’État français lui assure cette protection. Les associations font à cet égard un excellent travail d’orientation quand elles repèrent un mineur isolé. En 2002, un dispositif doté d’un centre d’accueil et d’orientation a été mis en place à Paris en faveur des mineurs demandeurs d’asile. À ce jour, 3 000 cas ont été traités.

17.Mme ORTIZ s’inquiète du fait que, dans les zones d’attente, les enfants âgés entre 13 et 18 ans soient traités comme des adultes et qu’ils ne bénéficient pas de l’assistance dévolue à des mineurs.

18.Mme MORANO (France) dit que les mineurs étrangers isolés placés en zone d’attente bénéficient d’une assistance juridique, médicale et humanitaire ainsi que de l’assistance d’un administrateur ad hoc, désigné sans délai par le Procureur de la République, qui assure leur représentation dans toutes les procédures judiciaires et administratives. À l’aéroport de Roissy‑Charles de Gaulle, les mineurs de moins de 13 ans sont hébergés dans un hôtel sous la protection d’une nurse en attendant la mise en place de structures spécialisées où ils seront sous la protection de la Croix-Rouge. Les mineurs de plus de 13 ans sont placés dans des locaux de la ZAPI (zone d’attente pour les personnes en instance), où ils bénéficient d’une attention particulière, apportée notamment par la Croix-Rouge.

19.M. KOTRANE (Rapporteur pour la France) dit que, selon les informations dont il dispose, des enfants resteraient sans administrateurs ad hoc. Il existe donc un décalage important entre ce que prévoient les textes, notamment la loi sur la protection des mineurs, et la pratique. M. Kotrane demande par ailleurs si les mineurs isolés qui arrivent sans papiers sur le territoire français bénéficient du jour franc avant d’être renvoyés dans leur pays et ce que fait l’État partie pour s’assurer que les enfants qui sont renvoyés dans leur pays y soient accueillis de manière adéquate.

20.MmeDOUBLET (France) dit que, si le délai d’un jour franc n’est accordé aux adultes que sur leur demande expresse, les mineurs en bénéficient d’office. Cette distinction n’est pas inscrite dans la loi, mais les instructions à ce sujet sont très claires et strictement appliquées. Il est vrai que l’administration française s’est heurtée à des difficultés pour ce qui est d’assurer la représentation effective des mineurs étrangers isolés qui arrivent en France sans papiers. Aujourd’hui, environ 90 % d’entre eux bénéficient de l’assistance d’un administrateur ad hoc, l’objectif étant d’arriver à un taux de 100 % de représentation effective. Par ailleurs, la Police de l’air et des frontières veille, lorsqu’un mineur est renvoyé dans son pays, à ce que l’enfant soit effectivement attendu à son arrivée par un membre de sa famille.

21.M. ZERMATTEN, soulignant que la méthode des examens osseux n’est pas considérée comme fiable, demande quelle méthode utilise l’État partie pour déterminer si un jeune étranger isolé a plus ou moins de 13 ans ou plus ou moins de 18 ans.

22.Mme MORANO (France) répond que la méthode utilisée est celle des examens osseux, mais que, lorsque cet examen ne permet pas de déterminer l’âge avec précision, ce qui est fréquent entre 16 et 18 ans notamment, le critère retenu est toujours celui qui serait le plus favorable au jeune concerné.

23.Mme DOUBLET (France) précise que l’examen osseux n’intervient qu’à titre subsidiaire, lorsqu’il existe un doute sur l’authenticité des documents d’état civil produits par l’intéressé. Il a pour seul objet de différencier les jeunes de plus de 18 ans de ceux de moins de 18 ans. Les données obtenues sont croisées avec d’autres éléments, tels que le développement pubère et la croissance. Cela étant, les autorités françaises sont très attentives aux avancées scientifiques qui pourraient permettre de concevoir des examens plus fiables, ainsi qu’aux recommandations formulées sur le sujet par la Défenseure des enfants.

24.M. KOTRANE (rapporteur pour la France) rappelant que le Comité, dans son Observation générale no 6 (2005) sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine, donne des exemples de pays qui accordent aux jeunes le bénéfice du doute en cas d’incertitude persistante sur leur âge, demande quels facteurs pourraient empêcher la France d’appliquer ces bonnes pratiques.

25.Mme MORANO (France) dit que la France fait face à une très forte pression migratoire et est contrainte de définir des critères pour autoriser les séjours sur son territoire. Ce faisant, elle observe une éthique rigoureuse, notamment dans le traitement des mineurs.

