NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.98831 janvier 2005

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trente-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 988e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 23 septembre 2004, à 15 heures

Président : M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique du Kirghizistan (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique du Kirghizistan [CRC/C/104/Add.4; document de base (HRI/CORE/1/Add.101.1); liste des points à traiter (CRC/C/Q/KGZ/2); réponses écrites du Gouvernement kirghize à la liste des points à traiter (CRC/C/RESP/63)] (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation du Kirghizistan reprend place à la table du Comité.

2.M. SARYBAEV (Kirghizistan) dit que le Conseil national pour les handicapés, créé en application d’un décret présidentiel et dirigé par le Vice-Premier ministre, a élaboré un programme national en faveur de l’insertion des handicapés dans la vie sociale du pays, domaine dans lequel beaucoup reste à faire, s’agissant en particulier de la construction de rampes d’accès aux édifices publics, de logements sociaux aménagés et de moyens de transports adaptés.

3.Une dizaine d’établissements d’enseignement préscolaire et plusieurs institutions spécialisées ont été créées dans le cadre de ce programme pour accueillir les enfants handicapés et des quotas ont été fixés pour leur permettre de suivre ultérieurement une formation professionnelle. Il convient de souligner le rôle clef que les organisations non gouvernementales, en particulier la Société des sourds et des aveugles et la Société des mères d’enfants handicapés, jouent dans la mise en œuvre et le suivi de ce programme.

4.Le Comité national de la statistique est un organisme indépendant qui publie un rapport annuel récapitulant toutes les données démographiques du pays à l’intention des organismes publics ‑ notamment du Gouvernement et des ministères ‑ ainsi que des ONG, qui peuvent le compléter avec leurs propres données statistiques.

5.Si les chiffres semblent indiquer que la part du PIB consacrée à la santé diminue, en termes absolus les ressources affectées à ce poste budgétaire sont restées au même niveau et il est prévu de les accroître à moyen terme. Les taux de mortalité infantile et maternelle sont orientés à la baisse et la révision du système de santé engagée à l’échelle du pays, avec l’aide de l’OMS, devrait permettre d’améliorer encore la situation. L’accent est désormais mis sur la formation de médecins de famille appelés à dispenser des soins de santé primaires en temps opportun dans le cadre d’un service de proximité.

6.Les autorités savent que beaucoup trop de jeunes s’engagent dans l’armée parce qu’ils ont abandonné leurs études précocement ou ont du mal à se faire une place sur le marché de l’emploi, faute de qualifications professionnelles suffisantes. Aussi le Ministère de l’éducation a-t-il décidé de moderniser les nombreux établissements d’enseignement hérités de l’ancien système soviétique pour développer la formation professionnelle et mieux préparer les nouvelles générations au marché de l’emploi.

7.Mme AL-THANI demande comment s’expliquent les très fortes disparités entre les taux de mortalité des différentes régions du pays et ce que fait le Gouvernement pour en finir avec les traitements inhumains que subissent nombre de personnes internées dans les hôpitaux psychiatriques.

8.Le PRÉSIDENT se demande si la politique du Gouvernement tendant à encourager les mères à accoucher dans des centres de santé ou des hôpitaux ne va pas à l’encontre des efforts déployés en faveur des soins de proximité.

9.Mme SARDENBERG voudrait savoir si l’idée d’inscrire des cours d’éducation à la santé des adolescents dans les programmes scolaires a été abandonnée et, dans l’affirmative, pourquoi.

10.M. SARYBAEV (Kirghizistan) dit que les régions qui ne bénéficient pas d’un approvisionnement alimentaire suffisant enregistrent des taux de mortalité infantile bien plus élevés que les régions mieux loties. Le niveau d’éducation des parents compte aussi pour beaucoup dans la façon d’élever leur enfant et leur rapidité de réaction face aux premiers signes de maladie de leur enfant, notamment la grippe - l’une des principales causes de mortalité infantile.

11.Le Gouvernement est déterminé à améliorer le niveau de santé des adolescents en inscrivant dans les programmes scolaires des cours visant à les éduquer en la matière et à les informer sur le VIH/sida, la tuberculose et les maladies sexuellement transmissibles entre autres.

