Nations Unies

CRC/C/SR.1433

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

11 mars 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante- deux ième session

Compte rendu analytique de la 1433 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 17 septembre 2009, à 15 heures

Président:Mme Lee

puis:M. Filali (Vice-Président)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties (suite)

Quatrième rapport périodique de l ’ État plurinational de Bolivie (suite)

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports présentés par les États parties (suite)

Quatrième rapport périodique de l ’ État plurinational de Bolivie (suite) (CRC/C/BOL/4, CRC/C/BOL/Q/4, CRC/C/BOL/Q/4/Add.1)

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation de l ’ État plurinational de Bolivie prend place à la table du Comité.

2.M me Torrico Rojas (État plurinational de Bolivie) déclare que dans le domaine de l’enfance, l’un des grands enjeux est la ratification d’instruments internationaux. Quoi que tous les membres du Parlement n’aient malheureusement pas soutenu les propositions tendant à ratifier ceux-ci, le Gouvernement reste résolu à poursuivre les ratifications. En décembre 2009, de nouveaux parlementaires devraient être élus suivant le système plurinational, ce qui laisse espérer un Parlement plus sensible à l’importance des questions sociales.

3.En ce qui concerne les personnes handicapées, des crédits qui avaient été affectés aux travaux des partis politiques sur ce thème sont désormais investis dans un fonds dont le montant total atteint 40 millions de bolivianos, qui ira directement aux personnes handicapées. Le Gouvernement entend que ce fonds bénéficie aussi bien aux handicapés physiques qu’aux handicapés mentaux et a publié un décret à cet effet. Le pays comptant quelque 22 000 personnes handicapées, ce fonds ne permettra de verser que 60 bolivianos par personne environ et les autorités faisant usage de ce fonds pour développer des projets en matière de logement, de santé et de sensibilisation, il est clair que davantage de ressources sont encore nécessaires.

4.M. Morales (État plurinational de Bolivie) dit que le centre de réadaptation de Calama, qui devrait ouvrir ses portes dans un futur proche, sera le premier spécialement conçu pour accueillir des mineurs ayant enfreint les lois. Les autorités travaillent à améliorer le système de justice pénale des mineurs dans le cadre de la réforme en cours du système législatif. Leur intention est d’arrêter des procédures judiciaires spécifiques et un code distinct pour les mineurs, axé sur la réinsertion dans la société.

5.Le pays ne compte actuellement que trois tribunaux pour enfants et adolescents mais, grâce à un accord de coopération avec le Danemark, 15 centres plurinationaux devraient devenir opérationnels en 2010. Ces centres seront dotés de juges, d’experts juridiques, de conseillers et de magistrats assis et debouts et offrir une gamme complète de services pour garantir le bon accès au système de justice, y compris pour les jeunes.

6.En réponse à la question posée sur les crédits budgétaires alloués aux services proposés aux enfants, il relève que les travaux initiés par le Gouvernement sont menés à bien par de nombreuses entités différentes, dont le Ministère de la santé, le Ministère de l’éducation, les collectivités locales et les communautés autochtones. C’est ainsi, par exemple, que les services juridiques communautaires à l’échelle locale sont gérés par les autorités locales à l’aide de leur propre budget. Les services à l’enfance comprennent les bureaux des médiateurs des enfants, un programme national visant à améliorer la sécurité alimentaire des enfants âgés de moins de 6 ans, un programme de cantine scolaire, un dispositif de récompense pour les enfants ayant assisté aux cours tout au long de l’année scolaire et des allocations versées aux femmes enceintes qui se font suivre dans un service de consultations prénatales.

7.M me Mauras-Pérez fait observer que des programmes de subvention liés et de transferts en espèces ne peuvent pas être considérés comme une politique à long terme. Elle demande en conséquence si des dispositions ont été prises pour veiller au maintien de ces programmes. Elle souhaite aussi savoir ce qu’il advient de la subvention versée à une famille si la situation de cette dernière s’améliore.

8.M. Morales (État plurinational de Bolivie) répond que beaucoup des programmes qu’il a mentionnés s’appuient sur des textes de loi et doivent donc être mis en œuvre, alors que les réformes structurelles en cours dans le pays s’appuient sur une vision à long terme, durable. Le budget national n’a pas été déficitaire pendant les trois années précédentes ni été significativement touché par la crise économique; grâce à la situation économique satisfaisante du pays, un certain degré de stabilité des financements est ainsi assuré.

9.M me Torrico Rojas (État plurinational de Bolivie) cite pour illustrer la vision à long terme du Gouvernement actuel l’exemple de sa politique d’investissement massif pour accroître la production agricole, de manière à ce que celle-ci puisse satisfaire les besoins alimentaires du pays.

