NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. GÉNÉRALE

CRC/C/SR. 782 24 juillet 200 2

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trentième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 782 e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le jeudi 23 mai 2002, à 10 heures

Président  : M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES ( suite )

Deuxième rapport périodique de la Belgique

______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document , à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 05 .

EXAMEN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) ( suite )

Deuxième rapport périodique de la Belgique [CRC/C/83/Add.2; CRC/C/Q/BELG/2 (liste des points à traiter); réponses écrites (document sans cote distribué en séance en anglais et en français)]

1. Sur l’invitation du Président, M. Debrulle, M. Merckx, M. Salomonson, M. Wery, M me  Van Cauteren, M me Van Lul, M. Parmentier, M. Bertholome, M. Leli è vre, M. Nayer et M. Henderickx, prennent place à la table du Comité .

2. M. DEBRULLE (Belgique) dit

que, v enue en nombre, la délégation belge illustre la pluralité des institutions politiques chargées d’assurer le respect des droits de l’enfant. Sa composition correspond à l’État fédéral qu’est devenue la Belgique depuis les réformes de 1993. En matière des droits de l’enfant, les responsabilités sont dorénavant partagées entre le Gouvernement fédéral, les Communautés française, flamande et germanophone, et les Régions.

3. La responsabilité des Communautés s’exerce principalement et de manière exclusive dans les affaires culturelles, l’enseignement, l’emploi des langues et les matières personnalisables, à savoir notamment la politique familiale, l’aide sociale, l’accueil et l’intégration des populations d’origine étrangère, la politique des handicapés, la jeunesse et l’aide sociale aux détenus. À ce titre, les communautés sont compétentes pour tout ce qui concerne l’aide à la jeunesse et sa protection, l’adoption et l’application des textes législatifs y relatifs, la mise en œuvre des mesures de protection des mineurs délinquants et l’établissement des services et infrastructures nécessaires. Les autorités fédérales ont quant à elles conservé leurs compétences résiduelles, mais aussi exclusives, pour certaines questions de droit civil, de droit pénal et d’organisation judiciaire intéressant la protection de la jeunesse.

La structure du deuxième rapport périodique de la Belgique porte la marque de cette construction fédérale. Pour l’application de chaque disposition de la Convention, les informations sont présentées en fonction des compétences de l’État fédéral et des différentes Communautés. Ce document est le résultat d’une intense collaboration entre les différentes entités de l’État belge .

4. Le rapport a bénéficié pour sa rédaction de l’apport des représentants des milieux universitaires et des organisations non gouvernementales (ONG). E stimant que le dialogue n’avait pas été engagé suffisamment tôt et qu e ce rapport n’abordait pas tous les éléments qu’elles auraient voulu y voir figurer, les ONG ont exposé leur position dans un rapport alternatif soumis au Comité . Les différents niveaux de gouvernement soutiennent, par différents moyens, l’action de ces organisations et se félicitent du dialogue instauré avec elles , qui marque l’attachement des autorités belges à la démocratie participative.

5. Cette interaction a permis de révéler que les structures mises en place, dont la Commission nationale des droits de l’enfant, ne répondaient pas suffisamment aux attentes de concertation avec l’ensemble des participants à l’application au niveau fédéral de la Convention. Un projet d’accord de coopération à conclure entre les entités fédérales et fédérées a été élaboré, et constitue une véritable plate-forme de concertation. La Conférence interministérielle tenue le 2 mai 2002 a donné son assentiment quant au contenu de ce projet . Le gouvernement fédéral s’emploie activement à résoudre la question de son financement, et la volonté politique d’y parvenir est d’autant plus grande que le Comité a insisté, dans ses recommandations concernant le rapport initial de la Belgique, sur la nécessité de mettre en place un mécanisme permanent de coordination, d’évaluation, de surveillance et de suivi des politiques relatives à la protection de l’enfant aux niveaux fédéral et local.

