NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.10486 juin 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trente‑neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1048e SÉANCE*

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 1er juin 2005, à 10 heures

Président: M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Troisième rapport périodique du Yémen

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique du Yémen (CRC/C/129/Add.2; HRI/CORE/1/Add.115 (document de base);CRC/C/Q/YEM/3 (liste des points à traiter); CRC/C/RESP/82 (réponses écrites de l’État partie, en arabe et anglais))

1. Sur l’invitation du Président, la délégation du Yémen prend place à la table du Comité.

2.Mme ALJAIFI (Yémen) dit que tous les ministères concernés par les questions relatives à l’enfance ainsi que des ONG œuvrant dans ce domaine et la société civile ont été consultés dans le cadre de l’élaboration du rapport à l’examen.

3.Aux fins de la mise en œuvre de la Convention, le Gouvernement s’est employé à élaborer et à adopter des politiques et des stratégies globales et sectorielles dans le domaine des droits de l’enfant, parmi lesquelles la Stratégie nationale en matière de population pour la période 2001‑2025, la Stratégie nationale pour la protection des enfants en difficulté − élaborée avec l’appui de l’UNICEF, de la Banque mondiale et du Fonds de développement social −, la Stratégie nationale en faveur des mères et des enfants pour la période 2003‑2013, la Stratégie nationale pour le développement de l’enseignement de base pour la période 2000-2015, la Stratégie nationale de lutte contre le travail des enfants, la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté pour la période 2003‑2015, la Stratégie nationale pour l’éducation des filles ou encore la Stratégie d’alphabétisation et d’éducation des adultes.

4.Toutes ces stratégies ont amené le Yémen à adopter, après consultation des divers ministères et organismes compétents dans le domaine de l’enfance, un certain nombre de textes législatifs, dont les principaux sont la loi no 45 de 2002 sur les droits de l’enfant, la loi no 2 de 2002 qui porte création du Fonds de protection et de réinsertion des personnes handicapées, le décret no 18 de 2002 du Conseil des ministres portant réglementation de la promotion et de la protection de l’allaitement maternel, le décret républicain no 38 de 2000 relatif à l’application de la loi sur la protection des mineurs ou encore le décret du Conseil suprême de la magistrature qui porte création de plusieurs tribunaux pour enfants dans les gouvernorats. En outre, le Ministère de l’éducation s’attache actuellement à définir des mesures de lutte contre les châtiments corporels à l’école et le Ministère du travail à répertorier les types d’emplois qui ne conviennent pas aux personnes de moins de 18 ans. En mai 2005, le Conseil supérieur de la protection de la mère et de l’enfant a entamé un travail d’harmonisation et de modernisation de la législation relative à l’enfance de manière à la rendre conforme aux dispositions de la Convention.

5.Concrètement, des tribunaux pour mineurs ont été mis en place dans les gouvernorats, des centres de réadaptation sociale ont été fondés pour accueillir les enfants des rues, les enfants qui ont abandonné leurs études ou encore les enfants qui travaillent, et de nouveaux établissements devraient être ouverts prochainement, en collaboration avec l’UNICEF, pour prendre en charge les mineurs entrés illégalement sur le territoire yéménite. Les enfants handicapés et les enfants ayant besoin d’une protection spéciale bénéficient quant à eux de programmes de formation professionnelle et d’un suivi psychosocial. Un réseau regroupant des organismes publics et des ONG a en outre été instauré au niveau national pour coordonner les efforts déployés pour combattre la violence à l’égard des enfants.

6.Le Ministère de la santé a pour sa part mis en œuvre des programmes nationaux de lutte contre le paludisme, la tuberculose, le sida et les maladies sexuellement transmissibles (MST), ainsi que des programmes de santé mentale et de nutrition et s’est donné pour objectif d’améliorer la couverture vaccinale grâce au Programme élargi de vaccination.

7.Compte tenu de la nécessité urgente de recueillir des informations et des données sur les enfants et leurs droits fondamentaux, le Conseil supérieur de la protection de la mère et de l’enfant travaille à l’élaboration d’une base de données sur la maternité et l’enfance, qui lui permettra de disposer de tous les indicateurs nécessaires au suivi de la mise en œuvre de la Convention.