10.M. Morales (État plurinational de Bolivie) ajoute que la politique du Gouvernement en matière d’hydrocarbures fait partie des moyens que celui-ci a choisis pour garantir des financements viables aux programmes sociaux. Une nouvelle approche a aussi été mise en œuvre en matière de taxation. Les autorités reconnaissent toutefois qu’il reste encore à faire pour garantir des ressources suffisantes pour financer tous les services à l’enfance.

11.M me Ortiz (Rapporteuse pour le pays) demande si le plan «Protection intégrale» actuellement en cours d’élaboration comprendra une proposition de budget.

12.M me Marconi (État plurinational de Bolivie) indique que ce plan n’a pas encore été approuvé et que des financements additionnels seront alloués en temps voulu.

13.M me Torrico Rojas (État plurinational de Bolivie) précise qu’une partie du budget des 330 municipalités du pays est allouée en fonction du nombre d’habitants et sert à financer les bureaux des médiateurs des enfants, qui peuvent compter jusqu’à deux juristes, un psychologue, un assistant social et un personnel d’appui, selon le nombre d’habitants de la commune. Les municipalités ont été sensibilisées à la nécessité d’ouvrir de tels bureaux, en dépit de la résistance initialement constatée, pour des motifs liés aux coûts induits et à la charge de travail générée.

14.M. Morales (État plurinational de Bolivie) dit que l’État garantit la gratuité des soins de santé aux personnes, travaillant ou non, âgées de moins de 25 ans ou de plus de 65 ans. Il espère qu’à terme cette gratuité sera accessible à tous.

15.Concernant l’efficacité du programme multisectoriel pour une malnutrition zéro, les statistiques les plus récentes font apparaître une chute du taux de mortalité infantile, de 64 à 50 %. Les statistiques du Ministère de la santé font aussi état d’une baisse significative de l’incidence des malnutritions légères, modérées et graves.

16.L’allaitement doit être promu non seulement par l’État mais aussi par des organisations de la société civile. Les campagnes d’information s’adressent aux mères des enfants jusqu’à 2 ans car c’est jusqu’à cet âge que l’allaitement est recommandé.

17.La vie commune avant le mariage n’est pas un statut reconnu mais les couples vivant ensemble en dehors des liens du mariage ont en droit national le même statut que les couples mariés. Il n’existe pas d’âge minimum pour l’union libre mais dans la pratique de telles unions ne sont pas constituées avant l’âge de 14 ou 15 ans, 15 ans étant l’âge fixé pour les unions civiles. De par l’attitude conservatrice de la société bolivienne à l’égard du mariage, les unions libres dans la tranche d’âge des 14-16 ans sont des exceptions.

18.M me Marconi (État plurinational de Bolivie) explique qu’en application de l’article 2 du Code de l’enfance et de l’adolescence − qui est en cours de révision − l’appellation «garçons et filles» s’applique à la tranche d’âge des 0-12 ans et le terme «adolescents» couvre la tranche d’âge des 12-18 ans. Le fait de parler de «garçons et filles» contribue à ancrer le souci d’équité entre les sexes.

19.Une Commission nationale a été créée pour relancer le Conseil national pour l’enfance et l’adolescence mais ce Conseil national ne peut se réunir tant que des commissions municipales et départementales n’ont pas été constituées. Comme les autorités encouragent la participation d’enfants et d’adolescents à l’analyse des politiques publiques touchant à l’enfance à tous les niveaux, une série de débats sera organisée dans le cadre de la révision dont fait actuellement l’objet le Code.

20.La délégation ne dispose pas de statistiques précises sur le nombre d’enfants des rues dans le pays. Elle indique toutefois que des soins sont apportés à ces enfants dans des centres spéciaux, où ils peuvent trouver nourriture et conseils. Ces centres sont gérés soit par l’État soit par des organisations non gouvernementales ayant conclu des accords avec l’État. Toute mesure complémentaire éventuelle sera incluse dans le plan «Protection intégrale», dans un souci de cohérence et d’efficacité.

21.Onze individus travaillent actuellement au Département public de l’enfance et de l’adolescence. Un effort de coordination des actions prises en faveur de l’enfance est aussi mené au niveau des centres pour la jeunesse et des bureaux des médiateurs des enfants. Il est trop tôt pour établir un ministère uniquement consacré à l’enfance car le Gouvernement souhaite d’abord veiller à la transversalité de la protection de l’enfance, c’est-à-dire à la pleine coordination, interstructurelle, des mesures prises entre le Ministère de la justice, les institutions et les autres ministères.

