NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.109620 janvier 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante et unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1096e SÉANCE (Chambre B)

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 16 janvier 2006, à 10 heures

Président: Mme KHATTAB

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique de la Trinité‑et‑Tobago

La séance est ouverte à 10 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de la Trinité‑et‑Tobago ((CRC/C/83/Add.12); liste des points à traiter à l’occasion de l’examen du deuxième rapport périodique de la Trinité‑et‑Tobago (CRC/C/TTO/Q/2); réponses écrites du Gouvernement de la Trinité‑et‑Tobago à la liste des points à traiter (CRC/C/TTO/C/Q/2/Add.1))

1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation de la Trinité ‑et ‑Tobago prend place à la table du Comité.

2.Mme MOREAN‑PHILIP (Trinité‑et‑Tobago) dit que des progrès ont été accomplis dans l’application de la Convention, notamment avec la création dans le cadre d’un projet pilote de deux ans lancé en mai 2004 d’un tribunal des affaires familiales appelé à traiter ces affaires selon une approche visant à éviter la confrontation − en recourant notamment à la médiation et à d’autres services sociaux. Les parties ont aussi un rôle accru à jouer dans la procédure.

3.Le Gouvernement est conscient de la nécessité de renforcer les mécanismes de coordination avec les organisations non gouvernementales et communautaires œuvrant à promouvoir les droits de l’enfant, dont certaines ont contribué à l’élaboration du deuxième rapport périodique.

4.Les cinq lois relatives aux enfants et à la promotion de leurs droits adoptées en 2000 ont donné lieu à la mise en place d’un certain nombre d’institutions, dont le tribunal des affaires familiales; le Comité ayant recommandé sa mise en place, composé de représentants du système judiciaire, de l’administration, du barreau et des ONG, a en outre mis en évidence certaines difficultés liées à l’application concrète des nouvelles lois sur l’enfance et le sous‑comité institué pour déterminer les modifications à apporter à ces textes a formulé des recommandations, en cours d’examen par le Ministère de la justice.

5.M. FILALI se félicite des nouvelles lois adoptées dans différents domaines liés aux droits de l’enfant, dont celles sur la création de l’Office de l’enfance, les centres d’accueil communautaires et les foyers de placement familial, l’adoption et la lutte contre la violence domestique. L’État partie a aussi ratifié plusieurs conventions importantes, dont la Convention relative au statut des réfugiés et deux conventions de l’OIT relatives au travail des enfants.

6.Il est en revanche préoccupant de constater que certaines recommandations antérieures du Comité sont restées sans suite réelle, en particulier celles portant sur les problèmes de coordination, la collecte de données, le budget, la violence, la santé et l’administration de la justice pour mineurs. Parmi les cinq nouvelles lois mentionnées, seule la loi no 66 a bénéficié d’une promulgation présidentielle et est entrée en vigueur. Le Comité relève un retard de plus de cinq ans dans la promulgation des autres lois et se demande s’il ne serait pas souhaitable de les actualiser avant de les promulguer.

7.Les dispositions des traités devant être incorporées dans le droit interne de l’État partie avant qu’un juge national puisse les appliquer, il serait intéressant de savoir si, en cas de conflit entre une disposition nationale et une disposition de la Convention, les avocats et les associations peuvent faire valoir la disposition de la Convention. À ce propos, il se demande si le retard dans l’incorporation dans le corpus juridique national des dispositions des conventions internationales, notamment de la Convention relative aux droits de l’enfant, est devenu un moyen d’empêcher l’introduction de ces normes dans le droit national. Tout retard a des incidences sur l’application de la Convention et, partant, sur la situation des enfants dans le pays. Les États devraient rendre exécutoires dès leur ratification les instruments internationaux, en particulier la Convention relative aux droits de l’enfant.

