NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.97431 janvier 2005

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Trente-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 974e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 14 septembre 2004, à 15 heures

Président : M. DOEK

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Rapport initial et deux premiers rapports périodiques du Brésil (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial et deux premiers rapports périodiques du Brésil [CRC/C/3/Add.65; document de base (HRI/CORE/1/Add.53); liste des points à traiter (CRC/C/Q/BRA/1); réponses écrites du Gouvernement brésilien à la liste des points à traiter (CRC/C/RESP/65)] (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation du Brésil reprend place à la table du Comité.

2.M. MIRANDA (Brésil) indique que dans le cadre de sa lutte contre la torture, les mauvais traitements et l’exploitation sexuelle des enfants, le Brésil est fermement résolu à mettre en œuvre l’ensemble des recommandations que les différents rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont formulées à l’issue de leur visite dans le pays. Un rapport général sera d’ailleurs bientôt établi et une nouvelle visite du Rapporteur spécial des sur la torture est prévue pour janvier.

3.Fort de ses politiques de prévention, de rééducation, de responsabilisation et d’assistance sociale, le Brésil conteste l’affirmation selon laquelle 1,2 million d’enfants seraient aujourd’hui victimes d’exploitation sexuelle commerciale dans le pays, même si l’ampleur du phénomène reste certes difficile à apprécier. Dans un souci de transparence et sans vouloir dissimuler les difficultés auxquelles il doit faire face le Gouvernement brésilien a récemment identifié 121 itinéraires nationaux et internationaux de trafic d’êtres humains.

4.En dépit de l’obligation légale de signaler à l’autorité compétente les cas présumés ou confirmés de violence ou de torture contre des enfants ou des adolescents, les châtiments corporels persistent, notamment dans la famille. Dans les écoles, seuls quelques cas isolés ont été recensés, les enseignants craignant d’être dénoncés aux autorités. Les mauvais traitements, les abus et les violences dont sont victimes certains enfants et adolescents sont souvent perpétrés au sein de structures appliquant encore des règles antérieures au Statut de l’enfant et de l’adolescent.

5.Les Conseils de tutelle sont chargés de veiller à ce que les enfants ne soient soumis à aucune forme quelconque de négligence, d’exploitation ou de violence et de mettre les enfants dont les droits ont été enfreints en relation avec les réseaux chargés de les protéger contre leurs agresseurs. Au cours de sa première année d’existence, la ligne téléphonique spéciale gratuite mise en place à l’intention des enfants pour leur permettre de dénoncer de tels actes a permis de recueillir quelque 5 500 plaintes.

6.Les adolescents menacés par la criminalité organisée ou touchés par la violence de la société, en constante augmentation, sont au centre des préoccupations de l’État partie et ils bénéficient maintenant, au même titre que les témoins de crimes violents, de mesures de protection et de politiques d’accompagnement. Le Gouvernement a en outre conclu un accord avec l’institut international "El niño" pour combattre, sur les plans législatif et politique, ces formes nouvelles de violations des droits de l’enfant que sont la pédophilie et la pornographie infantiles sur Internet.

7.S’agissant des autochtones, qui restent confrontés à divers problèmes, notamment l’occupation de leurs terres à des fins illicites et l’abattage de leurs forêts, les autorités brésiliennes ont opté pour une politique de protection en leur faveur. Elles consacrent des budgets spécifiques à l’éducation et à la santé de ces populations et, pour éviter tout risque d’acculturation, elles ne recherchent pas le contact avec les groupes d’autochtones isolés, dont certains vivent encore à l’âge de pierre.

8.Le Brésil compte plus de 600 peuples autochtones, soit quelque 410 000 personnes, ayant atteint des stades de développement différents et répartis, dans des zones bien délimitées, sur une superficie supérieure à celles de la France et du Portugal réunis. Ils ne sont pas menacés d’extinction et leur taux de croissance démographique est même supérieur à celui du reste de la population brésilienne.

9.Le Brésil compte en outre quelque 700 communautés noires, pour la plupart peuplées de descendants d’esclaves. La politique actuelle est de les recenser, de délimiter et de légaliser leurs terres, de leur garantir la propriété foncière et de préserver leur culture. Les Noirs du Brésil bénéficient ainsi de quotas et de mesures de discrimination positive, principalement à l’université et sur le marché de l’emploi. Un sous-secrétariat d’État à la promotion de l’égalité, avec à sa tête une ministre d’origine autochtone, a été créé pour formuler des politiques d’intégration sanitaires, sociales et culturelles, sans distinction de sexe, de couleur ni de race.

