Nations Unies

CRC/C/SR.1764

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

23 janvier 2013

Original: français

Comité des droits de l ’ enfant

Soixante -deuxième session

Compte rendu analytique de la 1764 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 18 janvier 2013, à 10 heures

Président: M. Zermatten

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Deuxième rapport périodique de la Guinée sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Deuxième rapport périodique de la Guinée sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant (CRC/C/GIN/2; CRC/C/GIN/Q/2 ; CRC/C/GIN/Q/2/Add.1)

1.Sur l ’ invitation du Président, la délégation guinéenne prend place à la table du Comité.

2.M me Diakité (Guinée) dit que la nouvelle Constitution, adoptée en 2010, prévoit la création d’une institution nationale indépendante des droits humains, d’une Cour constitutionnelle, d’une Cour des comptes et d’une Haute Autorité de la communication. En 2011, les États généraux de la justice ont permis de mettre en évidence les défaillances du système judiciaire et de proposer des mesures visant à garantir l’indépendance de la magistrature et à faciliter l’accès des populations aux services judiciaires. Le Ministère de la justice est désormais un ministère d’État et un Ministère des droits de l’homme a été créé.

3.La loi portant création du Code de l’enfant guinéen a été promulguée en 2008. Ce Code, qui regroupe l’ensemble des textes relatifs à la promotion et à la protection des droits de l’enfant, définit l’enfant comme tout être humain âgé de moins de 18 ans qui jouit des droits à la vie, au nom, à la nationalité et à la santé.

4.Bien que le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans ait chuté de 229 ‰ pour à 117 ‰ entre 1992 et 1999, il sera difficile pour la Guinée de réaliser l’objectif du Millénaire pour le développement no 4 d’ici à 2015. La prévalence du VIH se maintient à 1,5 % grâce à l’action menée par le Comité national multisectoriel de lutte contre le VIH/sida depuis 2002. Désormais, 99 % des enfants sont vaccinés. Les campagnes de sensibilisation aux effets des mariages et des grossesses précoces, ainsi que l’harmonisation de l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les filles et les garçons ont permis de réduire le nombre de mariages précoces. Alors que le taux brut de scolarisation atteignait 79 % en 2010, l’objectif étant de parvenir à 100 % en 2015, le taux de préscolarisation reste très faible (9 % en 2011).

5.En 2013, un plan stratégique sur l’enregistrement des naissances sera élaboré, le but étant de faire passer le taux d’enregistrement des naissances de 53 % en 2012 à 70 % fin 2014. En outre, en 2012, le dispositif communautaire de protection de l’enfance a permis de prendre en charge près de 40 000 enfants victimes de la traite ou de violences.

6.De nombreux textes juridiques protégeant explicitement les droits de l’enfant ont été promulgués, notamment le Code minier, le Code du travail et le Code de l’environnement. Le Parlement des enfants, représenté dans les 38 communes du pays, permet aux 114 députés juniors, de porter la voix des enfants. Le premier Forum consacré à l’enfance, en juin 2012, a permis de définir les mesures à prendre d’ici à 2015 pour mettre en place un système de protection fondé sur les droits de l’enfant, qui sera complété par un cadre de suivi et d’évaluation, après révision de la politique nationale de l’enfance et de la loi portant création du Code de l’enfant.

7.M me Nores de García (Rapporteuse pour la Guinée) aimerait savoir quel est l’organisme chargé de coordonner toutes les actions relatives à la surveillance, à la protection et à la défense des droits de l’homme. Elle dit la préoccupation du Comité quant à l’absence de commission indépendante des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris. Elle s’enquiert des efforts consentis pour améliorer le recouvrement d’impôts dans les secteurs productifs, notamment le secteur minier, ce qui permettrait d’allouer davantage de ressources aux secteurs sociaux et de lutter contre la corruption. Elle demande si la diffusion de la Convention se fait également de manière orale et dans les différentes langues parlées en Guinée et si des mesures concrètes sont envisagées pour permettre à tous, sans discrimination fondée sur le sexe ou le lieu de résidence, de jouir pleinement de leurs droits. Elle aimerait également savoir si la Guinée envisage d’interdire les châtiments corporels dans tous les contextes. Soulignant que 96 % des filles et des femmes étaient encore victimes de mutilations génitales féminines en 2012, elle insiste sur l’importance, pour la Guinée, de redoubler d’efforts pour lutter contre cette pratique et, plus généralement, pour faire en sorte que le droit positif prime le droit coutumier.