26.Par ailleurs, Mme Morano souligne qu’en France les mineurs ne sont pas jugés par des tribunaux pour adultes. Elle indique que 38 centres éducatifs fermés ont été mis en place dans le pays et peuvent accueillir 413 personnes. D’ici à 2010, il y en aura 48, avec 529 places. Le taux d’encadrement est de deux éducateurs spécialisés pour un jeune; les liens avec la famille sont maintenus et organisés par les juges. Trente-deux pour cent des jeunes qui sont sortis de ces centres ont repris une scolarité classique, 27 % sont partis en préapprentissage et 25 % en formation professionnelle.

27.M. ALLONSIUS (France) dit qu’un projet de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, ainsi qu’un projet de code de la justice pénale des mineurs sont en cours d’élaboration. Il s’agit notamment de fixer un âge seuil pour la responsabilité pénale de manière à se conformer à certaines recommandations du Comité ainsi qu’aux dispositions de l’Observation générale no 10 (2007) sur les droits de l’enfant dans le système de justice pourmineurs. À ces fins, le Ministère de la justice mène une série de consultations avec la Défenseure des enfants, les associations professionnelles de magistrats et les représentants des organisations syndicales. En l’état actuel de la réflexion, cet âge seuil serait fixé à 13 ans. Des réflexions sont également menées sur des mesures applicables aux mineurs de moins de 13 ans qui ne sont pas pénalement responsables. Actuellement, la fixation de l’âge se fait au cas par cas en fonction des faits et surtout de la personnalité du mineur et de sa capacité de discernement, qui est évaluée notamment au moyen d’expertises psychiatriques et psychologiques. Lorsque la faculté de discernement est avérée et que des poursuites sont engagées, le mineur bénéficie obligatoirement de l’assistance d’un avocat.

28.L’ordonnance du 2 février 1945 a fait l’objet de plus de 30 réformes. La réforme actuelle prévoit notamment une révision de la terminologie, car des termes tels que «admonestation», qui correspond à la mesure éducative la plus douce, ne sont compris que par à peine 8 % des mineurs. Il existe également une volonté de réaffirmer l’implication des parents à tous les stades du processus judiciaire et dans l’accompagnement éducatif et une volonté de créer un «dossier unique de personnalité» concernant le mineur, qui pourrait regrouper toutes les informations (alternatives aux poursuites, mesures d’assistance éducative, procédures pénales, etc.). Le principe cardinal demeure celui de la primauté de l’éducatif, associé au principe de l’adaptation à la personnalité du mineur. La double compétence civile et pénale du juge des enfants n’est pas remise en cause, car elle permet au juge d’avoir une meilleure connaissance du mineur, de sa personnalité et de son environnement familial et socioéducatif, et favorise une meilleure circulation de l’information ainsi qu’un passage plus aisé entre les procédures.

29.M. FILALI dit que la loi du 10 août 2007, qui prévoit d’écarter l’atténuation de peine pour les mineurs de 16 à 18 ans en nouvelle récidive, lui semble contrevenir aux dispositions de la Convention et à l’esprit de l’ordonnance du 2 février 1945, à portée beaucoup plus éducative que répressive.

30.Mme MORANO (France) explique que la France, face à l’augmentation du nombre de mineurs multirécidivistes, s’est vue contrainte de modifier sa législation.

31.M. ALLONSIUS (France) signale que, entre 2002 et 2006, le nombre de condamnations de mineurs pour délits et le nombre de délits d’atteinte à la personne commis par des mineurs ont doublé. L’âge du premier passage à l’acte de délinquance a baissé. La loi du 10 août 2007 a tenu compte des principes fondateurs de l’ordonnance du 2 février 1945: elle a abouti à un aménagement du régime d’atténuation de la responsabilité mais laisse la possibilité au tribunal pour enfants de prononcer à titre principal une mesure ou une sanction éducative. Les peines encourues sont égales à la moitié de celles prévues pour les adultes et la peine plancher n’est pas appliquée s’il existe des garanties d’insertion ou de réinsertion. Lorsque le mineur en est à sa deuxième récidive, il reste possible d’écarter la peine plancher si ces garanties sont exceptionnelles. Ces mineurs sont toujours jugés par une juridiction pour mineurs, dont le président est un juge des enfants professionnel, et dont les deux assesseurs, qui ne sont pas des magistrats professionnels, ont un intérêt professionnel pour les mineurs.