10.En matière d’adoption, la politique suivie par l’État partie, énoncée dans le Statut de l’enfant et de l’adolescent et s’inspirant de la Convention relative aux droits de l’enfant, donne la priorité au droit de l’enfant de demeurer dans sa famille d’origine. Un placement en famille de remplacement peut, le cas échéant, être envisagé. L’adoption nationale reste une mesure exceptionnelle et l’adoption internationale, qui fait aujourd’hui l’objet d’un contrôle très strict de la part des autorités et des tribunaux, n’est qu’une solution de dernier recours. Le Secrétaire spécial aux droits de l’homme est l’autorité fédérale responsable en matière d’adoption et d’enlèvement d’enfants.

11.Mme DE JESUS CAMPOS NETZ (Brésil) dit que les grossesses précoces constituent un problème de santé publique dont la solution exige des efforts concertés de la société et des autorités, qui travaillent toujours plus en collaboration avec les communautés, notamment les écoles, afin que les professeurs abordent la question en classe et que les adolescentes sachent comment éviter une grossesse ou, le cas échéant, s’y préparer.

12.Le programme de santé familiale, qui regroupe quelque 20 800 intervenants (médecins, infirmières, chirurgiens, agents communautaires de santé, etc.) organisés en équipes multidisciplinaires, offre un encadrement aux jeunes filles en matière de santé de la procréation et permet la mise en œuvre d’actions de prévention, d’éducation et d’accompagnement systématique visant à éviter les grossesses non désirées. Dans le cadre du système unique de santé (SUS) des contraceptifs sont distribués et des centres de planification familiale dispensent leurs conseils, le tout gratuitement. Les autorités veillent également à la formation et au recyclage des professionnels concernés et au développement de leur capacité d’écoute.

13.Le Gouvernement a en outre beaucoup investi pour ouvrir des maternités, des centres de prise en charge et des dispensaires polyvalents dans tout le pays, améliorer la qualité des installations et former du personnel spécialisé. Quelque 2,7 millions d’accouchements sont aujourd’hui pratiqués chaque année au Brésil, dont 15 % environ à domicile ou dans des centres d’accouchement. Pour améliorer la qualité de l’assistance dispensée tout au long de la grossesse, on a mis sur pied au niveau local le programme d’humanisation de la période prénatale, qui permet aux personnes concernées de bénéficier d’un suivi systématique de la part des équipes susmentionnées.

14.Le Brésil a enregistré quelques succès dans sa lutte contre l’épidémie de sida mais des difficultés persistent dans certaines régions du fait de la répartition inégale de la population. Grâce au programme mis en place, tous les adolescents séropositifs bénéficient de soins, d’une assistance et de la gratuité des médicaments. Une campagne de dépistage gratuit de la maladie a été lancée dans tous les États, des distributions gratuites de préservatifs sont organisées dans les écoles et des services de prévention, de conseils et d’accompagnement sont offerts aux enfants, aux patients et à leurs familles, avec le soutien d’ONG. Les enfants orphelins sont pris en charge par des familles apparentées ou d’accueil ou par les services de l’État, qui les préparent à leur future vie en société. Le réseau de services spécialisés destinés au traitement des personnes vivant avec le VIH a été renforcé et des personnels supplémentaires ont été formés.

15.Les autorités brésiliennes ont en outre pris des mesures pour combattre la malnutrition dans le pays, qui ont permis de la réduire. Des efforts sont déployés dans le cadre du programme "Faim zéro" afin que les familles puissent disposer de ressources leur permettant de nourrir leurs enfants de manière adéquate. Les hôpitaux et les maternités mènent pour leur part des campagnes en faveur de l’allaitement exclusif jusqu’à six mois puis de l’utilisation de compléments alimentaires jusqu’à deux ans.

16.Dans le domaine de la santé mentale, ces deux dernières années le Brésil est parvenu à réduire de 4 000 le nombre de personnes internées. Le pays est doté de 535 000 centres d’assistance psychosociale (CAP) - dont 68 pour enfants et 86 pour adolescents. Les personnes atteintes de troubles mentaux légers sont également accueillies dans des résidences thérapeutiques, où elles reçoivent une allocation du Gouvernement correspondant au salaire minimum.

