NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l'enfant

Distr.

GÉNÉRALE

CRC/C/SR.675

16 janvier 2001

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT

Vingt-sixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 675ème SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le jeudi 11 janvier 2001, à 10 heures

Présidente : Mme MOKHUANE

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique de l'Éthiopie

______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de l'Éthiopie [CRC/C/70/Add.7; réponses écrites du Gouvernement éthiopien aux questions du Comité (document sans cote distribué en séance, en anglais seulement); liste des points à traiter (CRC/C/Q/ETH/2)]

1.Sur l'invitation de la Présidente, M. Sodano, M. Tadesse, Mme Gutta, M. Mihretu, M. Mengesha et M. Alemu prennent place à la table du Comité.

2.M. SODANO (Éthiopie) souligne que son pays est l'un des plus pauvres du monde, situation qui est le résultat des guerres civiles longues et coûteuses ayant ravagé le pays et de l'action des régimes précédents, caractérisée par une mauvaise planification et une mauvaise gestion économiques et des politiques économiques centralisées. À cela sont venus s'ajouter des facteurs, tels que la dégradation de l'environnement, l'accroissement démographique rapide, des difficultés structurelles ou encore un environnement économique international défavorable.

3.Le Gouvernement a pris des mesures en vue de mettre sa législation en conformité avec les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant et mis en place divers mécanismes en vue de son application. Il a notamment créé le Comité national des droits de l'enfant et des comités des droits de l'enfant dans les régions, les zones et les woreda (districts) ainsi que dans de nombreux kebele (quartiers). Présidé par le Ministre du travail et des affaires sociales, le Comité national rassemble des représentants de plusieurs institutions gouvernementales et est chargé de coordonner les efforts entrepris par le Gouvernement, les ONG et les autres acteurs œuvrant en faveur des droits de l'enfant.

4.La stratégie de mise en œuvre de la Convention définie par le Gouvernement a débouché sur l'adoption de plusieurs mesures concrètes. En collaboration avec les ONG concernées, des enquêtes ont été réalisées sur les enfants en difficulté et sur les pratiques traditionnelles néfastes. Compte tenu de la diversité ethnique et linguistique du pays, la Convention a été traduite en 11 langues locales; à ce propos il convient de saluer l'aide qu'ont apportée les ONG et l'UNICEF, notamment pour l'impression et la distribution du matériel d'information. Depuis 10 ans, le Ministère du travail et des affaires sociales, les ONG et les médias se sont employés à faire connaître au public, en particulier aux jeunes, les principes consacrés par la Convention. Si jusqu'alors, il était tabou d'aborder en public la question des mutilations génitales des femmes, des mariages précoces et des violences sexuelles, des voix s'élèvent de plus en plus souvent contre ces pratiques - ce même dans les zones reculées du pays. Les institutions gouvernementales et les ONG conjuguent en outre leurs efforts pour lutter contre la prostitution et le travail des enfants et des mesures sont prises pour réinsérer les victimes de ces pratiques. Enfin, le Parlement fédéral a promulgué une loi portant création de la Commission des droits de l'homme et du Bureau du Médiateur, institutions qui sont habilitées à recevoir les plaintes et à examiner les violations des droits des enfants.

5.En dépit de ces avancées, des problèmes persistent en Éthiopie, à savoir le manque de structures institutionnelles et de mécanismes de mise en œuvre appropriés, la pénurie de personnel qualifié et l'insuffisance des ressources financières et matérielles indispensables à la mise en place de programmes durables. Les difficultés économiques suscitées par la guerre avec l'Érythrée ont rendu difficile la mise en œuvre effective de la Convention mais l'accord de paix du 18 juin 2000 devrait permettre au Gouvernement éthiopien de rendre pleinement effective à brève échéance la Convention relative aux droits de l'enfant.

6.Mme OUEDRAOGO constate que le rapport de l'Éthiopie a été rédigé conformément aux directives établies par le Comité en la matière. Les plans d'action, les études et les recherches décrits dans le rapport témoignent de la volonté du Gouvernement d'améliorer la mise en œuvre de la Convention. Toutefois, il semble que peu de progrès aient été enregistrés depuis l'examen du rapport initial et que les recommandations formulées par le Comité à l'issue de cet examen n'aient pas été pleinement prises en considération. On peut toutefois saluer l'objectivité du rapport, qui, dans sa conclusion, fait état des faiblesses dans la mise en œuvre de la Convention, preuve que le Gouvernement souhaite aller de l'avant.