8.Dans le domaine de l’éducation et de l’alphabétisation, les familles pauvres reçoivent une aide financière à la scolarisation de leur enfant, et des programmes ont été mis en place pour la prise en charge des enfants surdoués. Les mineurs sont en outre invités à participer à la vie du pays, par l’intermédiaire notamment du Parlement des enfants, au sein duquel les adolescents, y compris ceux qui travaillent, peuvent se faire entendre.

9.Le Gouvernement yéménite se heurte à un certain nombre d’obstacles qui entravent l’application de la Convention, parmi lesquels les faiblesses structurelles de divers mécanismes qui œuvrent à la protection des droits de l’enfant, l’insuffisance de l’assistance fournie par les organisations nationales, régionales et internationales aux fins de la mise en œuvre des politiques de l’enfance, l’absence d’un système d’information et d’indicateurs statistiques permettant de vérifier si les enfants peuvent exercer leurs droits, l’incapacité des médias et des institutions culturelles, sociales et éducatives à proposer des programmes appropriés de sensibilisation aux droits de l’enfant, les difficultés économiques actuelles du pays et enfin la grande proportion d’enfants qui travaillent au lieu d’aller à l’école.

10.M. KRAPPMAN relève avec satisfaction les avancées enregistrées par l’État partie dans la mise en œuvre de la Convention, notamment la reconstitution, en 1999, du Conseil supérieur de la protection de la mère et de l’enfant, la mise en place par plusieurs ministères d’un département chargé des questions relatives aux femmes et aux enfants, l’adoption de la loi sur les droits de l’enfant en 2002, la création de tribunaux pour mineurs et les divers programmes et stratégies relatifs à l’éducation, la réduction de la pauvreté et la lutte contre la maladie.

11.L’action du Yémen en faveur de l’enfance est toutefois freinée par divers facteurs, dont la pauvreté, l’insuffisance des crédits budgétaires affectés aux politiques de l’enfance, les stéréotypes d’un autre temps sur les enfants qui persistent dans de nombreuses régions du pays et l’absence d’un mécanisme de surveillance de l’application des lois pertinentes.

12.Pour analyser l’évolution des crédits budgétaires consacrés à la santé, à la protection sociale et à l’éducation, il faudrait savoir si l’État partie a tenu compte dans ses calculs de l’inflation et de la croissance démographique. Il faudrait aussi savoir si les divers programmes et projets en faveur de l’enfance et de l’adolescence ont été dotés de ressources humaines et financières suffisantes, si un calendrier est prévu pour leur mise en œuvre et si des mécanismes ont été mis en place pour en suivre l’avancement et en évaluer les résultats. À cet égard, la délégation pourrait indiquer si les résultats de la Stratégie nationale en faveur des mères et des enfants pour la période 1997‑2002 ont été évalués et, dans l’affirmative, comment ces indications précieuses ont été utilisées.

13.Le délégation pourrait en outre expliquer pourquoi l’État partie met en œuvre concomitamment le Plan national d’action 2006‑2010 et la Stratégie nationale couvrant la période 2005‑2015 et indiquer s’ils ont des objectifs différents, comment ils sont coordonnés et s’ils intègrent les objectifs des autres stratégies et mesures mentionnées dans le rapport et les réponses écrites.

14.La délégation pourrait aussi donner son point de vue sur la question de la corruption, qui semble très répandue dans l’État partie et a pour effet de décourager les donateurs et d’ébranler la confiance de la communauté internationale, ce qui prive l’État partie de leur soutien financier et de leur coopération.

15.Un complément d’information sur la définition de l’enfant, notamment sur l’âge de la majorité, serait le bienvenu car, en vertu de l’article 2 de la loi no 45 de 2002 sur les droits de l’enfant, un enfant s’entend de «tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt», tandis qu’en vertu du Code civil, l’âge de la majorité légale est de 15 ans. Il serait également intéressant de savoir à partir de quel âge un enfant peut être déclaré adulte sur décision de justice en application de l’article 67 de ladite loi.