32.Mme VILLARÁN DE LA PUENTE demande un complément d’informations sur le nombre de mesures à caractère socioéducatif qui ont été imposées par les tribunaux. Elle souligne que, dans d’autres pays, ce type de mesures a eu des résultats remarquables et a permis de réduire considérablement la récidive.

33.M. ALLONSIUS (France) répond que la justice pénale française laisse une grande place aux mesures éducatives et indique que les décisions prises en application de la loi du 10 août 2007 représentent moins de 0,5 % de l’ensemble des condamnations prononcées à l’égard des mineurs.

34.Mme MORANO (France) dit que la tradition du châtiment corporel n’existe plus en France depuis très longtemps et que l’arsenal législatif français en la matière est suffisant et ne nécessite pas de modifications.

35.La PRÉSIDENTE demande si, dans le cadre de la campagne sur l’interdiction générale des châtiments corporels lancée par le Conseil de l’Europe, l’État partie envisage de s’engager à déclarer illégaux les châtiments corporels infligés aux enfants.

36.M. CITARELLA (Rapporteur pour la France) dit qu’à sa connaissance la France ne dispose pas d’une législation proscrivant les châtiments corporels dans la famille, à l’école et dans les institutions qui accueillent des enfants.

37.Mme MORANO (France) dit que la France dispose d’une législation complète sur le sujet de la violence à l’encontre des enfants et ne s’est pas engagée à modifier sa législation dans le cadre de la campagne du Conseil de l’Europe, et notamment à interdire la fessée. Le Code pénal sanctionne toutes les violences, même les plus légères, commises à l’encontre d’un mineur par une personne ayant autorité sur ce dernier. Les violences sont aggravées si elles sont commises sur un enfant de moins de 15 ans par le détenteur d’une autorité quelconque ou de manière habituelle. Les peines encourues vont de cinq à dix ans d’emprisonnement et de 75 000 à 150 000 euros d’amende. La France insiste sur la nécessité de combiner en la matière les réponses éducatives et pénales.

38.M. FILALI dit que la Convention a pour objectif d’interdire toute forme de brutalité, ce qui inclut la fessée. Or, il lui semble que la législation française vise avant tout des brutalités plus graves, susceptibles de laisser des traces qui peuvent être médicalement constatées.

39.M. KOTRANE (Rapporteur pour la France) dit que le but de la Convention est de faire comprendre à toutes les sociétés qu’il est interdit d’infliger aux enfants des corrections humiliantes, même si elles ne constituent pas un délit de coups et blessures volontaires, et d’aider les parents à mieux assumer les responsabilités qui sont les leurs à l’égard des enfants.

40.Mme MORANO (France) précise que toutes les formes de brutalité ou de maltraitance, même psychologiques, sont prévues dans la législation française.

41.Mme HERCZOG dit qu’il convient avant tout de s’entendre sur ce que recouvre le terme de «châtiments corporels». Il est généralement très difficile de faire accepter par le public l’interdiction totale des châtiments corporels à l’égard des enfants, mais l’exemple des pays nordiques, en particulier de la Suède, montre qu’il est possible de mettre en œuvre cette interdiction en l’accompagnant d’actions éducatives.

42.Mme MORANO (France) dit que la France est contre toute forme de châtiment corporel et a besoin, non pas de modifier sa législation, mais d’être en mesure de mieux accompagner les parents dans l’éducation des enfants. Ces actions sont menées dans le cadre des Réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents (REAAP).

43.Par ailleurs, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) veille à la protection des enfants à la télévision et à la radio et vérifie notamment la présence, sur les programmes diffusés, des signaux relatifs aux âges recommandés. Un groupe de travail a été chargé d’améliorer l’information sur les risques encourus par les utilisateurs de jeux vidéo, le système PEGI (Pan European Game Information) s’avérant insuffisant.

44.Mme Morano indique que le projet de réforme de l’adoption s’inscrit dans un plan global et vise notamment à offrir une meilleure visibilité sur le nombre d’agréments valables en France chaque année. Les agréments sont valables cinq ans et la réforme prévoit que les familles candidates à l’adoption devront confirmer chaque année leur volonté d’adopter, faute de quoi l’agrément deviendra caduc. En vue d’améliorer les dispositifs de l’adoption et d’organiser l’adoption internationale, le Président de la République a décidé de mettre en place un Comité interministériel pour l’adoption, piloté par le Ministère de la famille. Les dispositifs de l’Agence française de l’adoption (AFA) seront perfectionnés et l’Agence pourra bientôt traiter les procédures d’adoption dans les pays qui n’ont pas signé la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationaleen collaborant avec les ambassades et les réseaux existants dans les pays, dans le respect d’une éthique rigoureuse. Sur le plan national, il est prévu de développer les consultations d’orientation et de conseil en adoption (COCA) − afin de mieux accompagner les parents adoptants et les enfants − et d’organiser des réunions d’information dans les départements.