17.Mme AL-THANI souhaiterait obtenir un complément d’informations sur les inégalités en matière de santé dont semblent être victimes les autochtones.

18.Le PRÉSIDENT s’inquiète de la coexistence, chez les groupes autochtones, de la malnutrition et de l’obésité.

19.Mme DE JESUS CAMPOS NETZ (Brésil) explique que les inégalités observées dans le domaine de la santé tiennent aux particularités du pays en matière de niveaux de développement des régions et de répartition démographique. Aussi les communes des régions les plus pauvres reçoivent-elles, dans le cadre du programme de santé familiale, des ressources supérieures de 50 % à celles des autres régions afin de résorber les disparités. Des campagnes de sensibilisation sont en outre menées dans certaines zones rurales pour y promouvoir une alimentation plus saine et plus rationnelle.

20.M. MORENO SAMPAIO (Brésil) indique que le Brésil possède un solide arsenal juridique pour assurer à chacun un enseignement de base de qualité et égal. Force est malheureusement, de constater que l’éducation reste un défi pour le pays : les taux d’échec scolaire, en baisse, y demeurent élevés, 52 % des élèves qui arrivent au terme du cycle d’enseignement fondamental éprouvent des difficultés à lire et comprendre des textes courts et simples et 80 % des 15-17 ans suivent un niveau de scolarisation nettement inférieur à celui auquel correspond leur âge.

21.Le Gouvernement a donc défini trois domaines d’action prioritaires. L’an prochain, il sera procédé à une évaluation générale des étudiants du cycle d’enseignement fondamental. Il reste notamment beaucoup à faire pour que le Brésil, dans le cadre de son plan national d’éducation, accroisse le taux de couverture de l’éducation préscolaire, qui concerne les enfants jusqu’à l’âge de six ans. L’accent sera en outre mis sur la qualification, la valorisation et la formation en cours de carrière des enseignants. Enfin, les crédits budgétaires destinés à l’éducation de base seront quasiment doublées, tant au niveau fédéral que régional.

22.Ces nouvelles ressources devraient permettre de réduire les déséquilibres entre les régions. La situation du système éducatif et les efforts faits pour l’améliorer font l’objet d’un grand débat public. En outre, chaque école reçoit des statistiques la concernant, afin qu’elle puisse évaluer ses résultats par rapport à ceux des autres écoles et prendre, si besoin, des mesures correctives.

23.Le PrÉsidentdemande si les enfants qui ont abandonné l’école ont la possibilité de suivre une formation professionnelle.

24.M. MORENO SAMPAIO (Brésil) dit que l’abandon scolaire est le résultat de l’inefficacité du système éducatif et que des réformes doivent être entreprises. Le Ministère de l’éducation est doté d’un secrétariat à la formation professionnelle.

25.Mme MUNGUBA CARDOSO (Brésil) explique que le Ministère du développement social et de la lutte contre la faim a mis en place un programme de bourses visant à aider financièrement les familles qui, en échange, s’engagent à maintenir leurs enfants à l’école et à les faire vacciner. À l’heure actuelle, de telles bourses sont accordées à 4,5 millions de familles, soit environ 18 millions de personnes, dont 50 % d’enfants de 0 à 15 ans. L’objectif est de venir en aide à 11 millions de familles au total.

26.La lutte contre le travail des enfants progresse; les statistiques de 2002 font en effet apparaître une nette diminution du nombre d’enfants qui travaillent, ce grâce à une double ligne d’action – renforcement de l’action des inspecteurs du travail et aide financière aux familles pour les aider à sortir de la pauvreté.

27.On a mis en place un programme destiné à aider les jeunes de plus de 15 ans qui ont abandonné l’école et sont sans emploi à entrer sur le marché du travail; ils reçoivent une bourse, suivent une formation professionnelle et sont ensuite guidés dans leur recherche d’un premier emploi. Le Gouvernement encourage les entreprises à engager de jeunes apprentis qui, dès l’âge de 14 ans, alternent travail en entreprise et cours en centre de formation.

