Convention relative aux droits de l'enfant

Distr.

GÉNÉRALE

CRC/C/SR.590

17 janvier 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT

Vingt-troisième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 590ème SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le mardi 11 janvier 2000, à 15 heures

Président : Mme OUEDRAOGO

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Rapport initial de l'Inde (suite)

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

GE.00-40244 (F)

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 6 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial de l'Inde (CRC/C/28/Add.10; CRC/C/Q/IND/1; CRC/C/A/IND/1) (suite)

1.Sur l'invitation de la Présidente, la délégation indienne reprend place à la table du Comité.

2.M. SINHAL (Inde) dit que, depuis 1993 les crédits budgétaires affectés au secteur de l'éducation ont augmenté et que dans les années 90 les progrès en matière d'alphabétisation ont été plus importants, sur les plans qualitatif et quantitatif, qu'au cours des décennies précédentes.

3.Certaines études indépendantes, réalisées notamment par des ONG, semblent confirmer que non seulement le taux d'alphabétisation a augmenté mais également que le taux d'enfants n'ayant jamais été scolarisés a considérablement baissé dans les provinces accusant un retard dans le domaine de l'éducation. La situation en matière d'enseignement élémentaire présente de fortes disparités régionales en Inde, mais dans la majorité des 32 États et territoires de l'Union, 85 à 90 % des enfants de moins de 14 ans sont scolarisés. Pour les autres enfants, des interventions d'ampleur ont été réalisées au cours des années 90, conformément au but poursuivi par le Gouvernement indien.

4.Le Gouvernement indien préconise une approche axée sur les droits. Deux grands États où les indicateurs en matière d'éducation laissent à désirer, le Rajasthan et le Madhya Pradesh, ont adopté cette approche et depuis quelques années tout enfant doit avoir accès à un établissement d'enseignement dans un rayon de 1 km autour de son lieu de résidence. Ces deux États comptent encore respectivement 16 000 et 22 000 localités où cette règle reste à appliquer mais on a mis en place un programme au titre duquel toute localité non desservie située en zone tribale et comptant 25 enfants non scolarisés peut demander l'implantation d'un établissement d'enseignement sur place dans un délai relativement court.

5.Au Rajasthan, un cadre juridique et administratif a été institué pour assurer la décentralisation de la gestion de l'enseignement. Deux amendements apportés à la Constitution ont donné aux communautés locales la compétence juridique et administrative de définir des actions. Des représentants élus ont conduit une étude à la suite de laquelle des localités non desservies ont pu choisir leur enseignant local.

6.Dans le cadre d'un projet mis en oeuvre au Rajasthan avec l'appui de l'Agence suédoise de développement international et visant principalement les filles, leur intégration dans le système éducatif et la création d'établissements, des camps éducatifs spéciaux ont été créés pour les filles n'ayant pu être scolarisées lorsqu'elles avaient entre six et huit ans. Ces camps ont atteint leur objectif, à savoir l'intégration des filles dans le système traditionnel.

7.Depuis 1993, chaque État est tenu de communiquer à la Cour suprême des renseignements sur les mesures prises en faveur des enfants, celles qu'il est envisagé de prendre et les délais prévus. Le droit à l'éducation a été reconnu par les tribunaux dans un grand nombre de provinces et des plaintes ont été déposées auprès de la Haute Cour au nom d'enfants qui n'ont pas été à l'école afin que ces derniers puissent être rétablis dans leurs droits. Les années 90 se sont ainsi caractérisées par un changement manifeste de politique. Le droit à l'éducation est désormais reconnu comme faisant partie du droit interne et les gouvernements locaux doivent prendre en charge l'obligation de pourvoir à l'enseignement.

8.Le programme pour l'enseignement primaire à l'échelon du district mis en route en 1994 et couvrant aujourd'hui presque 40 % de la population indienne, illustre l'ampleur de l'effort financier consenti. Au titre de ce programme, un district est sélectionné soit en fonction du faible taux d'alphabétisation des femmes, soit en raison de la présence élevée de castes et tribus énumérées. Les interventions sont prévues pour sept ans et impliquent des investissements pouvant atteindre 10 millions de dollars pour un district. Dans les 42 districts qui ont commencé le programme en 1994, la scolarisation dans le primaire est quasi universelle. Dans la majorité des districts, le pourcentage de filles allant à l'école a considérablement augmenté.