45.Les autorités françaises comptent par ailleurs développer les adoptions nationales, notamment en favorisant l’adoption d’enfants qui font l’objet d’un placement judiciaire (actuellement au nombre de 23 000) dont certains n’ont qu’un lien très ténu avec leur famille. Ces enfants passent en moyenne six ans de leur vie dans des familles d’accueil successives. Selon les statistiques, 42 % des personnes qui sont ou ont été sans domicile fixe sont passées par les services de la protection de l’enfance. Il est primordial qu’un enfant puisse bénéficier d’une structure familiale stable pour se construire. Il est prévu, à ces fins, de modifier l’article 350 du Code civil pour que le parquet puisse se saisir de la situation de ces enfants. Par ailleurs, en vue de faciliter l’adoption d’enfants «à besoins particuliers» (enfants plus âgés ou atteints d’une maladie ou d’un handicap), Mme Morano a fait modifier le Système d’information pour l’aide à l’adoption de pupilles de l’État afin de le rendre plus précis.

46.Mme ORTIZ s’étonne de ce qu’un grand nombre d’adoptions soient effectuées dans des pays qui n’ont pas signé la Convention de La Haye et de ce que deux tiers de ces adoptions soient des adoptions directes, ce que n’autorise pas la Convention de La Haye. De plus, en autorisant l’AFA à traiter des procédures d’adoption dans les pays non signataires de la Convention de La Haye, l’État partie ne va pas dans le sens des recommandations du Comité, qui tendent à faire diminuer le nombre d’adoptions directes et à favoriser les adoptions réalisées dans le cadre de la Convention de La Haye.

47.M. ZERMATTEN souhaite appeler l’attention de la délégation sur le fait que les enfants qui font l’objet d’un placement judiciaire, et dont l’État partie souhaite rendre l’adoption possible, ont des parents et que tout enfant doit bénéficier du droit de ne pas être séparé de ses parents et du droit d’entretenir des relations durables avec ses deux parents, même si ces relations ne sont pas extrêmement étroites.

48.Mme MORANO (France) dit que la France a avant tout le souci de préserver l’intérêt de l’enfant et que les services sociaux travaillent actuellement à l’établissement d’un référentiel du délaissement parental durable afin qu’il soit possible de construire l’avenir des enfants qui sont en situation d’abandon.

La séance est suspendue à 16 h 40; elle est reprise à 16 h 55.

49.Mme TISSIER (France) dit que le fait qu’un fonctionnaire français soit en charge des questions d’adoption dans une ambassade de France à l’étranger donne aux parents adoptants et aux autorités françaises l’assurance d’avoir des informations sérieuses sur l’enfant à adopter et les réalités locales. De plus, le fait que le fonctionnaire en question soit identifié par les autorités locales comme étant chargé de l’adoption peut notamment permettre d’entamer le dialogue sur la Convention de La Haye.

50.Mme ORTIZ estime qu’il n’est pas souhaitable de nommer au sein des ambassades de France à l’étranger des personnes chargées de l’adoption dans le cadre de la coopération internationale, en ce sens que cette initiative reviendrait à créer une troisième voie en matière d’adoption. Celle-ci s’ajouterait en effet aux démarches d’adoption privées et aux mécanismes mis en place par la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, les seuls qui selon le Comité soient à même de fournir toutes les garanties légales nécessaires à tous les stades de la procédure d’adoption.

51.Mme TISSIER (France) dit que ces différentes voies existant déjà, le Gouvernement français a jugé qu’il n’était pas inutile de les encadrer. En outre, l’adoption − qu’elle soit nationale ou internationale, que l’enfant adopté soit originaire d’un pays ayant ratifié la Convention de La Haye ou non − est régie par une législation stricte. En effet, tous les parents adoptants doivent en premier lieu obtenir l’agrément délivré par les services sociaux compétents, quelle que soit la voie qu’ils aient choisie pour adopter. Enfin, toutes les procédures d’adoption sont examinées par un juge qui veille au respect de toutes les garanties légales.

