Comité des droits de l’enfant
Cinquantième session
Compte rendu analytique de la 1375 e séance
Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 14 janvier 2009, à 15 heures
Président e: Mme Lee
Sommaire
Examen des rapports soumis par les États parties (suite)
Deuxième rapport périodique du Tchad (suite)
La séance est ouverte à 15 h 10 .
Examen des rapports soumis par les États parties (point 4 de l’ordre du jour) (suite)
Deuxième rapport périodique du Tchad (CRC/C/TCD/2, CRC/C/TCD/Q/2 et Add.1) (s uite)
1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation tchadienne reprend place à la table du Comité.
2.La Présidente invite les membres du Comité à continuer de poser leurs questions sur le deuxième rapport périodique.
3.M. Filali dit que le rapport mentionne la création de divisions spéciales pour enfants dans les tribunaux de première instance mais ne décrit aucune procédure spécifique pour d’éventuels appels. Les enfants ont-ils le droit de faire appel? Dans l’affirmative, existe-il une cour d’appel réservée aux affaires auxquelles des enfants sont parties? Même si, en principe, les enfants ne peuvent pas être placés en garde à vue plus de dix heures, le Comité a reçu des informations indiquant qu’ils le sont parfois pendant beaucoup plus longtemps. Or chacun sait que la vaste majorité des cas de maltraitance ont lieu pendant la garde à vue et la détention avant jugement. Les pouvoirs publics disposent-ils de moyens d’assurer que le délai maximal prévu soit respecté? Les juges sont-ils habilités à intervenir si ce délai est dépassé? La condamnation de mineurs, même dans des affaires pénales extrêmement graves, à des peines de prison de dix ans est excessive, car cette durée dépasse de loin le temps nécessaire à la réinsertion sociale d’un enfant. Enfin, M. Filali demande si des études ont été menées pour trouver une solution au surpeuplement carcéral, qui serait à l’origine de problèmes de violence. Les ressources budgétaires sont-elles suffisantes pour garantir des conditions de détention correctes?
4.M me Ortiz souhaite savoir quels organismes d’aide sociale existent au niveau local pour soutenir les familles ayant des enfants et quelles démarches il faut effectuer pour obtenir cette aide, par exemple, en cas de violence au foyer, de grave malnutrition ou de problèmes dans le domaine de l’éducation, de la santé ou du travail des enfants. La délégation voudra peut-être décrire également les efforts déployés par les organisations non gouvernementales (ONG) et d’autres parties pour responsabiliser davantage les pères. Quelles démarches les mères célibataires qui sollicitent une aide dans les régions rurales doivent-elles effectuer et comment les droits successoraux des enfants sont-ils garantis? La situation des enfants bouviers préoccupe le Comité, qui souhaiterait savoir qui est chargé de surveiller leurs conditions de vie et leurs relations avec leurs parents et de s’assurer qu’ils ne soient pas victimes d’exploitation sexuelle ou d’exploitation par le travail. Ont-ils accès aux services éducatifs et de santé et de quelle protection bénéficient-ils? Un projet de loi visant à résoudre ce problème a semble-t-il été élaboré, mais son adoption pourrait prendre du temps; la délégation voudra peut-être expliquer quelles mesures administratives les pouvoirs publics entendent prendre dans l’intervalle.
5.Enfin, tout en se félicitant de l’intervention rapide des pouvoirs publics face aux agissements d’une ONG occidentale, qui avait tenté d’enlever plus d’une centaine d’enfants − qui, pour la plupart, n’étaient pas orphelins − pour les emmener dans un autre pays en vue de les faire adopter, Mme Ortiz demande si les pouvoirs publics ont pris des dispositions pour mettre en place une procédure d’adoption respectueuse des droits de l’enfant. Plus précisément, le Tchad a-t-il ratifié la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale?
6.M me Smith indique qu’il a été signalé au Comité que les filles étaient souvent victimes de violences sexuelles et que l’État ne prenait guère de mesures pour prévenir le viol ou protéger les enfants de tels sévices. Le problème est particulièrement grave à proximité des camps de réfugiés où les infractions commises font rarement l’objet d’une enquête. Dans les rares cas où il y a indemnisation, il arrive que l’argent soit versé non pas à la victime elle-même, mais au chef du village. Que fait l’État pour protéger les filles et pour poursuivre les auteurs de ces infractions? Le problème du travail des enfants, notamment l’embauche d’enfants réfugiés et l’utilisation d’enfants comme bouviers ou domestiques, est une source de préoccupation. L’État a-t-il l’intention de poursuivre les personnes impliquées dans l’exploitation des enfants, y compris dans la vente d’enfants pour les astreindre à travailler comme bouviers? Enfin, la délégation pourrait indiquer au Comité quels montants sont consacrés aux services de santé pour les enfants, et plus particulièrement pour les adolescents.
7.La Présidente dit que le Comité a reçu des informations selon lesquelles des enfants qui se trouvaient dans des camps de réfugiés ont été enrôlés dans l’armée tchadienne et que les violences sexistes sont très répandues dans ces camps. Quelles mesures les pouvoirs publics ont-ils pris pour remédier à ces problèmes?
8.M me Ngarbatina (Tchad) dit que l’armée tchadienne ne recrute pas d’enfants et que l’État fait tout son possible pour que les enfants ne soient pas enrôlés dans l’armée. Le Ministère de la défense et le Ministère de l’action sociale et de la famille effectuent tous deux des inspections dans les casernes pour s’assurer qu’il n’y a aucun enfant, et faire en sorte, au cas où des enfants s’y trouveraient, qu’ils puissent quitter immédiatement les lieux.