9.Le Gouvernement indien est conscient qu'il existe des groupes marginalisés même dans les zones urbaines et estime à cet égard que la collaboration entre les pouvoirs publics et les organismes non gouvernementaux est souhaitable et nécessaire.

10.S'agissant des enfants employés dans l'agriculture, une ONG (la Fondation MV) a proposé une stratégie très efficace visant à intégrer les enfants dans le système scolaire au moyen de camps de réadaptation. Le Gouvernement indien a l'intention de renforcer l'appui qu'il accorde aux fondations et aux ONG qui favorisent l'adoption d'un cadre fondé sur le droit à l'éducation.

11.Sur le plan budgétaire, la part du PNB de l'Inde allant au secteur éducatif public est passée de 1 % en 1950-51 à 3,7-3,8 % aujourd'hui et environ 1,7 % du PNB est affecté au secteur éducatif privé. Le Gouvernement indien souhaite que les écoles privées ne soient pas réservées aux riches et la Cour suprême de l'Inde a déclaré que les établissements d'enseignement pouvaient avoir un but lucratif mais avaient une vocation sociale. Le secteur privé doit intégrer un certain nombre d'enfants ayant de faibles moyens économiques. L'éducation est une question essentielle pour l'Inde qui souhaite continuer à augmenter la part d'investissement consacrée à ce secteur pour atteindre 6 % du PNB.

12.L'Inde compte environ 200 millions d'enfants âgés de 6 à 14 ans et des études indépendantes font apparaître qu'environ 70 % des enfants vont régulièrement à l'école. Il faut concentrer les efforts sur l'intégration des enfants qui sont encore exclus du système scolaire mais, à propos d'abandon scolaire, il convient de noter que les chiffres avancés comptabilisent souvent des inscriptions inexistantes ou vieilles de cinq ans et surestiment donc le taux réel. Cela étant, le Gouvernement s'engage à instaurer une mission nationale pour l'enseignement élémentaire d'ici six à sept semaines afin de couvrir tout le pays.

13.Le travail des enfants reste un problème dans un certain nombre d' États. Le Gouvernement indien s'engage à consacrer davantage de ressources à l'éducation, à approfondir la décentralisation et à mettre en place un plus grand contrôle de la part de la communauté pour fournir un enseignement élémentaire de qualité à tous les enfants et en particulier aux enfants des groupes marginalisés.

14.Mme RAO (Inde) indique que la question de la définition légale de l'enfant a été soulevée et soumise à la Commission du droit. À la suite de longs débats, un consensus s'est dégagé, selon lequel il n'y a pas de contradiction dans le fait de fixer un âge limite pour certaines des activités des enfants alors que la définition de l'enfant énonce l'âge de 18 ans. Cette question sera réexaminée plus en détail dans l'ensemble du pays, en particulier après la création de la Commission nationale pour l'enfance.

15.Concernant la majorité pénale des enfants, elle est fixée à sept ans en Inde mais les articles 82 et 83 du Code pénal disposent que les actes commis par un mineur de 12 ans ne constituent pas une infraction car l'enfant n'a pas atteint une maturité suffisante pour comprendre et juger la nature et les conséquences de ses actes.

16.La nécessité d'harmoniser et d'uniformiser le droit civil ou de créer un code uniforme s'appliquant à tous les enfants est débattue depuis plusieurs décennies en Inde. La société indienne est plurielle et fait coexister diverses religions et cultures. Actuellement, le droit pénal et l'ensemble de la législation relative à l'environnement sont appliqués uniformément dans l'ensemble du pays de même que le Code de procédure civile, mais diverses lois coutumières et religieuses autochtones touchant au statut personnel sont protégées et garanties par la Constitution. Aucun représentant de groupes religieux ou autochtone n'a exprimé de réserves à l'égard de la Convention relative aux droits de l'enfant. La question de l'harmonisation des lois existantes avec la Convention sera examinée de manière approfondie par la future commission du droit national.

17.La législation concernant la restriction du mariage des enfants, la garde et le viol, s'applique uniformément à tous les citoyens sans discrimination. Dans certains domaines, comme le soutien familial, la personne intéressée peut opter pour la législation nationale uniforme ou pour les dispositions du statut personnel applicables localement.