6. Au niveau fédéral, l’exercice est laborieux parce que juridiquement complexe et politiquement délicat en raison même des structures institutionnelles dont l’État belge s’est doté et des compétences exclusives conférées à chaque entité, et ce d’autant plus que les Communautés ont déjà largement atteint

cet objectif pour les dispositions de la Convention qui relèvent des compétences très larges qui leur ont été conférées. Ainsi, la Communauté française dispose d’un délégué général aux droits de l’enfant doté d’attributions considérables quant au suivi de la Convention et a créé, en juin 1998, l’O bservatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse, qui a notamment pour mission d’établir le bilan de l’application de la Convention et d’en assurer la promotion par le biais d’un groupe permanent auquel les ONG sont associées. S’agissant de la Communauté flamande, le Commissaire aux droits de l’homme, qui relève directement du Parlement, a pris ses fonctions en juin 1992. Se référant explicitement aux recommandations du Comité, le Parlement flamand lui a confié comme tâche principale de veiller au respect de la Convention et a donné obligation au Gouvernement flamand de présenter un rapport annuel indiquant les progrès réalisés dans l’application de cet instrument. La Communauté germanophone étudie actuellement la question de la création d’un poste de médiateur compétent, notamment pour les questions relatives aux droits de l’enfant.

7. Parmi les nombreuses activités mises en chantier depuis la soumission du deuxième rapport périodique, il convient de citer la réforme en cours de la législation sur la protection de la jeunesse et la réflexion qui s’est engagée sur l’enfermement des mineurs délinquants et sur les mineurs non accompagnés.

8. Sur le plan interne, le Parlement belge a adopté le 23 mars 2000 une nouvelle disposition constitutionnelle - l’article 22 bis - destinée à garantir le respect de l’intégrité morale, physique et sexuelle des enfants. La loi relative à la protection pénale des mineurs, entrée en vigueur le 17 mars 2001, contient des innovations majeures intégrant les dispositions de la Convention applicables à tous les mineurs sans distinction d’âge, notamment : l’incrimination du client d’un mineur prostitué; l’incrimination des mutilations sexuelles pratiquées sur les organes génitaux d’une personne de sexe féminin avec ou sans son consentement; le renforcement du suivi des délinquants sexuels.

9. Sur le plan international, la Convention de La Haye de 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants est entrée en vigueur le 1 er  mai 1999 et la Convention  n o  182 de l’OIT concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants a été ratifiée le 8 mai 2002. À l’initiative de la Belgique, alors qu’elle exerçait la Présidence de l’Union européenne, une résolution a été adoptée en vue de favoriser la coopération entre les services de police, les autorités judiciaires et les ONG travaillant sur le terrain en matière de recherche des enfants disparus ou sexuellement exploités. S’agissant de la Convention elle-même, le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés a été ratifié le 6 mai 2002 et le Conseil fédéral des ministres s’apprête à délibérer sur le projet de loi tendant à ratifier l’amendement à l’article 43 de la Convention, qui permettra de porter de 10 à 18 le nombre des membres du Comité.

10. Enfin, la Belgique a organisé, à l’initiative des trois communautés, une réunion des ministres de l’Union européenne responsables de l’enfance, qui a permis de mettre au point une approche transversale des droits de l’enfant et d’établir un réseau informel de concertation et d’échange d’informations, de statistiques et de méthodologies. La Communauté française a, pour sa part, accordé aux communes et aux structures d’accueil des moyens pour coordonner et développer les activités parascolaires . Deux décrets ont été adoptés par la Communauté flamande, dont l’un porte sur la participation de l’élève dans l’enseignement scolaire alors que l’autre, sur la politique relative aux organisations locales de la jeunesse, renforce la nécessité pour la commune d’associer les enfants à l’établissement des plans relatifs à cette politique.

11. M me  AL ‑THANI note avec satisfaction que l’État partie a consacr é une section de son rapport au suivi des recommandations du Comité et aimerait à ce propos que la délégation commente les informations relatives aux déclarations interprétatives de la Belgique concernant les articles 2, 13, 14, 15 et 40 de la Convention .