7.Le Gouvernement éthiopien indique avoir mis en place un programme de développement quinquennal pour lutter contre la pauvreté mais a-t-il procédé à une évaluation préliminaire de ce programme et de ses répercussions sur les enfants ? La délégation pourrait-elle également donner des informations plus précises sur les résultats des diverses initiatives lancées dans le cadre du Jubilé 2000 pour lutter contre la pauvreté ? Il serait en outre intéressant de savoir si la réunion des organisations internationales qui travaillent dans le pays préconisée par le Comité a eu lieu et, dans l'affirmative, à quoi elle a abouti. Dans sa liste des points à traiter, le Comité demandait au Gouvernement de fournir un complément d'information sur le contenu du plan national d'action en faveur des femmes et des enfants et sur sa mise en œuvre, ainsi que le texte de la politique nationale en matière de VIH/sida. Dans ses réponses, le Gouvernement a signalé ne pas être en mesure de le faire, faute de moyens. On ne peut que le regretter, car si le plan d'action et la politique ont été mis en œuvre, le Gouvernement doit disposer d'informations utiles. Quelles mesures ont été prises pour lutter contre le VIH/sida depuis 1998 ?

8.Mme Ouedraogo se félicite de l'adoption par la Chambre des représentants du peuple, en juillet 2000, des textes portant création de la Commission des droits de l'homme et du Bureau du Médiateur. Elle souhaite savoir comment l'État Partie envisage de faire connaître ces institutions à la population pour que les personnes lésées puissent y avoir recours. Ces institutions sont-elles dotées de services spécialement destinés aux enfants ? Dans l'affirmative, quels sont-ils ? Comment fonctionnent-ils ? Quel type d'aide est prévu pour les enfants ? Comment les enfants sont-ils informés de l'existence de ces services ? Enfin, elle souhaite savoir si le Comité directeur national mentionné dans le rapport et qui devait rassembler des représentants de plusieurs institutions gouvernementales, d'organismes des Nations Unies et ONG a effectivement vu le jour. Existe-t-il une coordination entre les divers organes chargés des droits de l'homme ?

9.Elle demande si le nouveau code de la famille, en cours d'examen par le Parlement, comportera une disposition interdisant le mariage forcé et si les objectifs des programmes de protection des jeunes délinquants, notamment des enfants privés de liberté, ont été atteints malgré les difficultés financières auxquelles se heurte l'État partie. La délégation éthiopienne pourrait en outre préciser si dans ce nouveau code il est tenu compte des préoccupations exprimées par le Comité, si la directive du Ministère de l'éducation nationale interdisant les châtiments corporels à l'école est appliquée et s'il est envisagé d'adopter un texte législatif interdisant aux parents d'infliger ce type de châtiments à leurs enfants

10.S'agissant des campagnes d'information menées pour faire connaître les droits de l'enfant, le Gouvernement a-t-il évalué leur impact vu que seule une infime partie de la population possèdent un poste de radio ou de télévision ou a les moyens d'acheter un journal, sans parler du taux très élevé d'analphabétisme ? Pour surmonter ces obstacles, a-t-il eu recours à des méthodes traditionnelles de transmission de l'information ? Les enseignants reçoivent‑ils une formation dans le domaine des droits de l'enfant et la Convention est‑elle enseignée dans les écoles ?

11.Il serait intéressant de savoir si l'État partie envisage de simplifier la procédure d'enregistrement des ONG et si des mesures ont été prises pour coordonner l'action des différentes organisations internationales travaillant dans le pays ainsi que les différentes activités menées dans le cadre du plan national d'action en faveur des femmes et des enfants.

12.Mme RILANTONO demande si l'Éthiopie a entrepris de diffuser la Convention depuis l'examen de son rapport initial, conformément à la recommandation du Comité à ce sujet. Dans l'affirmative, quel accueil lui a réservé la population ? Elle constate que si l'Éthiopie s'est efforcée d'aligner sa législation sur la Convention, elle doit encore veiller à ce que les lois soient appliquées. Or, dans ce domaine, beaucoup reste à faire : la loi sur l'enregistrement des naissances, par exemple, a été adoptée il y a plus de 40 ans mais n'a toujours pas été suivie d'effets. Que fait l'Éthiopie pour remédier au fait que la culture et les traditions vont manifestement à l'encontre du respect des droits de l'enfant et priment sur le droit civil ou pénal ? L'Éthiopie a-t-elle envisagé de s'adresser à la Banque mondiale ou à d'autres institutions financières internationales pour assurer le financement de son programme d'élimination de la pauvreté et remédier au manque de ressources qui entrave l'application de la Convention malgré la mise en place de diverses institutions et mécanismes de coordination à cet effet ? Si le travail des enfants semble être une réalité incontournable, l'Éthiopie pourrait cependant accélérer le processus de ratification de la Convention No 182 de l'OIT sur les pires formes de travail des enfants afin de leur garantir un minimum de protection.