8.Le Président (Rapporteur pour la Guinée) s’enquiert des mesures envisagées pour sensibiliser les professionnels de l’enfance aux dispositions du Code de l’enfant guinéen et pour supprimer les ambiguïtés et les contradictions du texte. Il aimerait savoir si la Guinée envisage d’adopter une politique globale relative à l’enfance encadrant les nombreuses stratégies sectorielles existantes. Notant que, bien que l’âge de la majorité soit fixé à 18 ans, le consentement des parents ou des tuteurs permet de déroger à cette règle dans plusieurs cas, notamment pour le mariage, il s’interroge sur les mesures prises pour faire effectivement respecter l’âge de la majorité. Il s’inquiète de la persistance du mariage dit de réparation entre une fille victime d’agression sexuelle et son bourreau. Il aimerait savoir si les enfants sont entendus dans les décisions civiles, pénales ou administratives qui les concernent et s’il est prévu de former les professionnels de l’enfance au respect des droits de l’enfant.

9.M me Maurás Péreznote que, malgré la ratification de la Convention no 138 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur l’âge minimum et de la Convention no 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants, rien ne semble réglementer les activités des multinationales dans le domaine du travail des enfants, notamment dans le secteur minier. Elle s’enquiert des réglementations imposant aux compagnies minières d’analyser les incidences de leurs activités sur l’environnement et s’inquiète du faible montant des redevances versées par les multinationales à l’État.

10.M. Kotrane demande si l’État partie prévoit de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, concernant l’examen de communications et les procédures d’enquête et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.

11.M. Pollar demande des précisions sur l’incidence des accidents de la route et des suicides chez les jeunes guinéens et sur les moyens que l’État partie entend mettre en œuvre pour faire baisser le taux de mortalité infantile, qui est le plus élevé de la région subsaharienne. Il demande en outre si l’instruction religieuse est obligatoire dans l’État partie.

12.M me Wijemanne souhaiterait connaître les mesures prises par l’État partie pour faire connaître les dispositions du nouveau Code de l’enfant à tous les acteurs concernés et veiller à ce que celles-ci soient appliquées jusque dans les zones les plus reculées du pays. Elle souhaiterait aussi savoir ce qu’il advient des enfants qui ne sont pas déclarés à l’état civil dans le délai légal et comment fonctionne le système d’enregistrement des naissances au niveau local.

13.M. Gastaud invite la délégation à indiquer si l’État partie envisage d’accroître les moyens humains et financiers de la «cellule de collecte des données» et si ladite cellule recueille des informations sur tous les sujets qui touchent à l’enfance. Il aimerait en outre connaître le fonctionnement du Parlement des enfants et notamment savoir si cet organe adresse au Parlement ou au Gouvernement des recommandations par lesquelles il lui fait connaître l’opinion des enfants, et, dans l’affirmative, quelle suite est donnée à ces recommandations.

14.M me Al-She hail demande quels programmes l’État partie a élaborés pour combattre les disparités entre les zones rurales et les zones urbaines en matière d’accès aux services et quelles initiatives il a prises pour collaborer avec les organisations de la société civile dans le cadre d’une relation de confiance mutuelle. Au cours de la période considérée, l’État avait-il prévu une ligne budgétaire pour la mise en œuvre de la Convention?

15.M. Gurán voudrait savoir si l’État partie prévoit de créer un organe indépendant chargé du suivi de la mise en œuvre de la Convention et de recueillir des données actualisées sur l’enfance, celles du dernier recensement de 1996 étant devenues obsolètes.

La séance est suspendue à 11 h 10 ; elle est reprise à 11 h 35.

16.M. Keita (Guinée) dit que, pour mieux répondre aux problèmes survenus depuis sa création en 1995, le Comité guinéen de suivi des droits de l’enfant est en passe d’être restructuré.

17.Le chef de l’État met un point d’honneur à combattre la corruption et le détournement des fonds alloués au secteur social.

18.Pour combattre la pratique des mariages précoces au sein de certaines communautés, des campagnes de sensibilisation radiodiffusées sont menées au niveau des régions et des communautés rurales avec l’aide du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et d’ONU-Femmes.

19.Le Président (Rapporteur pour la Guinée) dit qu’il est bon de sensibiliser la population à cette question mais que le problème réside dans le fait que les dispositions relatives au mariage dans le Code de l’enfant autorisent dans certains cas à déroger à la règle. Les mariages de réparation ne devraient en outre pas être possibles.