12. Réagissant aux enseignements venant d’être communiqués oralement, elle félicite l’État partie d’avoir ratifié le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et l’engage à faire de même pour le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants. E lle demande où en sont les procédures de ratification de la Convention n o  33 de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. Enfin, elle aimerait avoir des précisions sur les textes adoptés au sujet des mineurs non accompagnés et des délinquants juvéniles, ainsi que sur les nouvelles dispositions pénales concernant les clients de prostitués mineurs et l’excision.

13. M me CHUTIKUL demande des précisions sur le statut actuel de la Commission nationale des droits de l’enfant et sur l’accord de coopération relatif aux enfants devant être conclu entre le pouvoir fédéral et les entités fédérées. En outre, elle souhaite connaître le rôle exact de la Conférence interministérielle Enfance et Jeunesse et son mode de fonctionnement, ainsi que les liens que cet organisme entretient avec les autres mécanismes de protection de l’enfance.

14. Elle demande si l’État partie s’est doté d’un plan national d’action pour l’application de la Convention et de quelle façon il envisage de donner suite au document final de la Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée aux enfants. Il serait utile d’avoir des détails sur la participation des enfants belges à la campagne « Dites oui pour les enfants » et aux autres activités organisées par le Mouvement mondial pour les enfants.

15. En outre, il serait intéressant de savoir comment s’organise la coopération entre l’État, les Communautés, les Régions et les municipalités, d’une part, et les ONG, de l’autre. Enfin, pourquoi dans le rapport et les réponses écrites trouve-t-on si peu d’informations sur les activités entreprises par la Communauté germanophone ?

16. M me KHATTAB demande s’il existe au niveau fédéral un système de suivi des décisions prises par les différentes Communautés, Régions et municipalités dans leurs domaines de compétence respectifs, s’agissant en particulier de l’impact de ces décisions sur les enfants et le respect de leurs droits.

17. Elle recommande à l’État partie de veiller à ce que les activités d’information et de sensibilisation touchent bien toutes les communautés, en particulier les groupes de population les plus défavorisés et les réfugiés, et à ce que tous les enseignants, notamment ceux travaillant dans les écoles fréquentées par les enfants de ces groupes, soient dûment formés, ce dans le but de promouvoir non seulement la Convention mais aussi une véritable culture de tolérance et d’acceptation mutuelle.

18 . M. AL-SHEDDI constate , au sujet d e la Commission nationale des droits de l’enfant, que la Belgique, vu sa structure institutionnelle, a fondamentalement besoin d’un organe central de coordination des activités en faveur de l’enfant et aimerait avoir plus d’informations à ce sujet, notamment savoir comment en  l ’ absence d ’ une telle structure la Belgique procède pour

rassembler des données relatives aux enfants et en  garantir l a qualité.

19

. M me TIGERSTEDT-TÄHTELÄ souhaite savoir comment coopèrent les divers niveaux de gouvernement , les ONG et le secteur privé en matière de prise en charge des jeunes en difficulté. Dans les réponses écrites, il est dit que le Gouvernement de la C ommunauté française a adopté une série d ’ arrêtés définissant les conditions d’agrément des services privés d’encadrement des jeunes en danger et/ou délinquants. Comment la Belgique définit-elle ces services ? Le Gouvernement de la C ommunauté fran cophone passe-t-il un contrat avec les « prestataires de services » et, dans l’affirmative, quel type de contrat ? Existe-t-il des critères applicables à ces services, à leur personnel et à la qualité des prestations offertes ? Ces établissements et l’implication du secteur privé dans les services de soins, de santé ou de prise en charge des enfants victimes d’abus sexuels étant encore choses nouvelles pour le Comité, la délégation pourrait fourni r de plus amples renseignements , en  particulier sur la nature des services exist a nt s.

2 0 . E lle aimerait de plus savoir si la Belgique a ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe , et, d ans la négative, quels facteurs s’y oppos ent .

2 1 . Elle aimerait avoir une estimation de l’enveloppe budgétaire que les Communautés consacrent aux activités en faveur de l’enfan t et savoir comment ces budgets sont financés dans la mesure où le financement du budget des Communautés fran cophone et flamande est assuré, entre autres, par d es recettes non fiscales propres . Sur quels critères ces recettes sont-elles réparties ? Hormis les redevances radio et télévision, les Communautés ont-elles le droit de lever l’impôt ?