16.Des efforts supplémentaires s’imposent pour faire connaître la Convention, notamment des campagnes de sensibilisation, des formations à l’intention des groupes professionnels travaillant avec des enfants et la mobilisation des médias et des faiseurs d’opinion.

17.Il serait intéressant de savoir comment l’État procède pour faire connaître à tous la conception de l’enfant inscrite dans la Convention et à quels obstacles il se heurte. Le Conseil supérieur de la protection de la mère et de l’enfant pourrait analyser ces obstacles en vue de les surmonter. À ce propos, il conviendrait de savoir si cet organisme se réunit régulièrement et dispose du personnel et des ressources financières nécessaires pour travailler de sa propre initiative. La société civile, représentée par des ONG dans cette instance, ne semble y jouer qu’un rôle marginal, alors qu’une coopération plus étroite avec elle serait d’un grand secours pour éliminer les stéréotypes sur les enfants qui sont encore répandus dans une frange importante de la société yéménite.

18.La délégation pourrait en outre indiquer comment les observations finales du Comité sont portées à la connaissance de la population et qui en assure le suivi.

19.M. KOTRANE note que la loi sur les droits de l’enfant de 2002 est controversée, notamment parce qu’elle énonce la façon dont les textes sont applicables aux enfants plus qu’elle ne consacre l’enfant en tant que sujet de droit. Dans les réponses écrites, il est indiqué que la loi sur le bien-être des enfants a déjà été invoquée en justice mais ladite loi n’est pas compatible avec la Convention et il serait donc utile que la délégation expose les mesures prises pour donner la priorité à la Convention sur les lois locales ainsi que le degré d’avancement du travail de révision de la législation interne entrepris pour la mettre en conformité avec la Convention. Il est à souhaiter que ce travail de révision se fera compte dûment tenu des observations finales formulées par le Comité.

20.Il existe au Yémen une tendance à créer sans cesse de nouvelles institutions nationales puis à les restructurer ainsi qu’à multiplier les stratégies, sans que la coordination entre elles ne soit bien claire. Il serait plus judicieux de ne créer qu’un comité responsable de la question des droits de l’enfant, en s’assurant qu’il est conforme aux Principes de Paris et en le dotant des moyens humains et financiers nécessaires, et d’adopter une stratégie unique, en la mettant dans la droite ligne des conclusions de la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée aux enfants (mai 2002).

21.L’âge de la majorité et celui de la responsabilité pénale sont à revoir, de même que l’âge d’admission à l’emploi, incompatible avec la Convention no 138 de l’OIT. Il est rassurant de lire que l’article 6 de la loi sur les droits de l’enfant énonce que l’intérêt de l’enfant doit primer mais d’autres dispositions du même texte contredisent ce principe, en introduisant par exemple des considérations religieuses dans des questions de garde de l’enfant, pour lesquelles seul l’intérêt de l’enfant devrait être pris en compte.

22.Mme KHATTAB demande siun budget et un plan de travail sont associés aux diverses stratégies adoptées, dont la Stratégie nationale en faveur des mères et des enfants, et si le Conseil supérieur de la protection de la mère et de l’enfant est également responsable de la protection des adolescents. Elle aimerait savoir quelle instance est chargée de la mise en œuvre de la Stratégie pour la scolarisation des filles, qui revêt une grande importance puisque le Yémen est le pays du monde où le taux d’analphabétisme des filles est le plus élevé, et si les partenaires éventuels − parmi lesquels des donateurs internationaux − ont un droit de regard sur les actions menées. Comme dans tous les pays arabes, les bases de données sont insuffisantes, ce qui rend la tâche difficile à ceux qui essaient de saisir la situation sur le terrain.

23.Elle fait observer que des modifications dans les programmes scolaires et des accords avec les médias pourraient contribuer à faire évoluer la perception de l’image de l’enfant, plus particulièrement de la fillette, dans la société yéménite. Le mariage des filles est actuellement possible à partir de 15 ans, selon les textes, mais parfois dès 12 ans dans les faits; l’âge nubile devrait être relevé à 18 ans.