9.M. Madnangar (Tchad) dit que le Ministère qui s’occupe des questions relatives aux droits de l’homme est doté d’un directorat chargé de la protection des personnes vulnérables, à savoir généralement, les femmes et les enfants. Les juges reçoivent à différents niveaux une formation aux droits des enfants, au moyen de séminaires et d’ateliers, auxquels des membres de la police participent dans certains cas. Les cours de formation les plus récents ont eu lieu en 2006 (avec la participation de 39 juges) et en 2007 (avec 50 participants). La procédure de divorce prévue par le Code civil met particulièrement l’accent sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Ainsi, les juges appelés à se prononcer sur des affaires de divorce peuvent rejeter une demande de divorce ou refuser d’accorder la garde à un parent s’ils estiment que cela serait contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. Le projet de Code sur la protection de l’enfant incorpore aussi la notion d’intérêt supérieur de l’enfant.
10.Même si le Code pénal ne mentionne pas la torture, la Constitution consacre l’inviolabilité de la personne humaine et de l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants. Dans la pratique du droit, la torture est assimilée à des coups et blessures ou à un préjudice corporel grave, actes passibles de sanctions en vertu du Code pénal. Les policiers accusés d’avoir torturé des enfants pendant la garde à vue sont systématiquement poursuivis. La nouvelle loi portant réorganisation du système judiciaire prévoit la mise en place de divisions réservées aux enfants dans tous les tribunaux nationaux.
11.M. Filali dit que du point de vue du droit pénal, la notion de torture est distincte de la notion de coups et blessures ou de préjudice corporel grave. En effet, la torture est qualifiée de crime, alors que les coups et blessures sont considérés comme des délits. Il est souhaitable que l’État partie adopte une loi spécifique contre la torture afin de garantir que des sanctions appropriées soient infligées.
12.M. Zermatten (Rapporteur pour le Tchad) demande combien de cas de torture d’enfants ont donné lieu à des poursuites dans le cadre de la procédure automatique.
13.M. Madnangar (Tchad) dit qu’à la suite d’une réunion interministérielle sur la traite à laquelle ont participé les deux principales communautés de coopération économique régionales (la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC)), le Tchad a signé, en 2006, l’Accord multilatéral de coopération en matière de lutte contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en Afrique occidentale et centrale. Un plan d’action commun a également été adopté, ce qui a permis de créer des centres de protection locaux. Au Tchad, six de ces centres ont été ouverts avec l’appui de l’ambassade des États-Unis et du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et ont commencé à signaler des cas de traite d’enfants. En 2008, un plan national d’action de lutte contre la traite des enfants a été élaboré et un plan similaire pour 2009 est en cours d’élaboration au Ministère de l’action sociale et de la famille. Quant à la définition de l’enfant, le Tchad a ratifié la Convention et la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant africain. La définition de l’enfant, à l’échelon national, est identique à celle de ces deux instruments.
14.M me Smith demande si les pouvoirs publics considèrent que les cas de vente d’enfants en vue de leur utilisation comme bouviers et de filles pour leur emploi dans des travaux domestiques sont visés par les activités de lutte contre la traite et si le Gouvernement a adopté une définition juridique de la traite.
15.M. Madnangar (Tchad) dit que la traite est définie en termes généraux dans l’Accord multilatéral de coopération et que cette définition est acceptée au Tchad. Elle désigne notamment des activités comme le transfert et le recrutement d’enfants et la violation de leurs droits.
16.M. Zermatten (Rapporteur pour le Tchad) se félicite que la délégation ait défini l’enfant comme étant une personne de moins de 18 ans, ce qui est conforme aux recommandations du Comité, il note toutefois que le mariage avant l’âge de 18 ans semble encore autorisé par le droit coutumier et que les mariages précoces seraient encore assez répandus. Cela peut déboucher sur des cas de grossesse précoce par exemple, ce qui empêche les filles concernées de jouir de leurs droits en tant qu’enfants. Il aimerait savoir ce que les pouvoirs publics entendent faire pour qu’il y ait moins de décalage entre la loi et la pratique.
17.M. Kotrane (Corapporteur pour le Tchad) dit que le code de la famille n’ayant pas encore été adopté, l’âge minimum du mariage n’a pas été fixé, mais que le projet de texte actuel prévoit d’autoriser le mariage des filles dès l’âge de 17 ans. Le Gouvernement devrait modifier ce projet de loi à la lumière des recommandations du Comité, de sorte que l’âge minimum du mariage soit de 18 ans pour les deux sexes. Selon les renseignements fournis par la délégation, plus de 60 % des filles se marient actuellement avant l’âge de 16 ans.
18.M. Madnangar (Tchad) dit qu’au Tchad il existe deux types de droit coutumier: le droit coutumier islamique et le droit coutumier animiste. L’État s’efforce de sensibiliser les populations et les chefs religieux à l’importance des droits de l’enfant.
19.M me Ngarbatina (Tchad) dit que l’adoption du code de la famille résoudra de nombreux problèmes et que le Gouvernement continue de rassembler des informations visant à élaborer un projet de texte qui soit le plus abouti possible. À cette fin, l’État a dépêché une mission au Sénégal et en Tunisie pour s’inspirer de l’expérience d’autres pays.