2 2 . Enfin, chaque commune disposant d’un centre de promotion du bien-être des enfants, quelle est leur place dans la structure que constituent la Fédération, les Communautés et les Régions ?

2 3 . M. CITARELLA constate que dans la réponse à la question N°  7 ne figurent pas de données statistique s relatives aux infractions signalées à la police et aux condamnés et qu ’ il y est indiqué que depuis la réforme institutionnelle il est impossible de recueillir des données suffisantes auprès des diverses communautés linguistiques. Le système mis en place présentant des défaillances, ne faudrait-il pas plus de concertation ?

2 4 . Au sujet de la déclaration interprétative concernant le paragraphe 1 de l’article 2, dans laquelle le Gouvernement belge interprète la non-discrimination fondée sur l’origine nationale comme n’impliquant pas nécessairement l’obligation pour les É tats de garantir d’office aux étrangers les mêmes droits qu’à leurs nationaux, il convient de mettre en garde la Belgique contre l’introduction d’une éventuelle forme de discrimination. Il serait souhaitable que cette déclaration soit retirée ou tout au moins modifiée.

25 . S ’agissant de la définition de l’enfant, la répartition des pouvoirs et des compétences entre les diverses Communautés semble poser problème. En effet, alors que la C ommunauté française donne de l’enfant une définition claire, à savoir toute personne âgée de moins de 18 ans, la C ommunauté flamande considère comme mineure toute personne qui bénéficie d’une aide du Comité d’aide spéciale à la jeunesse . Ne faudrait-il pas envisager de réviser cette dernière définition ?

26

. M me KARP constate que vu la structure institutionnelle particulièrement complexe de l’État partie se pose la question de savoir si les enfants belges jouissent de droits différents quel s que soi en t leur lieu d’habitation ou leur communauté d’ appartenance , en particulier sur le plan de l’éducation. Face à la multiplicité des niveaux de gouvernement – fédéral, communautaire et local – elle se demande si la Belgique a une vision globale de la promotion des droits de l'enfant puisqu il n’existe aucun organe chargé d’analyser ce qui se fait dans le cadre de ces différentes structures pour promouvoir la mise en œuvre de la Convention ni de programme d’action national. La Belgique ferait bien de créer des structures capables de garantir un niveau minimum de droits aux enfants de tout le pays et de s’inspirer des diverses expériences menées au niveau local. La nécessité ou l’obligation de soumettre un rapport d’impact sur l’enfant est une prérogative uniquement communautaire et il conviendrait dès lors d’évaluer les mécanismes qui fonctionnent le mieux pour les enfants, au niveau régional, et de s’en inspirer au plan fédéral.

27 . M me OUEDRAOGO salue la participation des enfants et des ONG au processus d’élaboration du rapport mais a du mal à percevoir en Belgique une vision intégrée de la mise en œuvre de la Convention et une politique cohérente des droits de l’enfant. Elle voudrait savoir dans quelle mesure le Gouvernement fédéral intervient pour améliorer ou activer la mise en œuvre de la Convention dans les différentes

Communautés et Régions. Comment assure-t-il le suivi des obligations découlant de la Convention à tous les niveaux, et qui assure la coordination de ces activités ?

28 . Jugeant préoccup ant le manque de statistiques sur les mineurs étrangers, elle se demande comment cette situation pourrait être amélior ée  ? Elle voudrait savoir en  outre si le projet de loi relatif à la création de la fonction d’avocat pour enfants e st sur le point d’être finalisé et s i le Gouvernement entend instituer un poste de médiateur pour enfants au niveau fédéral, dans le souci de mieux assurer la coordination entre les médiateurs régionaux . Ces derniers ont-ils actuellement la possibilité de s’adresser directement aux autorités fédérales, en dehors du processus d’élaboration du rapport ?