24.Mme OUEDRAOGO note avec satisfaction que les autorités compétentes recourent aux médias pour sensibiliser les familles et la société aux risques liés au non‑enregistrement des naissances. Le Comité a toutefois reçu des informations selon lesquelles tous les enfants ne sont pas enregistrés et les campagnes de sensibilisation, qui ont donc leurs limites, doivent être complétées par des mesures tendant à enregistrer les enfants qui ne l’ont pas été dans les délais et à faciliter les procédures. Il est indiqué dans le rapport que les enfants trouvés doivent être remis à un organisme de protection sociale ou à un foyer pour enfants, mais la procédure suivie pour leur donner un nom n’est pas exposée et des précisions sur ce point s’imposent. La transmission de la nationalité par la mère est un sujet de préoccupation et il faudrait à ce propos aussi savoir si les enfants nés au Yémen de parents étrangers acquièrent d’office la nationalité yéménite.

25.La création du Parlement des enfants est une initiative louable sur laquelle la délégation pourrait apporter des précisions. Il faudrait savoir par exemple comment les enfants non scolarisés y sont représentés, s’il y a une représentation au niveau local et si les recommandations émanant de cette instance sont prises en compte par les décideurs. Un exemple de décision prise suite à une telle proposition serait bienvenu.

26.Le Comité aimerait obtenir des informations complémentaires sur la façon dont le droit à la vie privée est respecté dans la famille et à l’école, ainsi que sur l’accès des enfants à une information appropriée. L’accès aux salles de cinéma est réglementé, ce qui est une bonne chose, mais des précisions sur la protection des enfants contre les documents néfastes circulant sur Internet s’imposent.

27.Mme SMITH invite l’État partie à réfléchir aux raisons pour lesquelles il manque d’assistance internationale. Le taux d’accroissement de la population est un problème et il serait intéressant de savoir si le Yémen l’accepte ou entend le réduire par le jeu de la planification familiale.

28.Le Comité aimerait savoir quelles sont la place et l’influence du droit tribal et des chefs tribaux. L’État partie ayant ratifié la Convention sans formuler de réserve, il serait intéressant que la délégation explique comment sont résolus les conflits susceptibles de survenir entre la charia et la Convention sur des questions comme la liberté de religion. La culture yéménite est assez éloignée des principes consacrés dans la Convention. La participation de l’enfant, non seulement à l’école mais aussi dans la famille, et son corollaire, le droit d’être entendu dans toutes les affaires le concernant, est un autre exemple de sujet problématique.

29.M. ZERMATTEN relève que le Code sur le statut civil a été modifié en 2003 de manière à donner à la mère la même compétence que le père en matière d’enregistrement des naissances et à introduire l’obligation d’enregistrer une naissance dans un délai de 60 jours. L’enregistrement des naissances reste toutefois sujet à des disparités et est notamment insuffisant chez les enfants vivant dans des zones reculées ainsi que chez les enfants handicapés, que les parents préfèrent ne pas enregistrer pour éviter la stigmatisation sociale. Cela est source de problèmes à la fois pour l’État, qui souffre d’un manque de données démographiques fiables, et pour les individus, dont l’accès à l’emploi est bloqué par l’absence de documents d’identité. Pour toutes ces raisons, la délégation voudra préciser si l’enregistrement des naissances est gratuit et de quels documents les parents doivent disposer pour procéder à cette formalité. Ces documents devraient être facilement accessibles et gratuits.

30.Mme VUCKOVIC-SAHOVIC demande si des mesures concrètes ont été prises pour veiller à ce que les châtiments corporels soient effectivement bannis des écoles dans la pratique, conformément à la loi. Selon certaines études, 80 % des enfants yéménites subiraient diverses formes de châtiment corporel; ce problème est lié à celui du manque d’éducation des filles car plus une mère est éduquée moins elle a tendance à recourir à des formes violentes de discipline.

