Nations Unies

CRC/C/SR.1484

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

28 janvier 2010

Original: français

Comité des droits de l’enfant

Cinquante-troisième session

Compte rendu analytique de la 1484 e séance (Chambre B)

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 22 janvier 2010, à 10 heures

Président: M. Zermatten

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Rapport initial du Liechtenstein au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Liechtenstein au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/LIE/1); liste des points à traiter (CRC/C/OPAC/LIE/Q/1); réponses écrites à la liste des points (CRC/C/OPAC/LIE/Q/1/ Add .1)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation liechtensteinoise prend place à la table du Comité.

2.M. Frick(Liechtenstein) dit que le Liechtenstein, qui a renoncé à ses forces armées en 1868, accorde la plus grande importance au renforcement au niveau mondial de la protection des enfants dans les conflits armés, comme l’atteste sa participation régulière aux débats du Conseil de sécurité de l’ONU consacrés aux enfants et aux conflits armés, ainsi que l’appui financier qu’il a apporté au premier titulaire du poste de Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, aux activités du PNUD dans ce domaine et à des ONG, en particulier Save the Children − en vue de sa participation à l’examen décennal du rapport Graça Machel− et Geneva Call afin d’inciter des acteurs non étatiques à mener des actions sur la problématique des enfants dans les conflits armés.

3.Le Liechtenstein a pris une part active à la création et au développement de la Cour pénale internationale, dont le rôle dans le renforcement de la protection des enfants dans les conflits armés est considérable et, en tant que Président de l’Assemblée des États parties au Statut de Rome, il s’attachera à assurer la réussite de la première Conférence d’examen du Statut de Rome, qui aura lieu en 2010 à Kampala. Le Liechtenstein apporte un appui régulier aux activités de l’ONU et du CICR dans le domaine du déminage et de l’assistance aux victimes pour contribuer à protéger les enfants pendant et après les conflits armés.

4.Entrée en vigueur en février 2009, la nouvelle loi sur les enfants et la jeunesse tient compte de la Convention relative aux droits de l’enfant; elle a institué un poste de médiateur des enfants, conforme aux Principes de Paris, donnant ainsi aux enfants un accès à une institution spécialisée et indépendante chargée d’assurer la mise en œuvre de la Convention et de ses protocoles et habilitée à communiquer directement avec les organes conventionnels, dont le Comité. Le Parlement a nommé le premier titulaire du poste de médiateur en octobre 2009.

5.M me Khattab (Rapporteuse pour le Liechtenstein) se félicite de la nomination du médiateur des enfants et espère qu’il sera doté des ressources nécessaires pour s’acquitter de sa mission. Elle demande si l’État partie entend continuer à apporter un appui au titulaire du poste de Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés.

6.Notant que la Constitution, amendée en 2003, prévoit la possibilité de procéder à une conscription en cas d’urgence ou de menace pour la sécurité et fixe un âge maximum (60 ans accomplis) mais pas d’âge minimum pour le recrutement dans une telle éventualité, aimerait savoir si une disposition législative empêcherait le recrutement de personnes de moins de 18 ans dans pareilles circonstances.

7.Elle demande comment le Liechtenstein s’assure que les groupes d’extrême droite mentionnés dans son rapport ne recrutent pas d’enfants pour leur faire suivre une formation ou les associer à des activités hostiles et − d’autant plus que ce type de recrutement ne constitue pas une infraction dans son droit interne − qu’aucun individu ou groupe ne recrute des enfants pour les incorporer dans des groupes armés à l’étranger.

8.Elle souhaite savoir si l’État partie dispose d’un mécanisme lui permettant d’identifier d’éventuels ex-enfants soldats parmi les demandeurs d’asile et les réfugiés et quelle institution serait chargée d’examiner leur situation.

9.Relevant qu’un programme d’éducation sur les droits de l’homme est intégré aux programmes scolaires au Liechtenstein, elle demande si une sensibilisation similaire est prévue concernant le Protocole facultatif.

10.Elle aimerait des éclaircissements sur le délai − à son avis trop long − de deux ans dont l’État partie indique avoir encore besoin pour ratifier le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

11. Elle demande ce qui est fait pour former des spécialistes des questions liées aux enfants au Liechtenstein et si le Bureau des affaires sociales, chargé de coordonner les questions liées aux enfants, est doté d’un mandat et d’un personnel appropriés et dispose des ressources nécessaires pour faire face aux divers problèmes que la mise en œuvre du Protocole pose au niveau légal ou procédural.

12.Elle constate avec préoccupation que les faits visés à l’article 279 (relatif aux groupes armés) du Code pénal du Liechtenstein n’entrent pas dans le champ d’application de son article 64, qui prévoit la possibilité de poursuivre certaines infractions pénales commises à l’étranger par des personnes vivant au Liechtenstein, que ces actes constituent ou pas une infraction pénale dans le pays concerné, car la portée d’application du Protocole risque d’en être limitée; il lui semble qu’il faudrait inclure le recrutement dans des groupes armés dans ces infractions.