29 . Le PR É SIDENT , intervenant en sa qualité d’expert, s’interroge sur l’utilité pratique de la déclaration interprétative de la Belgique concernant l’article 40 de la Convention puisque dans l es réponses écrites il est indiqué qu’aucun cas n’a été enregistré entre 1994 et 2000; quant à la référence à la Cour d’assises qui y est faite, il se demande si cette interprétation de l’article 40 est conforme à l’ a rticle 2 du Protocole N°7 à la Convention européenne des droits de l’homme, qui concerne le droit à un double degré de juridiction en matière pénale.

3 0 . Au sujet de la Commission nationale des droits de l’enfant et de sa mission, il déplore qu’elle n’ait aucun pouvoir exécutif et soit uniquement chargée d’examiner les mesures d’exécution nécessaires pour donner suite aux suggestions et recommandations du Comité des droits de l’enfant. La Commission est-elle censée assurer la surveillance de la mise en œuvre de la Convention au niveau fédéral ?

Quant à la Conférence interministériel le , est- elle doté e d’un statut et p ossède-t- elle un véritable pouvoir de décision concernant la mise en œuvre de la C onvention  ?

Il n’apparaît toujours pas clairement s’il existe des activités de coordination au niveau fédéral, et le cas échéant, qui en est chargé ?

La séance est suspendue à 11 h 20 ; elle reprend à 11 h 40 .

3 1 . M. DEBRULLE (Belgique) dit qu’il convient de se placer dans une perspective historique pour recadrer les questions posées concernant les mécanismes de coordination . C 'est grâce à l'esprit de compromis qui la caractérise que la Belgique est parvenue à passer d'un État centralisé à un État décentralisé puis fédéré. La répartition des compétences entre les différents niveaux de pouvoir s'est faite en respectant le critère « d'équipollence » des pouvoirs. Il n’y a pas de hiérarchie de normes entre le niveau fédéral et le niveau local. Les autorités fédérales n'ont donc aucun pouvoir d'injonction ou d'ingérence dans les compétences du pouvoir local. C’est précisément la raison pour laquelle la mise en place de la Commission nationale des droits de l’enfant a été laborieuse au niveau fédéral et que l’on reproche à la Belgique de manquer de vision globale, notamment dans la mise en œuvre de la Convention.

3 2 . Dans l e système institutionnel belge , les Communautés et les Régions ne sont pas des collectivités subordonnées mais des entités disposant d'un pouvoir identique à celui de l'autorité fédérale dans leurs domaines de compétence. Lorsque les Communautés jouissent d'une compétence exclusive dans un domaine, le Gouvernement fédéral n'a pas voix au chapitre, et il risque d'être accusé d'ingérence s’il intervient dans un domaine qui n’est pas de son ressort. C'est pourtant l'autorité fédérale qui assure le financement du budget des Communautés, en leur reversant une partie des impôts perçus au niveau fédéral. En matière d'éducation par exemple, qui est de la compétence exclusive des Communautés, le budget alloué est fonction du nombre d'élèves que compte la Communauté concernée.

3 3 . M me KHATTAB note avec intérêt que les Communautés et les Régions disposent d'un pouvoir identique à celui de l'autorité fédérale m ais souligne que le Gouvernement fédéral doit néanmoins veiller à ce que ces entités travaillent de concert pour assurer la cohésion et l'unité nationale. Pour prendre un exemple précis, il serait bon que tous les niveaux de pouvoir entreprennent une action commune en vue de la diffusion du texte de la Convention relative aux droits de l'enfant.

3 4 . M me TIGERSTEDT ‑TÄHTELÄ , appuyée par M. CITARELLA et M me OUEDRAOGO , fait observer que sur la scène internationale, c'est l'État partie – et non les collectivités locales – qui a contracté des obligations en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant. Comment peut ‑il honorer les obligations auxquelles il a souscrit si certains domaines visés par la Convention ne sont pas de sa compétence mais de celle des Régions ou des Communautés ? Quel sont les recours dont dispose l'État partie s'il estime que les droits de l'enfant sont bafoués dans l'une ou l'autre de ces entités ?

35 . M me OUEDRAOGO souhaiterait un complément d'information sur le processus de ratification des traités internationaux dans l'État partie afin de mieux comprendre les responsabilités de chacune des entités nationales.