31.M. PARFITT demande si un mécanisme indépendant de suivi a été mis en place pour apprécier régulièrement les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la Convention et recevoir et traiter des plaintes individuelles. À ce propos, il se demande si le Département de l’enfance du Ministère des droits de l’homme a vocation à mener des enquêtes, s’il s’attache à promouvoir la Convention, s’il publie des rapports accessibles à tous et si les enfants peuvent aisément s’adresser à lui, par exemple par l’intermédiaire d’une ligne téléphonique gratuite. Il serait aussi utile d’obtenir des informations détaillées sur les travaux que le Ministère prévoit d’entreprendre en collaboration avec des organisations non gouvernementales pour constituer un nouveau mécanisme de dépôt de plainte.

32.M. FILALI demande des précisions sur la composition du Conseil supérieur de la protection de la mère et de l’enfant et son degré d’indépendance; il aimerait en particulier savoir si cette instance est présente sur le terrain, si elle a des contacts avec la population et si les enfants peuvent faire appel à elle pour les aider et défendre leurs droits.

33.La délégation pourrait en outre indiquer s’il est arrivé que des juges fondent leurs décisions sur des articles de la Convention, qui a été incorporée dans la législation yéménite.

34.S’agissant de l’enregistrement des naissances, il faudrait savoir si les enfants nés hors mariage sont déclarés et quelles lois régissent la déclaration des naissances.

35.M. SIDDIQUI demande ce qui est fait pour lutter contre la discrimination à l’égard des enfants akhdam et des enfants des rues.

36.Il déplore que les données fournies relatives aux crédits budgétaires, en particulier aux crédits affectés à l’éducation, ne soient pas ventilées par degré d’enseignement et qu’aucune indication n’y figure concernant l’éducation des filles.

37.Constatant que les statistiques fournies portent uniquement sur des situations particulières, sur des années et non sur des périodes données, il demande s’il est prévu que les services nationaux de statistiques collectent systématiquement ou périodiquement des données plus générales sur tous les enfants.

38.Le Comité aimerait savoir pourquoi l’État partie ne met pas davantage l’accent sur la planification familiale, que l’islam ne réprouve pas, eu égard aux conséquences négatives d’un taux élevé d’accroissement de la population sur le développement des enfants et le respect de leurs droits. Il serait utile de savoir quelles relations entretiennent le Conseil supérieur de la protection de la mère et de l’enfant, le Comité national suprême des droits de l’homme et la Commission de coordination des ONG pour la protection de l’enfance.

39.Mme ALUOCH s’inquiète du nombre insuffisant d’écoles de filles, qui ne peut qu’avoir un effet négatif sur la possibilité de voir à l’avenir des femmes occuper des postes de responsabilité.

40.Elle demande où les très jeunes filles enceintes peuvent obtenir de l’aide et si elles sont autorisées à retourner à l’école, sachant qu’elles font l’objet de discrimination et sont parfois chassées de chez elles. Il est très grave qu’une fois la relation entre deux enfants connue, seule la fille soit inquiétée.

La séance est suspendue à 11 h 40; elle reprend à 11 h 55.

41.Mme ALJAIFI (Yémen) dit que le Conseil supérieur de la protection de la mère et de l’enfant comprend des représentants des ministères s’occupant des droits de l’enfant, ainsi que quatre représentants d’ONG et trois personnalités s’intéressant aux questions liées à l’enfance. Son rôle est d’élaborer des stratégies relatives à l’enfance, d’avaliser et de coordonner les stratégies proposées par d’autres ministères, d’assurer un équilibre entre le secteur public et la société civile en la matière et de renforcer les liens avec les organisations régionales et internationales.

42.Le Conseil a décidé de prolonger la stratégie pour l’enfance et l’adolescence, dont la nouvelle version, en préparation depuis trois ans avec la participation de nombreux experts internationaux, sera présentée en septembre 2005; elle intègre les objectifs du Millénaire et prévoit des programmes qui seront discutés avec tous les partenaires, y compris les enfants − qui seront consultés dans tous les gouvernorats et dont l’avis sera pris en compte −, ainsi que deux ONG. Au titre de cette stratégie, le Conseil a mis au point un plan d’action en collaboration avec l’UNICEF, une organisation suédoise, les ministères concernés et les neuf ONG actives dans le domaine de l’enfance; des campagnes d’information ont de plus été lancées. Une réunion organisée sous les auspices de la Banque mondiale permettra de démarcher les donateurs potentiels et de déterminer les ressources nécessaires à l’application de la stratégie.