8.Sachant que l’adoption du plan d’action national révisé a été reportée au premier semestre de 2006, le Comité aimerait savoir comment s’explique ce retard, si ce plan d’action a été enrichi et qui s’en occupe actuellement. Le Comité national de suivi de la mise en œuvre du Plan d’action national pour l’enfance semble manquer de ressources financières et humaines et des précisions sur ce point seraient bienvenues.

9.La délégation pourrait par ailleurs indiquer si la personne qui occupe le poste de médiateur bénéficie de toutes les ressources dont elle a besoin, quels sont ses antécédents professionnels et si le pays est affilié au comité international chargé de coordonner les institutions nationales et de vérifier si les Principes de Paris sont appliqués.

10.Les ONG ont apporté une contribution écrite au rapport, ce dont on ne peut que se féliciter, mais il faudrait aussi savoir en quoi a consisté leur interaction avec l’organe responsable de la rédaction du rapport.

11.La définition de l’enfant n’est ni harmonisée ni conforme à la Convention. En effet, l’âge du mariage varie d’une communauté ethnique à une autre, le travail est autorisé à partir de 12 ans et l’âge de la responsabilité pénale est fixé à 7 ans.

12.La loi sur l’égalité des chances ne donne pas la même définition de la non‑discrimination que la Convention puisqu’elle ne fait mention ni de l’âge, ni de la langue, ni du handicap, ni de la naissance. Le problème se pose également en ce qui concerne les abus sexuels, car l’auteur d’un abus sexuel sur un enfant n’est pas sanctionné de la même manière selon qu’il s’agit d’un homme ou d’une femme. Il y a aussi une discrimination à l’égard des enfants atteints du sida, auxquels on refuserait la scolarisation.

13.Il subsiste un problème s’agissant des châtiments corporels vu que leur interdiction n’est pas étendue au comportement des parents dans la famille et aux écoles.

14.La pauvreté ayant des retombées très néfastes sur l’enfance, il serait utile de savoir comment se définit le seuil de pauvreté dans l’État partie et ce qui est fait pour la combattre.

15.La délégation pourrait indiquer si le tribunal des affaires familiales statue en se fondant sur le principe d’intérêt supérieur de l’enfant, quelle évaluation peut être faite de ce rôle et quand il est prévu d’étendre ce type de tribunal à l’ensemble du pays.

16.Mme VUCKOVIC‑SAHOVIC demande comment le droit interne définit les châtiments corporels car ils semblent légaux en tant que mesure disciplinaire dans les institutions du système pénal, et dans quelle mesure ils sont autorisés.

17.M. ZERMATTEN, relevant l’insuffisance des activités destinées à faire connaître la Convention, notamment dans les programmes scolaires, demande si, hormis la Journée consacrée aux droits de l’enfant, d’autres initiatives ont été prises pour sensibiliser le public à ces droits.

18.Il souhaite savoir de quelle manière la participation des enfants est garantie ou rendue obligatoire devant le tribunal des affaires familiales, qui traitera également des affaires criminelles, et si les enfants sont préparés, par des parlements de la jeunesse par exemple, à prendre part à la vie sociale en général et s’ils sont consultés sur des projets qui les touchent.

19.Le Comité aimerait en outre savoir si les cinq lois adoptées en 2000 prennent en compte la notion d’intérêt supérieur de l’enfant et si cette notion est établie comme le critère à examiner dans toutes les décisions, y compris administratives.

20.Selon le rapport, la plupart des institutions de protection sont des organisations caritatives, notamment des organisations religieuses chrétiennes, et la liberté religieuse n’y serait peut‑être pas garantie; des précisions sur ce point seraient donc utiles.

21.M. LIWSKI demande si le budget reflète la décentralisation du pays en quatre régions administratives, en particulier si les allocations budgétaires sont supérieures pour les zones sensibles − sachant qu’il existe des disparités sur le plan de la santé, de l’éducation et du développement social entre ces régions. Le processus de décentralisation engendrant une complexité accrue, un mécanisme central de contrôle et de suivi des crédits budgétaires s’impose et la délégation pourrait donc indiquer si pareil mécanisme existe ou est envisagé.