36 . M . PARMENTIER (Belgique) dit qu'avant d' ent r er en  vigueur , un traité doit être ratifié par le Parlement fédéral puis, lorsque l'objet du traité est de la compétence des Régions – comme dans le cas de la Convention relative aux droits de l'enfant – par les Parlements de Région.

37 . La Belgique est dotée d’ un Comité de concertation intergouvernemental, se composant de représentants du Gouvernement fédéral et des gouvernements de Communauté ou de Région qui mettent en commun leurs données afin d'avoir une vue d'ensemble sur leurs initiatives conjointes, comme la mise en œuvre de la Convention. Le Comité de concertation a défini des domaines prioritaires pour lesquels il paraît essentiel de collaborer et a créé à cette fin des structures de concertation et de dialogue, à savoir les conférences interministérielles , dont l’une – la C onférence enfance et jeunesse – a été créée en 1999 pour é laborer les rapports périodiques que la Belgique est tenue de présent er au titre de la Convention relative aux droits de l'enfant et pour répondre à la liste des points à traiter, d'une part, ainsi que pour formuler un accord de coopération concernant la Commission nationale des droits de l'enfant. La mise en place de ces structures visait surtout à mener une politique cohérente et efficace en matière de protection des droits de l’enfant, conformément au souhait exprimé par le Comité pour les droits de l’enfant .

38 . La Commission nationale des droits de l'enfant sert de cadre à une coopération entre les autorités fédérales et les Communautés, lesquelles sont c ompétentes pour les questions relatives à l'enfance. Elle réunit tous les acteurs privés et publics concernés par les droits de l'enfant, à tous les niveaux de pouvoir : représentants du gouvernement fédéral et des gouvernements de Région ou de Communauté, représentants des provinces et des communes, représentants d'ONG de défense des droits de l'enfant, de conseils locaux pour la jeunesse entre autres. Elle est chargée de participer à l'élaboration des rapports périodiques que la Belgique doit soumettre au Comité des droits de l'enfant et de les transmettre aux différents Parlements du pays, de collecter des données statistiques et de les traiter en vue d'une synthèse, de veiller à la coordination des actions en faveur de l'enfance et enfin d'en surveiller l'application.

39 . M me KARP demande si au sein de la Commission nationale des droits de l’enfant c’est la même structure qui est chargée de la coordination des initiatives et de la surveillance de leur mise en œuvre , en  faisant observer que pour être efficace , la surveillance doit être assurée par un organisme complètement indépendant des instances chargées de la mise en œuvre.

4 0 . M. LELI È VRE (Belgique) reconnaît qu’il est préférable d’éviter qu’une même instance assume à la fois une fonction de coordination et de supervision, ce qui est le cas de la Commission des droits de l’enfant.

4 1 . Il existe un projet de loi portant création de l’institution de la fonction de médiateur ayant compétence au niveau fédéral mais , pour qu’une telle institution ne fasse pas double emploi, il faut qu’elle soit dotée de pouvoirs autres que ceux du Commissaire aux droits de l’enfant de la C ommunauté flamande, du Délégué général aux droits de l’enfant de la Communauté française et du médiateur chargé

des questions de l’enfance que la C ommunauté germanophone entend instituer prochainement. La Belgique envisage donc de doter cette institution de fonctions de coordination et de conseil ; elle pourrait notamment émettre des avis sur des questions qui relèvent de compétences exclusivement fédérales, du Ministère de la justice par exemple.

4 2 . M me TIGERSTEDT ‑TÄHTELÄ demande si les rapports d’impact sur l’enfant prennent en compte un large éventail de domaines, tels que l’environnement ou encore la planification au niveau des communes, et si l’accent est mis sur l’intérêt supérieur de l’enfant.

4 3 . M me KARP demande si l’État partie envisage de créer une instance permanente chargée des questions relatives à l’enfance et qui permettrait d’avoir une vue d’ensemble de la question.