18.Suite à la décision rendue par la Cour suprême concernant le travail des enfants, l'État a pris certaines mesures concrètes. La politique de l'Inde vise à interdire le travail des enfants âgés de moins de 14 ans. Lorsque cette interdiction sera respectée, elle constituera une base sûre pour la garantie des autres droits de l'enfant. À ce jour, le Gouvernement a interdit l'emploi d'enfants dans 13 professions et pour la mise en oeuvre de 15 procédés. Des écoles spéciales ont été créées pour assurer un enseignement informel, un apprentissage et une nutrition complémentaire à des enfants ayant cessé de travailler en application de la décision de la Cour suprême. Le Comité interministériel sur les affaires économiques a approuvé la poursuite du programme et son élargissement. Au titre d'un autre programme des fonds sont accordés à des organisations bénévoles et à des ONG exécutant des projets en faveur de la protection sociale des enfants travailleurs et ce jusqu'à hauteur de 75 % du coût du projet considéré. L'Inde a en outre été l'un des premiers États à adhérer, dès 1992, au programme mondial lancé par l'OIT en décembre 1991 en vue de l'élimination du travail des enfants.

19.Contrairement aux apparences, les mesures prises par le Gouvernement indien à la suite de la décision de la Cour suprême énonçant certains principes directeurs concernant la régulation des actions gouvernementales et l'augmentation du nombre de ces actions, dans les cas où les enfants sont employés dans des conditions dangereuses, ne sont pas des mesures ponctuelles. Lorsque le projet de loi sur l'éducation universelle pour les enfants de moins de 14 ans et le projet de loi interdisant l'emploi des enfants de moins de 14 ans figureront dans le Recueil des lois, cette question pourra être entièrement traitée du point de vue social et juridique. La législation devra alors être appuyée par des pressions politiques et sociales adéquates. Il s'agit d'une question de temps.

20.Mme AGGARWAL (Inde) rappelle que la Constitution indienne interdit la pratique de l'intouchabilité et qu'il existe une législation antidiscriminatoire dans ce domaine. Les violations sont sévèrement sanctionnées et une commission est chargée d'examiner toutes les questions relatives aux castes et tribus énumérées dans les annexes de la Constitution. Des mesures de discrimination positive ont été prises en faveur des membres de ces groupes défavorisés, qui sont de plus en plus nombreux à prendre part à tous les aspects de la vie économique et à accéder à des fonctions importantes. Pour ce qui est des mariages précoces, la Constitution prévoit des restrictions importantes, mais dans ce domaine comme dans celui concernant les intouchables, il faudra du temps pour que les comportements changent, grâce aux progrès de l'éducation et du développement notamment.

21.Les décisions de la Cour suprême, qui lient tous les tribunaux du pays, ont été suivies de mesures concrètes, d'ordre législatif notamment, dans des domaines comme ceux de l'adoption, de la tutelle, de la justice pour mineurs et des incapacités. La législation pertinente est appliquée à tous les niveaux. On notera à ce sujet que les personnes estimant que leurs droits ont été violés ont la possibilité de saisir les tribunaux par simple envoi d'une lettre exposant leurs griefs.

22.S'agissant de la commission nationale pour les enfants qu'il est proposé de créer, il s'agira d'un organe indépendant chargé d'examiner toute la législation touchant les enfants et d'établir un code complet. Cet organe examinera toutes les violations des droits de l'enfant, sans pour autant se substituer à l'Alliance pour l'enfant.

23.Le Gouvernement coopère avec des organisations non gouvernementales qui l'aident à exécuter toutes sortes de programmes. Il finance les activités menées dans ce cadre et demande l'opinion des ONG dans divers domaines. L'établissement du rapport initial de l'Inde a ainsi donné lieu à des consultations avec ce type d'organisations.

24.En ce qui concerne la coordination des activités, des mécanismes officiels ont été mis en place à différents échelons ministériels, mais des efforts supplémentaires s'imposent dans ce domaine.

25.Dans le cadre du recensement de 2001, tout sera fait pour recueillir les statistiques voulues; les données pertinentes en cours de collecte seront présentées dans le prochain rapport.

26.Le Gouvernement ne se heurte à aucune difficulté particulière pour le financement des activités relatives à l'application de la Convention, tout en ayant conscience que des ressources supplémentaires seraient utiles pour pouvoir faire plus. Il a commencé à évaluer le plan national d'action pour l'enfance couvrant une période de dix ans et lancé en 1992. Les répercussions de la mondialisation sur les enfants, auxquelles plusieurs études ont déjà été consacrées, seront plus largement décrites dans le prochain rapport.