13.Notant que les actes tombant sous le coup de l’article 279 emportent une peine d’emprisonnement de trois ans au plus mais qu’une infraction pénale donnant lieu à une demande d’extradition doit être passible tant au Liechtenstein que dans l’État requérant d’une peine d’emprisonnement de plus d’un an, elle se demande s’il ne conviendrait pas de porter à trois ans la durée minimale de la peine prévue à l’article 279.

14.M. Filalidemande quelles mesures l’État partie entend prendre pour intégrer les dispositions du Protocole dans son droit interne. Dans ses réponses écrites, le Liechtenstein indique avoir compétence universelle pour juger les affaires de recrutement d’enfants dans des forces armées mais comme le recrutement d’enfants de moins de 18 ans ne constitue pas une infraction dans l’État partie il lui faudrait sans doute poursuivre du chef de traite des personnes, ce qui est préoccupant.

15.Le Liechtenstein est partie à la Convention européenne d’extradition et il serait donc intéressant de savoir si dans l’éventualité où un étranger vivant au Liechtenstein et ayant recruté un enfant étranger ferait l’objet d’une demande d’extradition par son pays d’origine ou par le pays où l’infraction aurait été commise si le Liechtenstein procéderait automatiquement à l’extradition ou vérifierait d’abord si les conditions exigées par les instruments internationaux sont remplies.

16.Comme la loi sur les armes ne semble pas couvrir l’éventualité de l’utilisation d’enfants dans les conflits directs, il aimerait savoir quels types d’armes sont visés par cette loi, si cette loi a été proposée par le Ministère de la défense et si le Liechtenstein a adopté une définition légale du conflit direct.

17.M. Koompraphant demande quels types de services pourraient être fournis à un enfant ayant fui un conflit armé se présentant à la frontière du Liechtenstein.

18.Le Président souligne qu’il est nécessaired’interdire expressément le recrutement des enfants dans le droit interne car même si le recrutement d’enfants peut être sanctionné sous l’angle de la traite ou du travail forcé dans l’État partie, en droit pénal l’interprétation étendue d’une infraction est sujette à caution. Il attire l’attention de la délégation sur les mesures spécifiques de réadaptation et de recours que prévoit le Protocole en faveur de mineurs non accompagnés ayant été impliqués dans des conflits armés.

19.M. Pollar dit avoir suivi avec intérêt les actions menées par l’État partie au titre de la coopération internationale, tout à l’honneur du Liechtenstein vu sa situation, et demande s’il entend continuer à l’avenir.

20.Il demande si l’État partie prévoit d’interdire expressément le recrutement des mineurs ou de persister dans une large interprétation de son droit du travail, dont il faudrait savoir si elle permet de recourir aux mécanismes d’entraide, sans référence à une peine plancher de déclenchement.

La séance est suspendue à 10 h 40; elle est reprise à 11 h 5.

21.M. Ritter (Liechtenstein) explique que son pays a financé le poste de Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés en partie à une époque ou ce mandat n’était pas entièrement financé par l’ONU et avait alors appelé à le financer sur le budget ordinaire de l’ONU; une résolution dans ce sens ayant été adoptée, un soutien à ce titre n’est plus nécessaire même s’il n’est pas exclu que le Liechtenstein appuie l’action de l’actuelle Représentante spéciale; il figure du reste parmi les pays ayant soutenu l’inclusion de l’exploitation sexuelle des enfants en temps de conflit armé dans la liste des violations couvertes par le régime de sanctions du Conseil de sécurité et est pour l’inclusion de la menace d’enrôlement dans un conflit armé dans cette liste.

22.L’article 29 de la Constitution définit la notion d’adulte en posant que les droits politiques s’acquièrent à l’âge de 18 ans, il est possible d’en inférer que les obligations politiques, dont celle de participer à la défense du pays, ne concernent que les plus de 18 ans.

23.M. Filali demande si cette disposition est susceptible ou non de dérogation en situation d’état d’urgence.

24.M. Ritter (Liechtenstein) dit qu’en tout état de cause dans le cas très hypothétique où un mineur serait appelé à défendre le pays, la Cour constitutionnelle serait amenée à jouer son rôle d’interprétation de la Constitution et de l’ordre juridique interne, dont la Convention relative aux droits de l’enfant fait partie intégrante.

25.Les néonazis sont en général rattachés à des groupuscules étrangers, plus organisés. Leurs activités et leur recrutement de jeunes en vue de les faire participer à des activités racistes tombent sous le coup des dispositions interdisant le racisme. S’ils portent des armes, l’article 279 du Code pénal s’applique. Les activités de ces groupes sont surveillées par la Commission sur les violences, entité intersectorielle qui regroupe des représentants de la police, de l’éducation et du corps des travailleurs sociaux et dont le mandat est délibérément assez vaste car le limiter aux seules violences racistes aurait pu être contre-productif tant il peut être difficile de déterminer si un acte a été ou non motivé par la haine raciale. L’éducation à la paix fait partie intégrante des programmes scolaires.