12.Des abus ont été effectivement commis à l’égard de certains patients internés dans des hôpitaux psychiatriques mais le Gouvernement a pris des mesures pour faire cesser cette situation.

13.Mme IBRAGIMOVA (Kirghizistan) dit que le problème se posant à l’heure actuelle en matière d’enseignement est celui de sa qualité, laquelle dépend du nombre d’élèves par enseignant - qui est bien trop élevé avec 22 élèves en moyenne. Ces deux dernières années, le Gouvernement a mis l’accent sur le développement du jeune enfant et sur l’enseignement préscolaire, négligés depuis la chute du régime soviétique, et il a multiplié à cet effet le nombre d’établissements d’enseignement préscolaire, tant privés que publics, sur l’ensemble du territoire.

14.Il entend en outre s’attacher à changer les mentalités au sein même de la famille pour que davantage d’attention soit portée aux enfants dès leur plus jeune âge afin de favoriser leur éveil, et surtout que les parents ne leur administrent pas de châtiments corporels. À ce propos, il faut savoir que les enseignants ont rarement recours aux châtiments corporels et qu’ils s’exposent à une sanction administrative pouvant aller jusqu’au renvoi s’ils usent de violence à l’égard des enfants, voire à une sanction pénale si les coups infligés ont entraîné des lésions physiques ou porté préjudice à la santé de l’enfant.

15.M. CITARELLA, appuyé par M. KOTRANE, voudrait savoir s’il existe une législation érigeant en délit la pratique des châtiments corporels et si les enfants savent qu’ils peuvent engager une procédure de plainte pour obtenir réparation et que de tels actes peuvent aboutir à une sanction pénale.

16.M. LIWSKI demande quelles mesures le Gouvernement kirghize a prises face au grand nombre de plaintes visant des actes de torture et traitements cruels, inhumains ou dégradants perpétrés par la police sur des mineurs alors que la torture ne constitue pas une infraction pénale en tant que telle, situation dont le Comité s’était inquiété dans une de ses observations finales formulées à l’issue de l’examen du rapport initial de l’État partie. Il serait notamment intéressant de savoir si les membres des forces de l’ordre suivent désormais des cours de formation visant à décourager ces pratiques.

17.Mme IBRAGIMOVA (Kirghizistan) dit qu’une nouvelle disposition incorporée en 2003 dans le Code pénal prévoit des sanctions pénales contre les auteurs d’actes de torture. Le Code civil et le code de déontologie interdisent expressément toute forme de violence mais aucune disposition des règlements intérieurs des établissements scolaires n’interdit officiellement la pratique des châtiments corporels..

18.M. KRAPPMANN demande pourquoi les parents doivent payer l’école si la scolarité obligatoire est gratuite.

19.Mme IBRAGIMOVA (Kirghizistan) explique que la gratuité de l’éducation pendant un nombre déterminé d’années est garantie par la Constitution, mais que les budgets sont insuffisants pour offrir un enseignement de qualité. Depuis 1997, un décret autorise les parents qui le souhaitent à soutenir financièrement l’éducation. Cette contribution, dont le montant ne dépasse pas 3 ou 4 dollars par an, n’est jamais demandée aux familles défavorisées, ni à celles qui ont plusieurs enfants scolarisés ou un enfant handicapé.

20.Les écoles ont lancé une initiative pour financer leur modernisation, à laquelle les parents d’élèves peuvent contribuer financièrement sur la base du volontariat, et ont créé des structures de supervision autonomes dont les décisions sont prises en consultation avec les parents d’élèves.

21.Cette évolution récente est critiquée parce qu’elle entraîne une inégalité de niveaux entre les écoles. Un élève est tenu de fréquenter l’école du secteur dans lequel se trouve son domicile mais certains parents sont prêts à payer pour placer leurs enfants dans les meilleures écoles. Ce n’est pas très démocratique, et le gouvernement en est conscient, mais il fait son possible pour mieux équiper les écoles tout en garantissant l’égalité des chances et le problème concerne au demeurant pour l’essentiel la capitale. 

22.Mme KHATTAB souhaite des précisions sur l’éducation religieuse à l’école étant donné que dans un souci de lutte contre le terrorisme certains enseignants recommanderaient aux enfants de ne pas prier à la maison. Or il est primordial que les enseignants transmettent un message positif sur toutes les religions, y compris l’islam, et déconseiller aux enfants de prier pourrait se révéler contre-productif.