27.La PRÉSIDENTE invite les membres du Comité à poser des questions concernant le suivi et les principes généraux.

28.M. DOEK demande si dans le cadre de la campagne "Les enfants prennent la parole", les enfants ont été effectivement entendus et si cela s'est traduit par des mesures concrètes. Il voudrait savoir pourquoi aucun texte législatif n'a encore été adopté pour affirmer le droit des enfants à se faire entendre, devant les tribunaux notamment.

29.M. RABAH, se référant à l'article 85 du rapport initial, demande si des mesures, et lesquelles, ont été prises pour faire connaître les droits des fillettes et promouvoir l'égalité des enfants des deux sexes.

30.Mme KARP demande si toutes les activités visant à faire changer les mentalités et comportements et, de façon générale, les politiques et programmes relatifs aux droits de l'enfant s'inscrivent dans une stratégie d'ensemble bien définie. Elle aimerait avoir des détails concrets sur les mesures prises par la Commission pour les castes et tribus défavorisées en vue d'améliorer les conditions de vie des enfants. Par ailleurs, elle souhaiterait savoir à quelles difficultés le Gouvernement central se heurte en ce qui concerne l'application de ses décisions dans les différents États qui composent le pays.

31.Elle demande comment le Gouvernement indien entend faire respecter le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant face à la diversité des statuts personnels et aux particularismes religieux. Elle aimerait savoir comment se concrétisera la stratégie axée sur le droit devant être mise en place pour appliquer la Convention et s'il existe un programme systématique de formation des fonctionnaires et autres personnes appelés à oeuvrer en faveur du respect des droits de l'enfant.

32.Mme SARDENGERG souhaiterait que l'on réponde, sans attendre le prochain rapport, à sa question sur les conséquences pour les enfants du passage à l'économie de marché. Elle aimerait avoir des précisions sur les mécanismes régissant les relations avec les ONG et la société civile, sur le code de l'enfance, sur l'application concrète de la stratégie d'ensemble relative aux droits des enfants et sur les mesures prises pour protéger les tribus défavorisées. Des précisions sur la prostitution enfantine et les devadasis, ainsi que sur les mesures antidiscriminatoires en faveur des fillettes, seraient les bienvenues.

33.Mme MOKHUANE aimerait qu'on lui indique clairement de quelle façon le droit au développement est appliqué en Inde, pour ce qui est des enfants en particulier.

34.Mme RILANTONO s'interroge sur les principes de base régissant les programmes relatifs aux enfants des rues. Les activités entreprises dans ce domaine devraient aller au-delà de l'action répressive et porter davantage sur l'éducation, l'objectif étant de faire évoluer les mentalités. Le Gouvernement devrait commencer par définir clairement de tels principes et agir en collaboration avec les ONG, ce qui lui permettrait ensuite d'évaluer plus précisément les résultats de son action.

35.M. FULCI s’inquiète de la persistance dans la société indienne  de trois phénomènes pourtant proscrits par la loi : la discrimination à l'égard des veuves, qui sont très nombreuses du fait des mariages précoces mais sont perçues comme portant malheur et sont contraintes de quitter leur foyer pour aller vivre dans des communautés isolées; l'infanticide des filles et le recours à l'amniocentèse pour connaître le sexe des fœtus et pratiquer des avortements sélectifs; le recours massif aux enfants pour le ramassage manuel des ordures.

La séance est suspendue à 16 h 35 ; elle est reprise à 16 h 45.

36.Mme AGGARWAL (Inde) dit que les enfants peuvent être entendus dans les affaires les intéressant, tout particulièrement devant les tribunaux pour enfants. Un certain nombre de mesures de discrimination positive ont été prises en faveur des filles. Une prime est ainsi versée à la naissance d'une fille et une bourse est accordée pour la durée de sa scolarité puis au niveau universitaire, ce qui a pour effet de prévenir à la fois les retraits du système scolaire et les mariages précoces. Le Ministère de l'éducation met en œuvre un programme spécifique de sensibilisation aux droits des filles; ces droits font en outre l'objet de diverses émissions radiophoniques ou télévisées, dont une, visant à encourager le maintien à l'école des filles, a été conçue en collaboration avec l'UNICEF. Enfin, un des programmes ICDS évoqués au paragraphe 16 du rapport initial, cible spécifiquement les adolescentes. Pour faire évoluer les mentalités, le Gouvernement a instauré une étroite coopération avec les ONG et la société civile en général : universités, centres d'étude et médias. Il s'appuie notamment sur le réseau public de radio-télédiffusion, qui permet de toucher toutes les communautés, même celles des villages les plus reculés.

