COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT
Cinquante et unième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1413e SÉANCE
tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 4 juin 2009, à 10 heures
Présidente: Mme LEE
SOMMAIRE
EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)
Deuxième rapport périodique du Niger sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant
La séance est ouverte à 10 heures.
EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 6 de l’ordre du jour) (suite)
Deuxième rapport périodique du Niger sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/NER/2; document de base (HRI/CORE/1/Add.45/Rev.1); liste des points à traiter (CRC/C/NER/Q/2); réponses de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/NER/Q/2/Add.1))
1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation nigéri enne prend place à la table du Comité.
2.Mme GNANDOU (Niger) indique que le deuxième rapport périodique du Niger sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant a été élaboré sous la direction du Comité national pour la survie, la protection et le développement de l’enfant, en concertation avec la société civile et les partenaires au développement, et qu’il a fait l’objet d’une vulgarisation dans toutes les régions du pays. Le document prend en compte les observations formulées par le Comité des droits de l’enfant lors de la présentation du rapport initial en mai 2002. Un plan de suivi des recommandations du Comité a d’ailleurs été mis en place dans le pays.
3.Parmi les progrès accomplis par le Niger, elle relève les importants investissements réalisés en faveur des enfants, notamment dans le domaine de la santé et de l’éducation, ce qui a permis de faire reculer la mortalité infantile et infanto-juvénile et d’améliorer le taux brut de scolarisation. L’adoption de certains textes, tels que la loi de 2003 portant modification du Code pénal, qui institue de nouvelles infractions et aggrave les peines sanctionnant les infractions déjà existantes, et un arrêté instituant la gratuité de la consultation prénatale et la fourniture de soins aux enfants jusqu’à l’âge de 5 ans, a contribué à promouvoir le respect des droits de l’enfant. En outre, les mutilations génitales féminines sont en recul et le projet de code de l’enfant est en cours d’adoption.
4.Dans le cadre de l’Accord multilatéral de coopération en matière de lutte contre la traite des enfants, le Gouvernement a créé une Commission nationale de lutte contre la traite des enfants, qui s’est dotée d’un plan d’action national. La mise en œuvre de ce plan a permis le rapatriement et la réadaptation de plusieurs enfants victimes de traite transfrontalière. Les capacités des acteurs de cette lutte ont été renforcées, et les campagnes de sensibilisation et de mobilisation sociale ont été intensifiées.
5.Un Programme de protection judiciaire des jeunes a été mis en œuvre, qui a permis d’établir un partenariat entre les acteurs intervenant auprès des enfants en danger, comme les travailleurs sociaux, les agents des forces de l’ordre, ou les juges des mineurs, et d’améliorer la prise en charge de ces enfants.
6.Enfin, le Niger a adopté une politique nationale d’enregistrement à l’état civil qui vise à assurer une meilleure couverture du pays et à accroître notamment le taux d’enregistrement des naissances.
7.En dépit des progrès accomplis, de nombreux défis restent à relever dans des domaines tels que l’enregistrement des naissances, la lutte contre la violence, l’exploitation, l’amélioration de la qualité de l’enseignement, la scolarisation des jeunes filles, l’harmonisation effective des textes nationaux avec les instruments internationaux de protection de l’enfance et la prise en charge des orphelins et des autres enfants vulnérables.
8.M. FILALI (Rapporteur pour le Niger) remercie la délégation nigérienne pour la présentation de son deuxième rapport périodique, et la félicite de la méthodologie adoptée, qui est à la fois descriptive et critique.
9.Il note que la croissance démographique reste très élevée au Niger et que les contraintes économiques qui pèsent sur les familles pauvres et les poussent à quitter les zones rurales constituent un grave handicap. Malgré les investissements qui ont été faits dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’accès à l’eau potable, les enfants nigériens ont encore un accès limité aux services sociaux de base.
10.Des progrès ont toutefois été enregistrés dans le domaine de la promotion des droits de l’enfant. On peut ainsi citer la loi de 2007 sur l’enregistrement gratuit des naissances, la loi de 2007 sur la prévention et le contrôle du VIH/sida, la loi de 2006 sur la santé reproductive, ainsi que les dispositions relatives aux mutilations génitales féminines, à l’esclavage, à l’avortement commis sur une mineure de moins de 16 ans, à la consommation de boissons alcoolisées et à l’accès aux débits de boissons pour les personnes de moins de 18 ans. Un projet de code de l’enfant élaboré avec la participation de l’ONG Niger Plan a été validé en 2005, et un projet de loi sur la traite des personnes est en préparation.