20.M. Madnangar (Tchad) dit que la Convention et d’autres instruments internationaux adoptés par le Gouvernement font partie du droit interne et garantissent la protection des droits politiques des enfants. Le Code pénal réprime l’abandon d’enfants. La stratégie de lutte contre la pauvreté préconise la création d’un fonds national, qui permettrait de se pencher, entre autres, sur la situation des enfants des rues. Des mesures ont été prises pour lutter contre l’impunité; elles consistent à réformer le système juridique et à créer un ministère du contrôle général d’État et de la moralisationet d’une commission nationale du désarmement.
21.M me Ortiz demande un complément d’informations sur les six centres locaux de protection mis en place au Tchad et sur les types d’affaires dont ils s’occupent.
22.M. Citarella demande quel est le statut légal des enfants non déclarés à l’état civil. Concrètement, de quels droits bénéficient-ils, notamment en ce qui concerne l’accès à l’éducation et aux services de santé?
23.M. Djonga (Tchad) dit que depuis que l’enregistrement des naissances et la délivrance des actes de naissances sont devenus gratuits en 2006, le pourcentage de naissances déclarées a augmenté. Des études ont montré qu’auparavant, n’étant pas en mesure de payer les frais d’enregistrement, certains parents ne déclaraient pas leurs enfants. La situation a changé. Le fait de déclarer la naissance d’un enfant lui confère une existence légale, qu’il n’avait pas auparavant. Lorsqu’un enfant a un statut juridique, il est pris en compte dans les recensements de population et peut bénéficier de tous les droits reconnus aux citoyens tchadiens.
24.M. Kotrane (Corapporteur pour le Tchad), notant que la plupart des naissances ne sont toujours pas déclarées, demande si cela signifie que ces enfants n’existent pas et n’ont pas de droits ou de statut juridique.
25.M. Djonga (Tchad) dit que cela ne veut pas dire que ces enfants n’existent pas mais leur non-inscription au registre des naissances fait qu’ils n’ont pas d’existence légale. Une campagne encourageant l’enregistrement des enfants plus âgés a été lancée.
26.M. Zermatten (Rapporteur pour le Tchad) dit que cela vaut pour les enfants tchadiens nés au Tchad mais que les enfants nés au Tchad qui ne sont pas de nationalité tchadienne, en particulier les enfants soudanais, ne peuvent être enregistrés et n’ont donc pas d’existence légale.
27.M. Hinfienne (Tchad) dit que la question des enfants soudanais pose un problème bien particulier. Le droit tchadien prévoit que tout enfant né au Tchad a la nationalité tchadienne. Cela étant, le Tchad et le Soudan entretenant des relations tendues, les enfants soudanais nés au Tchad n’ont pas été enregistrés. L’État prend des dispositions pour améliorer la situation: les enfants nés dans les camps de réfugiés sont actuellement enregistrés et les parents reçoivent un exemplaire de leur acte de naissance en prévision du jour où les relations entre les deux pays se seront améliorées et où ces enfants pourront obtenir la nationalité tchadienne.
28.M. Djonga (Tchad) dit qu’en vertu du droit tchadien des mesures spéciales sont prises au niveau des tribunaux en ce qui concerne les enfants. Actuellement, le système est organisé de telle sorte qu’il y a une division chargée des enfants présidée par un juge des enfants dans chaque tribunal. Les dispositions spéciales sont appliquées au stade de l’appel, y compris au niveau de la Cour suprême.
29.En ce qui concerne la garde à vue, le Code pénal prévoit que le procureur est habilité à autoriser des visites d’inspection dans les commissariats de police et peut ordonner la libération d’un enfant ou donner l’ordre à la police de présenter l’enfant au juge des enfants. Les procureurs peuvent procéder à des inspections régulières des commissariats de police, dans certains cas jusqu’à trois fois par jour si nécessaire, pour s’assurer que les enfants ne sont pas détenus arbitrairement.
30.La peine maximale à laquelle peuvent être condamnés des enfants pour une infraction pénale est de dix ans. Le Gouvernement verra comment adapter sa législation pour la rendre conforme au droit international. Le projet de code de protection de l’enfant contient des propositions à ce sujet.
31.En vertu de la loi, les mineurs en détention doivent être séparés des adultes. Dans une affaire où sont jugés des adultes et des enfants, ces derniers sont automatiquement déférés devant un juge des enfants. Ce juge peut convoquer les parents et les charger de surveiller l’enfant, ce qui peut alléger la peine.
32.M. Filali relève que, d’après le paragraphe 259 du rapport, les mineurs ne sont pas séparés des adultes pendant la détention. Il ajoute que le problème de la torture ne se résume pas à une simple classification des atteintes à l’intégrité physique selon leur gravité, il s’agit d’un concept bien précis.
33.M. Zermatten (Rapporteur pour le Tchad) dit qu’en réalité, il n’y a pas de séparation entre adultes et mineurs en détention, en partie à cause du surpeuplement carcéral. Il demande ce que l’État partie a l’intention de faire pour que la loi soit appliquée.
34.M me Ngarbatina (Tchad) dit que les pouvoirs publics connaissent le problème du surpeuplement carcéral qui fait que des enfants sont incarcérés avec des adultes. Il est prévu dans le cadre du budget 2009 de commencer à séparer les deux groupes. C’est une question délicate, car un enfant qui est incarcéré avec des criminels endurcis n’a aucune chance de réinsertion. L’État est résolu à se pencher sur le problème et n’a pas honte de l’aborder.