52.Mme NEULAT BILLARD (France) dit que, pour lutter contre la violence en milieu scolaire, la France s’est dotée d’outils spécifiques de suivi des phénomènes de violence, dont le logiciel Sivis (système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire) qui a été introduit dans un certain nombre d’établissements scolaires représentatifs. Ce logiciel permet de recenser les faits graves commis dans ces établissements ainsi que sur les incivilités qui perturbent la vie scolaire et autres actes de violence dont souffrent au quotidien enseignants et élèves. Cette collecte de données a montré que les actes les plus graves surviennent toujours dans les mêmes établissements, ce qui permettra de mieux cibler les actions correctives.

53.Pour compléter les données en la matière, le Gouvernement a consenti à ce qu’une «enquête de victimisation en milieu scolaire» soit menée, à savoir que, plutôt que d’interroger les directeurs d’écoles, on a demandé aux élèves et aux enseignants d’exposer quel était leur ressenti de la violence. Ce projet est mené à titre expérimental dans une académie et, en fonction des résultats, il pourrait être étendu à d’autres académies afin de mieux cerner ce phénomène à l’échelle nationale.

54.Le Gouvernement français est convaincu que la lutte contre la violence en milieu scolaire passe par la prévention, la lutte contre l’échec scolaire et l’instauration de l’égalité des chances pour tous. Aussi a-t-il publié en 2006 le décret no 830 du 11 juillet 2006 relatif au socle commun de connaissances et de compétences que tout élève doit avoir acquis à la fin de la scolarité obligatoire. Figurent au nombre de ces compétences les compétences sociales et civiques, l’aptitude à prendre des responsabilités, la compréhension de la notion de loi, l’ouverture au dialogue, le respect des idées d’autrui ou encore l’apprentissage de la citoyenneté.

55.La politique de l’éducation menée par le Ministère de l’éducation met l’accent sur la diversification des enseignements et des parcours, qui peuvent être très différents selon les élèves. La lutte contre l’illettrisme est un autre axe essentiel de cette politique, étant donné que 15 % des élèves qui entrent au collège ne maîtrisent pas parfaitement la lecture ni la compréhension de texte, facteur qui engendre aussi beaucoup de violence. La promotion de l’estime de soi, la gestion des conflits et la prévention du tabac, de l’alcool et de la drogue − notamment le cannabis − sont d’autres volets de cette politique gouvernementale visant à endiguer le phénomène de la violence en milieu scolaire. La visite médicale obligatoire préalable à l’entrée au cours préparatoire est en outre l’occasion de repérer en amont les enfants susceptibles de présenter des troubles du comportement et de devenir violents.

56.L’absentéisme étant le premier signal d’alarme indiquant que l’enfant rencontre des difficultés, il est apparu indispensable de repérer au plus vite les absences injustifiées afin d’entamer un dialogue avec les parents et éventuellement de faire appel à une assistante sociale. D’autres dispositifs ont été mis au point pour prendre en charge les enfants en phase de déscolarisation et de désocialisation, comme le «dispositif relais» qui permet de retirer temporairement un élève de sa classe pour le placer au sein d’un petit groupe encadré par des éducateurs spécialisés. Le dispositif «exclusion-inclusion» offre quant à lui aux élèves qui auraient jusqu’à présent été exclus à la suite d’un conseil de discipline la possibilité de se réformer tout en restant au sein de l’établissement scolaire. Un accompagnement éducatif d’aide aux devoirs et des activités sportives et culturelles sont également proposés aux enfants dont les parents ne peuvent pas s’occuper dès la fin des cours à 16 heures. Des activités scolaires ou extrascolaires sont également prévues les jours fériés et les vacances scolaires.

57.Dans le cadre d’accords de partenariat entre le Ministère de l’éducation, le Ministère de l’intérieur et le Ministère de la justice, des gendarmes et des policiers interviennent dans les établissements scolaires en vue de prévenir l’usage de drogues et le racket. Les chefs d’établissements sont quant à eux invités à mettre en place un plan de prévention de la violence en fonction de leur «diagnostic de sécurité», à savoir du degré de violence au sein de leur établissement.