22.M me Torrico Rojas (État plurinational de Bolivie) indique que l’établissement de nouveaux ministères qui seraient spécifiquement chargés des affaires relatives aux femmes, aux enfants et aux personnes handicapées a fait l’objet de bien des spéculations au sein du Gouvernement. Par le passé, plusieurs vice-ministères ont été chargés de ces questions. Dans la mesure où les questions sociales touchent à un grand nombre de domaines, il serait logique que celles-ci soient considérées de manière transversale par l’ensemble des ministères. Il est difficile d’affirmer qu’un département ou un ministère consacré à l’enfance sera constitué dans la mesure où il y a tout lieu de croire que les élections à venir déboucheront sur une nouvelle structure politique. Le système actuel est en évolution permanente et il est impossible de savoir si le nombre de ministères sera revu à la hausse ou à la baisse. Une autre question actuellement débattue à l’échelle nationale est celle des compétences des autonomies départementales. À l’heure actuelle, 11 personnes seulement sont chargées des questions liées à l’enfance à l’échelon national, ce qui n’est pas suffisant.

23.M me Ortiz (Rapporteuse pour le pays) constate que les restructurations sont une pratique courante, en particulier à l’ONU, où des débats ont régulièrement lieu quant à la possibilité de supprimer les différents organes conventionnels pour les fusionner en un comité unique. Cela se traduirait cependant par une perte de spécificités, lesquelles sont si importantes pour la cause des droits de l’homme. Ce sont du reste ces spécificités qui ont sous-tendu la création du Comité des droits de l’homme et des autres organes conventionnels. Les questions visées par la Convention relative aux droits de l’enfance sont si vastes qu’elles peuvent difficilement être abordées de manière transversale − le défi serait insurmontable. Il sera dans les années à venir nécessaire de mettre vigoureusement en œuvre les différents instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme pour en préserver les spécificités. Elle suggère qu’une forte autorité au sein du Gouvernement bolivien donne l’élan nécessaire à un tel changement par des négociations avec les différents ministères et le Cabinet.

24.M me Torrico Rojas (État plurinational de Bolivie) exprime le souhait que les profondes mutations en cours dans son pays ne seront pas vaines. Celles-ci ont eu un prix élevé pour bon nombre de personnes qui n’avaient pas fait entendre leur voix depuis bien longtemps et qui n’avaient même jamais eu la possibilité d’exercer leurs droits. La plupart des articles de la Constitution sont consacrés aux droits de l’homme, ce qui témoigne des priorités du nouveau gouvernement. Le fait de débattre de ces sujets avec le Comité et de tirer une certaine force des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme pertinents sont des avancées dans la bonne direction.

25.M me Marconi (État plurinational de Bolivie) indique que des plans ont été proposés pour prévenir la consommation de drogues et d’alcool chez les écoliers et les adolescents, qui comprennent aussi des mesures de lutte contre la propagation du VIH/sida et les violences. Ces plans sont coordonnés avec le concours d’un centre public de réadaptation (INTRAID), situé à Tarija. Un besoin pressant se fait toutefois sentir de créer davantage de structures de ce type.

26.Deux organismes nationaux ont été mis sur pied, l’un sur la prévention de la violence et l’autre sur la prévention de la violence sexuelle. Des groupes de travail, composés de représentants d’organisations gouvernementales et non gouvernementales ainsi que d’institutions privées telles qu’Infante, ont été constitués aux échelons départementaux et municipaux. Des réseaux ont été créés dans les centres urbains − à la Paz, Cochabamba et Santa Cruz − et le long des frontières pour protéger les victimes de violences et mauvais traitements. Ces groupes de travail et organismes nationaux travaillent en outre à lever des fonds en vue de lancer une campagne contre les violences destinée à répondre aux besoins globaux et individuels de ces victimes.

27.M me Villarán de la Puente demande des éclaircissements à propos de la loi sur les violences domestiques et intrafamiliales (loi no 1674 du 15 décembre 1995). Ce texte a-t-il été modifié? Couvre-t-il les violences psychologiques? La vocation des organismes nationaux traitant de la violence et de la violence sexuelle est-elle de mettre au point un plan national de prévention des violences à enfants?

28.M me Marconi (État plurinational de Bolivie) répond qu’un comité exécutif sur l’égalité des sexes et la violence entre générations, au sein du Vice-Ministère pour l’égalité des chances, travaille actuellement à réviser la loi no 1674. Les organismes nationaux chargés de la violence et de la violence sexuelle comprennent les ministères travaillant à l’échelle nationale sur la santé, l’éducation, la justice, le travail et la planification; des organisations non gouvernementales travaillant aux échelons national et départemental; et au niveau communautaire, les médiateurs locaux pour les enfants, les services juridiques complets à la disposition des victimes de violences et les services de police et services sociaux départementaux. Une évaluation des travaux réalisée par les organismes nationaux a mis en relief l’importance de concevoir un plan national de prévention des violences, laquelle vient tout juste de commencer à être définie.