11.L’État partie a également ratifié les deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant en 2003, le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en 2004, et la Convention sur les personnes handicapées en 2008.
12.M. Filali demande ce que fait l’État partie pour remédier au problème de la coexistence du droit coutumier, de la charia et du droit positif, qui empêche toute harmonisation avec la Convention relative aux droits de l’enfant, s’il compte adopter prochainement le projet de code de l’enfant et où en sont les travaux de la Commission d’harmonisation des lois avec les conventions.
13.Il voudrait savoir si la Commission nationale des droits de l’homme est conforme aux Principes de Paris et notamment si elle est indépendante, et si des délégations régionales ont été mises en place à travers tout le pays. Il demande également si la Direction chargée de la promotion des droits de la femme et de l’enfant créée au sein de cette Commission est habilitée à recevoir des plaintes et, si tel est le cas, quelle suite a été donnée aux plaintes déposées. Il souhaiterait aussi des éclaircissements au sujet du rapport controversé établi par cette commission, qui nierait le travail des enfants. Ce rapport a-t-il été rendu public? Les recommandations qui y sont formulées sont-elles appliquées?
14.Il fait observer que le départ des organisations non gouvernementales (ONG) internationales risque d’aggraver la situation des enfants. Il demande si la part du budget allouée au Ministère de la femme et de la protection de l’enfant est suffisante pour protéger les droits de l’enfant et regrette que le médiateur nommé en 2008 ne s’occupe pas des questions liées à l’enfance.
15.Enfin, il demande si des mesures sont envisagées pour mettre fin à la différence de traitement entre les enfants selon qu’ils sont légitimes, naturels, adultérins ou nés d’une relation incestueuse, et à la discrimination envers les filles venant de zones rurales, qui peinent à mener à terme leur scolarité obligatoire.
16.S’agissant des châtiments corporels, il serait utile de savoir si des inspections ont lieu régulièrement dans les écoles coraniques, si des établissements ont été fermés à la suite d’une condamnation et si des maîtres coraniques ont été traduits en justice.
17.Mme VARMAH (Rapporteuse pour le Niger) demande si, depuis le lancement de la politique nationale d’enregistrement à l’état civil, des progrès ont été constatés en matière d’enregistrement des naissances, notamment dans les zones rurales et parmi la communauté mahamide, et si des mesures ont été prises pour décentraliser les départements administratifs chargés de l’enregistrement des naissances.
18.Elle s’enquiert des mesures prises pour assurer le suivi du plan d’action national pour la survie, la protection et le développement de l’enfant, et en particulier réduire la mortalité infantile, lutter contre la malnutrition des enfants et faire en sorte que les enfants vivent dans un environnement favorable et puissent bénéficier d’une assistance juridique en cas de difficulté. Elle voudrait aussi savoir si des progrès ont été accomplis dans le domaine de l’allaitement maternel et si les enfants nés de mères séropositives bénéficient d’un suivi médical.
19.Elle demande si des mesures sont prises pour encourager la scolarité des filles, si des budgets spéciaux sont consacrés à l’aide aux enfants les plus démunis et à l’amélioration de la qualité de l’enseignement, notamment en primaire, et si le Gouvernement et les municipalités prévoient de consacrer des ressources à la création de bibliothèques publiques et d’infrastructures sportives. Notant que les châtiments corporels sont encore largement utilisés par les enseignants malgré l’interdiction, elle demande ce que fait le Gouvernement pour les éradiquer complètement. Elle souhaiterait également obtenir des précisions sur l’âge légal du mariage.
20.Enfin, la délégation voudra bien donner des précisions sur la procédure d’adoption et indiquer notamment si les parents adoptifs doivent répondre à certains critères et si l’enfant, une fois adopté, fait l’objet d’un suivi.