58.Pour lutter contre l’abandon scolaire, 215 quartiers particulièrement exposés à ce risque ont été identifiés dans le cadre de la politique de la ville, l’objectif étant de réduire de 10 %, en l’espace de trois ans, le nombre d’élèves qui abandonnent leurs études. Pour cela, des efforts seront mis en œuvre pour mieux orienter les élèves, de manière à éviter les frustrations et, partant, la violence qui en découle souvent.

59.M. KRAPPMANN demande dans quelle mesure tous ces programmes sont mis en œuvre sur le terrain, et s’il existe des études d’évaluation des résultats qui permettent de déterminer quels outils sont les plus efficaces.

60.M. CITARELLA (Rapporteur pour la France) demande si les droits de l’homme en général, et les droits de l’enfant en particulier, sont enseignés dans les écoles.

61.M. FILALI voudrait savoir en quoi consiste le rôle des policiers et des gendarmes dans les écoles, et s’ils sont notamment chargés de ficher les enfants considérés comme «déviants».

62.Mme NEULAT BILLARD (France) dit que, dans le cadre du socle commun de connaissances et de compétences, les élèves reçoivent une éducation aux droits de l’homme et aux droits de l’enfant, notamment dans les cours d’éducation civique dispensés dans l’enseignement primaire et dans le premier cycle du secondaire. Au lycée, c’est dans le cadre du cours d’éducation civique, juridique et sociale que cette matière est enseignée. Les enfants et les jeunes sont également sensibilisés à ces questions à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant le 20 novembre de chaque année, de la Journée internationale des droits de l’homme le 10 décembre ou encore de la Journée internationale de lutte contre le racisme le 21 mars. En outre, le Prix des droits de l’homme René Cassin récompense chaque année les travaux et les actions réalisés sur les droits de l’homme dans les collèges et les lycées, et des semaines d’éducation contre le racisme visent à impliquer les enfants et les jeunes dans la lutte contre le racisme tout au long de l’année.

63.Les policiers et gendarmes qui interviennent dans les établissements scolaires ont un rôle de prévention. Ils ont pour objectif d’ouvrir le dialogue avec les jeunes et de faire en sorte que les établissements scolaires soient suffisamment paisibles pour être propices à un apprentissage efficace. Il ne leur est absolument pas demandé de ficher les élèves.

64.La «Base élèves 1er degré» a pour objectifs d’assurer la gestion administrative et pédagogique des élèves du premier degré et de piloter l’enseignement du premier degré au niveau académique et national. Son instauration a soulevé une telle polémique qu’à la suite de diverses consultations, notamment avec les fédérations de parents d’élèves, de nombreuses données personnelles en ont été retirées, parmi lesquelles la nationalité et la situation familiale de l’élève, la profession et la catégorie sociale des parents, l’absentéisme ainsi que l’existence de besoins éducatifs spéciaux. Des données personnelles, il ne reste donc quasiment plus que l’identité de l’élève, et ce dispositif très important pour le respect de l’obligation scolaire ne pose désormais plus aucune difficulté.

65.Mme MAURAS PEREZ, notant que le taux de chômage est reparti à la hausse et que les prévisions en termes de croissance sont inquiétantes, voudrait savoir ce que l’État partie fait pour veiller à ce que le nombre d’enfants et d’adolescents victimes de la pauvreté n’augmente pas davantage, sachant que le taux de pauvreté de cette population est déjà supérieur à celui des enfants et des adolescents de la plupart des autres pays industrialisés, et que l’État partie n’a pas mis en place de politique globale de l’enfance, pas plus qu’un plan d’action national, départemental ou territorial dans ce domaine.

66.Mme HERCZOG se félicite que les données personnelles aient été retirées de la «Base élèves 1er degré», mais dit que des données de suivi sur certains groupes de population particulièrement vulnérables sont parfois utiles pour évaluer les politiques mises en œuvre et améliorer la situation desdits groupes. Cela est notamment important pour effectuer le suivi des jeunes délinquants ou repérer les groupes de population plus exposés à l’abandon scolaire que les autres.

67.Mme LIANOIS (France) dit que les budgets sociaux n’ont pas souffert de la crise, le Gouvernement français accordant la priorité à la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales. Dans ce cadre, un accord a été conclu avec la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), qui prévoit une augmentation de 7,5 % du financement des prestations en nature, à savoir des divers modes de garde d’enfants. Les prestations en espèces − les allocations familiales − continuent en outre d’être versées aux familles dans le besoin et le projet de loi de finances 2010 ne prévoit pas de réduction des budgets consacrés aux politiques sociales. La France travaille actuellement à la mise en place du revenu de solidarité active (RSA) pour mieux lutter contre la pauvreté. Il faut savoir que les personnes qui en bénéficieront sont principalement celles qui perçoivent actuellement le revenu minimum d’insertion (RMI) ou l’allocation de parent isolé (API) ainsi que les travailleurs pauvres, à savoir les personnes qui, bien que percevant un salaire, se trouvent au-dessous du seuil de pauvreté. D’après les estimations, le RSA devrait permettre à 700 000 personnes de passer au-dessus de ce seuil.