35.Pour lutter contre le viol et le harcèlement dans les camps de réfugiés, une formation spéciale a été dispensée aux forces de police et des agents ont été mis en faction dans les camps pour en garantir la sécurité. Les réfugiés ont confirmé que la situation s’est améliorée. Le Gouvernement fait tout son possible pour protéger les groupes vulnérables, comme les réfugiés, et punir les auteurs.
36.M. Madnangar (Tchad), en réponse à une question posée précédemment par Mme Ortiz, dit que la composition des commissions locales de protection tient compte de résolutions et de recommandations adoptées à l’occasion d’une conférence ministérielle, à Abuja en 2006. La procédure de mise en place des commissions offre plusieurs garanties. Aussi bien dans la capitale qu’en province, ces commissions sont constituées de différents membres de la société, dont des magistrats, des travailleurs sociaux, des commissaires de police, des représentants de la société civile et des chefs religieux.
37.M. Djidingar (Tchad) dit que le droit à l’éducation est consacré par la constitution tchadienne. L’État a fait de l’éducation une priorité nationale dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté. Depuis que les objectifs du Millénaire pour le développement ont été fixés en 2000, le Gouvernement a entrepris des réformes pour que tous les enfants aient accès à l’enseignement d’ici à 2015. Des progrès ont été enregistrés en ce qui concerne le taux de scolarisation, bien qu’un écart subsiste entre les filles et les garçons. La politique éducative est axée sur les enfants qui sont généralement exclus de l’enseignement, comme les enfants des zones rurales et les filles. Les stéréotypes concernant les filles persistent et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a élaboré une stratégie ayant pour objectif d’accroître leur proportion à l’école, le but ultime étant que les taux de scolarisation soient identiques pour les filles et les garçons.
38.Dans le système éducatif tchadien, de nombreux enseignants sont des chefs de village. Pendant les années 70, de nombreuses communautés ont créé leur propre école et recruté des enseignants pour remédier à la pénurie nationale dans ce domaine. Les villages sont devenus des partenaires essentiels de l’État dans le domaine de l’éducation, assurant la formation et la rémunération de bon nombre d’enseignants et l’entretien des locaux scolaires dans les régions rurales. Les pouvoirs publics reconnaissent cette contribution et, dans le cadre de leur programme de réformes, plus de 10 000 enseignants communautaires ont reçu une formation visant à les doter des connaissances nécessaires pour exercer leur métier, et 9 500 enseignants ont été recrutés par l’État pour alléger le fardeau des collectivités, dans le cadre de la lutte contre la pauvreté.
39.Le problème du taux de scolarisation est lié à la mobilisation des ressources. Chaque année, le Gouvernement ouvre 2 000 classes nouvelles grâce aux fonds provenant des recettes pétrolières. La chute du cours du pétrole et la diminution de l’aide au développement ces dernières années ont eu des effets néfastes sur le programme de scolarisation sur le plan de la disponibilité des salles de classe et du recrutement d’enseignants. La non-scolarisation demeure un problème, en particulier chez les filles. Des plans d’action ambitieux sont élaborés avec l’appui de partenaires, dont l’UNICEF, pour inciter les parents à envoyer leurs enfants, notamment les filles, à l’école.
40.La Présidente dit que si des fonds provenant des recettes pétrolières ont été affectés au budget de l’éducation, il aurait dû normalement augmenter. Or le Comité a constaté que les ressources consacrées à l’éducation et la santé avaient diminué. Comment expliquer cette apparente contradiction. Le Comité a également noté que la part du secteur social dans le budget est la plus faible.
41.M. Zermatten (Rapporteur pour le Tchad) dit que l’éducation a été déclarée priorité nationale dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté et que les revenus tirés du pétrole devraient permettre d’atteindre les objectifs en la matière. Il demande quelle est la politique du Gouvernement en ce qui concerne l’enseignement préscolaire, compte tenu des moyens disponibles.
42.M. Krappmann dit que conjuguer lutte contre la pauvreté et éducation est une bonne méthode. Il demande ce qu’il advient des nombreux enfants qui quittent l’école avant d’avoir obtenu un diplôme ou même avant la fin des études primaires et aimerait savoir s’il existe des programmes pour leur donner une deuxième chance. Ces enfants sont trop jeunes pour travailler et leur parcours à cet âge aura une influence déterminante sur toute leur vie.
43.M. Kotrane (Corapporteur pour le Tchad) dit que, d’après les informations disponibles, la plupart des enfants concernés qui quittent l’école travaillent très jeunes. Le droit tchadien interdit le travail des enfants, conformément au droit international, mais dans la pratique de nombreux enfants travaillent. Il demande quelle est la stratégie du Gouvernement dans ce domaine et quels résultats il a obtenu. Il demande en outre si le Tchad a adhéré au Programme international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC) de l’Organisation internationale du Travail. Les enfants concernés devraient pouvoir bénéficier de solutions de remplacement, par exemple d’une formation.
44.M. Parfitt demande si la stratégie de lutte contre la pauvreté comprend l’aide aux familles qui risquent d’abandonner leurs enfants.
45.M. Djidingar (Tchad) dit que le budget consacré à l’éducation n’a pas été revu à la baisse. En comparaison du PIB ou en pourcentage du budget de l’État, il n’est pas bien grand mais par rapport à celui de l’époque où il n’y avait pas de recettes pétrolières, il a doublé. En francs CFA d’Afrique centrale, les montants crédités au budget social ont plus que doublé.
46.M. Siddiqui dit que c’est la part du budget total qui a été allouée qui importe, surtout depuis que le Tchad a des recettes pétrolières. Si beaucoup d’argent est affecté à la défense au détriment du secteur social, la population va continuer de vivre dans la pauvreté et les problèmes du pays subsisteront.