21.Mme AIDOO demande si le droit des enfants d’être entendus est respecté, dans la mesure où la société nigérienne considère traditionnellement que l’enfant doit se soumettre aux décisions des adultes et «passivement suivre la voie tracée par l’adulte», comme l’indique le paragraphe 158 du rapport de l’État partie. Que fait l’État partie pour faire changer les mentalités? L’enfant a-t-il la possibilité de faire entendre son opinion, notamment en ce qui concerne les décisions relatives à son mariage et à l’interruption de sa scolarité? Les enfants, particulièrement ceux vivant dans les zones rurales et ceux issus de familles pauvres, sont-ils informés des droits que la Convention leur reconnaît? Les émissions diffusées par les radios rurales abordent-elles ces questions et y-a-t-il eu des études visant à déterminer leur impact?
22.M. CITARELLA aimerait savoir si la Convention est directement applicable dans l’ordre juridique de l’État partie, sachant que le droit nigérien est régi par trois sources de droit, à savoir le droit coutumier, la charia et le droit positif. Ce pluralisme juridique a-t-il permis d’adopter une définition unique de l’enfant? Il serait bon que la délégation explique pourquoi l’âge légal du mariage diffère selon le système. La question de l’adoption d’un Code de l’enfant, dont il est question depuis quatre ans, mériterait aussi quelques éclaircissements.
23.M. GURÁN souhaiterait savoir quels mécanismes institutionnels ont été mis en place pour garantir l’application concrète de la Convention, à quel organisme le Comité national pour la survie, la protection et le développement de l’enfant est rattaché et s’il dispose de ressources humaines et financières suffisantes. Il aimerait aussi savoir quelles relations les organisations non gouvernementales entretiennent avec la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales, si cette Commission est indépendante et si elle opère en conformité avec les Principes de Paris.
24.Mme VILLARÁN DE LA PUENTE salue les réalisations de l’État partie en matière de lutte contre la mortalité infantile et la malnutrition. Il relève toutefois qu’environ 60 % de la population nigérienne vit avec moins d’un dollar par jour, ce qui n’est pas sans conséquence sur le bien-être des enfants. Elle aimerait donc savoir quelles mesures sont prises dans le cadre du plan d’action national pour la survie, la protection et le développement de l’enfant pour remédier aux problèmes d’accès à l’eau potable, d’assainissement et de malnutrition chronique.
25.Mme AL-ASMAR aimerait savoir si l’État partie entend prendre des mesures pour améliorer le cadre législatif de protection des droits des jeunes filles, notamment en ce qui concerne les mariages précoces, le harcèlement sexuel et l’abandon scolaire.
26.Mme ORTIZ se félicite que l’État partie collabore activement avec les organisations de la société civile, notamment dans le domaine de la formation de personnel. Elle souhaiterait savoir quel rôle joue la société civile dans l’élaboration des politiques et des projets de loi.
27.Elle se félicite aussi que l’État partie coopère avec les dirigeants traditionnels et les sensibilise aux droits de l’enfant, car leur action est décisive pour l’application de la Convention. Notant que les manuels d’éducation à la Convention élaborés par des organisations de la société civile sont progressivement utilisés par certains ministères, elle demande si, au cours de leur formation, les futurs professionnels de l’enfance sont sensibilisés aux droits de l’enfant.
28.M. KOTRANE demande si l’État partie tient compte des conseils et des recommandations des nombreuses ONG avec lesquelles il collabore. Il se félicite de la création d’une structure chargée de la défense des droits des femmes et des enfants au sein de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales, mais souhaiterait savoir si ces organes sont indépendants et, plus particulièrement, si cette structure dispose de moyens suffisants et si elle reçoit les plaintes des victimes de violation des droits de l’enfant.
29.M. KOOMPRAPHANT invite la délégation à expliquer comment l’État partie garantit le droit à ne pas être soumis à la torture ou autres peines et traitements cruels, inhumains et dégradants. Comment l’État partie s’emploie‑t‑il à faire respecter ce droit? Les mutilations génitales féminines font-elles partie des pratiques sanctionnées par la Cour pénale au titre qu’elles constituent une violence exercée contre l’enfant? De quels moyens de recours l’enfant victime dispose-t-il?