28.Pour prévenir les violences sexuelles et venir en aide aux enfants qui en sont victimes, le Brésil a mis en place le programme Sentinelle, doté d’un budget de 8,2 millions de dollars par an. Dans ce cadre, 15 centres, situés dans les zones les plus touchées par la violence sexuelle (métropoles, pôles touristiques, zones portuaires, réserves autochtones) accueillent les enfants, qui sont pris en charge par des psychologues, des assistants sociaux et des éducateurs. Ces centres peuvent aussi héberger temporairement les enfants qui en ont besoin. Une aide psychosociale est également proposée aux familles. Ce programme doit encore être élargi.

29.M. CITARELLA relève que le programme Sentinelle ne couvre que la période 2000-2002 et demande si un nouveau programme a été mis en place.

30.M. LIWSKI demande des précisions sur le programme lancé dans plusieurs États, en collaboration avec l’UNESCO, pour lutter contre la violence chez les adolescents et souhaite savoir s’il est prévu de l’étendre à d’autres États. Il rappelle que le document final de la quarante-septième session de la Conférence internationale de l’éducation, tenue du 8 au 11 septembre 2004 à Genève, préconise d’explorer les possibilités de conversion du remboursement de la dette en investissements pour l’éducation et demande si le Brésil a pris des mesures dans ce sens.

31.Mme ORTIZ constate en le déplorant que le rapport ne contient pas de statistiques sur les adoptions et les enfants placés en institution et que la commission appelée à évaluer la politique menée en faveur des enfants et de la famille et à se pencher sur le problème de l’adoption n’a toujours pas été mise en place. Elle croit comprendre qu’un projet de modification de la loi sur l’adoption est à l’étude mais que ce projet, qui aurait pour effet de simplifier les procédures d’adoption, ne tient pas compte du fait que plus de 50 % des enfants proposés à l’adoption le sont pour des raisons de pauvreté. Il importe que la politiques en matière d’adoption soient étroitement liée aux politiques en faveur des familles.

32.Mme SMITH demande si l’éducation physique est obligatoire et si les écoles sont dotées d’installations sportives.

33.M. MORENO SAMPAIO (Brésil) dit que 53 % des élèves du primaire ont accès à des installations sportives dans leur école.

34.M. BAESSO (Brésil) précise que l’éducation physique est obligatoire mais que certaines écoles sont mieux équipées que d’autres. Le Gouvernement fédéral a mis en place un programme de promotion du sport dans le cadre duquel les écoles proposent des activités sportives en dehors des heures normales de cours.

35.Il est difficile de disposer de données nationales sur l’adoption car elle relève du pouvoir judiciaire de chaque État. Une compilation des statistiques fournies par chaque État est en cours. Le Gouvernement brésilien n’a pas l’intention de simplifier les procédures d’adoption, sa priorité étant au contraire de maintenir les enfants dans leur milieu familial et dans leur communauté.

36.Mme ANDRADE E SILVA (Brésil) indique qu’en 2003 le budget du Ministère de l’éducation était en augmentation de 3,5 % par rapport à 2002 et que le Brésil s’attache à trouver de nouvelles sources de financement. Elle ne dispose d’aucune information sur le remboursement de la dette et les investissements dans l’éducation.

37.On ignore le nombre exact d’institutions accueillant des enfants privés de leur milieu familial car seules sont recensées celles qui sont financées par le budget fédéral. La plupart des enfants recueillis ne sont pas orphelins mais viennent de familles très pauvres.

38.Mme PAIVA (Brésil) fait ressortir que la politique que mène le Brésil s’articule autour de trois grands domaines d’action, les mesures de protection en faveur des enfants constituant le premier étant. À cet égard, le Statut de l’enfant et de l’adolescent en vigueur depuis 14 ans a permis de réaliser de très grands progrès sur le plan social malgré la persistance de certaines lacunes d’ordre institutionnel.

39.Le deuxième domaine d’action concerne les adolescents en conflit avec la loi. Un constat d’échec a dû être dressé compte tenu des insuffisances observées dans l’application des dispositions du Statut de l’enfant et de l’adolescent. Pour y remédier, un grand travail de concertation a été accompli et se poursuit entre les gouvernements des États, les ONG, les juges et les procureurs, en vue de promouvoir l’application de mesures socio-éducatives aux jeunes délinquants. Convaincu qu’une réponse exclusivement répressive serait contre-productive, le Gouvernement s’efforce de travailler en amont, notamment au niveau de l’école, qui est malheureusement un foyer important de violence.