13.M. DOEK note avec satisfaction que le Gouvernement éthiopien a entrepris des efforts pour faire connaître les principes consacrés par la Convention et en favoriser la mise en œuvre mais souligne que l'action de sensibilisation et de diffusion devrait s'accompagner de programmes de formation spécialement destinés aux personnes qui de par leur profession sont en relation avec les enfants. La question de la formation a du reste fait l'objet d'une recommandation du Comité à l'issue de l'examen du précédent rapport. Quelles mesures l'Éthiopie a-t-elle prises dans ce domaine ? En ce qui concerne la collecte de données, il serait souhaitable de savoir si les nombreuses études signalées dans le rapport ont donné lieu à l'établissement de données désagrégées utilisables à des fins d'analyse statistique. Enfin, la délégation peut‑elle donner des informations plus précises sur la nouvelle loi sur la famille, notamment en ce qui concerne l'âge minimum du mariage, et les dispositions prévues en cas de viol.

14.M. FULCI demande combien d'ONG s'occupant des droits de l'homme en général et des droits de l'enfant en particulier sont enregistrées en Éthiopie. En juillet 2000, le Parlement a adopté une loi portant création d'une commission des droits de l'homme et d'un poste de médiateur et il serait intéressant de savoir quand ces deux institutions seront opérationnelles et s'il est envisagé de créer un poste de médiateur pour l'enfance. La délégation éthiopienne pourrait en outre indiquer quelles mesures sont prises pour lutter contre la pratique consistant à marier de très jeunes filles, n'ayant parfois que 9 ans, à des hommes beaucoup plus âgés qu'elles.

15.M. RABAH demande si les pouvoirs publics essaient d'associer les dirigeants tribaux et religieux à la lutte contre les coutumes contraires aux dispositions de la Convention. Quel est le rôle joué par les ONG qui s'occupent des droits de l'enfant et comment sont coordonnées leurs activités respectives ? Enfin, la délégation éthiopienne pourrait indiquer si le Gouvernement entend relever l'âge de la responsabilité pénale, qui n'est que de 9 ans.

16.Mme KARP demande si le plan national d'action en faveur des femmes et des enfants est mis en œuvre progressivement dans tout le pays, notamment dans les régions reculées et dans l'est du pays où la situation des enfants est la pire. Il serait intéressant à cet égard de savoir si des objectifs prioritaires ont été fixés dans le cadre du plan d'action.

17.Il serait également utile de savoir si des campagnes d'information sont organisées pour faire comprendre aux parents, aux enseignants et à la société dans son ensemble que les enfants sont titulaires de droits et ce qu'implique le respect de ces droits dans la vie quotidienne. Les dirigeants tribaux et religieux sont-ils associés à ces efforts d'information ?

18.Mme TIGERSTEDT-TÄHTELÄ invite la délégation éthiopienne à préciser quels sont le rôle, le mandat, le mode de financement et les priorités des différents mécanismes nationaux et régionaux conçus pour mettre en œuvre la Convention et mentionnés dans les réponses écrites. Elle souhaiterait en outre savoir pourquoi la part du budget de l'État consacrée aux dépenses de santé est revenue de 6 % en 1996/1997 à 5,3 % en 1998/1999 et quel pourcentage de ce budget va à l'éducation. À ce sujet, il est regrettable que l'Éthiopie semble négliger les dépenses sociales au profit des dépenses militaires.

La séance est levée à 11 h 10; elle est reprise à 11 h 30.

19.M. SODANO (Éthiopie) dit qu'il est prévu de procéder à l'évaluation des retombées du plan national d'action en faveur des femmes et des enfants, en cours d'exécution, et que les résultats de cette évaluation seront communiqués au Comité. Le rôle, les responsabilités et les ressources des institutions gouvernementales chargées de sa mise en œuvre sont bien définis et un comité directeur national assure la coordination des diverses actions menées dans ce cadre.