43.Le Conseil formule en outre des recommandations sur l’application de la Convention en se basant sur l’expérience d’autres pays.

44.Deux études sur la violence à l’égard des enfants ont été réalisées ces dernières années sous la supervision du Conseil, la première portant sur le système éducatif et la seconde sur les châtiments corporels à l’école et dans la famille. Leurs résultats seront présentés à de nombreuses institutions et ONG, qui en assureront la diffusion plus avant. D’autres études vont être entreprises pour évaluer les retombées psychologiques de cette violence et déterminer l’ampleur et la nature du phénomène de l’exploitation sexuelle des enfants au Yémen. Un réseau national constitué de toutes les ONG concernées et des pouvoirs publics a été mis en place pour lutter contre la violence à l’égard des enfants et un plan national, cofinancé par des donateurs et par le Gouvernement, a été mis en route. Un réseau consacré aux enfants en conflit avec la loi a également été mis en place.

45.Le Conseil collabore avec une institution suédoise en vue d’élaborer un document sur les droits de l’enfant, avec la participation d’enfants et du Ministère de l’éducation. Des mesures sont prises pour encourager l’élection de comités d’enfants dans les écoles. Le Parlement des enfants, élu à l’initiative de l’ONG «L’école démocratique», aborde des sujets comme le taux d’abandon scolaire ou l’éducation des filles et bénéficie du soutien d’un certain nombre de ministères; ses recommandations sont étudiées attentivement par les ministères concernés. Des enfants de tous âges, dont des enfants handicapés et des enfants qui travaillent, y ont été élus sur la base de divers critères, dont les résultats scolaires, et il y a parité entre garçons et filles.

46.Une réflexion sur le rôle des enfants et les différences en la matière entre la charia et la Convention est en cours.

47.Il convient de souligner que le rapport du Yémen contient de nombreuses informations émanant d’ONG même si toutes les ONG concernées n’ont malheureusement pas pu participer à l’élaboration du rapport du fait que la personne chargée de les solliciter n’a pas pleinement assumé ses responsabilités.

48.M. SHARFI (Yémen) dit que le Yémen entend modifier la loi sur les droits de l’enfant et fixer la majorité à 18 ans; l’article 59 de ce texte confère effectivement certains droits civils aux personnes de moins de moins de 18 ans mais leur représentant légal demeure responsable d’eux. Une personne de moins de 18 ans qui conduit malgré l’interdiction qui lui en est faite en vertu de la loi sur la circulation expose ainsi son représentant légal à des sanctions; l’absence de sanctions légales à l’égard du mineur en cause n’empêche toutefois pas de prononcer des mesures de rééducation à son égard.

49.La législation en vigueur est vague au sujet des tribunaux pour mineurs. En ce qui concerne l’état d’avancement des travaux de révision de cette législation, le texte en est au stade de la finalisation et sera ensuite présenté pour avis aux institutions de la société civile, avant d’être soumis au Parlement pour adoption.

50.M. KOTRANE note qu’en vertu de l’article 25 de la loi sur les droits de l’enfant, un enfant de moins de 10 ans qui commet une infraction ne peut être sanctionné mais peut tomber sous le coup de mesures prévues à un autre article. S’il est âgé de plus de 10 ans, il peut être emprisonné. Entre 7 et 10 ans, il peut être déféré devant un juge. Or, ces mesures ne sont pas conformes aux dispositions de la Convention. Il convient donc de déterminer un âge en dessous duquel l’enfant ne peut être déféré devant un juge et n’est pas responsable.

51.En outre, il lui paraît inapproprié de reprendre les dispositions du manuel de la Ligue des États arabes dans la loi sur les droits des enfants, d’autant que de nombreuses institutions de la société civile arabe ont décidé de ne pas utiliser ce manuel dans la mesure où il n’était pas à la hauteur de la Convention.