23.Mme IBRAGIMOVA (Kirghizistan) explique que depuis le démantèlement de l’Union soviétique, la population manifeste un grand intérêt pur la religion et les croyances en tous genres. Le Kirghizistan est un pays ouvert où pratiquement toutes les religions, même sous la forme du fondamentalisme, ont droit de cité. Mais la religion est séparée de l’État et les écoles publiques sont laïques. Elles sont ouvertes à toutes les ethnies et à toutes les confessions. Ceux qui souhaitent une éducation religieuse peuvent s’adresser aux écoles religieuses.

24.Il n’y a pas de discrimination envers l’islam au Kirghizistan. Au contraire, cette religion jouit historiquement d’un grand respect. Mais comme certains politiciens utilisent l’enseignement religieux comme outil de manipulation, le gouvernement est contraint de réagir. Certaines écoles ont effectivement opposé un refus aux parents qui commençaient à réclamer le port du voile islamique, des salles de prière à l’école, etc., mais personne n’empêche les enfants de prier. C’est là un droit personnel qui est respecté. Le gouvernement ne peut cependant autoriser qu’il soit institutionnalisé dans les écoles laïques. Sinon, les autres confessions formuleraient les mêmes exigences.

25.La création d’écoles confessionnelles est assujettie à l’agrément du Ministère de l’éducation, qui réglemente le contenu des programmes d’enseignement et renouvelle tous les cinq ans leur agrément.

26.Affirmer qu’il existe une tendance à limiter l’accès à l’enseignement est inexact puisque l’éducation est au contraire promue dans tout le pays et que 200 écoles supplémentaires vont être ouvertes prochainement.

27.M. LIWSKI souhaiterait obtenir des éclaircissements sur les causes et les modalités du placement des enfants en institution et entendre les commentaires de la délégation sur l’obligation qui serait faite aux parents de signer un document les destituant de leur autorité parentale à l’entrée de leur enfant dans l’un de ces centres.

28.Il aimerait également savoir si les mesures prises pour briser le cercle infernal de la pauvreté, qui constituerait la principale entrave à la mise en œuvre les dispositions de la Convention et à la réduction du nombre des placements en institution, portent leurs fruits car souvent dans les périodes de transition, les enfants placés dans ce type d’institutions, parfois d’ailleurs en proie à la corruption, deviennent les otages du système institutionnel.

29.À ce sujet , il s’enquiert des démarches concrètes engagées pour modifier le régime de placement, en atténuer les effets et en supprimer les causes et mettre en place des mécanismes visant à préserver le lien de l’enfant avec sa famille en vue de faciliter sa réinsertion sociale.

30.Mme IBRAGIMOVA (Kirghizistan) reconnaît que paupérisation des ménages pousse effectivement bien souvent des parents qui n’ont plus les moyens d’assurer des conditions de vie décentes à leurs enfants à les placer en institution. Les autorités ne ménagent aucun effort pour encourager et faciliter la réunification des enfants avec leur famille, biologique, d’accueil ou d’adoption selon les cas. Le Kirghizistan compte actuellement 11 maisons à caractère familial pour enfants et le Gouvernement travaille à l’élaboration d’une loi pour la protection et le soutien des familles monoparentales et des familles d’accueil ainsi qu’à la réglementation de l’adoption nationale et internationale.

31.Mme SARDENBERG engage l’État partie à adopter une approche globale et fondée sur les droits des conditions de vie des enfants dans les institutions de placement, qualifiées de déplorables par divers rapports et études, et, outre l’accès des enfants à l’éducation et aux soins de santé, à mettre l’accent sur l’intervention des tribunaux dans la décision de placement et sur tous les aspects de la vie de l’enfant dont il est question dans la Convention, notamment son droit de participation, son droit d’accès à l’information et son droit au respect de la vie privée, afin de ménager la meilleure transition possible entre le centre de placement et la vie active. Des études ont en effet montré que le recours au placement était l’une des solutions les plus néfastes pour le bien-être et l’équilibre de l’enfant, qui l’exposait trop souvent encore, à sa sortie du centre, aux risques de prostitution, d’exploitation sexuelle, etc.