30.La PRÉSIDENTE se félicite que le Niger ait accru la part du budget national consacré à l’éducation, mais se demande si la portée de cette mesure n’est pas atténuée par la forte progression démographique et s’il s’agit en définitive d’une hausse réelle. Elle note que le budget consacré aux services sociaux et à la santé, semble accuser une diminution depuis quelques années et invite la délégation à en expliquer les raisons.
La séance est suspendue à 11 h 5; elle est reprise à 11 h 40.
31.Mme GNANDOU (Niger) explique que, aux termes de l’article 132 de la Constitution nigérienne, toute ratification d’un instrument juridique emporte applicabilité dans le droit interne. Aussi la Convention peut-elle être invoquée par tous et doit être appliquée.
32.Concernant l’organisation administrative de l’État, le Niger a adopté une structure étatique reposant sur la décentralisation et la déconcentration, qui est inspirée de la tradition française. Les services institués dans le cadre de la décentralisation ont des prérogatives qu’ils tiennent de l’État et ils jouissent d’une autonomie financière. Les représentants de l’État (gouverneurs, sous‑préfets et chefs de postes administratifs) n’influent pas sur les décisions prises par les élus locaux, mais s’assurent qu’elles sont en conformité avec la loi.
33.M. FILALI (Rapporteur pour le Niger) invite la délégation à expliquer quelle instance s’occupe des programmes concernant les enfants. S’agit-il du gouverneur ou du maire? L’agent relevant du système déconcentré est-il habilité à suspendre l’agent élu?
34.M. ZERMATTEN fait remarquer que les chefferies traditionnelles représentent un autre niveau de décentralisation et demande quels sont leurs pouvoirs?
35.MmeGNANDOU (Niger) précise que l’agent relevant du système déconcentré représente l’État et opère directement au niveau communal. Il ne peut en aucun cas suspendre l’agent élu, le Conseil devant au préalable délibérer du bien‑fondé d’une telle décision, laquelle devra être entérinée par les agents relevant du système déconcentré.
36.Le rôle des chefs traditionnels, qui sont pour l’essentiel d’anciens fonctionnaires, est très important car ils sont en contact avec la population. Ils se chargent notamment de mener à bien des conciliations dans les villages, mais ils n’ont pas l’autorité de dire le droit. Ils délivrent des actes de conciliation qui ne lient pas les juges: le rôle des juges et ceux des chefs traditionnels sont clairement délimités.
37.M. ILLO (Niger) précise que le processus de décentralisation au Niger est en passe d’être achevé et que la tenue prochaine d’élections départementales et régionales ira dans ce sens. Les organes des collectivités territoriales ne sont pas nommés, mais élus; les chefs traditionnels jouent quant à eux un rôle d’auxiliaires administratifs et ils sont chargés notamment de régler les conflits «champêtres».
38.M. ISSOUFFOU (Niger) explique que les services déconcentrés sont des services étatiques chargés de la mise en application de la politique de protection de l’enfant. Les collectivités locales sont chargées de mettre en pratique les décisions gouvernementales en matière de protection de l’enfant et l’État leur laisse une certaine latitude pour mettre en œuvre des politiques locales spécifiques si elles le jugent nécessaire.
39.Mme GNANDOU (Niger) dit que le problème du pluralisme juridique est préoccupant et que l’État s’emploie depuis plusieurs années à trouver des solutions. C’est en matière de statut personnel et de droits réels que ce problème de pluralisme de la source du droit se pose avec une acuité particulière: il n’y a pas de jurisprudence en matière de statut personnel et les coutumes, nombreuses et fortement islamisées, ne sont pas répertoriées.
40.Le Code de l’enfant, élaboré en 2005 et actuellement examiné par le Secrétariat général du Gouvernement, est un instrument dont l’adoption contribuerait à l’élimination du pluralisme juridique. La religion majoritaire étant l’islam, les autorités procèdent à un examen minutieux afin de déterminer si le Code est conforme aux préceptes et aux règles de l’islam.
41.En ce qui concerne les questions de divorce et de répudiation, la coutume s’applique mais, dès que le sort d’un enfant est en jeu, le droit positif s’impose et l’enfant est confié au parent jugé le plus à même d’assumer les obligations parentales, dans le plus strict respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.