52.M. SHARFI (Yémen) dit que le projet de loi sur les droits des enfants a été modifié pour le mettre en conformité avec la Convention. L’âge légal du mariage y est fixé à 18 ans. Si ce projet était adopté en l’état, le représentant légal d’un mineur, garçon ou fille, qui se marie s’exposerait à des sanctions légales, de même que les témoins.

53.Un enfant né hors mariage est enregistré à l’état civil comme tout autre enfant et a droit à une nationalité et à un nom. Quant à l’enfant étranger, il bénéficie d’un permis de résident jusqu’à sa majorité si sa mère est yéménite et choisit à sa majorité entre la nationalité de son père et la nationalité yéménite, qui lui est automatiquement accordée s’il la demande. Lors de l’enregistrement de l’enfant sur les registres de l’état civil, ses papiers (certificat de naissance et carnet de santé) sont remis gratuitement aux parents.

54.En cas de contradiction entre le droit tribal et le droit écrit le second prime.

55.Mme SMITH demande si le droit écrit est maintenant en vigueur dans toutes les régions du pays.

56.Mme OUEDRAOGO souhaiterait savoir quelles dispositions sont prévues pour enregistrer les enfants qui ne l’ont pas été à la naissance, notamment ceux vivant dans des zones reculées.

57.M. FILALI demande s’il existe des lois autorisant le père d’un enfant illégitime à le reconnaître et aimerait connaître le pourcentage d’enfants mariés avant l’âge de 18 ans.

58.Mme KHATTAB aimerait savoir si le mariage coutumier célébré avant l’âge de 18 ans doit obligatoirement être enregistré.

59.M. SHARFI (Yémen) dit que tous les mariages doivent être enregistrés et que les mariages de mineurs, dont l’âge figure sur le contrat, ne peuvent l’être qu’auprès des représentants religieux ayant compétence en la matière, l’âge minimum du mariage, à ce jour, étant de 15 ans. Les enfants illégitimes sont enregistrés et ont la nationalité yéménite.

60.M. ALJINDARI (Yémen) dit que les enfants nés hors mariage, malgré la stigmatisation de telles relations, reçoivent la nationalité yéménite et des papiers d’identité. À l’heure actuelle, aucun mariage n’est conclu sans la présence d’un représentant de l’État et les mariages entre mineurs de moins de 15 ans, bien qu’exceptionnels, doivent être validés par l’État, qui ne peut s’y opposer ni les dissoudre.

61.Les enfants des rues obtiennent la nationalité yéménite et font l’objet d’un programme de protection et de réadaptation visant à les placer dans des centres de protection de l’enfance implantés dans divers gouvernorats, où leur sont dispensés un enseignement et des soins de santé.

62.M. KRAPPMANN voudrait savoir si l’équivalent en arabe de l’expression «enfant illégitime» figure dans les lois yéménites ou s’il s’agit d’un problème de traduction car ce terme est proscrit par la Convention.

63.Il souhaiterait un complément d’information sur l’évolution des ressources consacrées à l’éducation et les mesures concrètes que le Yémen se propose d’adopter pour scolariser les nombreux enfants qui, malgré le caractère obligatoire de l’enseignement, ne le sont pas. La délégation pourrait indiquer, en particulier, si la stratégie nationale en faveur de l’éducation des filles prévoyant la création d’écoles spécialement à leur intention a fait l’objet d’une évaluation. Des précisions sur les mesures prises pour lutter contre l’abandon scolaire dans l’enseignement primaire et remédier au problème de la piètre qualité de l’enseignement de base seraient également les bienvenues. Enfin, il serait bon de savoir si le Gouvernement a l’intention de rendre l’enseignement véritablement gratuit et de permettre un plus large accès à la formation professionnelle, surtout aux filles, ce qui permettrait de remonter le niveau de qualification de la population active, actuellement très bas, puisque 93 % de la population active ne sont pas qualifiés et sont largement analphabètes.