29.M me Villarán de La Puente, relevant que ces nouvelles structures ont déjà été mentionnées dans deux rapports périodiques précédents, demande si un organigramme pourrait être communiqué au Comité, à qui il serait utile au moment de la rédaction des recommandations à l’État partie.

30.M. Morales (État plurinational de Bolivie) dit que le Ministère de la justice se concentre sur les procès et les questions de justice sociale. Il se compose de quatre vice-ministères traitant respectivement de la justice et des droits fondamentaux; de la justice pour les paysans et les peuples autochtones et originaires; de la défense des droits des usagers et des consommateurs; et de l’égalité des chances des personnes handicapées, des enfants, des jeunes, des personnes âgées et des victimes de violences fondées sur le sexe ou sur l’âge. Un service d’aide aux victimes de violences est sur le point d’être ouvert à l’échelle nationale.

31.M. Krappmann regrette que le rapport de l’État partie ne fasse aucune mention de structures pour la prise en charge, l’éducation et le jeu des enfants en bas âge, quoique pour le jeu, quelques explications aient été données dans les réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter. Il souhaite savoir comment le développement des jeunes enfants est favorisé avant la scolarisation, quels établissements sont accessibles aux jeunes et aux très jeunes et dans quelle mesure ces établissements sont soutenus par l’État ou par les communautés. Les parents doivent-ils payer pour que leurs enfants fréquentent les établissements accueillant les enfants en bas âge? La question se pose aussi de savoir pourquoi le taux d’inscription aux établissements préscolaires, qui stagne à 40 % dans la tranche d’âge des 4-5 ans, est si faible.

32.Quelle est la politique de l’État partie en ce qui concerne le jeu des enfants? Des détails seraient les bienvenus en ce qui concerne les jeux et leur protection et les activités de loisirs à la disposition des enfants, y compris les aires de jeux.

33.Se référant aux programmes scolaires pour les enfants âgés de moins de 3 ans mentionnés dans les réponses écrites, M. Krappmann se demande s’il s’agit d’une simple recommandation aux parents ou si ces programmes sont réellement appliqués dans les structures d’accueil. Il demande aussi quel type de formation reçoivent les personnes qui travaillent dans ces structures. Ayant reçu des informations faisant état d’une piètre qualité des structures qui accueillent des enfants en bas âge dans le pays, il souligne que la formation des enseignants est essentielle pour la qualité de l’éducation. Il demande un complément d’information sur les plans à long terme en matière de soins, d’éducation et de développement des enfants d’âge préscolaire. La délégation voudra bien indiquer si le plan national répond aux besoins éducatifs de la petite enfance.

34.M. Citarella s’inquiète de la définition de l’enfant dans la mesure où l’article 2 du nouveau Code établit une distinction entre enfants et adolescents. Est-ce à dire que ces deux catégories sont régies par deux ensembles distincts de règles de droit? Il aimerait connaître la structure du système de justice pour mineurs dans l’État plurinational de Bolivie et savoir comment y sont traitées les infractions commises par des enfants n’ayant pas encore atteint l’âge de la responsabilité pénale (16 ans).

35.M me Maurás Pérez salue le fait que l’article 61 de la Constitution bolivienne interdise le travail des enfants. Elle aimerait avoir un comparatif des dispositions de cet article avec celles de la Convention no 182 de l’OIT concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, en particulier s’agissant des filles. Comment le travail des enfants est-il régulé dans l’État plurinational de Bolivie? Tous les enfants, en particulier les filles, ont-ils accès à l’éducation pluriculturelle? Au cours de la journée, il a été fait mention d’associations boliviennes de travailleurs mineurs. Le droit des enfants à une éducation − et non leur droit au travail − est d’une importance capitale et est consacré par la Convention.

36.Le niveau élevé des taux moyens de conception, les grossesses précoces et la forte incidence des maladies sexuellement transmissibles sont sources d’inquiétude dans le domaine de la santé des adolescents. Elle souhaite connaître les mesures prises par l’État partie pour protéger la santé des adolescentes. Étant donné que la sexualité et les droits des adolescents en matière de santé de la reproduction sont des sujets tabous dans la société, l’école constituerait un bon cadre pour des discussions ouvertes sur ces thèmes, essentielles pour la prévention. Elle demande davantage de renseignements sur l’occurrence des meurtres de femmes et des grossesses précoces, deux sujets de préoccupation récemment pointés du doigt dans un rapport du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes.