68.Il est prévu de diversifier à l’avenir les modes de garde d’enfants et de les partager entre établissements d’accueil, assistantes maternelles et autres types de services à la personne. Il n’existe aucune étude sur les retombées négatives des longues journées que les parents français imposent à leurs enfants de passer au sein de ces services de garde. En revanche, les inspecteurs généraux de l’éducation nationale ont abouti à la conclusion que scolariser des enfants âgés de deux ans dans les écoles maternelles a des effets très bénéfiques sur leur socialisation et leur apprentissage de la langue. La France tente en outre de promouvoir un nouveau mode d’accueil, le «jardin d’éveil», afin de répondre aux besoins des enfants de découvrir le monde et permettre aux parents de concilier vie professionnelle et vie de famille.

69.La loi prévoit la possibilité pour les mères qui allaitent leur enfant d’aménager leurs horaires de travail afin de disposer d’une heure par jour pour nourrir leur enfant. Les entreprises de plus de 100 salariés sont tenues de mettre à leur disposition des zones réservées à cet effet sur le lieu de travail.

70.Les adolescents qui ont des problèmes sont accueillis et écoutés par différents types de professionnels dans les maisons départementales des adolescents qui ont été créées dans 77 départements, la plupart du temps au sein même des établissements de santé. C’est la raison pour laquelle les jeunes qui consultent sont souvent encore hospitalisés, souvent après une tentative de suicide. Le plan quinquennal «santé jeunes» annoncé en 2008 par le Ministère de la santé vise à lutter contre les comportements à risques en encourageant ces jeunes à pratiquer une activité sportive pour se sentir mieux.

71.Mme AIDOO estime que la santé des adolescents devrait figurer au nombre des priorités du Gouvernement français et voudrait savoir si les problèmes auxquels sont confrontés les adolescents font l’objet d’études − que ce soit sous l’angle social, culturel, sociologique ou encore psychologique − qui permettraient à l’État partie de mieux cibler ses politiques et stratégies. Les mesures de prévention en place sont-elles suffisantes?

72.Mme HERCZOG aimerait savoir s’il existe des données sur les enfants placés dans des institutions publiques, sachant que les placements ne font pas l’objet d’un examen régulier dans l’État partie et que les enfants d’une même fratrie ne sont pas toujours placés dans les mêmes établissements.

73.Mme TISSIER (France) dit que diverses études sont menées sur les habitudes comportementales des adolescents, en matière de scolarisation et d’addictions entre autres. La question se pose effectivement de savoir si elles sont trop − ou trop peu − nombreuses, si leurs résultats sont exploités de manière pertinente ou non et s’il y a lieu de les améliorer.

74.Les services sociaux responsables des enfants placés s’attachent avant tout à maintenir des liens entre les enfants concernés et leur famille. Les situations menant au placement d’un enfant sont la plupart du temps tellement complexes qu’il ne s’agit plus de maintenir − mais plutôt de rétablir − des liens familiaux entre eux.

75.M. MALON (France) dit que, d’après le fichier national des personnes recherchées que tiennent les services de police et de gendarmerie de toute la France, le nombre de fugues de mineurs est passé de 33 000 en 2002 à 42 000 en 2006, puis à 47 000 en 2008. En 2008, un tiers de ces jeunes fugueurs se sont enfuis du domicile familial tandis que deux tiers d’entre eux se sont échappés d’un établissement de placement; en 2002, par contre, ils étaient aussi nombreux à quitter la maison que leur établissement d’accueil. L’on peut expliquer l’augmentation du nombre d’enfants fuguant des établissements de placement par le fait que la consigne a été donnée aux directeurs de ces établissements de signaler immédiatement toute disparition alors qu’il leur était conseillé auparavant d’attendre vingt‑quatre à quarante‑huit heures pour le faire. De la même façon, les gendarmeries et les commissariats sont désormais tenus d’enregistrer ladite disparition au fichier des personnes recherchées dès lors qu’elle est portée à leur connaissance.