32.Mme IBRAGIMOVA (Kirghizistan) dit que même si la situation actuelle dans les centres de placement pour enfants est loin d’être satisfaisante, elle s’est nettement améliorée. Les enfants bénéficient désormais de meilleures conditions matérielles (vêtements, nourriture, etc.), ce qui n’empêche pas le Gouvernement de travailler ardemment à mieux les armer pour la vie et à faciliter leur réinsertion sociale, en particulier par des programmes spéciaux d’éducation.

33.Les autorités responsables s’attachent aussi autant que possible à respecter le droit à l’information et au respect de la vie privée de leurs pensionnaires. Les enseignants et les éducateurs sont aujourd’hui sensibilisés à toutes ces questions et peuvent suivre des programmes de formation axés sur l’autonomisation et l’accompagnement social des enfants.

34.Les parents incapables de prendre en charge leur enfant et souhaitant de ce fait le placer en institution doivent, à leur arrivée au centre, présenter un document exposant les motifs de leur décision, ce qui ne suspend en rien leurs droits parentaux, notamment en termes de droit de visite.

35.En revanche, les parents qui ont été déchus de leur autorité parentale sur décision de justice et ont été orientés, le cas échéant, vers des établissements de désintoxication, de cure, de rééducation ou de réadaptation voient leurs enfants placés dans une famille d’accueil ou d’adoption. Sauf déclaration expresse de leur part, la loi dispose qu’ils puissent recouvrer l’exercice intégral de leurs droits parentaux au terme du traitement et après en avoir fait la demande auprès des tribunaux.

36.M. SARYBAEV (Kirghizistan) explique que malgré des progrès sensibles, la violence contre les enfants reste un problème important et qu’une Section des affaires de la famille, de l’enfance et de la femme et une Section de la lutte contre le déplacement illicite et la traite d’êtres humains ont été mises en place au sein des services du Premier ministre pour assurer et superviser la mise en œuvre des dispositions du Programme national "Nouvelle génération".

37.En outre, la loi réprime de nombreuses formes de violence à l’encontre des enfants (violence physique et psychique dans la famille, mauvais traitements et violences à l’école, etc.). Les services des affaires intérieures sont habilités à diligenter des enquêtes et à procéder à l’examen de tous les cas de maltraitance ou de décès signalés et les administrations publiques locales sont dotées de sections spécialisées en la matière.

38.Les statistiques disponibles indiquent que les violences domestiques ne concernent que très peu d’enfants de moins de 5 ans tandis que les accidents et les brutalités liées à la violence urbaine constituent 27 % des cas de violence enregistrés, avec des variations saisonnières sensibles. Le Gouvernement s’attache à mettre en place dans les écoles de vastes programmes de sensibilisation des élèves (cours d’autodéfense et d’éducation physique, méthodes de lutte contre le racket, droit d’être entendu et protégé, etc.) afin d’assurer la sécurité des enfants, notamment en période de rentrée scolaire.

39.En réponse aux préoccupations exprimées au sujet de la liberté religieuse, il convient de souligner que le Kirghizistan compte désormais trois facultés de théologie, de nombreuses écoles du dimanche et quelque 2000 écoles coraniques. Le Gouvernement ne fait donc nullement obstacle à l’enseignement de la religion, toutes confessions confondues, dans le pays; il a même créé une Commission d’État des affaires religieuses chargée de superviser ces questions.

40.Le PRÉSIDENT aimerait obtenir des précisions sur l'âge minimum d'accès à l'emploi, l’âge de la responsabilité pénale, le travail des enfants, l’exploitation commerciale et sexuelle des enfants, le système de justice pour mineurs et les minorités. Il s’inquiète notamment de savoir quelle est la situation des enfants réfugiés dans le pays, certaines sources indiquant que les demandes des réfugiés ouïgours en provenance de Chine ne seraient pas enregistrées par les services compétents.

41.Mme VUCKOVIC-SAHOVIC demande des précisions sur la distinction que fait l’État partie entre les deux âges de responsabilité pénale – 14 et 16 ans – prévus par la loi, sur les attributions et le fonctionnement des tribunaux d’aksakals (tribunaux d’anciens) dont il est question dans le document de base et sur le nombre effectif d’enfants détenus dans les prisons, vu le manque de cohérence des tableaux fournis.