37.La propagation du VIH/sida chez les jeunes est un autre motif de préoccupation, en particulier compte tenu du fait que 26 % des nouveaux cas recensés concernent des jeunes de 15 à 24 ans. Même si le taux de sida n’est pas particulièrement élevé, le nombre d’infections est en hausse sensible. Il serait bon que la délégation explique quel degré de priorité l’État partie accorde à la prévention du sida chez les adolescents et plus particulièrement chez les adolescentes.

38.M me Varmah souhaite savoir si la loi sur la réforme éducative de 1994 répond aux besoins des autochtones. Les enfants d’origine autochtone jouissent-ils des mêmes droits que les autres enfants? Bénéficient-ils de bourses? Des certificats de naissance sont-ils requis pour inscrire un enfant à l’école? Dans l’affirmative, les enfants qui ne possèdent pas ces documents sont-ils admis?

39.Quoique la Constitution reconnaisse le droit à une éducation pluriculturelle, des critiques ont été formulées à l’égard du système éducatif national, qui ne s’adapterait pas à la culture autochtone. Les résultats scolaires des autochtones sont de 12 % inférieurs à ceux des non-autochtones. Mme Varmah demande si des mesures ont été prises pour remédier à cette situation et si, par ailleurs, les enfants handicapés jouissent des mêmes droits que les autres enfants. Elle demande aussi à l’État partie de communiquer des renseignements sur la traite d’enfants et la prévention de la traite d’enfants.

40.M me Aidoo relève que le Plan national pour le développement communautaire global des enfants et des adolescents contient un programme en faveur des jeunes enfants. Il serait cependant utile de savoir si une politique nationale a été entièrement mise au point concernant les soins et le développement intégré de la petite enfance dans l’État partie. Au vu de la faible demande pour les activités actuellement disponibles pour les enfants en bas âge, elle demande si les autorités mettent en œuvre des stratégies pour sensibiliser la population à l’importance de programmes de soins et de développement intégraux pour les enfants en bas âge.

La séance est suspendue à 16 h 25; elle est reprise à 16 h 50.

M. Filali (Vice-Président) prend la présidence.

41.M me Ortiz (Rapporteuse pour le pays) fait savoir que le Comité reçoit énormément d’informations émanant d’ONG nationales et internationales en ce qui concerne les États parties à la Convention. Il apparaît qu’alors qu’un grand nombre de personnes et d’organisations souhaitent soutenir l’État partie, les canaux qui leur permettraient de le faire leur sont souvent méconnus.

42.M me Herczog dit que compte tenu du nombre élevé d’enfants vivant en institution et de l’intention de l’État partie d’introduire le placement en famille d’accueil et l’adoption nationale, il serait utile d’avoir un complément d’information sur le système de placement en dehors de la famille. Elle souhaite en particulier savoir si des normes minimales sont en place pour les structures de placement et dans l’affirmative, quelles sont ces normes. Une politique a-t-elle été mise en place pour éviter autant que faire se peut l’entrée des enfants dans le système de placement, de manière à maintenir l’offre locale à un niveau gérable? Il serait intéressant de savoir si le placement en famille d’accueil reposera sur le système traditionnel de la famille élargie, si les familles seront formées et indemnisées pour l’accueil des enfants et si elles recevront un appui quelconque des professionnels locaux.

43.M me Torrico Rojas (État plurinational de Bolivie) dit que bon nombre de parents autochtones n’envoyaient traditionnellement pas leurs enfants, en particulier leurs filles, à l’école, en raison des dangers que représentent les trajets jusqu’aux établissements, souvent éloignés du foyer familial. L’article 81 de la Constitution énonce aujourd’hui que l’enseignement primaire et secondaire est universel, gratuit et obligatoire, faisant ainsi obligation aux parents de scolariser leurs enfants, garçons et filles.

44.Avec l’aide de Cuba et du Venezuela, la campagne d’alphabétisation lancée par le Gouvernement a été un énorme succès, en particulier auprès des femmes et des filles, qui ont représenté 80 % des participants. La politique gouvernementale est que tous les enfants, y compris les handicapés, ont le même droit à l’éducation. Il est cependant vrai que tous les parents d’enfants handicapés ne font pas en sorte que ceux-ci fréquentent l’école. Le Gouvernement ne ménage aucun effort pour amener le niveau de l’enseignement dans les zones rurales au niveau de celui des villes.