4 4 . M. DEBRULLE (Belgique) dit que le Gouvernement belge veillera à ce qu’un plan d’action soit adopté afin que des dispositions soient prises aux niveaux fédéral, des Régions et des Communautés pour donner effet aux conclusions de la s ession extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée aux enfants . Une instance pourrait être chargée de réfléchir aux moyens de mettre en œuvre les documents finals de cette session extraordinaire, dont la Belgique attendait au demeurant plus .

45 . La Belgique a signé la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, qui est en cours de ratification , ainsi que , voilà quelques mois, la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales, sans avoir toutefois pu engager son processus de ratification, faute d’un consensus sur l’interprétation des termes « minorités nationales ». Si toutes les parties concernées s’accordent à reconnaître la communauté germanophone comme une minorité, la question n’a pas encore été tranchée en ce qui concerne la population francophone en Flandre et la population flamande en région francophone.

46. M me AL-THANI note que la prise en charge des enfants handicapés par des institutions spécialisées semble être privilégiée au détriment de l’intégration de ces enfants dans le système éducatif et demande quelles mesures sont prises au niveau des C ommunautés en vue de lutter contre toute forme de discrimination à l’égard des enfants handicapés . Elle s’interroge sur la possibilité pour les enfants de la communauté germanophone de choisir librement leur école et la langue dans laquelle ils étudient. Elle souhaiterait avoir des précisions concernant la réforme de la législation relative aux mineurs étrangers non accompagnés.

47 . Même si de nombreuses dispositions ont été prises par les autorités belges en vue de favoriser la participation des enfants, faute d’informations suffisantes il s semble nt ne pas toujours comprendre véritablement ce qui est attendu d’eux. En outre, les enfants ne sont pas toujours associés à la prise des décisions les concernant directement, notamment dans les écoles. Des mesures vont-elles être prises en vue de mieux informer les enfants sur les questions les intéressant, de garantir que leur opinion sera véritablement prise en compte et de leur laisser l’initiative dans certains domaines ? Par ailleurs, comment les autorités belges s’efforcent-elles de garantir l’égalité d’accès des enfants à l’information et de protéger les enfants contre les informations pouvant leur être préjudiciables ?

48 . M me KARP demande pourquoi il n’existe pas de conseils des enfants dans les écoles primaires. Elle s’interroge par ailleurs sur les nouvelles dispositions législatives en vertu desquelles il appartiendrait entièrement au juge de décider de la capacité ou de l’incapacité d’un enfant à témoigner. Notant que les enfants sont généralement mal informés de leurs droits, en matière d’assistance juridique par exemple, elle souligne la nécessité de mettre en place des services spécialisés visant à leur permettre d’accéder à ce type d’information sans avoir à passer par leurs parents.

49 . L’amendement récemment apporté à la Constitution en vue de garantir le respect de l’intégrité physique des enfants ne contient pas de dispositions précises concernant les châtiments corporels dans la

famille. Ceux ‑ci sont ‑ils interdits et quelles sont les mesures prises par le Gouvernement en vue de sensibiliser le public et d’encourager les parents à rechercher le dialogue avec leurs enfants et à recourir à d’autres formes de punition ?

5 0 . M. CITARELLA demande des précisions sur la définition de l’enfant. Notant qu’il n’existe pas en Belgique de législation spécifique en matière de discrimination, il juge préoccupantes les difficultés d’accès à l’éducation et à la santé auxquelles se heurtent les mineurs d’origine étrangère. Les quelques mesures prises en vue de remédier à cette situation semblent avoir été peu concluantes. De même, certaines formes de discrimination fondée sur le sexe persistent dans la législation . Ainsi, la loi récemment adoptée relative au placement provisoire des mineurs délinquants prévoit un traitement différent pour les filles et les garçons. Comment s’explique cette distinction et, de façon plus générale, comment le Gouvernement envisage-t-il d’agir pour lutter de façon plus efficace contre toutes les formes de discrimination ?

5 1 . Dans la procédure de divorce, le juge a la possibilité d’entendre les mineurs concernés mais il n’en a pas l’obligation. Dans ces conditions, comment est pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant ?