20.Si les dépenses militaires ont absorbé une part importante du budget de l'État au cours des trois dernières années, c'est parce que l'Éthiopie a été victime d'une agression et a dû défendre son intégrité territoriale. L'Éthiopie n'a toutefois qu'un seul ennemi en fait, la pauvreté, et entend faire son possible pour l'atténuer comme elle le faisait avant le conflit, lorsque le taux de croissance économique oscillait entre 6 et 7 %.

21.Les crédits alloués aux secteurs de l'éducation et de la santé sont en augmentation depuis quelques années, au bénéfice direct des enfants. De nombreuses écoles primaires ont été construites au cours de la dernière décennie et l'enseignement primaire sera bientôt gratuit pour tous. La stratégie adoptée par le Gouvernement en matière de santé est essentiellement préventive. Des centres de soins de santé primaires et des hôpitaux sont en cours de construction et les professionnels de la santé bénéficient de la formation nécessaire. L'accès à l'eau potable pour tous les enfants, qui compte parmi les objectifs prioritaires du Gouvernement, sera bientôt une réalité. L'État fédéral consacre des ressources importantes aux régions les plus défavorisées du pays.

22.Mme GUTTA (Éthiopie) indique que le Gouvernement met en œuvre divers programmes de lutte contre la pauvreté, en collaboration avec des organisations internationales, notamment des programmes générateurs de revenu en faveur des familles pauvres afin de leur permettre de subvenir aux besoins de leurs enfants. Les activités en faveur de l'enfance donnent lieu à une coordination régulière entre tous les acteurs intéressés, notamment les institutions gouvernementales, les organisations religieuses et les organisations internationales, en particulier l'UNICEF et l'OIT, et l'ONG Save the Children Alliance.

23.En collaboration avec diverses organisations, des activités de formation sont organisées à tous les échelons à l'intention des personnes qui s'occupent des enfants victimes d'exploitation sexuelle, de maltraitance, d'exploitation économique ou encore des enfants de la rue. Les observations et recommandations du Comité ont été largement diffusées et ont été examinées par toutes les personnes qui travaillent avec des enfants. Les ONG et les organisations religieuses collaborent activement avec les instances gouvernementales à la mise en œuvre de la Convention. La Convention No 182 de l'OIT sur les pires formes de travail des enfants est en cours de ratification.

24.Le Gouvernement a mis en route un plan d'action visant à réactiver les comités régionaux pour les droits de l'enfant; ses résultats seront présentés dans le rapport suivant. Les ONG, dont l'enregistrement est régi par de nouvelles directives, et les travailleurs sociaux œuvrant sur le terrain bénéficient de cours de formation. Un système de base de données statistiques sera en outre mis en place sous peu dans le pays.

25.Le Ministre de l'éducation s'emploie à diffuser la Convention dans l'ensemble de l'appareil éducatif, en veillant notamment à ce que ses principes soient intégrés dans les programmes scolaires et que les enseignants suivent des cours de formation aux droits de l'enfant. Les familles sont quant à elles sensibilisées par l'intermédiaire des enfants.

26.M. TADESSE (Éthiopie) précise que la création d'une commission des droits de l'homme et d'un poste de médiateur en juillet 2000 a été précédée d'un débat très animé auquel ont participé des juristes et des membres de la société civile ainsi que des experts internationaux. Deux autres postes vont être créés : un de commissaire adjoint et un de médiateur adjoint aux droits de l'enfant. Le Commissaire aux droits de l'homme et le Médiateur, qui n'ont pas encore été nommés, seront aussi chargés de vérifier la compatibilité des décisions gouvernementales avec la législation en vigueur. Le Gouvernement éthiopien s'efforce de faire connaître leurs droits constitutionnels aux citoyens mais ce n'est pas chose aisée car la majeure partie de la population n'a accès ni aux journaux ni à la radio. Toute recommandation de la part du Comité concernant les moyens de diffusion de la Convention parmi la population sera la bienvenue.