22.Le montant des crédits affectés à l’achat de vaccins à Trinité‑et‑Tobago a baissé et des explications à ce sujet sont indispensables.

23.La Trinité‑et‑Tobago entretient des relations avec des organismes de financement régionaux, comme la Banque interaméricaine de développement, ou internationaux, comme la Banque mondiale, et il serait dès lors intéressant de savoir dans quelle mesure ces organismes tiennent compte des recommandations du Comité lorsqu’ils élaborent leur programme d’assistance économique et établissent le montant des crédits et aides non remboursables. La délégation pourrait de même indiquer si la participation de l’UNICEF et de l’Institut interaméricain des droits de l’enfant contribue au développement d’un processus international pour la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant.

24.Le droit à la liberté d’association étant protégé par la Constitution et la loi sur les enfants, la délégation pourrait exposer l’influence des associations d’étudiants sur les décisions relatives aux institutions scolaires et leur rôle dans le processus de prise de décisions.

25.M. PARFITT demande si l’État partie envisage d’instituer un médiateur indépendant pour les enfants, comme le préconisent de nombreuses ONG et organisations, ou un médiateur adjoint pour les enfants auprès du Médiateur, qui fait rapport au Parlement. Le Comité souhaite en outre obtenir des précisions sur le rôle dévolu à l’Office de l’enfance en matière de promotion de la Convention et savoir si le Médiateur pourrait jouer un rôle à cet égard.

26.La délégation pourrait donner des informations sur le rapport du Comité national de suivi de la mise en œuvre du Plan d’action national pour l’enfance et de la Convention et apporter des précisions sur le rôle des ONG dans le développement de la législation et des programmes relatifs aux enfants.

27.Mme SMITH se félicite des nombreuses mesures positives prises par la Trinité‑et‑Tobago mais constate que beaucoup reste à faire, en termes d’allocation de ressources et d’élaboration des politiques, pour intégrer les droits des enfants dans la législation. La nécessaire réforme de la législation est lente et laisse à désirer. Ces questions semblent pâtir d’un manque de volonté politique, de collaboration entre les ministères ou d’autres problèmes passés sous silence.

28.Mme ALUOCH demande si la loi portant diverses dispositions concernant l’enfance, qui a apporté des modifications à un ensemble d’autres lois, a produit ses effets et contribué à l’intégration de la Convention dans le droit national.

29.En vertu de la loi sur l’adoption, les données relatives à tout enfant adopté doivent figurer sur un registre mais le rapport ne parle pas du certificat de naissance et il faudrait donc savoir ce qu’il en est en la matière.

30.La PRÉSIDENTE voudrait savoir si les résultats économiques impressionnants du pays se sont traduits par un accroissement du volume des ressources consacrées aux enfants et si la classe politique, notamment les parlementaires, est sensibilisée à la question des droits de l’enfant.

31.Des précisions sur la procédure d’adoption du plan d’action national seraient bienvenues. Le Comité interministériel est placé auprès du Ministère des affaires sociales et il faudrait préciser à qui il fait rapport, sachant qu’il s’agit d’un organe interdisciplinaire appelé à prendre en considération des questions dépassant le champ d’action du seul ministère en question.

32.Le Comité aimerait savoir si le Bureau du Médiateur est doté d’un service chargé des enfants, quelle procédure doivent suivre les enfants souhaitant saisir le Médiateur d’une plainte, et si le Médiateur est habilité à engager une action judiciaire suite au dépôt de pareille plainte.

33.L’absence de texte législatif interdisant la totalité des formes de discrimination, contrairement à ce préconise la Convention, est regrettable, de même que l’absence de législation nationale sur les réfugiés et les demandeurs d’asile, alors que le pays a ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son Protocole de 1967.