40.Troisième domaine d’action, la lutte contre la violence à l’école, qui s’appuie sur la promotion de valeurs telles que l’éthique, la citoyenneté et la solidarité par l’intermédiaire des organisations culturelles et des associations d’élèves et d’étudiants. Des politiques en matière d’emploi et de revenu restent toutefois indispensables pour résorber le problème car la violence entre les adolescents résulte, entre autres, de la pauvreté et du sentiment d’injustice qu’elle génère − lui même exacerbé par la société de consommation.

41.Le PRÉSIDENT aimerait avoir une description concrète de la procédure judiciaire appliquée à un adolescent pris en flagrant délit ainsi que des précisions concernant les personnes habilitées à statuer sur ce type d’affaire.

42.M. BAESSO (Brésil) rappelle que le Statut de l’enfant et de l’adolescent établit une distinction entre l’enfant − toute personne âgée de moins de 12 ans − et l’adolescent − toute personne âgée de 12 à 18 ans. Un adolescent qui a commis une infraction fait l’objet de mesures socio-éducatives. L’enfermement ne doit être décidé qu’en dernier recours. L’adolescent conserve tous les droits que lui reconnaissent la Constitution, la Convention et le Statut pendant la période d’application de la mesure socio-éducative. La loi prévoit en outre que le juge statuant sur le cas d’un adolescent reconnu coupable d’une infraction doit ordonner l’application d’une mesure socio-éducative au plus tôt, à défaut de quoi l’adolescent est placé en détention provisoire pour une période ne pouvant dépasser 45 jours.

43.Le Conseil national des droits des enfants et des adolescents a adopté une résolution visant à limiter à 40 places la capacité d’accueil des centres de détention afin de permettre une prise en charge personnalisée. La réorganisation institutionnelle nécessaire pour satisfaire à ces exigences matérielles (architecture des bâtiments) mais aussi et surtout aux exigences pédagogiques (objectif de redressement et de réinsertion sociale) coûte cher, ce qui n’est pas toujours bien perçu par la société, notamment dans des États tels que Saõ Paulo où la délinquance juvénile est très importante.

44.Pour aider à l’application effective des mesures socio-éducatives, le Conseil national des droits des enfants et des adolescents milite activement en faveur de l’adoption d’une loi qui définisse les étapes de la procédure à suivre pour appliquer ce type de mesure. Un projet de loi a été élaboré dans ce sens et sera soumis au Congrès national. Un plan fédéral pour l’application des mesures socio-éducatives est également à l’étude et vise à inciter les États retardataires à accélérer les réformes.

45.M. CITARELLA note avec inquiétude que, contrairement aux dispositions du Statut de l’enfant et de l’adolescent, la privation de liberté reste dans la majorité des cas la sanction appliquée aux adolescents en conflit avec la loi. Par ailleurs, il est dit dans le rapport que jusqu’à 18 ans, les mineurs ne sont pas considérés comme pénalement responsables de leurs actes. Pourtant, un adolescent ayant entre 12 et 18 ans peut être déféré devant un juge qui décide des mesures à prendre à son égard, à savoir le plus souvent l’enfermement. En outre, aucune assistance juridique n’est assurée à l’adolescent entre le moment de l’arrestation et l’engagement officiel de la procédure judiciaire. Enfin, le problème de la surpopulation dans les lieux de détention persiste en dépit de la résolution du Conseil national des droits des enfants et des adolescents visant à en limiter la capacité d’accueil.

46.À ce propos, il serait également utile d’entendre la délégation au sujet des observations du Rapporteur spécial sur la torture et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires selon lesquelles la majorité des mauvais traitements, tortures et assassinats visant des adolescents surviennent dans des établissements de détention ou les locaux de la police.

47.Étant donné les difficultés rencontrées depuis l’adoption du Statut il y a 14 ans pour mettre en œuvre ses dispositions relatives aux adolescents en conflit avec la loi, il serait intéressant de savoir quels obstacles, selon les États, sont à l’origine de l’échec constaté et quelles mesures vont être prises pour y remédier, notamment dans le cadre du projet de loi évoqué précédemment. Il serait également intéressant de savoir comment s’organisent concrètement la décentralisation et les relations entre le pouvoir central, les États et les municipalités dans ce domaine.