27.Le nouveau code de la famille sera appliqué au niveau des régions par les tribunaux aux affaires familiales. Ce texte consacre tous les principes énoncés dans la Convention. En particulier, l'âge minimum du consentement au mariage a été porté à 18 ans. Toute personne ayant connaissance du mariage d'une jeune fille de moins de 18 ans sera autorisée à en demander l'annulation. Parallèlement à l'adoption de ces mesures juridiques, le Gouvernement s'emploie à sensibiliser l'ensemble de la population au caractère préjudiciable des mariages précoces. L'âge de la responsabilité pénale reste fixé à 9 ans. Le sentiment général de la population étant que cette limite d'âge devrait être relevée, le législateur pourrait envisager cette possibilité dans le cadre de l'élaboration du nouveau code pénal. Le Code pénal en vigueur contient encore certaines dispositions autorisant le recours aux châtiments corporels mais la Constitution les interdit en revanche expressément et l'ensemble de la population est favorable à l'interdiction de cette forme de sanction. Le nouveau code pénal pourrait contenir des dispositions dans ce sens. Les coutumes et pratiques traditionnelles incompatibles avec la Constitution et le Code pénal sont en principe prohibées.

28.L'enregistrement des naissances, qui n'existait pas jusqu'alors en Éthiopie, est prévu par le nouveau Code de la famille. Certaines régions se sont déjà dotées des services nécessaires. Le non-enregistrement des naissances nuirait effectivement à l'application de nombreuses dispositions nouvelles, notamment celles qui concernent l'âge minimum du mariage.

29.M. MIHRETU (Éthiopie) souligne que le Gouvernement a pris des mesures tendant à améliorer le statut des ONG, lequel relève du Code civil. Des informations plus précises sur les ONG œuvrant à la protection des droits de l'enfant en Éthiopie seront communiquées ultérieurement au Comité.

30.Mme OUEDRAOGO aimerait avoir des précisions sur le degré d'indépendance de la Commission des droits de l'homme et du Médiateur qu'il est prévu d'instituer. Constatant que le rapport ne traite pas des principes généraux alors que le Comité avait exprimé des préoccupations sur ce point à l'issue de l'examen du précédent rapport, elle demande ce qui a été entrepris pour mieux prendre en compte ces principes, notamment le respect de l'opinion de l'enfant.

31.La clause de non‑discrimination figurant dans la Constitution ne vise pas expressément la discrimination fondée sur un handicap alors même que les handicapés sont traditionnellement victimes d'attitudes qu'il convient de corriger. De même, la population d'origine érythréenne subit depuis la guerre de nombreux actes discriminatoires, tels que des expulsions, et il serait donc utile de savoir ce qui est fait en particulier pour protéger les enfants de ce groupe de population. Le système fédéral lui‑même, dans la mesure où il se fonde sur un découpage ethnique, semble d'ailleurs être source de discrimination dans certaines régions. La discrimination fondée sur le sexe, qui résulte d'une longue tradition, est‑elle aussi préoccupante. A‑t‑on évalué l'impact des programmes mis en place pour améliorer la situation des femmes et des fillettes ?

32.Mme Ouedraogo aimerait savoir quels problèmes rencontre le Ministère du travail et des affaires sociales dans l'action qu'il mène pour encourager la participation des enfants. Une autre initiative encourageante et qu'il faudrait renouveler – voire institutionnaliser avec la création d'un parlement pour enfants – a été la participation d'enfants à une rencontre avec les autorités, en juin 1996. La déclaration signée par les enfants à cette occasion a‑t‑elle fait l'objet d'une large publicité et a‑t‑on donné une suite aux recommandations qui y avaient été faites, notamment s'agissant de la réinsertion des familles déplacées par la guerre ?

33.M. DOEK, rappelant que les avortements clandestins pratiqués dans de mauvaises conditions représentent une des principales causes de mortalité maternelle, demande ce que fait l'État partie pour protéger le droit à la vie des femmes concernées. La Constitution interdit certes sans ambiguïté la discrimination fondée sur le sexe mais d'autres textes législatifs semblent moins clairs. Ainsi, certaines pratiques sociales faisant obstacle à l'ouverture de poursuites judiciaires à l'encontre des violeurs persisteraient et la violence conjugale ne serait pas considérée comme un motif de divorce. Il serait intéressant de savoir si les nouvelles dispositions du droit à la famille participent d'une conception plus égalitaire des femmes. Les filles continuent en outre à être victimes des mutilations génitales; les programmes de sensibilisation en la matière semblent donc ne pas avoir donné de résultats et la délégation pourrait dès lors indiquer si le Gouvernement envisage de recourir à d'autres moyens d'action.

34.Certaines organisations de lutte contre la torture ont dénoncé une disposition en vertu de laquelle la police peut très facilement placer les enfants de la rue en garde à vue, ce qui les exposent au risque de subir différentes forme de violence. Qu'a‑t‑on fait pour éviter les placements prolongés en garde à vue ?