45.M. Morales (État plurinational de Bolivie) indique qu’un projet de loi sur l’accueil des enfants en bas âge prévoit la prise en charge dans la famille, dans le souci du développement intégral de l’enfant, avec un partage des responsabilités entre la famille, la communauté et l’État. Il est précisé dans ce projet de loi qu’un accueil de type communautaire devrait être proposé s’agissant d’enfants âgés de 4 à 6 ans. Ce projet n’ayant pas encore été approuvé, le Ministère de l’éducation exécute des projets pilotes dans le domaine du développement de la petite enfance.

46.M. Krappmann demande quels modes de garde sont disponibles à l’heure actuelle − jardins d’enfants, garderies? Il serait utile de savoir si des crèches existent et, le cas échéant, si elles favorisent l’apprentissage par le jeu. Quelle assistance de type communautaire est proposée aux parents?

47.M me Herczog demande quel soutien est assuré aux parents pour les aider à comprendre les besoins de leurs enfants en termes de développement.

48.M. Morales (État plurinational de Bolivie) précise que les projets pilotes menés à bien dans le domaine du développement des enfants en bas âge se concentrent sur les parents, tandis que l’État assure des formations aux instituteurs, lesquels prennent ensuite l’initiative d’impliquer les parents dans le développement des capacités motrices, cognitives et linguistiques de leurs enfants.

49.Il est actuellement prévu de mettre sur pied un système de justice des mineurs distinct, qui différera du système de justice principal dans ses modalités, dans ses procédures et dans les peines prononcées. Dans le système de justice autochtone, ce sont les parents qui sont tenus pour responsables lorsqu’un mineur commet une infraction. Toute recommandation ou sanction est alors adressée aux parents. La justice autochtone ne fait pas de distinction entre droit civil, droit pénal et droit de la famille.

50.Le travail des enfants sera régi par le Code du travail révisé dès que celui-ci entrera en vigueur. Il est toutefois à noter qu’en application du Code de l’enfance et de l’adolescence, l’âge minimum du travail est fixé à 14 ans.

51.Ayant ratifié le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme), l’État bolivien a incorporé les crimes de traite de personnes et trafic de sans-papiers dans le Code pénal. Le Ministère de la justice a présidé la Conférence interministérielle contre la traite, qui a réuni plusieurs ministères et ONG. La Commission a arrêté les peines encourues pour ces crimes et constitué plusieurs unités antitraite, qui ont mis au jour plusieurs filières de traite de personnes et de trafic de sans-papiers. Des nationaux ont été jugés pour leur participation à la traite et se sont avérés être aussi des victimes de ce fléau. Les efforts de prévention se sont axés sur la sensibilisation aux dangers de la traite auprès des immigrants potentiels. Des centres d’accueil ont été créés pour accueillir des victimes, notamment à la frontière avec l’Argentine. Des personnels de justice ont été formés à la détection précoce de la traite de personnes et du trafic de sans-papiers.

52.M me Khattab demande si l’État partie a institué un système d’orientation permettant aux autorités d’identifier les victimes de traite et d’éviter que les migrants et les demandeurs d’asile ne deviennent victimes.

53.M. Morales (État plurinational de Bolivie) dit que l’Équipe spéciale sur la criminalité est l’unité de police responsable d’identifier les cas de traite de personnes et de mener les enquêtes correspondantes ainsi que de former les personnels judiciaires de manière à garantir que les auteurs de ces crimes soient traduits en justice. L’Équipe spéciale a aussi mis en place une permanence téléphonique gratuite à l’usage des victimes de traite. Le Gouvernement a travaillé à un projet conjoint avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime dans le but de renforcer les contrôles aux frontières et prévoit d’appliquer des mesures analogues à la frontière avec le Chili, en coopération avec le Gouvernement chilien.

54.M me Torrico Rojas (État plurinational de Bolivie) fait savoir que la corruption dans les services de contrôle aux frontières est un problème important, en particulier en ce qui concerne la traite d’enfants. À l’intérieur des frontières, de nombreux enfants, en particulier des filles, sont soit contraints de travailler à la maison par leur famille soit envoyés par leur famille vivant en zone rurale travailler en tant que domestiques dans les villes.

55.M me Marconi (État plurinational de Bolivie) déclare que le Gouvernement a établi une distinction entre les enfants âgés de moins de 12 ans et ceux âgés de 12 à 18 ans parce que les besoins et les intérêts sont différents dans ces deux groupes. Il n’en reste pas moins que tous les enfants jouissent des mêmes droits en vertu de la Constitution et d’autres instruments législatifs, tels que le Code de l’enfance et de l’adolescence.

56.Parmi les mesures préventives visant à améliorer la santé des adolescents peut notamment être citée l’éducation sexuelle et en matière de santé de la reproduction dispensée dans le cadre des programmes scolaires.