20.M. Keita (Guinée) dit que le Gouvernement guinéen est bien conscient du problème et que c’est la raison pour laquelle le Code de l’enfant sera révisé en 2013. Les mariages de réparation bien qu’expressément interdits par la loi, sont courants. Grâce à un système de protection mis en place en 2010, les fillettes qui en sont victimes et qui fuient le domicile conjugal sont secourues et placées dans une structure adaptée. Il faut savoir que toute violation des règles régissant le mariage est sanctionnée par le Code pénal, qui prime le droit coutumier, et que tout officier de l’état civil qui enfreint les règles de droit positif s’expose à des sanctions. Cela dit, aucune condamnation n’a encore été prononcée pour ce motif.

21.M. Traoré (Guinée) dit que près de 10 000 exemplaires de la Convention ont déjà été distribués aux magistrats, aux policiers, aux membres d’organisations de femmes et de jeunes ainsi qu’aux enfants. Tous les ans, la Guinée célèbre le mois de l’enfant, qui porte chaque année sur un thème différent, comme la lutte contre les châtiments corporels ou encore les violences en milieu scolaire.

22.Le Comité guinéen de suivi des droits de l’enfant n’est pas doté de grands moyens, mais l’UNICEF s’est engagé à lui fournir du matériel informatique dans le cadre de sa restructuration. Ce comité interministériel − dont le mandat et les modalités de fonctionnement sont décrits au paragraphe 1 des réponses écrites à la liste des points (CRC/C/GIN/Q/2/Add.1), est l’organisme chargé de coordonner l’action menée en faveur des droits de l’enfant à l’échelle du pays.

23.Mis en place en 2001, le Parlement des enfants se réunit une fois par an en session ordinaire pour établir un plan d’action pour l’année suivante et évaluer la mise en œuvre du plan précédent par région. En 2012, les députés juniors ont été invités à participer au Forum national sur l’enfance qui se déroulait à Conakry et, d’une manière générale, ils assistent à toutes les rencontres et ateliers pertinents au niveau national, à condition que ce soit en dehors des heures de classe. Tous les enfants sont représentés au sein du Parlement des enfants, y compris les albinos, les enfants travailleurs, les enfants déscolarisés et les enfants de SOS-Villages d’enfants.

24.L’inadéquation entre les richesses naturelles et le produit intérieur brut (PIB) est l’héritage de la mauvaise gouvernance du passé et des troubles sociaux qui ont secoué le pays au cours des cinq dernières années. Le retour de la Guinée dans le concert des Nations, l’élection démocratique du Président et l’annulation des deux tiers de la dette devraient permettre de corriger cette situation.

25.Les enfants qui travaillent dans le secteur de la pêche ou de l’agriculture sont souvent employés par des membres de leur famille. On ne peut pas parler d’utilisation massive d’enfants dans ces secteurs.

26.M me Nores de García demande s’il est prévu que les relations entre l’État et les entreprises chargées de l’exploitation des terres et de l’approvisionnement en eau soient réglementées afin que les droits de l’enfant soient respectés et que la population jouisse d’un meilleur accès aux ressources.

27.M. Keita (Guinée) explique qu’une partie du budget des sociétés minières revient aux collectivités locales et est investi dans des ouvrages d’utilité publique, comme le forage de puits ou l’aménagement de points d’eau.

28.M. Traoré(Guinée) précise que toutes les sociétés minières adhèrent à une approche dite «communautaire» en contribuant au développement du pays au moyen d’investissements sociaux destinés à la population. Ces sociétés n’embauchent pas d’enfants, mais il n’est pas rare que des enfants travaillent de manière informelle dans des exploitations artisanales à proximité des mines, ce qui est malheureusement source d’accidents graves et favorise l’abandon scolaire.

29.M me Maurás-Pérez demande quel est le cadre réglementaire des activités des sociétés minières et comment l’État garantit que ces sociétés assument leur responsabilité sociale.

30.M. Keita (Guinée) indique qu’en vertu du Code de l’environnement, les sociétés doivent procéder à une évaluation environnementale avant le lancement de tout projet susceptible d’avoir des incidences sur la population. Dans le cadre du plan stratégique issu du premier Forum national sur l’enfance, tenu en juin 2012, les sociétés qui exploitent les ressources naturelles vont participer, par divers moyens, à la résolution des problèmes de la communauté et notamment à la prévention des violations des droits de l’enfant, telles que les mariages précoces ou les mutilations génitales.