47.La Présidentedemande, à propos des chiffres fournis dans le rapport concernant les enfants détenus pour vol d’objets ou d’argent, les enfants de moins de 12 ans qui sont employés et les enfants qui ont quitté l’école pour diverses raisons, qui sont ces enfants et qu’est-ce qu’ils sont devenus. C’est souvent par pauvreté que des enfants commettent des vols, sont amenés à rejoindre des groupes armés ou sont victimes d’exploitation.
48.M. Djidingar (Tchad) dit que ce n’est pas de la part du budget en valeur réelle qu’il est question. Il veut parler des ressources allouées au secteur de l’éducation, qui ont augmenté d’année en année, mais restent toutefois insuffisantes. L’État fait face à une diminution de l’aide extérieure, notamment celle émanant de la Banque mondiale et de l’Union européenne.
49.En ce qui concerne l’enseignement préscolaire, le Tchad avait mis sur pied un programme visant à préparer les jeunes enfants âgés de 3 à 6 ans à entrer à l’école primaire, auquel étaient associés le Ministère de l’action sociale et de la famille, le Ministère de l’éducation nationale et le Ministère de la santé, ce dernier devant s’occuper des aspects sanitaires, comme les questions de nutrition. Malheureusement, ce programme n’a jamais reçu de financement. En revanche, il existe des structures d’encadrement préscolaire au niveau des jardins d’enfants.
50.Au Tchad, l’école est gratuite. Environ 41 % des enfants terminent le cycle primaire; les 59 % restants abandonnent l’école, principalement en raison de la pauvreté. La plupart d’entre eux viennent de régions rurales, où les gens vivent avec moins d’un dollar par jour. En outre, de nombreuses filles doivent quitter l’école du fait de mariages précoces.
51.Une autre difficulté consiste à adapter les programmes scolaires aux besoins culturels de la population. Le système scolaire hérité de la période coloniale française n’est pas adapté à la réalité du pays. Les pouvoirs publics ont élaboré un programme national qui sera suivi pour la première fois en 2009, et il est prévu de publier des manuels scolaires destinés à l’enseignement primaire en arabe et en français, ce qui est une première. Un des principes fondamentaux de la politique éducative est d’adapter le contenu des programmes aux réalités tchadiennes, notamment pour que les familles acceptent le contenu des enseignements dispensés.
52.L’État a aussi mis sur pied un programme d’éducation informelle destiné à aider les enfants qui ont abandonné l’école en leur proposant un enseignement professionnel. Quinze centres de formation ont déjà été créés et il est prévu d’en ouvrir 47 autres, grâce à des fonds émanant de la Banque islamique de développement et de la Banque africaine de développement. Il s’agit de petites structures d’enseignement destinées à apprendre un métier aux jeunes.
53.Un Ministère du microcrédit a aussi été créé; il propose des crédits à des hommes et des femmes jeunes pour les aider à lancer des activités génératrices de revenus pour sortir de la pauvreté. Il y a aussi des programmes de lutte contre le travail des enfants, qui visent notamment à venir en aide aux enfants bouviers et à leur faire reprendre le chemin de l’école. Il est vrai que peu nombreux sont ceux qui ont été réinsérés à ce jour, mais la volonté politique et le cadre institutionnel pour le faire existent.
La séance est suspendue à 16 h 40; elle est reprise à 16 h 50.
54.M me Ngarbatina (Tchad) dit que la position du Gouvernement à l’égard des enfants handicapés est claire: il cherche à les intégrer dans la société. La question des personnes handicapées est traditionnellement un sujet tabou, mais la situation évolue peu à peu grâce aux efforts du Gouvernement et d’autres acteurs. En fait, des particuliers ont porté ce problème à l’attention des autorités. Dans la société traditionnelle, le handicap est considéré comme honteux, mais les familles peuvent solliciter l’aide du Ministère de l’action sociale et de la famille. En 2008, une loi sur la protection des personnes handicapées a été adoptée; cette loi protège en fait tous les membres de la société, car elle s’applique aussi bien aux personnes nées avec un handicap qu’aux autres, susceptibles de souffrir d’un handicap plus tard dans la vie.
55.Des partenaires dans le processus de développement aident le Tchad à lutter contre la pauvreté. Dans le cadre des efforts des pouvoirs publics pour faire le point sur la situation, un membre du Ministère de l’action sociale et de la famille a effectué une visite dans plusieurs provinces du pays, au cours de laquelle il a rencontré de nombreuses personnes illettrées vivant dans la pauvreté, constatant que nombre d’entre elles refusaient par fierté l’aide qui leur était offerte. Les autorités s’emploient actuellement à déterminer les causes de l’exode rural des jeunes, qui, selon Mme Ngarbatina, explique en partie la pauvreté dans le monde rural. Par ailleurs, une étude visant à déterminer pourquoi les jeunes filles en viennent à se prostituer a été effectuée et des mesures ont été prises pour protéger ces filles des dangers de la rue.
56.M me Ortiz demande s’il existe des programmes locaux visant à sensibiliser les familles et les collectivités, surtout dans les régions urbaines, aux moyens de dissuader les jeunes filles de se tourner vers la prostitution.
57.M me Ngarbatina (Tchad) dit que le Ministère de l’action sociale et de la famille jouit d’une bonne expérience en raison des nombreuses crises auxquelles il a fait face. Des particuliers sollicitent l’aide du Ministère, qui s’efforce de répondre d’urgence aux demandes. Il y a des cas où des mères divorcées ne peuvent plus nourrir leurs enfants; dans de tels cas, c’est de la survie des enfants qu’il y va.