26.L’article 279 du Code pénal incrimine le fait de former sans autorisation un groupe armé ou destiné à être armé, d’armer un groupe existant, d’assurer une fonction de commandement dans un tel groupe, d’enrôler des personnes ou de les inciter à s’enrôler dans un groupe armé, de les entraîner militairement ou de les préparer au combat de toute autre manière, de fournir des armes, des moyens de transport ou des équipements de télécommunication à un groupe armé ou de lui apporter un soutien financier ou autre. Cette définition est suffisamment large pour couvrir les cas d’endoctrinement.

27.L’article 279 a d’abord été pensé dans l’optique nationale, mais si le Liechtenstein devait un jour poursuivre un individu pour avoir enrôlé des mineurs à l’étranger, il pourrait se fonder sur l’article 64 de ce même Code, relatif à la compétence extraterritoriale, que l’enrôlement de mineurs soit ou non une infraction pénale dans le pays considéré.

28.M me Khattab (Rapporteuse pour le Liechtenstein) demande si la règle de ne procéder à une extradition que si l’intéressé y consent s’applique aussi à l’auteur d’une violation grave.

29.M. Ritter (Liechtenstein) répond que si l’auteur d’un crime de guerre refusait d’être extradé, le Ministère public pourrait l’imposer et que dans l’hypothèse considérée pourrait s’appliquer l’article 104 du Code pénal, qui «sanctionne toute personne qui recrute, héberge, transporte, offre ou remet un enfant à une autre personne aux fins d’exploitation sexuelle ou par le travail» car comme l’OIT le Liechtenstein considère que le recrutement d’enfant constitue une forme d’exploitation par le travail.

30.M. Filali estime préférable d’introduire un libellé plus précis visant expressément la participation d’enfants à des hostilités directes dans un conflit armé, comme l’exige le Protocole et relève que l’article 279 du Code pénal ne mentionne pas l’âge de 18 ans.

31.Le Président considère lui aussi délicat de s’en remettre à une interprétation extensive de la notion de trafic ou d’exploitation par le travail, a fortiori pour un pays qui n’est pas partie aux Conventions nos 138 et 182 de l’OIT.

32.M. Ritter (Liechtenstein) dit que l’article 279 du Code pénal ne renvoie pas expressément aux mineurs mais n’est pas restrictif et s’applique à toute personne, y compris un enfant, susceptible d’être enrôlée dans un groupe armé. La législation et la jurisprudence du Liechtenstein reposent sur le système autrichien et, dans la pratique, avant de soumettre un projet de loi le législateur tend à vérifier d’abord que l’Autriche n’a pas déjà adopté une loi dont les juges pourraient s’inspirer pour leur jurisprudence. Ainsi, le Liechtenstein n’extradera pas une personne impliquée dans l’enrôlement d’enfants dans des hostilités si elle risque d’être torturée ou condamnée à mort dans son pays d’origine. Le Liechtenstein n’est pas membre de l’OIT.

33.Aucun enfant soldat n’a jamais présenté de demande d’asile au Liechtenstein mais si le cas se présentait le statut de cet enfant serait régi par la loi sur les réfugiés et la procédure applicable en l’espèce serait celle décrite aux paragraphes 70 et 71 du rapport initial. Le Liechtenstein n’a pas organisé d’activités de sensibilisation aux questions relatives à l’implication d’enfants dans les conflits armés à l’intention des membres de la fonction publique en général et des fonctionnaires en contact avec des mineurs demandeurs d’asile en particulier, mais le médiateur des enfants a aussi pour mission de suivre l’application du Protocole facultatif à la Convention et il entreprendra sans aucun doute des campagnes d’information sur les dispositions du Protocole.

34.Le Code pénal et d’autres textes de loi sont en cours de révision en vue de la ratification du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

35.M. Filali demande si la jurisprudence autrichienne est vraiment la seule source de droit et si, dans les affaires d’extradition, le Liechtenstein tient compte du fait qu’une personne a fait l’objet de condamnations antérieures.

36.M. Ritter (Liechtenstein) dit que la jurisprudence autrichienne est une source de droit importante mais que les juges se réfèrent aussi à la jurisprudence de l’Union européenne. Les condamnations antérieures d’une personne peuvent effectivement jouer un rôle dans les affaires d’extradition.

37.Le Liechtenstein est surtout actif au niveau multilatéral mais mène divers programmes de coopération bilatérale, en particulier dans le domaine de l’éducation, ce qui est important pour prévenir l’enrôlement d’enfants dans les forces armées.

38.M me Khattab (Rapporteuse pour le Liechtenstein) recommande à l’État partie d’adopter rapidement une loi pour interdire expressément l’enrôlement d’enfants, de procéder au plus vite à la révision de sa législation afin de pouvoir ratifier le deuxième Protocole facultatif, de s’attacher à prévenir la participation de mineurs aux activités des groupes paramilitaires d’extrême droite, de bien examiner la situation des mineurs demandeurs d’asile susceptibles d’avoir été des enfants soldats et de continuer de promouvoir une culture de paix.

La séance est levée à 12 heures.