31.M. Traoré(Guinée) souligne qu’une aide de la communauté internationale en ce qui concerne la protection des droits de l’enfant dans le contexte de l’exploitation minière serait très utile.

32.M. Keita (Guinée) indique que le Comité guinéen de suivi des droits de l’enfant va être restructuré et qu’il devrait être possible à l’avenir de soumettre les rapports périodiques dans les délais. L’instrument de ratification du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés a été adressé récemment au Secrétaire général de l’ONU pour enregistrement. La ratification des Conventions no 182 et no 138 de l’OIT est en cours, de même que celle de la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. La Guinée va examiner de très près la possibilité de ratifier le Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications.

33.M. Camara (Guinée) indique qu’un moratoire sur l’application de la peine de mort a été décidé il y a près de dix ans. Depuis, des peines capitales ont été prononcées, mais il n’y a eu aucune exécution. Le Gouvernement va lancer un processus de consultation pour déterminer s’il y a consensus pour ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. Conformément au Code de l’enfant, les moins de 18 ans ne peuvent pas être condamnés à la peine de mort ni à la réclusion à perpétuité.

34.M. Keita (Guinée) souligne que les suicides d’enfants sont rares en Guinée, ce qui n’est malheureusement pas le cas des accidents mortels: des données statistiques sur les décès accidentels d’enfants seront fournies dans les prochains rapports. Les enfants ne reçoivent pas d’instruction religieuse dans les écoles ordinaires.

35.M me Nores de García(Rapporteuse pour la Guinée) demande quelles mesures l’État partie entend prendre pour améliorer la prise en charge des enfants privés de protection parentale. Elle demande ce qui est fait pour remédier au taux alarmant de dénutrition chronique chez les enfants et pour faire baisser les niveaux de mortalité maternelle. Il faudrait en outre indiquer si les écoles privées suivent les programmes scolaires officiels et ce qui est fait pour lutter contre l’abandon scolaire. Enfin, elle demande quelles sanctions pénales sont prononcées contre les personnes qui emploient des enfants.

36.Le Président(Rapporteur pour la Guinée) demande ce qui fait obstacle au bon fonctionnement de la justice pour mineurs. Il aimerait savoir ce que fait l’État partie pour améliorer les conditions de détention des enfants, qui sont souvent détenus avec des adultes, dans des conditions d’hygiène déplorables et sans possibilité de recevoir une quelconque instruction. Il demande si des mesures sont prises pour extraire les enfants talibés des réseaux de mendicité. Enfin, il aimerait savoir si l’État partie a pris des mesures de prévention contre l’incidence du noma, maladie évitable et très invalidante qui frappe encore plusieurs milliers d’enfants en Guinée.

37.M me Lee demande quel est le taux d’inscription et de rétention à l’école secondaire. Elle aimerait en outre savoir si l’État partie envisage d’abaisser l’âge d’entrée à l’école primaire, actuellement fixé à 7 ans, pour permettre à davantage d’enfants, notamment de filles, de finir le cycle d’enseignement primaire.

38.M me Wijemanne, rappelant que la mortalité materno-infantile est principalement due à des maladies évitables, demande quelles mesures l’État partie compte prendre pour améliorer les soins anténatals, postnatals et obstétriques, ainsi que le suivi médical des jeunes enfants.

39.M. Pollar demande si l’État partie a déjà appliqué la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants et si les enfants sont libres de choisir leur religion.

40.M. Koompraphant demande quels mécanismes ont été mis en place pour prévenir les violences sexuelles à l’école et combien d’affaires ont donné lieu à des poursuites en 2011 et 2012. La délégation pourrait également expliquer quelles mesures ont été prises pour lutter contre la traite des personnes, offrir des recours aux enfants victimes et punir les auteurs.

41.M. Cardona Llorens souhaiterait savoir quelles mesures ont été adoptées pour favoriser l’intégration scolaire des enfants handicapés.

42.M. Gastaud croit comprendre que le Code des enfants autorise le placement en détention des enfants âgés de 13 à 16 ans et demande des éclaircissements à ce sujet.Il aimerait en outre en savoir plus sur le programme sectoriel de l’éducation.

43.Le Président(Rapporteur pour la Guinée) souhaiterait savoir ce que fait l’État partie pour démobiliser les enfants ayant été impliqués dans des conflits armés et accélérer la démilitarisation du pays.

La séance est levée à 13 heures.