42.Constatant avec inquiétude que le Kirghizistan ne semble pas disposer de véritable système d’administration de la justice pour mineurs et que malgré les stages de formation qui leur sont offerts les juges sont encore très peu spécialisés, elle demande si les enfants peuvent effectivement être soumis aux mêmes peines d’emprisonnement que les adultes, hormis la peine capitale, auquel cas les dispositions du Code pénal kirghize ne seraient pas conformes à celles de l’article 37 b) de la Convention.

43.La délégation pourrait en outre commenter le fait que les enfants et les jeunes pratiquant l’absentéisme scolaire peuvent être déférés devant les tribunaux.

44.Mme SARDENBERG demande un complément d’informations sur le mandat et les fonctions des commissions régionales chargées des affaires concernant les mineurs, très souvent présentées comme des instances répressives, et sur le phénomène de l’exploitation sexuelle et des abus sexuels sur enfants dans le pays, le Kirghizistan ne semblant guère avoir tenu compte des précédentes observations finales du Comité sur ce point.

45.La délégation pourrait en outre fournir des informations sur la protection des enfants des rues, toujours plus nombreux, exposés à toutes formes d’exploitation et à de nombreuses violations de leurs droits, ainsi que sur la situation des enfants de migrants partant s’installer dans la capitale, notamment en termes d’autorisations de résidence et de logement.

46.Il est regrettable que l’accord signé entre le Kirghizistan et l’Ouzbékistan au sujet du déminage de la région frontalière ne soit pas suivi d’effets et que des enfants soient encore aujourd’hui tués ou blessés par ce type d’engins. La délégation pourrait indiquer donc si l’État partie envisage ratifier la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel.

47.M. KOTRANE relève que la définition de l'enfant n'est pas claire, notamment en ce qui concerne l'âge en dessous duquel l'enfant non seulement ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'emprisonnement mais ne peut pas non plus faire l'objet de poursuites pénales et demande des renseignements sur les possibilités pour un enfant de 11 ou de 14 ans d’être placé dans un établissement spécial de rééducation ou de redressement ou d’être soumis à des mesures socio-éducatives contraignantes de réinsertion.

48.Rappelant que l’État partie a ratifié les Conventions nos 29, 105 et 182 de l’OIT sur l’interdiction du travail des enfants et de toute forme de travail forcé, il aimerait connaître l’avis de la délégation sur l’affirmation selon laquelle les enfants placés en institution seraient parfois astreints au travail.

49.M. FILALI relève que le nombre d’adolescentes prostituées est en nette augmentation et demande quelles sont les mesures prises pour lutter contre l’impunité, étroitement liée à la corruption, dont bénéficient les proxénètes. Les interrogatoires des mineurs peuvent durer plus de deux heures, ce qui constitue un traumatisme inutile. Il serait intéressant de savoir si ces interrogatoires sont conduits dans les locaux de la police ou dans le bureau du juge.

50.Il est préoccupant que, pour certains crimes graves, les mineurs puissent être condamnés à quinze ans de prison, ce qui s’apparente à une peine pour adultes. On peut également déplorer la longueur des procédures pénales, qui durent parfois plus de deux ans. Enfin, il semble que les avocats des mineurs n’aient pas facilement accès aux dossiers et qu’ils aient des difficultés à communiquer avec leurs clients.

51.M. CITARELLA demande des précisions sur le nombre d’enfants accusés et d’enfants condamnés. Il déplore l’absence de tribunaux spécialisés pour les mineurs et la non-application des Règles de Beijing et souhaite savoir si le projet de loi visant à modifier et à compléter la loi sur la Cour Suprême de la République kirghize et sur les juridictions locales de droit commun, a abouti. Il constate avec inquiétude que la détention avant jugement est très répandue. Enfin, il demande des renseignements complémentaires sur les arrestations arbitraires d’enfants des rues.

52.Mme SMITH demande si des mesures ont été prises pour garantir l’indépendance de la justice. Elle relève qu’à l’heure actuelle tous les enfants bénéficiant d’une assistance juridique gratuite sont condamnés et s’interroge sur la qualité de cette assistance. Enfin, elle demande s’il est exact que mineurs et adultes cohabitent en prison.