48.M. MIRANDA (Brésil) reconnaît que la privation de liberté reste la sanction la plus fréquente dans certains États malgré le principe selon lequel les adolescents doivent faire l’objet de mesures socio-éducatives. On évalue à 30 % la proportion de lieux de détention qui satisfont aux objectifs fixés par le Statut et on a pu constater que leurs résultats du point de vue de la réinsertion des jeunes y ayant séjourné étaient meilleurs que ceux des autres établissements. Bien que sa position ne fasse pas l’unanimité, le Gouvernement est déterminé à avancer dans le sens d’un système socio-éducatif humain et juste et s’efforce à cette fin de définir les meilleures pratiques en la matière. Ce n’est que sur le long terme et avec la participation des États, l’appui de la société civile et l’action concertée des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire que cet objectif pourra être réalisé.

49.Le PRÉSIDENT demande si un mineur de 15 ans peut être poursuivi au pénal, et dans l’affirmative, par qui et selon quelles modalités.

50.M. MIRANDA (Brésil) signale que Mme Sampaio Oliveira Lima, membre de l’Association brésilienne des juges et des procureurs pour l’enfance et la jeunesse (ABMP -Associação Brasileira de Magistrados e Promotores de Justiça da Infância e da Juventude) est présente dans le public et pourrait répondre à cette question.

51.Le PRÉSIDENT donne la parole à Mme Sampaio Oliveira Lima.

52.Mme SAMPAIO OLIVEIRA LIMA (Association brésilienne des juges et des procureurs pour l’enfance et la jeunesse) dit que la loi brésilienne garantit le respect des droits de la défense, mais que dans la pratique les droits des enfants et des adolescents sont insuffisamment protégés, ce qui s’explique notamment par le fait que les droits de l’homme en général et les droits de l’enfant en particulier ne figurent pas parmi les matières obligatoires dans les programmes de formation des juges ni dans les différents cursus préparatoires aux carrières juridiques.

53.Il est également regrettable que les spécialistes du droit ne connaissent que les rudiments du système interaméricain des droits de l’homme et qu’aucune décision de justice n’y ait à ce jour fait référence. Il est donc essentiel que le Brésil se dote de mécanismes juridiques propres à défendre les droits des enfants et des adolescents.

54.Le sort réservé à un mineur de quinze ans pris en flagrant délit dépend du milieu dont il est issu. Si ses parents sont riches, il sera emmené au commissariat plutôt que placé en détention provisoire et ses parents, avertis dans les plus brefs délais, auront les moyens d’engager un avocat pour assurer sa défense. Si au contraire l’adolescent est issu d’un milieu défavorisé, il sera très certainement placé en détention provisoire pour un délai ne pouvant pas théoriquement excéder 45 jours, mais qui en pratique peut se prolonger plusieurs mois en raison de la pénurie de juges dans certains États, en particulier dans le nord-est du pays.

55.M. ORTIZ demande à ce propos comment fonctionne le service du défenseur du peuple, et où en est l’adoption de la loi tendant à restreindre son mandat, en limitant sa compétence à mener des enquêtes de manière indépendante.

56.M. FILALI demande s’il est vrai que seuls trois des six tribunaux pour enfants créés au Brésil en vertu du Statut de l’enfant et de l’adolescent fonctionnent réellement, quelle est la raison de ce dysfonctionnement et quelle structure prend en charge les enfants et adolescents coupables d’une crime ou d’un délit.

57.Il voudrait en outre savoir s’il existe un mécanisme d’enregistrement des plaintes efficace à la disposition des enfants victimes de sévices, de tortures ou autres violations de leurs droits tant à l’école qu’en milieu carcéral, si ces plaintes aboutissent et enfin si le Gouvernement brésilien a pris des mesures pour lutter contre le crime organisé, compte tenu des répercussions dramatiques de ce fléau sur l’enfance et l’adolescence, s’agissant notamment du trafic de drogue, de la prostitution enfantine ou de la vente d’enfants.