5 2 . M me KHATTAB souhaite savoir si des mesures ont été prises en vue de garantir le respect des droits fondamentaux des migrants, et notamment de punir les polic iers et autres représentants de l’État auteurs de mauvais traitements à l’encontre des migrants. Elle demande également si les autorités fédérales et communautaires envisagent d’adapter les programmes scolaires afin d’y intégrer pleinement le principe de la non-discrimination. Est-il prévu d’utiliser la télévision ou certaines publications pour mieux informer les enfants de migrants ou les enfants appartenant à une minorité de leurs droits, si possible dans leur propre langue ?

5 3 . Quelles sont les mesures prises en vue de lutter contre la violence dans la famille et d’aider les enfants victimes de ce type de violence, notamment parmi les groupes défavorisés ou marginalisés ? La Belgique est-elle dotée de tribunaux des affaires familiales, présidés par des juges spécialisés assistés d’une équipe de travailleurs sociaux, éducateurs et psychologues ?

5 4 . M me  TIGERSTEDT ‑TÄHTELÄ demande des précisions sur les mesures prises au niveau fédéral, notamment dans le domaine fiscal, pour combattre la pauvreté.

55 . L e PRÉSIDENT , parlant en  sa qualité d’expert, souhaiterait savoir si le Gouvernement prévoit effectivement d’instituer un système d’impôt négatif pour les familles à très faible revenu et, dans l’affirmative, à quel stade en est ce projet .

5 6. M me CHUTIKUL aime rait savoir à quel point les enfants pourraient davantage être associés à tous les travaux des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux les concernant, afin que leur opinion soit véritablement prise en compte. Elle s’étonne que la nouvelle loi interdisant la détention des mineurs avec des adultes prévoie de porter de 15 jours à deux mois la durée maximale du placement des mineurs en maison d’arrêt et se dit préoccupée par le nouveau modèle de foyer pour mineurs, qui comprend une cellule de confinement. Comment s’expliquent de telles dispositions et quelles en seront les modalités d’application ?

57 . M me OUEDRAOGO , notant que la formation des professionnels travaillant avec des enfants relative aux droits et principes énoncés dans la Convention se fait actuellement dans le cadre de différentes structures, se demande s’il ne serait pas mieux d’intégrer directement la Convention dans leur formation de base. Elle souhaiterait par ailleurs des précisions sur la durée du séjour des familles de demandeurs d’asile en centre d’accueil et sur les conditions de séjour des enfants dans ces centres. Notant que la participation des enfants dans la famille n’est pas toujours encouragée, elle demande quelles sont les mesures prévues pour encourager les parents à mieux respecter ce droit. Par ailleurs, comment les enfants eux-mêmes sont-ils informés sur le contenu de la Convention ?

58 . La politique familiale étant mise sur pied au niveau fédéral, existe-t-il un mécanisme de coordination entre les communautés dans ce domaine ? Quels sont les éventuels critères de sélection des familles d’accueil ? Quels moyens permettent de s’assurer que les allocations versées aux familles bénéficient directement aux enfants ?

59 . L e PRÉSIDENT , parlant en  sa qualité d’expert, demande si le Gouvernement a prévu d’étendre la création de conseils provinciaux pour les enfants à toutes les provinces et de permettre aux enfants autres que ceux âgés de 7 à 12 ans d’y participer. Il souhaiterait également savoir si des dispositions vont être prises en vue de renforcer la participation des enfants dans les conseils d’école et si le Gouvernement envisage d’organiser de nouveaux référendums pour les enfants, sur des sujets tels que l’environnement ?

6 0 . Un rapport de 1994 indiquait que de nombreux enfants étaient encore séparés de leurs familles en raison de difficultés matérielles. Quelles mesures ont été prises en vue de remédier à cette situation ? En cas de séparation des parents, comment ceux-ci continuent-ils à exercer conjointement l’autorité parentale ?

6 1 . Un centre d’aide aux enfants victimes de violence sexuelle dans la famille a été mis en place dans la C ommunauté flamande. Des dispositions semblables vont-elles être prises dans la Communauté française ? Le Gouvernement est-il parvenu à renforcer l’efficacité de son action préventive et répressive face à ce type de violence ?

La séance est levée à 13 h 5.

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