34.La délégation pourrait de plus préciser quelles mesures sont prises pour les enfants non déclarés à la naissance, les mesures visant à garantir le droit à l’identité lorsqu’un père refuse de reconnaître son enfant, et le rôle du tribunal des affaires familiales en la matière. Il conviendrait d’exposer plus en détail le projet pilote et les projets visant à modifier le système.

35.Il serait utile de savoir quelle évaluation a été faite de la consultation régionale organisée dans le cadre de l’Étude mondiale des Nations Unies sur la violence contre les enfants et quelles dispositions ont été prises pour assurer le suivi de ses recommandations.

36.Mme MOREAN‑PHILIP (Trinité‑et‑Tobago) explique qu’en cas de conflit entre une disposition de la Convention et le droit interne, c’est le second qui prévaut − ce qui ne signifie pas que la disposition de la Convention sera ignorée car elle pourra être intégrée ultérieurement dans un nouveau texte législatif, mais en connaissance de cause. La Constitution, qui est la norme juridique suprême, garantit une protection très large à tous les citoyens, dont les enfants. Certaines lois contestées ont été modifiées, en particulier la loi sur la liberté de l’information de 2002, jugée anticonstitutionnelle.

37.Le retard pris dans la mise en œuvre de l’ensemble de textes législatifs relatifs à l’enfance n’est pas imputable à un manque de volonté politique mais aux événements. Ces textes ont en effet été adoptés en 2000, mais l’année suivante a été agitée pour le pays, marquée par un changement de gouvernement et un blocage parlementaire − faute de majorité − qui a persisté jusqu’en 2002. Cette situation a été aggravée par deux remaniements ministériels.

38.Le Comité pour un tribunal des affaires familiales mis en place en 2002 est chargé, entre autres fonctions, d’examiner cet ensemble de textes législatifs. Il a rendu un rapport, en cours d’examen par le Ministre de la justice. L’Office de l’enfance n’a pu être créé pour diverses raisons trop longues à exposer. Une partie de la législation en vigueur dans le pays sera remplacée dans le courant de l’année. Parmi les recommandations du Comité figurait l’institution d’un médiateur pour les enfants et le Gouvernement l’examine très attentivement.

39.Un grand progrès a été accompli récemment avec l’informatisation du système d’établissement des certificats de naissance. En plus du nom des parents adoptifs, le certificat de naissance des enfants adoptés porte la mention «adopté». Toute personne peut obtenir gratuitement un certificat de naissance.

40.Les enfants séropositifs ou atteints du sida ne font pas l’objet de discrimination et aucun n’a été exclu de l’école mais, si cela se produisait, pareille décision pourrait être contestée en justice.

41.Les châtiments corporels sont interdits à l’école, mais pas dans la famille. L’introduction d’une loi sur ce sujet doit être précédée d’une sensibilisation de la population pour faire évoluer les mentalités.

42.Mme GITTENS (Trinité‑et‑Tobago), faisant observer qu’il faudra du temps pour surmonter les conceptions culturelles traditionnelles, dit que les ONG jouent un grand rôle dans l’éducation des familles en les sensibilisant aux effets néfastes des châtiments corporels et en les encourageant à utiliser d’autres types de sanctions.

43.Mme MOREAN‑PHILIP (Trinité‑et‑Tobago) dit que l’âge auquel un enfant peut être entendu dans le cadre d’une procédure devant un tribunal n’est pas expressément fixé. Les tribunaux s’efforcent autant que possible d’assurer la participation des personnes concernées sans trop de rigidité. Le principe qui prévaut est l’intérêt supérieur de l’enfant. Un enfant est entendu si on l’estime souhaitable, en fonction de son degré de maturité. Il semble difficile de légiférer sur ce point.