42.Le Niger ayant une tradition juridique romano-germanique, les enfants légitimes sont globalement privilégiés par rapport aux enfants naturels, aux enfants adultérins et aux enfants incestueux. Le droit musulman ne reconnaît pas de droits de succession aux enfants naturels. Il s’agit donc d’un problème délicat qu’il faut aborder dans un esprit de conciliation, de manière à ne pas heurter les susceptibilités. Les dispositions du Code de l’enfant, qui protègent tous les enfants indépendamment de leur statut personnel, vont dans ce sens.
43.M. FILALI (Rapporteur pour le Niger) souhaiterait savoir si tous les enfants − qu’ils soient adultérins, naturels ou incestueux − ont la possibilité d’être inscrits à l’état civil, condition préalable à la jouissance des droits que leur reconnaît la Convention.
44.M. CITARELLA invite la délégation à préciser quelle est la définition de l’enfant au Niger. Est-elle conforme à celle de la Convention? La notion d’enfant en droit coutumier est-elle différente de la définition qu’en donne le droit positif et cette éventuelle différence donne‑t‑elle lieu à une discrimination?
45.MmeGNANDOU (Niger) explique que, à l’exception des questions de succession, les enfants, quel que soit leur statut personnel, sont tous égaux devant la loi et jouissent tous du droit à être inscrits à l’état civil.
46.La définition de l’enfant pose néanmoins un problème car il existe un écart considérable entre le droit positif et la réalité sur le terrain, et les moyens de contrôle font grandement défaut. Il est, par exemple, difficile d’empêcher un père de marier sa fille ou son fils qui n’a pas atteint l’âge légal. L’État a donc pris des dispositions pour sensibiliser les chefs traditionnels et les chefs religieux qui peuvent exercer un contrôle sur le terrain. Ainsi, ils sont chargés de s’assurer, avant la célébration d’un mariage, que la jeune fille a bien atteint l’âge légal fixé pour le mariage, qui est de 15 ans au minimum.
47.La PRÉSIDENTE fait remarquer que le Comité avait recommandé, à sa précédente session, de relever l’âge du mariage pour les jeunes filles et que cela ne semble pas avoir été fait. La délégation pourrait peut-être expliquer ce qu’il en est.
48.Par ailleurs, revenant sur les propos de Mme Gnandou, qui expliquait que le rôle du chef traditionnel était avant tout celui d’un conciliateur et que la justice n’était pas tenue de suivre ses recommandations, elle s’étonne de ce qu’il soit habilité à se prononcer en matière de mariage. Des explications sur ce point seraient les bienvenues.
49.Mme AIDOO attire l’attention sur l’existence de disparités entre filles et garçons en matière d’âge minimum fixé pour le mariage. Elle précise que la coutume veut que l’âge minimum du mariage pour les filles soit fixé à 14 ans (alors qu’il est fixé à 16 ans pour les garçons) tandis que le Code civil fixe cet âge à 15 ans (alors qu’il est fixé à 18 ans pour les garçons). La délégation pourrait peut-être indiquer comment l’État partie entend procéder pour se conformer aux recommandations du Comité à cet égard et comment elle compte éliminer les disparités entre garçons et filles.
50.M. CITARELLA fait observer que la question de la définition de l’enfant ne concerne pas seulement l’âge minimum du mariage, mais qu’elle a une incidence générale sur l’application de la Convention. Il aimerait à ce propos que la délégation précise si le projet de Code de l’enfant définit précisément ce que recouvre le terme «enfant» au Niger.
51.MmeGNANDOU (Niger) explique que le projet en question va dans la droite ligne des prescriptions de la Convention. Quant à l’autorité et au rôle des chefs traditionnels, ils se bornent à intervenir et à donner leur avis: si les parents ne suivent pas leurs recommandations, ils ne peuvent qu’en référer à une autorité supérieure, mais ils n’ont pas la capacité de les faire respecter.
52.M. FILALI (Rapporteur pour le Niger) souhaiterait savoir ce qu’il en est de l’applicabilité objective du futur code de l’enfant et si celui-ci comportera des dispositions prévoyant que la coutume ne saurait prévaloir là où existe une loi écrite, notamment en ce qui concerne l’âge minimum du mariage.