58.Des mesures sont prises pour mettre en relation avec des parrains les élèves brillants issus de milieux défavorisés. Par exemple, chacun des membres de la délégation soutient personnellement quelques jeunes. Des fonds visant à créer une structure de réadaptation des enfants des rues ont été recueillis, et le Ministère participe à cette action en offrant les services de personnel qualifié. Quant aux jeunes filles qui ne souhaitent pas faire d’études, le Ministère de l’action sociale et de la famille les oriente vers le Ministère du microcrédit afin qu’il les aide à monter leur propre affaire.
59.Les femmes tchadiennes sont très actives dans les organisations féminines, ce qui a changé la vie de bon nombre d’entre elles. Le Ministère cherche à savoir quelles familles sont dans le besoin de manière à les aider à sortir durablement de la pauvreté. Ce n’est pas chose aisée; aussi le Tchad cherche-t-il des partenaires pour l’épauler. De nombreux autres pays ont réussi à s’affranchir de la pauvreté et il n’y a aucune raison que le Tchad ne puisse pas faire de même.
60.M me Rahama Saleh (Tchad) dit que le taux de mortalité infantile est élevé au Tchad et qu’il n’a pas baissé en dix ans. En outre, l’accès à des services de santé demeure problématique pour de nombreux Tchadiens. Il n’y a pas assez de dispensaires et l’accès aux établissements existants est insuffisant. Le Ministère de la santé publique, avec le concours de partenaires dans le processus de développement, a formulé une nouvelle politique sanitaire nationale pour 2007-2015 et un budget est en cours d’élaboration. En 2002, une stratégie accélérée de développement sanitaire a été mise en place avec l’appui de l’UNICEF; elle vise à réduire la mortalité infantile en mobilisant tous les secteurs de la santé, y compris au niveau des collectivités. La Stratégie de promotion de la survie et du développement de l’enfant, testée entre 2002 et 2005 dans trois districts sanitaires du pays, est axée sur trois aspects: vaccination, immunisation et traitement intégré des maladies de l’enfance. Une évaluation externe a montré qu’elle avait permis de faire reculer la mortalité infantile de près de 10 points de pourcentage. Le Ministère s’emploie maintenant à appliquer cette stratégie dans l’ensemble du pays.
61.En ce qui concerne le VIH/sida, il est reconnu que les programmes visant à prévenir la transmission mère-enfant laissent à désirer. Un dispositif national de coordination a été mis en place en 2006, et depuis 2007, des médicaments antirétroviraux et d’autres médicaments essentiels sont disponibles gratuitement. Les partenaires dans le processus de développement se sont montrés disposés à apporter leur aide et quatre experts nationaux ont été recrutés pour apporter leur concours à la campagne de lutte contre le VIH/sida dans les districts les plus gravement touchés. Les initiatives visant à prendre en charge les 6 000 orphelins du pays permettent de fournir des traitements gratuits, ainsi que des soins de santé et des services d’éducation. Le Ministère de l’action sociale et de la famille est aussi venu en aide aux familles ayant à charge des orphelins infectés par le VIH ou atteints du sida en les aidant à lancer des activités génératrices de revenus. Le cas de ces orphelins a été déclaré priorité nationale pour 2009.
62.Concernant la santé des adolescents, le Ministère de la santé publique a créé une division de la santé de la procréation, qui a élaboré un plan de réduction de la mortalité chez les mères adolescentes, mettant l’accent sur les soins de santé, les soins obstétriques, les soins néonatals et la protection de la famille.
63.Enfin, le Ministère de la santé publique s’emploie à coordonner la protection contre toutes les maladies infantiles, notamment le programme élargi de vaccination, les campagnes nationales de lutte contre la diarrhée, les maladies respiratoires et le paludisme, le programme national de nutrition, et le programme de santé de la procréation.
64.M me Aidoo demande si le programme de santé de la procréation destiné aux adolescents tient compte des besoins des jeunes, si les services sont confidentiels, surtout dans le cas du VIH/sida, si les adolescents sont reçus dans les mêmes locaux que les adultes, et comment ces programmes sont financés.
65.M. Khattab, notant qu’apparemment aussi bien les musulmans que les non-musulmans commettaient l’infraction consistant à pratiquer les mutilations génitales féminines au Tchad, demande quelles mesures et initiatives sont prises pour lutter contre cette pratique et si elles ont été efficaces. Le Tchad n’a pas participé aux principales conférences internationales sur la question des mutilations génitales féminines, bien que les frais de participation aient été pris en charge.
66.M me Ngarbatina (Tchad) dit qu’au Tchad, il n’est plus tabou de se mobiliser contre les mutilations génitales féminines. Le Gouvernement mène la campagne contre ces pratiques de pair avec les campagnes contre le VIH/sida et la fistule. De nombreuses femmes souffrent de fistule car elles sont devenues mères trop jeunes et n’ont pas reçu les soins requis, et elles sont souvent rejetées par leurs proches. Ces dernières années, avec l’aide du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), le Ministère de l’action sociale et de la famille a lancé un projet de lutte contre la fistule et les femmes qui sont venues se faire soigner sont plus nombreuses que prévu. Les femmes traitées reçoivent une somme d’argent du FNUAP à leur départ de l’hôpital; bon nombre d’entre elles ont bénéficié d’une formation et ont trouvé un emploi dans des hôpitaux de N’Djamena. Mme Ngarbatina considère que ces débuts sont encourageants.