57.Les attitudes à l’égard des personnes affectées par le VIH/sida ont changé. Le Gouvernement cherche à garantir que ces personnes ne soient pas marginalisées et qu’elles puissent exercer leurs droits de la même manière que les autres citoyens. Le Ministère de la santé s’est doté d’un plan intitulé Éducation à la vie, qui repose sur des activités visant à rendre les droits en matière de procréation et les services de santé sexuelle plus accessibles à la population, par exemple par la diffusion d’informations et la distribution de moyens de contraception appropriés. Pour les adolescents, ces activités sont réalisées avec un réseau d’ONG spécialisées présentes dans chacun des départements du pays. On veille tout particulièrement à ce que ces activités soient exécutées avec la participation de la population locale, afin qu’elles soient efficaces et bien perçues. Les activités mises en œuvre dans les régions essentiellement peuplées d’Aymaras diffèrent par exemple quelque peu de celles mises en œuvre dans les plaines orientales.

58.M. Morales (État plurinational de Bolivie) indique que depuis que les autorités ont signé et ratifié une Convention sur l’adoption internationale, l’État a la possibilité de déterminer si les opportunités de placement sur le territoire national sont suffisantes et de limiter si nécessaire ces adoptions. Le Gouvernement étudie actuellement la situation et devra décider à la lumière de ses conclusions d’autoriser ou non l’adoption internationale. Le Code de l’enfance et de l’adolescence prévoit à la fois l’adoption internationale et nationale et le placement en famille d’accueil. Les services sociaux départementaux (SEDEGES) ont des programmes en place pour superviser et surveiller l’adoption et le placement en famille d’accueil; ils travaillent aussi avec le Service de l’égalité des chances du Ministère de la justice. Des lacunes subsistent dans la loi dans les domaines de l’adoption et du placement en famille d’accueil mais on peut espérer que celles-ci seront réglées par le nouveau Code de l’enfance et de l’adolescence.

59.M me Herczog demande s’il existe d’autres services de protection de remplacement au niveau communautaire que ceux offerts par l’organisation SOS Village d’enfants. Les femmes qui exécutent des peines de prison sont souvent accompagnées de leurs enfants dans le lieu de détention. Le Comité estime qu’il est plus judicieux de prévenir ou de reporter l’emprisonnement des mères que de faire vivre leurs enfants en environnement carcéral. Dans bien des pays, les enfants de femmes emprisonnées sont pris en charge par des familles d’accueil.

60.M. Morales (État plurinational de Bolivie) fait savoir que des familles sont disposées à accueillir des enfants ou à en adopter mais que les procédures sont si bureaucratiques et complexes qu’elles se trouvent dissuadées de le faire, au moins par les voies officielles. Bien souvent, les familles se contentent d’accueillir les enfants chez elles et de les traiter comme les leurs. C’est l’un des défis qu’il va falloir relever avec le nouveau Code de l’enfance et de l’adolescence.

61.Le système carcéral est confronté à un grand nombre de problèmes, dont la surpopulation, le manque de services de santé et d’éducation et une proportion très élevée − 80 % − de prévenus. Le problème des enfants vivant avec leurs parents dans les lieux de détention fait partie des priorités du Gouvernement dans ses efforts de réforme du système pénitentiaire.

62.M me Torrico Rojas (État plurinational de Bolivie) ajoute que la question du traitement à réserver aux enfants des femmes incarcérées est particulièrement sensible. Au cours d’entretiens avec des détenues, elle a souvent entendu ces femmes dire qu’elles pensaient qu’elles seules étaient responsables de leurs enfants. Les autorités avaient proposé de mettre en place des foyers pour ces enfants mais la principale préoccupation était de faire en sorte que les détenues et leurs enfants ne soient pas séparés. Dans l’un des départements, il n’y a qu’une seule prison pour les hommes comme pour les femmes et les enfants des détenues de sexe féminin y sont accueillis aussi. Le problème est complexe car des questions sociales et politiques sont en jeu. L’administration pénitentiaire relève actuellement du Ministère de l’intérieur mais d’aucuns estiment qu’elle devrait être du ressort du Ministère de la justice.

63.M. Morales (État plurinational de Bolivie) précise que les enfants sans acte de naissance ne sont jamais refusés dans les écoles, même si l’administration scolaire conseille régulièrement aux parents de faire enregistrer leurs enfants.

64.M me Torrico Rojas (État plurinational de Bolivie) précise que si les personnes sans documents d’identité et non inscrites à l’état civil ne sont pas refusées dans les écoles primaires, elles rencontrent de fait des difficultés ultérieurement, par exemple lors de leur mariage. Le Gouvernement a adopté une nouvelle politique tendant à encourager l’enregistrement des naissances et la délivrance de certificats de naissance et de cartes d’identité.