37.S’agissant des incidences pour les enfants de la création de la Commission pour les castes et tribus énumérées, il convient d’abord de préciser que cet organe n’œuvre pas uniquement en faveur des enfants mais de tous les membres de ces castes et tribus. Son rôle est de présenter régulièrement des rapports au Parlement et aux ministères et de formuler des directives. Lorsque la commission constate que ces directives ne sont pas appliquées, elle envoie un inspecteur sur place pour enquêter.

38.M. SINHA (Inde) indique, au sujet de l'impact des réformes économiques et de la mondialisation sur la société indienne, que le passage à une politique plus libérale à partir de 1991 ne s'est pas accompagné d'une réduction des budgets sociaux. Au contraire, le taux élevé de croissance atteint grâce aux réformes, qui est monté jusqu'à 6 %, a permis d'augmenter les investissements dans le secteur social, en particulier dans l'emploi et l'éducation. Certaines zones ont certes davantage bénéficié des investissements que d'autres et les déplacements de main‑d'œuvre ont entraîné une surpopulation dans les villes, mais le Gouvernement porte une grande attention à ce problème. D'une manière générale, les années 90, tout autant que des années de réforme économique, ont été des années de campagnes de sensibilisation sociale, en faveur notamment de la vaccination, de l'alphabétisation et de la non‑discrimination. Elles ont aussi constitué un tournant vers une approche axée sur l'efficacité. Dans l'enseignement, la décentralisation du recrutement des enseignants s’est soldée par des économies tout en permettant – fait sans précédent – de pourvoir tous les postes vacants.

39.Les castes et tribus explicitement protégées par la Constitution représentent respectivement 15 et 7,5 % de la population. La protection constitutionnelle comprend par exemple l'obligation pour le Gouvernement de mettre au point un sous-plan spécifique pour les tribus et un plan à composante spéciale pour les castes et de réserver un certain pourcentage des investissements publics aux zones tribales, lesquelles sont autonomes et se dotent elles-mêmes de leurs dirigeants. Les districts dans lesquels se concentrent d'importantes communautés tribales sont en outre dotés d'un conseil de l'autonomie tribale, dont le consentement est requis avant qu'une quelconque activité industrielle, minière ou forestière puisse être entreprise sur le territoire d'une de ces communautés. M. Sinha signale la récente création du Ministère des affaires tribales et renvoie le Comité au rapport initial pour ce qui est des progrès réalisés en termes de scolarisation des enfants des castes et tribus. La participation des tribus, des castes, mais aussi des femmes dans la vie publique s'est elle aussi sensiblement améliorée dans les années 90. Les élus municipaux doivent être des femmes pour un tiers d'entre eux et une proposition de loi visant à réserver un quota donné de sièges parlementaires aux femmes a récemment été présentée.

40.Mme AGGARWAL (Inde) confirme que le Gouvernement et les ONG entretiennent d'étroites relations. Un certain nombre de programmes, par exemple un programme d'octroi de microcrédits aux femmes, sont ainsi financés par l'État mais exécutés par des ONG. Certaines ONG sont en outre représentées dans des organes ou commissions publics.

41.S'agissant des veuves cherchant refuge dans des lieux saints, le Gouvernement a récemment entrepris d'évaluer le nombre de femmes concernées, qui serait de l'ordre de quelques milliers. Le problème serait circonscrit au Bengale-Occidental et pour le résoudre le Gouvernement fédéral a recommandé au Gouvernement de cet État d'envisager le versement d'une pension de veuvage. Ce dernier a d'ores et déjà mis en place des centres d'accueil et d'information à l'intention des veuves. Des ONG bénéficiant d'aides publiques proposent en outre à ces femmes des activités de formation professionnelle.

42.Concernant les autres sujets de préoccupation de M. Fulci, elle confirme que le fait de demander une amniocentèse en vue d'avorter dans l'éventualité où le foetus serait de sexe féminin est strictement considéré comme un crime par la loi et que le travail des enfants est interdit. Les ONG et les militants sont très actifs sur ces questions, même s'il faut bien reconnaître que l'évolution des mentalités est lente.