58.Mme ROCHA ANDRADE E SILVA (Brésil) ignore le nombre exact de tribunaux pour enfants dans le pays mais souligne que, conformément au Statut de l’enfant et de l’adolescent, des unités intégrées disposant d’une force de police, avec un tribunal des enfants et un service des poursuites fonctionnant au même endroit et de manière coordonnée ont été créées, de façon à contribuer à prévenir la violation des droits, les abus d’autorité et les risques de mauvais traitements. En vertu de l'article 111 du Statut, les mineurs en confit avec la loi jouissent d’un certain nombre de garanties, dont le droit à une pleine et entière connaissance du chef d’inculpation, le droit à se faire assister d’un avocat, le droit à une assistance juridique gratuite et intégrale, le droit d’être entendu personnellement par l’autorité compétente et enfin le droit de demander la présence des parents ou tuteurs à tous les stades de la procédure.

59.M. MIRANDA (Brésil) signale que trois tribunaux spécialisés en matière de justice pour mineurs sont exclusivement chargés des affaires concernant des crimes dont les enfants sont non pas les auteurs mais les victimes (violences, exploitation sexuelle entre autres).

60.Le Brésil accorde la plus haute priorité à la lutte contre la criminalité organisée et a mis en place un système intégré de lutte contre ce phénomène, même quand une affaire de ce type met en cause des membres des forces de l’ordre ou de l’appareil d’État ou autres personnes influentes appartenant aux milieux politique ou judiciaire.

61.Deux États fédérés ont pour l’heure mis en place des mécanismes d’enregistrement des plaintes relatives à des violations commises par des membres des forces de l’ordre, de la police militaire, des personnels pénitentiaires, des membres du corps professoral ou autres personnes chargées de prendre en charge les enfants en conflit avec la loi. Il est question d’élargir ce mécanisme en créant une base de données à l’échelle des 26 États que compte le pays. Un service au sein de la police est en outre chargé de recueillir les plaintes concernant des violations des droits de l’homme commises par des fonctionnaires de police, mais force est de constater que ce service n’est pas indépendant.

62.En outre, il faudrait que le défenseur du peuple puisse agir en totale indépendance et que cette fonction relève de la compétence de l’État fédéral et non pas de celle des États. Pour l’heure, on peut se féliciter de l’action menée par les centres de défense de la société civile et l’ordre des avocats en matière de fourniture d’une aide judiciaire aux adolescents en conflit avec la loi.

63.M. CITARELLA se félicite du dialogue fructueux engagé avec le Brésil et note avec satisfaction que la politique menée en faveur de l’enfance commence à y porter ses fruits. Il rappelle toutefois que la pauvreté, les inégalités et la discrimination continuent d’entraver la mise en œuvre de la Convention et que c’est bien au Gouvernement fédéral ‑ et non aux États fédérés ‑ qu’incombe la responsabilité, sur le plan international, de garantir le respect des principes qu’elle consacre.

64.L’État partie devrait veiller à améliorer le système de collecte d’informations en vue de produire des données statistiques ventilées couvrant les différents domaines relatifs à la mise en œuvre de la Convention ainsi que le système judiciaire et éducatif. En outre, il faudrait que les nombreuses lois prises en vue d’un plus grand respect des droits consacrés dans le Convention ‑témoignant de la bonne volonté du Gouvernement brésilien ‑ soient effectivement appliquées.

65.M. LIWSKI, souligne qu’on ne peut que se féliciter de l’adoption du Statut de l’enfant et de l’adolescent mais qu’il ne faut pas pour autant oublier la réalité à laquelle sont confrontés les enfants, en proie à la pauvreté et à la violence. Aussi est-il nécessaire que le Brésil poursuive le processus de décentralisation qu’il a amorcé en vue d’élargir encore les mécanismes garantissant les droits de l’homme au niveau local, tout en renforçant l’instance chargée au niveau central d’élaborer les politiques de l’enfance.

66.Il salue le Plan d’action "Président ami des enfants et des adolescents", qui devrait faire progresser les droits de l’enfant au niveau national et faire école dans le reste de l’Amérique latine.

67.M. MIRANDA (Brésil) dit que le Gouvernement brésilien est déterminé à appeler l’attention de la communauté internationale – notamment à la prochaine session de l’Assemblée générale des Nations Unies − sur les grandes questions que sont le travail des enfants, l’esclavage, la lutte contre la faim, la misère et la maladie, en vue de la création d’un monde meilleur dans lequel les droits de l’homme seront une réalité pour tous. Le Brésil accordera aux observations finales du Comité toute l’attention qu’elles méritent et en tiendra compte pour l’élaboration de nouvelles politiques dans le domaine de l’enfance.

La séance est levée à 18 heures.

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