44.Tous les juges des tribunaux pour enfants reçoivent une formation en droit de la famille et des stages sur cette matière sont organisés aussi bien à l’étranger que dans le pays avec le concours de spécialistes étrangers. Aujourd’hui, il existe un noyau de juges qui ont manifesté un intérêt pour ce domaine et travaillent régulièrement dans les tribunaux pour enfants.

45.M. SABGA (Trinité‑et‑Tobago) dit que le deuxième rapport périodique a été établi par l’Unité des droits de l’homme du Ministère de la justice. Un de ses membres préside le Comité consultatif des droits de l’homme, structure interministérielle permanente, dont les membres fournissent à l’Unité les données nécessaires à l’établissement de rapports précis et détaillés. Aux fins de l’élaboration des rapports, l’Unité consulte également les ONG. Le Comité pour le plan d’action national est chargé, entre autres, de surveiller la mise en œuvre de la Convention.

46.La participation des ONG à l’élaboration des rapports aux organes conventionnels est possible sous deux formes: elles peuvent être invitées à participer au Comité consultatif ou bien l’Unité des droits de l’homme leur soumet un projet de rapport pour commentaires et tient compte de leurs commentaires dans le rapport définitif. C’est cette seconde option qui a été retenue pour l’élaboration du rapport à l’examen.

47.L’âge de la responsabilité pénale, qui est de 7 ans, est fixé non par un texte législatif national mais par une règle de common law. Compte tenu de la diversité culturelle et religieuse de la population, les travaux du comité chargé d’uniformiser l’âge nubile n’ont pas encore abouti et les consultations avec les différentes communautés religieuses se poursuivent.

48.Les conditions d’emploi des enfants et l’âge minimum d’admission à l’emploi sont régis pour l’essentiel par la loi sur les enfants, mais plusieurs autres lois ou ordonnances portent sur le travail des enfants dans telle ou telle branche d’activité. Les dispositions varient également selon que l’enfant travaille dans une entreprise familiale ou dans une entreprise publique ou privée. Les autorités entendent s’attacher à harmoniser ces différentes dispositions.

49.Un traité international n’est applicable par les tribunaux nationaux qu’après avoir été incorporé dans le droit interne par la voie législative ou que si ses dispositions constituent des règles impératives de droit international coutumier.

50.La Trinité‑et‑Tobago a accédé à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et à son Protocole de 1967 le 1er novembre 2000 et depuis, par l’intermédiaire de l’Unité des droits de l’homme, le Gouvernement coopère avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations. Une attention particulière est accordée aux personnes vulnérables, notamment les enfants. L’adoption d’une loi sur la détermination du statut de réfugié est envisagée mais, compte tenu de la longueur du processus législatif et au vu de l’urgence du problème des réfugiés, il a été décidé d’élaborer en attendant une procédure ad hoc à l’intention des personnes demandeuses d’asile. L’action des ONG en faveur des réfugiés est une aide précieuse pour le Gouvernement.

51.M. FILALI demande si cette procédure ad hoc, tout en ayant le mérite de permettre de faire face aux problèmes dans l’immédiat, garantit le respect des droits procéduraux des enfants.

52.M. SAGBA (Trinité‑et‑Tobago) répond que cette procédure ad hoc est conforme à la Convention relative au statut des réfugiés. À leur arrivée, les demandeurs d’asile sont entendus par des agents de l’État et leurs demandes sont examinées avec l’assistance du HCR. La Trinité‑et‑Tobago bénéficie aussi des conseils et de la coopération des autres pays de la région.