64.Mme LEE souhaiterait, au vu des indicateurs alarmants concernant les soins reçus par les mères et les enfants, la malnutrition et le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans, davantage de renseignements sur les actions menées pour promouvoir l’allaitement et le vaccin «5 en 1» , ainsi que sur les campagnes de vaccination en général, qui devraient permettre de prévenir les décès dus à des complications de maladies comme la rougeole, faciles à éviter. La délégation pourrait en outre apporter des précisions sur les dispositions prises, outre la stratégie de réforme du secteur de la santé, pour améliorer les indicateurs sanitaires.

65.M. KOTRANE demande s’il serait possible de supprimer l’article 16 de la loi no 45 de 2002 sur les droits de l’enfant, qui interdit au père de reconnaître un enfant né d’un d’adultère ou hors mariage et souhaiterait connaître les mesures envisagées par l’État partie pour déterminer l’ascendance d’un enfant né dans ces conditions. La délégation est par ailleurs priée de préciser si, au cas où la mère n’est pas musulmane, l’enfant est confié à une autre femme pour être élevé dans la foi islamique, ce qui serait incompatible avec la Convention, tout comme le fait que la législation précitée ne comporte aucune disposition sur l’obligation d’entretien de l’enfant, sans parler du chapitre cinq de la deuxième partie de la loi, qui dispose que seul le père a la charge de l’enfant et qu’en cas de décès du premier, le second est confié au plus proche parent du père de sexe masculin, ce qui est de plus contraire à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et notamment à son article 16.

66.Mme KHATTAB demande si le décret du Ministère de la santé publique interdisant la pratique de l’excision dans les établissements publics s’applique aux hôpitaux qui ne relèvent pas de l’autorité de l’État.

67.Elle aimerait en outre savoir si des services sont prévus pour accueillir les enfants réfugiés, si le Yémen bénéficie d’une aide extérieure à cette fin et, dans l’affirmative, quelles en sont les modalités et l’enveloppe budgétaire.

68.Mme ANDERSON demande quelle proportion des 38 cas de VIH/sida recensés chez des moins de 15 ans est imputable à la transmission de la mère à l’enfant et si les enfants concernés sont placés ou continuent à vivre dans leur famille. Il faudrait également avoir des précisions sur le type d’aide accordé aux familles dans cette situation et sur l’accès aux antirétroviraux.

69.Par ailleurs, il serait intéressant de savoir si la pratique consistant à garder les enfants jusqu’à 12 ans près de leur mère incarcérée répond à une politique délibérée et, vu l’absence de centres de détention pour femmes séparés de ceux des hommes, comment la sécurité de ces enfants est assurée et à quels services ils ont accès.

70.M. ZERMATTEN aimerait connaître avec précision l’âge en deçà duquel un enfant ne peut être tenu pour responsable pénalement, le rapport en mentionnant deux, 7 et 10 ans, et savoir qui, des tribunaux ordinaires ou de tribunaux spécialisés pour les mineurs, juge les adolescents de 15 à 18 ans, qui semblent bénéficier d’un régime de responsabilité limitée. Il serait également intéressant de savoir comment sont considérées les situations à risque décrites dans le tableau 14‑1 des réponses écrites, si elles sont pénalisées et pourquoi il n’y a que sept tribunaux pour enfants dans tout le pays. Enfin, la délégation est invitée à s’exprimer sur les conditions de détention des mineurs.

71.Mme SMITH aimerait un complément d’information sur le sort des enfants des rues et l’issue des discussions entre le Yémen et l’Arabie saoudite au sujet de la traite d’enfants entre les deux pays.

72.Mme ALUOCH souhaiterait en savoir davantage sur les possibilités offertes aux adolescents de s’informer en matière de santé sexuelle et reproductrice, que ce soit dans le cadre scolaire ou en dehors.

73.Le Président demande si les études prévues au titre du projet de lutte contre le travail des enfants ont été réalisées, ce qu’il est advenu du projet de lutte contre le travail des enfants dans des conditions dangereuses et si le programme national visant à dispenser un enseignement aux enfants qui travaillent a été mis en œuvre, sachant que seulement 10 % à 13 % de ces enfants fréquentent l’école.

La séance est levée à 13 heures.

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