53.Le prÉsident note que toute plainte visant des sévices à enfant est examinée par la commission des mineurs et les services des affaires intérieures de district ou de village et demande des précisions sur les domaines d’intervention de ces différentes structures. Il regrette l’absence de statistiques sur les violences commises à l’égard d’enfants et sur le nombre d’enfants ayant déposé des plaintes et demande si les enfants placés en institutions peuvent aisément porter plainte. À cet égard, il serait intéressant de savoir si une permanence téléphonique gratuite a été mise en place à l’intention des enfants.

La séance est suspendue à 16 h 35 ; elle est reprise à 16 h 50.

54.M. MAMYROV (Kirghizistan) dit que son pays a ratifié la Convention n°138 de l’OIT et que le nouveau Code du travail, entré en vigueur en juillet 2004, fixe l’âge minimum d’admission à l’emploi à 16 ans.

55.Le Kirghizistan a conclu avec l’Ouzbékistan voisin un accord en vertu duquel ce dernier s’est engagé à déminer la zone frontalière d’ici 2005 mais n’a pas encore ratifié la Convention d’Ottawa, en raison des réserves des autorités militaires kirghizes, et c'est pourquoi la question n'est actuellement qu'au stade de l'examen.

56.Pour ce qui est des activités extrascolaires des enfants, le pays compte 119 organisations sportives qui sont financées par l’État, les budgets locaux ou des fonds privés. D’autres établissements spécialisés contribuent au développement culturel des enfants.

57.À l’heure actuelle 6 634 réfugiés, dont une majorité de Tadjiks et d’Afghans, sont actuellement enregistrés dans le pays. Une communauté ouïgour est établie depuis des siècles au Kirghizistan mais aucune donnée ne fait état d’Ouïgours originaires de Chine ayant demandé le statut de réfugié.

58.Les peines prévues par le Code pénal sont effectivement lourdes mais des mesures ont été prises pour substituer à certaines peines privatives de liberté des mesures comme les travaux d’utilité collective. Les tribunaux d’aksakals, composés des personnes les plus respectées de la communauté, ne traitent que de questions très limitées. Les actes de vandalisme les plus graves font l’objet de procédures pénales, les peines encourues étant clairement définies dans le Code pénal.

59.Mme VUCKOVIC-SAHOVIC demande s’il est possible de faire appel d’une décision rendue par un tribunal d’aksakals.

60.M. MAMYROV (Kirghizistan) répond qu’il est possible d’introduire un recours. La création de tribunaux spécialisés dans les affaires impliquant des mineurs ne se justifie pas d’un point de vue économique car les mineurs ne représentent en moyenne que 1 % des personnes condamnées. Les jeunes délinquants sont placés dans des établissements où ils reçoivent une formation professionnelle et préparent leur réinsertion dans la société.

61.M. KOTRANE fait observer que, selon certaines sources à sa disposition, des enfants seraient obligés de travailler, y compris dans certains établissements scolaires, et demande des précisions à ce sujet. Il souligne que les chiffres fournis concernant le nombre d’enfants condamnés ne renseignent pas sur le nombre d’affaires traitées.

62.Mme IBRAGIMOVA (Kirghizistan) dit que certains enfants en conflit avec la loi peuvent être envoyés dans une école spécialisée qui accueille environ 70 élèves. Le matin, ils suivent des cours de rattrapage scolaire, car leur niveau scolaire est généralement très bas, et l’après-midi ils se consacrent à des activités manuelles ou à des activités de formation professionnelle. Autrefois, ils participaient à des travaux agricoles, mais ce n’est plus le cas.

63.M. MAMYROV (Kirghizistan) indique que si le nombre d’adolescentes se prostituant a effectivement augmenté il est toutefois très difficile, voire impossible, d’estimer avec précision le nombre total d’enfants concernés, qui serait de l’ordre de 10 % du nombre total de personnes exploitées à des fins de prostitution. Le Gouvernement met tout en œuvre pour combattre l’exploitation sexuelle des enfants, notamment en veillant à ce que les responsables de tels actes soient poursuivis et condamnés. Des campagnes de sensibilisation sont en outre menées pour aider les mineurs à défendre leurs droits.

64.Le PRÉSIDENT demande quel est l’âge minimum pour le consentement à des relations sexuelles.