43.Mme RAO (Inde) précise que les devadasis font partie de l'héritage culturel indien mais suscitent des controverses. Les devadasis ont toujours existé dans le sud du pays et étaient à l'origine des danseuses sacrées. Les pénuries et la misère aidant, force est de constater qu'elles ont peu à peu sombré dans la prostitution. Des programmes de sensibilisation ont été menés dans les quatre États du sud concernés et des associations de femmes ont élaboré des plans visant à aider les devadasis. Il s'agit notamment de leur dispenser une formation et une aide à la création d'entreprises pour les arracher à la prostitution.

44.À ce propos, elle indique avoir participé en 1992 à un projet mis en oeuvre dans l'État de Karnataka au titre duquel quelque 24 000 devadasis avaient reçu un ou deux hectares de terre, l'opération étant financée pour moitié par une subvention de l'État et pour moitié par des emprunts contractés par les bénéficiaires. Les exploitations agricoles s'étant révélées très rentables au bout de quelques années, la quasi-totalité des devadasis avaient pu rembourser leur emprunt. Le Gouvernement et les ONG ont oeuvré de concert à la réinsertion sociale des devadasis et sensibilisé l'opinion publique au caractère inhumain de leur condition.

45.Au sujet de l'adoption d'une approche axée sur les droits en vue de l'application de la Convention, Mme Rao dit qu'il s'agit là d'un concept nouveau pour l'Inde, où les communications entre les différents échelons de gouvernement restent lentes. Grâce au rôle de catalyseur joué par l'UNICEF, ce concept est toutefois aujourd'hui fermement enraciné dans le fonctionnement des instances nationales et locales de gouvernement, des institutions sociales et des ONG. De même, toutes les dispositions juridiques actuellement en cours de révision, notamment la loi relative à l'administration de la justice pour mineurs, participent de cette approche et font référence à la Convention.

46.Mme AGGARWAL (Inde) précise que l'Institut national pour la coopération publique et le développement de l'enfant organise régulièrement des séminaires de formation - largement inspirés des principes de la Convention - à l'intention des fonctionnaires s'occupant d'enfants. Les agents de police sont également sensibilisés aux dispositions de la Convention et aux questions de disparités sexuelles.

47.La PRÉSIDENTE invite les membres du Comité à poser des questions sur les libertés et les droits civils ainsi que sur le milieu familial et la protection de remplacement.

48.M. DOEK exprime son inquiétude face au faible taux d'enregistrement des naissances, qui nuit à la fiabilité de toutes les données statistiques disponibles concernant les enfants. Il aimerait savoir quelles mesures concrètes le Gouvernement a adoptées pour remédier à ce problème et s'il a demandé l'assistance de l'UNICEF ou d'autres organisations. Le Comité a reçu des informations préoccupantes concernant les enfants des groupes Chakma et Hajong, expulsés en 1964 du Pakistan oriental - l'actuel Bangladesh - suite à la réalisation d'un projet hydroélectrique. Est-il vrai que la nationalité indienne leur est refusée ?

49.S'agissant de l'accès des enfants à l'information, qui reste problématique, M. Doek demande si le Gouvernement envisage la création de bibliothèques mobiles.

50.La réponse fournie par le Gouvernement indien à la question du Comité concernant les mesures prises pour prévenir et interdire les brutalités policières et les actes de torture, à savoir qu'aucune brutalité policière envers des enfants n'a récemment été enregistrée, n'est pas pleinement satisfaisante, d'autant plus que le Comité dispose d'informations contraires sur ce point. Il semblerait que les dalits fassent l'objet d'agressions de la part de la police et de milices privées (sinas) parce que soupçonnés de sympathie envers les naxalites, auteurs d'actions violentes en faveur d'une redistribution des terres. Des femmes et des enfants figureraient en grand nombre parmi les victimes. La violence à l'encontre des enfants des rues serait également très répandue. En outre, au Jammu-et-Cachemire, de nombreux enfants seraient assassinés, torturés ou portés disparus. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour combattre ces diverses formes de violence contre les enfants ?

51.Enfin, M. Doek demande si les auteurs de brutalités et de violences physiques, notamment de châtiments corporels, sur des enfants - parents, enseignants et autres personnes en position d'autorité - sont traduits en justice et comment s'expliquent les 30  décès survenus dans des foyers pour enfants signalés par la Commission nationale des droits de l'homme.