65.M. Morales (État plurinational de Bolivie) dit que dans les établissements préscolaires et les jardins d’enfants, des plages horaires sont réservées au jeu dans l’enseignement public comme dans l’enseignement privé. Dans les établissements d’enseignement primaire et secondaire, les enfants exercent leur droit de jouer lors des périodes de récréation, entre les cours.

66.En ce qui concerne l’éducation des enfants en bas âge, une stratégie suivie est celle de l’expérimentation. Des établissements pilotes ont été mis sur pied, dont les résultats seront décisifs pour l’élaboration des programmes futurs. Une autre stratégie consiste à associer les familles en encourageant des groupes de parents dans les communautés rurales et les districts urbains à participer à la mise au point des programmes d’éducation destinés aux enfants en bas âge. L’éducation de ces enfants est une tâche immense, qui requiert un budget conséquent et toute une infrastructure nouvelle, mais c’est bien l’une des premières priorités du nouveau projet de loi sur l’éducation.

67.M. Krappmann fait observer que le droit de jouer va au-delà du cadre du système éducatif. Il demande si des aires de jeux sont à la disposition des enfants et si du temps leur est laissé pour leur permettre d’exercer ce droit.

68.M. Morales (État plurinational de Bolivie) précise que toutes les autorisations de construction d’une nouvelle école, dès le niveau préscolaire et jusqu’au niveau secondaire, incluent l’obligation de construire des aires de jeux et équipements sportifs.

69.M me Torrico Rojas (État plurinational de Bolivie) ajoute que nombre de communautés rurales ont pu, en grande partie grâce à l’aide du Venezuela, mettre des équipements sportifs en place.

70.M. Zermatten (Rapporteur pour le pays) note que le pays rencontre un certain nombre de difficultés suite à l’adoption de la nouvelle Constitution, tant sur le plan légal que sur le plan pratique. Le Gouvernement a ainsi dû adopter de nouveaux textes de loi ou harmoniser les textes existants avec la nouvelle Constitution. De ce fait, plus de 100 projets de lois sont actuellement en cours d’examen. En disposant que le droit coutumier et le droit positif sont sur un pied d’égalité, la nouvelle Constitution soulève certaines questions en ce qui concerne les droits de l’enfant. La vague de décentralisation rend indispensable de veiller à une bonne coordination, tant horizontalement, entre les ministères, que verticalement, entre les différents niveaux de l’administration, y compris au niveau municipal, les municipalités étant les mieux placées pour répondre aux besoins des enfants. Les efforts du Gouvernement pour assurer une plus grande justice sociale et une meilleure sécurité économique doivent s’appuyer sur des politiques à long terme. Par exemple, si un système de bons s’avère efficace à lutter contre la pauvreté, ce système devra être maintenu dans la durée. Le pays fait aussi face à un défi démographique, puisque près de la moitié de la population est âgée de moins de 18 ans et que cette proportion devrait encore grimper dans les années à venir. Il se félicite du fait que la nouvelle Constitution consacre le caractère obligatoire de l’enseignement primaire et secondaire mais un engagement plus fort en faveur des enfants s’impose encore.

71.Le Gouvernement a évoqué un manque de ressources pour la coordination et l’organisation des efforts visant à garantir les droits de l’enfant, notamment un grave manque de personnel qualifié, des financements insuffisants et une formation inadaptée des professionnels travaillant avec les enfants. Dans ses observations finales, le Comité fera des recommandations à ces égards.

72.M me Torrico Rojas (État plurinational de Bolivie) déclare que le dialogue avec le Comité et les recommandations que ce dernier publiera représentent une chance historique pour son pays d’élaborer des normes pour le développement et donne au Comité les assurances que celui-ci accordera l’attention nécessaire à la mise en œuvre de la Convention, en tenant pleinement compte des observations finales du Comité.

73.L’État plurinational de Bolivie reçoit une aide internationale pour la mise en œuvre de ses politiques dans le domaine des droits de l’enfant mais il est très important que cette aide ne soit pas liée à des conditions. L’exercice des droits de l’enfant est l’affaire de chacun, à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières. Le bien-être des enfants boliviens tient véritablement à cœur au Gouvernement bolivien. Le pays a été frappé en 2008 par des actes de terrorisme qui ont fait des victimes chez les enfants et les adultes et des jeunes ont été exploités à des fins politiques. Elle est convaincue qu’avec le soutien du Comité et en partenariat avec d’autres pays en développement ou de taille modeste, il parviendra à relever ce défi que représente l’amélioration de la vie des enfants boliviens.

La séance est levée à 18 h 5.