35.S'agissant de la protection de la famille, force est de constater que l'exode rural se traduit par un affaiblissement du rôle de la famille élargie alors que le code civil est encore fondé sur ce rôle - ce qui dans la pratique le rend inapplicable et ne va pas sans poser de problème en cas d'abandon d'enfants ou de décès des parents. Quelles mesures spécifiques l'État prend‑il pour assurer une protection de remplacement dans pareils cas ? Enfin quelle est la politique de l'État partie en matière de réunification familiale ? Il convient de signaler à ce propos que la question de la liste des points à traiter portant sur les droits des enfants déplacés et réfugiés est restée sans réponse.

36.Mme KARP se félicite de l'introduction dans la Constitution d'une disposition interdisant les châtiments corporels à l'école mais regrette qu'elle ne vise pas également les violences au sein de la famille. La décision d'exclure les violences familiales de son champ d'application a-t-elle été prise à l'issue d'un débat ou bien s'agit-il d'un oubli ? En tout état de cause, comment assure‑t‑on la protection des enfants au sein du foyer, conformément à l'article 19 de la Convention ? Certaines dispositions du Code pénal contraires à la Constitution subsistent dans ce domaine et le législateur devrait impérativement les éliminer pour adresser un message clair à la population. Qu'est‑il fait en pratique pour donner effet à l'interdiction des châtiments corporels à l'école ? Par quelles voies les victimes peuvent‑elles porter plainte ? Les procédures sont‑elles pénales ou disciplinaires, et sont‑elles rapides ? Dispose‑t‑on de statistiques sur le nombre de plaintes déposées ?

37.Le mariage forcé est une autre pratique répandue particulièrement préoccupante et là encore, le message du législateur n'est pas clair. Ainsi, la disposition en vertu de laquelle un viol n'est pas une infraction si le violeur épouse la victime, loin de protéger cette dernière, encourage les enlèvements en vue d'un mariage. La prise en considération du point de vue de la victime fait‑elle l'objet d'un débat dans l'État partie et envisage‑t‑on de supprimer cette disposition ? Pourquoi la proposition visant à légaliser l'avortement en cas de grossesse résultant d'un viol ou d'un inceste n'a‑t‑elle pas été acceptée, et envisage‑t‑on de la soumettre à nouveau au Parlement ? De même, pourquoi l'inceste n'est‑il pas érigé en infraction pénale malgré sa gravité extrême ?

38.La législation est également insuffisante dans le domaine de la protection des victimes d'abus car il n'est toujours pas prévu de protection du plaignant pendant les enquêtes de police ou les témoignages devant un tribunal. Enfin, a-t-on mis en place des centres destinés à fournir aux jeunes - dans le respect de leur vie privée - des informations sur la planification familiale ?

39.M. FULCI demande s'il est vrai qu'aucun mécanisme n'a été mis en place pour donner effet à la loi de 1994 contre la discrimination à l'égard des handicapés et que rien n'a été fait pour faciliter l'accès de ces personnes aux bâtiments. La délégation pourrait-elle en outre indiquer si le nombre des handicapés, estimé à 1 million en 1994, a considérablement augmenté du fait du conflit armé, et préciser quelles mesures concrètes ont été prises pour promouvoir l'accès de ces personnes au monde du travail et l'intégration sociale des enfants handicapés.

40.Mme TIGERSTEDT‑TÄHTELÄ, rappelant que lors de l'examen de son précédent rapport, le Comité avait recommandé à l'Éthiopie de déployer davantage d'efforts pour assurer la participation de l'enfant à tous les niveaux et le respect de ses opinions, aimerait que la délégation indique si les enfants sont généralement considérés comme ayant le droit de s'exprimer au sein de la famille ou à l'école. Les enfants ont‑ils en outre le droit de créer leurs propres ONG et, si tel est le cas, sont‑ils soutenus en cela par le Gouvernement ?

41.Mme RILANTONO aimerait‑elle aussi savoir si la liberté d'expression des enfants fait ou non partie de la culture éthiopienne. Elle souhaiterait en outre des précisions sur les types d'infrastructures ayant bénéficié d'une enveloppe budgétaire accrue. Enfin, très préoccupée par les informations émanant de sources extérieures selon lesquelles la violence familiale et le viol conjugal seraient des phénomènes assez répandus, elle demande de quels recours et structures disposent les femmes victimes de pareilles violences et dans quelle mesure elles peuvent poursuivre le coupable en justice.

La séance est levée à 13 heures.

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