53.Mme GNANDOU (Niger) précise que ce n’est qu’en matière de mariage qu’on constate un écart entre l’âge préconisé par la Convention et la réalité des faits. En effet, l’âge de la majorité civile est fixé à 18 ans, ce qui coïncide avec l’âge auquel un enfant est autorisé à travailler.
54.M. ISSOUFFOU (Niger) précise que le projet de code de l’enfant est conforme aux principes des droits de l’homme ainsi qu’à l’esprit et à la lettre de la Convention relative aux droits de l’enfant, de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant et d’autres textes ratifiés par le Niger. Il a été élaboré à l’initiative du Gouvernement, en concertation avec les chefs religieux des confessions musulmane et chrétienne, les chefs coutumiers et la société civile. Un compromis a été trouvé au sujet de questions telles que l’âge légal du mariage, qui a été établi à 18 ans, sauf dérogation spéciale du juge permettant à un enfant de se marier avant la majorité, au plus tôt à 16 ans. La démarche participative a été privilégiée pour que la population comprenne le bien-fondé du relèvement de l’âge du mariage. La commission d’harmonisation des textes travaille d’arrache-pied mais, faute de moyens, les travaux progressent lentement.
55.La PRÉSIDENTE demande si les chefs coutumiers connaissent la Convention relative aux droits de l’enfant et dans quelle mesure les droits de l’enfant sont protégés actuellement, tant que le code de l’enfant, à l’état de projet depuis quatre ans, n’a pas été approuvé par le Parlement.
56.Mme GNANDOU (Niger) répond que, chaque fois qu’un texte est adopté, les chefs traditionnels sont informés de ses dispositions. La plupart de ces chefs étant d’anciens ministres, ils sont déjà sensibilisés à certaines questions.
57.Le système juridique, en pleine réforme, est encore incomplet. Si la Cour constitutionnelle et la Cour des comptes ont déjà été instituées, la Cour de cassation et le Conseil d’État n’ont pas encore été créés, faute de personnel qualifié.
58.M. FILALI veut savoir si, en l’absence de Cour de cassation, un jugement rendu par la Cour d’appel est définitif.
59.M. ILLO (Niger) répond que la Constitution nigérienne prévoit, à l’article 138, que la Cour suprême est compétente en attendant l’institution de la Cour de cassation.
60.M. FILALI demande si le projet de code de l’enfant a été modifié lors de sa validation par le Gouvernement.
61.Mme GNANDOU (Niger) explique que le projet de code de l’enfant a été validé par un atelier regroupant toutes les composantes de la société. Il est examiné par un comité du Secrétariat général du Gouvernement, puis sera présenté devant le Conseil des ministres. Une soixantaine d’ONG travaillant dans le domaine de l’enfance collaborent avec le Ministère de la femme et de la protection de l’enfant pour faire aboutir le projet.
62.Mme VARMAH (Rapporteuse pour le Niger) demande si un enfant né au Niger de parents non nigériens acquiert la nationalité nigérienne.
63.M. FILALI (Rapporteur pour le Niger) veut savoir si, en cas de séparation des parents ou d’abandon du domicile conjugal par le père, les enfants perçoivent une pension alimentaire et si le Gouvernement soutient la création de centres de planning familial aux niveaux local et départemental.
64.Soulignant que 60 % de la population nigérienne vit en dessous du seuil de pauvreté absolue et que les femmes et les enfants sont les plus touchés, il demande quels programmes sont mis en place en vue de réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement.
65.Relevant que de multiples grèves paralysent les écoles et entravent l’éducation des enfants, il encourage le Gouvernement à satisfaire les demandes des grévistes. Il demande si le Ministère de l’éducation prévoit de titulariser progressivement les enseignants contractuels, majoritaires dans le corps enseignant, tout en veillant à préserver la qualité de l’enseignement.
66.Il regrette que les magistrats nommés dans les juridictions pour mineurs manquent d’expérience et tendent à favoriser les mesures répressives plutôt qu’éducatives. Il déplore aussi l’absence d’éducateurs et d’un juge de l’application des peines. Enfin, il souhaiterait avoir des informations sur la mesure d’intérêt général établie par le Gouvernement et comprendre les raisons de son inefficacité.