67.À la demande d’autres pays, le Tchad a commencé à élaborer une campagne de lutte contre le VIH/sida. De nombreuses associations nationales y participent, notamment le Réseau de femmes africaines ministres et parlementaires, avec le concours financier du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Le Gouvernement tchadien a mobilisé les chefs traditionnels, en leur expliquant que les mutilations génitales féminines contribuaient à la propagation du VIH/sida (la même lame étant souvent utilisée plusieurs fois), ce qui mettait en péril la santé de toute la communauté. En outre, grâce aux revenus tirés du pétrole, des médicaments antirétroviraux sont disponibles gratuitement. Depuis que les médicaments sont gratuits, les gens sont disposés à subir un examen de dépistage du VIH/sida. Sachant que les personnes qui suivent un traitement contre cette maladie devaient être correctement nourries et bénéficier de soins adaptés, le Gouvernement tchadien et les associations nationales se mobilisaient pour fournir ces soins aux personnes démunies. L’espoir est grand que les gens finiront par parler du VIH/sida comme ils parlent aujourd’hui du paludisme.
68.M me Rahama Saleh (Tchad), répondant à une question sur la malnutrition, dit que le taux de malnutrition sévère est actuellement de 11 %, mais une étude récente dans la région de Kanem a révélé un taux de 23 %. Il faut donc agir de toute urgence. Les régions de Kanem et de Bahr el Gazal souffrent de déficits vivriers structurels chroniques, et de nombreux hommes les quittent, laissant les femmes et les enfants sans moyens de subsistance. Le poids de la tradition et l’ignorance des bonnes habitudes alimentaires, comme l’allaitement maternel exclusif et l’utilisation de compléments alimentaires pour les enfants, ont aggravé la situation. Un plan d’action axé sur l’hygiène et la sécurité alimentaires a été lancé pour enrayer la malnutrition dans ces régions.
69.La Présidente fait observer qu’une question concernant l’indépendance de la Commission nationale des droits de l’homme a été posée.
70.M me Ngarbatina (Tchad) dit qu’elle n’a aucun doute quant à l’indépendance de la Commission nationale des droits de l’homme. Elle a souvent rencontré ses représentants, qui n’ont pas hésité à lui faire part de leurs inquiétudes face aux violations des droits de l’homme qui ont été portées à leur attention.
71.M. Parfitt demande si la Commission des droits de l’homme s’occupe des enfants et si certains de ses membres sont chargés d’examiner les affaires de violation de leurs droits. Il serait aussi intéressant de savoir si cet organisme a un pouvoir d’enquête et si le public est informé de ses conclusions.
72.Il a été signalé au Comité que certains défenseurs de droits de l’homme au Tchad ont été harcelés ou même brutalisés par la police. La délégation pourrait peut-être commenter ces allégations.
73.M me Ngarbatina (Tchad) dit qu’il est vrai qu’il y a eu quelques cas de violences policières, mais qu’il n’en reste pas moins que les pouvoirs publics comptent sur la Commission des droits de l’homme pour aider le Tchad à assurer la primauté du droit.
74.M. Djonga (Tchad) dit que la Commission des droits de l’homme n’est pas dotée d’un organe chargé spécifiquement des droits de l’enfant, vu qu’elle traite de toutes les violations des droits de l’homme, quel que soit l’âge de la victime. La conférence nationale qui a créé la Commission a insisté pour qu’elle soit indépendante. La Commission est constituée exclusivement de représentants de la société civile. Lorsqu’une violation des droits de l’homme est portée à son attention, ses représentants enquêtent sur place et proposent des mesures correctives au Gouvernement, qui ne s’immisce pas du tout dans le travail de la Commission.
75.La Présidente demande si le Tchad a l’intention de ratifier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.
76.M. Madnangar (Tchad) dit que le Gouvernement est sur le point de ratifier cet instrument de La Haye. Il ne reste plus désormais à l’Assemblée nationale qu’à prendre une décision. Vu les souvenirs pénibles liés à l’affaire de l’Arche de Zoé, tout est mis en œuvre pour accélérer le processus de ratification.
77.M. Zermatten (Rapporteur pour le Tchad) dit que c’est exactement la réponse qu’avait donnée la délégation il y a neuf ans à l’occasion de la présentation du rapport initial de l’État partie. Le Comité espère que la Convention de La Haye sera effectivement ratifiée sans plus tarder.
78.M me Khattab demande si des lois différentes s’appliquent selon qu’on est musulman ou non, vu que les musulmans ne reconnaissent pas l’adoption.
79.M me Ngarbatina (Tchad) dit que le Tchad est un État laïque, et que la même loi vaut pour tous. Elle assure le Comité que le Gouvernement a la ferme intention de ratifier la Convention dans les plus brefs délais car des événements comme ceux de l’affaire de l’Arche de Zoé ne doivent pas se reproduire.
80.M me Ortiz demande si, en attendant que la Convention de La Haye soit ratifiée, l’État partie a prévu de prendre de nouvelles mesures législatives ou administratives en matière d’adoption, conformément à l’article 21 de cet instrument. Par exemple, le pays pourrait se doter d’une autorité centrale chargée des questions d’adoption, qui servirait de cadre de référence, même sans avoir été approuvée par le Parlement. Le fait est que la question doit être réglée au plus vite. Il serait bon de savoir si le Tchad est déjà doté d’une autorité centrale chargée des adoptions nationales et, dans l’affirmative, si cette autorité veille à faire respecter les droits des enfants dans leur famille adoptive. Des mesures de sensibilisation pourraient être utiles dans ce contexte. En outre, des accords bilatéraux pourraient être conclus avec les pays avec lesquels le Tchad entretient d’étroites relations, de façon à pouvoir surveiller de près le processus d’adoption. Toutes ces mesures pourraient être prises avant même la ratification de la Convention de La Haye. La Présidente souhaiterait par ailleurs avoir un complément d’information sur les enfants bouviers.