65.M. MAMYROV (Kirghizistan) indique que le Code pénal réprime les relations sexuelles avec un enfant de moins de 16 ans. Après cet âge, un mineur est libre d’entretenir des relations sexuelles.

66.M. LIWSKY demande quelles sont les mesures concrètes prises pour appliquer les dispositions de la Convention n° 182 de l’OIT concernant les pires formes de travail des enfants et du document final du deuxième Congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.

67.M. SARYBAEV (Kirghizistan) répond qu’un conseil de coordination a été créé pour éradiquer le travail des enfants et leur exploitation sexuelle. La lutte contre la traite des enfants est également une priorité, un grand nombre de mineurs étant enlevés pour être prostitués hors du pays.

68.Mme IBRAGIMOVA (Kirghizistan) dit que 2000 enfants sont actuellement placés dans des institutions. Ce chiffre devrait diminuer, des mesures étant prises pour favoriser le retour de ces enfants dans leur famille.

69.En ce qui concerne les mécanismes de plainte à la disposition des enfants victimes d’abus, de maltraitance ou de violence, un système de "boîtes à lettres confidentielles" permet aux autorités locales et au Ministère de l’éducation de recueillir les signalements de ce type d’actes. Une ligne directe reliée au Ministère des affaires intérieures peut aussi être utilisée. Les plaintes peuvent également transiter par les ONG qui signalent aux autorités compétentes les agissements qui leur ont été rapportés. Il n’existe malheureusement pas de statistiques concernant le nombre de plaintes à l’heure actuelle, mais un système de collecte des données sera prochainement mis en place.

70.La corruption dans le secteur de l’éducation est un problème majeur au Kirghizistan, en particulier dans l’enseignement supérieur. Depuis 2002, un système d’évaluation indépendante du niveau des étudiants a été mis en place pour favoriser la transparence et l’équité. Cette procédure a permis de limiter les possibilités de corruption et d’améliorer la sélection des étudiants. La corruption n’a pas pour autant disparu et des efforts sont faits pour sensibiliser professeurs et étudiants à la nécessité d’une éthique scolaire.

71.La corruption touche également les plus hautes sphères du pouvoir. Un service spécial a d’ailleurs été créé pour mesurer l’étendue et les modalités de ce type de pratiques. En 2004, le Président a élevé la lutte contre la corruption au rang de priorité nationale au même titre que la lutte contre la pauvreté et des mesures ont été prises dans ce sens. Une loi visant tous les aspects de la corruption a récemment été adoptée. Un rapport complémentaire sur les résultats obtenus pourra si nécessaire être communiqué au Comité.

72.Le PRÉSIDENT demande ce que recouvre exactement la détention provisoire et si la loi en réglemente la durée.

73.M. MAMYROV (Kirghizistan) explique que la détention provisoire des adolescents en attente de jugement est limitée à deux mois par le Code pénal mais est prorogeables d'un mois par le Procureur général jusqu’à un maximum de 6 mois.

74.Mme VUCKOVIC SAHOVIC constate que pour mettre en œuvre intégralement la Convention relative aux droits de l’enfant, l’État partie a besoin de ressources mais aussi et surtout de volonté politique. L’un des problèmes majeurs est la corruption et la difficulté de l’éradiquer pour instaurer la primauté du droit.

75.Dans ses observations finales, le Comité recommandera la mise en place d’un mécanisme indépendant de défense des enfants, le renforcement de la coopération interministérielle et la poursuite de l’adaptation de la législation nationale, notamment la finalisation du projet de Code de l’enfance. L’État partie sera invité à créer un mécanisme de collecte des données sur la situation des enfants, indispensable pour définir des politiques ciblées et allouer des crédits budgétaires en conséquence. La création d’une juridiction des mineurs est également souhaitable. La santé, l’éducation et les mesures spéciales de protection devront naturellement rester des priorités.

76.Mme SARDENBERG félicite l’État partie pour ses résultats encourageants dans l’application de la Convention tout en constatant qu’un long chemin reste toutefois à parcourir pour faire évoluer les mentalités et qu’il est à cet égard indispensable de former les professionnels de tous les secteurs à la Convention et de favoriser la participation de la population à sa mise en oeuvre.

La séance est levée à 17 h 50.

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