76.Si en 2008 le nombre de mineurs retrouvés était supérieur à celui des mineurs portés disparus, c’est que les services de police et de gendarmerie ont retrouvé cette année-là des jeunes disparus les années précédentes. Ceux qui n’ont jamais été retrouvés représentent une infime minorité et sont souvent issus de familles immigrées, notamment roms, qui changent souvent d’identité et de pays.

77.Le plan «alerte-enlèvement» mis en place en 2006 consiste à faire appel au public pour recueillir des témoignages lorsque les éléments de l’enquête portent à croire que cette démarche a des chances d’aboutir et que l’enfant peut être retrouvé plus facilement de cette façon. Ce dispositif a été déclenché huit fois depuis sa création et a toujours permis de retrouver l’enfant recherché sain et sauf.

78.M. KOTRANE (Rapporteur pour la France) se félicite du débat constructif et fructueux instauré avec la délégation française et dit que les observations finales que le Comité formulera à l’issue de l’examen des troisième et quatrième rapports périodiques de l’État partie refléteront les avancées que la France a enregistrées dans divers domaines. Le Comité encouragera d’ailleurs l’État partie à mieux diffuser ces observations finales à l’échelle du pays et à profiter du vingtième anniversaire de la Convention relative aux droits de l’enfant pour engager un débat national sur les différents thèmes qu’elle aborde.

79.Il est regrettable que beaucoup de lois soient en cours de mise en œuvre et pas encore achevées, s’agissant notamment des enfants isolés et de la justice pour mineurs. Il ne serait pas souhaitable qu’un quelconque recul ne soit observé dans la patrie des droits de l’homme qu’est la France.

80.M. CITARELLA (Rapporteur pour la France) invite l’État partie à mettre en place une politique de l’enfance qui soit globale et complète. Il regrette que les documents fournis n’aient pas permis de se faire une idée précise de la mise en œuvre de la Convention dans les territoires d’outremer et que le débat ait porté exclusivement sur la France métropolitaine. Il invite l’État partie à fournir de plus amples informations, dans son prochain rapport périodique, sur la justice pour mineurs et l’éducation et à revoir sa législation sur la politique de l’immigration, sur les enfants non accompagnés et sur les minorités.

81.Mme TISSIER (France) dit que reprocher à la France de n’avoir déclaré que 11 des 54 articles de la Convention «directement applicables» par les juridictions nationales n’est pas un bon procès, d’autant plus que ce chiffre – qui était de cinq lors de l’examen du rapport précédent − est en progression. Elle précise que les tribunaux ne peuvent déclarer directement applicables que les dispositions très précises d’un instrument international et qu’un traité international ne peut être déclaré d’application directe dans son ensemble. En outre, il faut que les différents articles soient invoqués devant les tribunaux pour que les juridictions puissent se prononcer, ce qui n’a pas forcément été le cas de tous les articles de la Convention. Aussi convient-il de se demander si ce n’est pas seulement une question de temps pour que les autres articles de la Convention soient déclarés d’application directe.

82.La France n’est pas encore prête à retirer la réserve qu’elle a formulée à l’article 30 de la Convention car le Gouvernement français et les organisations de la société civile ne sont pas encore parvenus à s’entendre sur la question de la prohibition de la notion de minorités. Un débat sur cette question a actuellement lieu au niveau national.

83.Mme Tissier déplore le malentendu entre la France et le Comité au sujet des informations relatives aux territoires d’Outremer. La France pensait en effet avoir répondu aux exigences du Comité en lui fournissant en annexe un rapport complémentaire de 80 pages sur cette question, qui ne semble cependant pas lui convenir. Il serait souhaitable qu’à l’avenir le Comité explique plus précisément quel type d’informations il attend du Gouvernement français.

84.Enfin, si le rapport n’est pas suffisamment critique, c’est en particulier parce que de nombreux chantiers sont en cours dans bien des domaines et que, d’une manière générale, seul le recul permet de porter un œil plus critique sur les politiques, programmes et plans d’actions nationaux mis en œuvre.

85.La PRÉSIDENTE dit que le Comité aurait apprécié que les informations fournies sur les territoires d’outremer permettent d’avoir une meilleure vue d’ensemble sur l’application concrète de la Convention dans ces territoires, et que les informations dont elle dispose sont disparates et morcelées.

86. La délégation française se retire.

La séance est levée à 18 h 5.

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