81.M me Ngarbatina (Tchad) fait remarquer qu’il existe déjà un cadre juridique en matière d’adoptions nationales.
82.La question des enfants bouviers, qui désigne une pratique par laquelle des enfants de parents pauvres sont vendus pour travailler comme bergers, est très préoccupante. Plusieurs associations de défense des droits de l’homme et de représentants de la société civile coopèrent avec le Gouvernement pour remédier au problème, qui est en passe d’être résolu. Un centre de réadaptation a été ouvert pour ces enfants, et bon nombre d’entre eux sont retournés à l’école ou suivent une formation professionnelle. Cette pratique inacceptable expose les enfants à des conditions d’exploitation atroces.
83.M me Aidoo demande si la stratégie de réduction de la pauvreté du Tchad est axée en priorité sur ces enfants et leur famille.
84.M. Djidingar (Tchad) dit que le Gouvernement a proposé de créer un fonds national de lutte contre la pauvreté au Tchad, avec 1 % des recettes provenant des exportations pétrolières du pays. Le texte de loi y relatif est en cours d’élaboration. Dans l’intervalle, le Secrétariat d’État créé pour promouvoir le microfinancement et lutter contre la pauvreté consacre 3 milliards de francs CFA chaque année au financement de ses initiatives.
85.M. Blague (Tchad) dit que le centre pour enfants de Koundoul accueille actuellement seulement 60 enfants des rues et autres enfants dans le besoin, alors qu’auparavant, il pouvait en accueillir 400. Le centre a été détruit par un incendie, puis reconstruit dans les années 90. Avec l’aide de la France, d’autres bâtiments ont été ajoutés pour accroître la capacité d’accueil de l’établissement. Malheureusement, des enfants qui faisaient partie des forces armées et des groupes armés avant d’être placés au centre ont ravagé les bâtiments, à l’exception d’une seule aile. Actuellement, l’État procède à la réparation des locaux pour pouvoir y loger d’autres enfants des rues. Il est prévu de construire un autre centre d’une capacité d’accueil d’au moins 500 enfants par an. Il faut espérer que les sept plus grandes villes du pays finiront toutes par avoir leur propre centre.
86.M. Zermatten (Rapporteur pour le Tchad), résumant les débats, note que plusieurs projets visant à améliorer le sort des enfants sont en cours au Tchad, mais que plusieurs problèmes subsistent, principalement en raison de la persistance de la pauvreté. Dans ce contexte, le Comité se félicite de la stratégie de lutte contre la pauvreté, de la création d’un secrétariat pour la promotion du microfinancement et de la future mise en place d’un fonds national de lutte contre la pauvreté. Il se réjouit également que des ressources provenant des exportations pétrolières soient disponibles, mais s’inquiète du fait que le Ministère de l’action sociale et de la famille ne reçoive pas suffisamment de fonds. Il faudrait aussi qu’une plus large part du budget soit affectée à l’éducation et à la santé et il est important de soutenir financièrement les familles pauvres.
87.En ce qui concerne les mesures générales d’application de la Convention, la question de la coordination a été largement débattue, et le Comité espère qu’un organe interministériel sera institué dans les meilleurs délais. Le Comité souhaiterait aussi que soit adopté un plan national qui regrouperait les divers plans sectoriels et il espère qu’une loi sera adoptée sans tarder pour garantir que même les enfants des régions les plus reculées du pays puissent bénéficier de la protection de la Convention.
88.Il est de la plus haute importance que l’ensemble des forces armées et des groupes armés cessent de recruter des enfants, et que les enfants qui ont été enrôlés soient démobilisés et réinsérés dans la société. Tous les enfants doivent avoir une existence légale et, pour cela, il est essentiel d’améliorer considérablement le système d’enregistrement des naissances. L’État est aussi tenu de protéger les enfants de l’exploitation économique et sexuelle et de mettre un terme à la violence à l’école. Il doit promouvoir les droits de l’enfant en formant le personnel spécialisé concerné, en sensibilisant l’opinion, en enseignant aux enfants leurs droits et en prenant des mesures pour que l’application de ces droits soit soumise à un contrôle indépendant.
89.Le Comité se réjouit que le Gouvernement ait l’intention de promouvoir l’état de droit et d’en finir avec l’impunité et qu’il vise à instaurer un système judiciaire, mais souligne que l’appareil judiciaire doit être indépendant et efficace. Si le Tchad entend promouvoir les droits de l’enfant, il doit ratifier et appliquer les instruments internationaux relatifs à la question, dont la Convention de La Haye.
90.Le Comité attend avec intérêt de recevoir un complément d’information dans les réponses écrites du Tchad. La situation du pays, bien que difficile, s’améliore sensiblement et le Comité engage la délégation à prendre les mesures requises pour donner effet à ses observations finales, qui seront publiées à l’issue de la session.
91.M me Ngarbatina (Tchad) remercie le Comité pour le dialogue constructif qui vient d’avoir lieu. La délégation a dûment pris note des remarques du Comité et attend avec intérêt ses observations finales.
La séance est levée à 18 heures.