52.Mme LE GUINDI demande comment le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant est garanti dans le cadre des différentes procédures d'adoption et s'il existe un mécanisme de suivi des enfants dans leurs foyers d'adoption respectifs.

53.M. FULCI demande si la délégation indienne peut confirmer l'information selon laquelle du tiers à la moitié seulement des enfants seraient enregistrés à la naissance. Par ailleurs, les actes de torture et les violences sexuelles auxquels se livreraient des fonctionnaires chargés de l'application des lois et des agents de police sur des enfants placés en garde à vue constituent un vif sujet de préoccupation pour le Comité. Il est regrettable à cet égard que le Rapporteur spécial sur la question de la torture n'ait pas été autorisé à se rendre en Inde malgré les demandes répétées qu'il a formulées dans ce sens depuis 1993. L'Organisation mondiale contre la torture s'est, quant à elle, fait l'écho de violences commises par l'armée contre des enfants dans l'État de Manipur. Quelles mesures concrètes le Gouvernement indien envisage-t-il d'adopter pour remédier à cette situation et donner effet à l'article 37 a) de la Convention ? Des mécanismes de plainte sont-ils accessibles aux enfants victimes de violences ?

54.Enfin, M. Fulci aimerait obtenir des renseignements supplémentaires sur le nombre d'enfants abandonnés et le volume des ressources financières et humaines dont bénéficient les institutions fournissant une protection de remplacement aux enfants dans le besoin.

55.M. RABAH souhaiterait un complément d'information concernant les répercussions des conflits, notamment religieux, sur les enfants appartenant à des minorités et demande dans quelle mesure les droits des enfants sont affectés par le conflit en cours au Cachemire.

56.Mme RILANTONO demande qui assure la diffusion des journaux destinés aux enfants, quelle proportion d'enfants a accès à la presse enfantine et comment les enfants sont protégés des informations, pouvant leur nuirent, diffusées par certains médias.

57.Mme MOKHUANE demande si le Gouvernement a fait appel aux accoucheuses pour sensibiliser la population à l'importance de l'enregistrement des naissances, qui permet notamment au Gouvernement de prévoir les ressources nécessaires aux enfants du pays. Elle aimerait savoir comment est protégé le droit à la vie privée des enfants en conflit avec la loi ou victimes de violences, certaines revues professionnelles publiant des photos des enfants impliqués dans des procédures judiciaires. Les enfants victimes d'actes de torture ou de violences bénéficient-ils de programmes de réadaptation spécifiques ? Comment la question des brutalités policières est-elle traitée par les autorités ?

58. Enfin, Mme Mokhuane n'est pas convaincue par la réponse fournie à la question 15 de la liste des points à traiter car elle est en possession d'informations faisant état d'une grande précarité de situation pour les femmes et les enfants victimes d'expulsion et de déplacements forcés à la suite de grands projets économiques menés dans le cadre des politiques d'ajustement structurel. Elle aimerait savoir comment le Gouvernement entend améliorer les conditions de vie des personnes sans abri dans les régions concernées.

59.Mme KARP demande s'il est vrai qu'aucune disposition légale ne prévoit le retrait d'un enfant de sa famille quand il est maltraité par cette famille et, dans l'affirmative, comment les intérêts d'un tel enfant sont protégés. Elle aimerait savoir par ailleurs à quel mécanisme les enfants victimes d'inceste peuvent avoir recours, s'ils bénéficient de programmes de réadaptation, quelle est la proportion de parents condamnés pour inceste et quel type de peine ils se voient infliger.

60.Des recherches ont-elles été menées sur un lien éventuel entre la maltraitance, en particulier l'inceste, dans les familles et le phénomène des enfants de la rue ? Comment s'explique le fait que la loi relative à l'administration de la justice pour mineurs s'applique à la fois aux enfants maltraités et aux jeunes délinquants ? Le Gouvernement lutte-t-il contre la pratique du mariage précoce des jeunes filles ?

61.La PRÉSIDENTE aimerait savoir si, vu le niveau élevé de violences que connaît le pays, les autorités oeuvrent à la promotion d'une culture de paix et de tolérance. Elle invite la délégation indienne à répondre aux questions posées par les membres du Comité à la séance suivante.

La séance est levée à 18 h 10.

------