67.Il relève que la législation sur le travail ne protège pas les enfants qui travaillent et que les règles visant à assurer le respect des jeunes domestiques, établies à l’intention de leur employeur, ne sont pas contraignantes. Il s’étonne aussi que le Code pénal contienne une disposition qui interdit la mendicité mais qui n’est pas applicable aux enfants talibés.
68.La délégation voudra bien fournir plus d’informations au sujet de l’Accord multilatéral de coopération en matière de lutte contre la traite des enfants, de la Commission nationale de lutte contre la traite des enfants et du plan d’action national, et préciser avec quelles parties l’accord a été conclu.
69.M. KRAPPMAN rappelle que la moitié des enfants nigériens ne sont pas scolarisés. Il demande si le plan de développement de l’éducation prévu sur dix ans ne devrait pas être révisé pour une meilleure efficacité. Il fait observer que les ressources allouées à l’éducation sont insuffisantes et, se référant au paragraphe 347 du rapport de l’État partie, demande s’il faut craindre une réduction des ressources. Relevant que les enfants peuvent commencer à travailler dès l’âge de 14 ans, il souhaiterait savoir ce que font les enfants qui abandonnent l’école à l’âge de 12 ans, ainsi que les nombreux autres qui abandonnent avant ou qui n’ont jamais été scolarisés. Le Gouvernement a-t-il prévu une formation professionnelle pour ces enfants et leur donne-t-il la possibilité de conjuguer travail et instruction?
70.Mme ORTIZ demande si le Gouvernement associe les organisations de la société civile à l’élaboration des politiques, plans et stratégies, s’il considère avoir besoin de ces organisations et quelles difficultés il rencontre dans la relation avec ces entités. Elle s’enquiert des raisons qui ont conduit Médecins sans frontières à se retirer du pays et de la possibilité de faire revenir cette organisation qui apporte une aide précieuse.
71.Mme MAURÁS PÉREZ salue les progrès réalisés dans le domaine de la santé et de l’alimentation, même si les objectifs du Millénaire pour le développement sont loin d’être atteints. Elle signale notamment que la malnutrition chronique, dont souffre encore près de 40 % de la population, est la cause de 60 % des cas de mortalité parmi les enfants de moins de 5 ans et que le paludisme, les infections respiratoires aiguës et la diarrhée sont les principales causes de mortalité chez les enfants de cette tranche d’âge. S’étonnant que 4,4 % seulement des mères allaitent, alors que moins de la moitié de la population a accès à l’eau potable, elle demande des précisions sur la politique en matière d’allaitement maternel. Elle souhaite aussi connaître les mesures prises pour combattre la malnutrition, pour mettre en place des réseaux d’assainissement et d’approvisionnement en eau potable et pour promouvoir les pratiques hygiéniques élémentaires, telles que le lavage des mains au savon, afin d’éviter la propagation de maladies.
72.Elle souhaiterait un complément d’information sur les mesures adoptées pour lutter contre le VIH/sida et prévenir la transmission du virus de la mère à l’enfant.
73.Mme AIDOO salue l’adoption de la loi sur la santé reproductive et la promotion faite dans ce domaine malgré les réticences de la population, et exprime sa satisfaction concernant l’interdiction des mutilations génitales féminines et les efforts déployés par le Gouvernement et les ONG en la matière. Elle fait cependant remarquer que le Comité reste préoccupé par la santé des adolescents et regrette le manque d’informations sur cette question. Elle demande quelles sont les mesures prises pour fournir des services de santé, de conseil et d’assistance aux nombreux adolescents souffrant d’ulcères génitaux, d’infections sexuellement transmissibles (IST), de troubles psychologiques et de toxicomanie, et si les adolescents ont un accès confidentiel aux services de soins de santé.
74.Relevant que seul un faible pourcentage de jeunes âgés de 15 à 24 ans sait comment se protéger du VIH/sida et des IST et qu’il existe une disparité entre hommes et femmes à ce sujet, elle souhaite savoir comment le Niger compte maintenir à zéro le taux de prévalence du VIH/sida chez les jeunes.
75.Elle rappelle que beaucoup de filles qui tombent enceintes se marient avant d’avoir terminé leurs études et demande si la possibilité leur est donnée de poursuivre leur scolarité jusqu’à son terme.
La séance est levée à 13 heures.
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