53.Mme GITTENS (Trinité‑et‑Tobago) précise que le Comité national de suivi de la mise en œuvre du Plan d’action national pour l’enfance et de la Convention a été constitué en 1992 et a finalisé en 1993 le premier Plan d’action national, dont la mise en œuvre a débuté en 1995. À l’époque, cette structure interministérielle avait pour principale mission de coordonner l’action gouvernementale et non gouvernementale en faveur de l’enfance et ne comptait pas de représentants de la société civile. Sa composition change tous les deux ans et c’est dans sa composition de 1997 et, surtout, de 2001, qu’il est devenu représentatif des organisations non gouvernementales et des organisations de jeunes. Ce comité a revu l’ensemble de ses plans en 2003 et, à la lumière de ses conclusions, défini en 2004 un nouveau plan, qui a donné lieu à de vastes consultations publiques. Il soumettra un rapport sur ses activités au Ministère du développement social en 2006. Même si elle est encore perfectible, la coordination entre l’action de l’État et celle de la société civile s’est grandement améliorée depuis l’inclusion de représentants d’ONG et d’organisations de jeunes dans ce comité.

54.La diffusion de la Convention se poursuit, avec la collaboration des ONG, et va en s’accentuant. Alors qu’au départ les initiatives de sensibilisation s’articulaient essentiellement autour de la Journée de l’enfant, elles se déroulent désormais tout au long de l’année. L’accent est mis sur l’information des parents de jeunes enfants − les plus vulnérables aux mauvais traitements. Des conférences et des ateliers sur les droits de l’enfant sont organisés dans les écoles et des brochures reprenant intégralement ou sous forme simplifiée le contenu de la Convention sont distribuées. Des formations dans ce domaine ont été dispensées aux responsables des établissements de protection de l’enfance et autres travailleurs sociaux. Certaines émissions de radio donnent la parole aux enfants, qui sont également invités à s’exprimer dans certains journaux.

55.En tant que membre de l’Institut interaméricain de l’enfance, la Trinité‑et‑Tobago a pris part en 2005 à une séance de formation organisée en Jamaïque sur le thème de la collecte de données et du recensement des enfants en situation de risque. La même année, elle a accueilli la première Consultation internationale sur la violence contre les enfants, en présence de représentants de 16 pays de la région et de nombreux experts du système des Nations Unies, dont M. Paulo Sérgio Pinheiro, expert indépendant chargé de conduire l’Étude approfondie des Nations Unies sur la question de la violence à l’encontre des enfants. Des recherches sur la violence à l’encontre des enfants dans les pays des Caraïbes ont en outre été conduites et seront présentées à l’UNICEF en septembre 2006.

56.Ces cinq dernières années, les budgets sociaux ont fortement augmenté. Le Ministère de l’éducation et le Ministère de la santé ont ainsi vu leurs crédits doubler sur cette période. Les prestations sociales ont été augmentées et bénéficient désormais à davantage de ménages, et davantage de subventions ont été accordées aux organisations non gouvernementales. Enfin, la Trinité‑et‑Tobago bénéficie d’une subvention de l’Union européenne qui lui a permis de créer au sein du Ministère du développement social une unité chargée de l’élimination de la pauvreté, ainsi que 14 conseils régionaux de développement humain et social.

57.M. FILALI déplore que des familles confrontées à des situations difficiles parce que leurs enfants sont ingérables demandent à un juge de les placer dans un établissement, où ils vivent en général dans de mauvaises conditions et risquent d’être victimes de sévices, physiques ou sexuels.

58.La création de l’Unité de lutte contre la violence domestique ainsi que d’un numéro vert accessible 24 heures sur 24 sont des initiatives à saluer, mais la violence semble toujours aussi présente dans l’État partie. Selon certaines informations, les policiers n’auraient pas la formation adéquate pour agir dans ce type de situation et manqueraient de réactivité en cas d’appel au secours. De nombreux cas de viols et d’incestes continuent à être signalés et la question se pose de savoir quelles mesures sont préconisées par l’État partie pour prendre en charge les victimes car la solution retenue à l’heure actuelle − le placement en établissement − accroît les problèmes plus qu’elle ne les résout.

59.Il serait utile que la délégation précise le rôle et les modalités d’intervention du Comité de coordination nationale pour les handicapés. L’action de l’État gagnerait en efficacité si une nouvelle étude permettait de disposer de chiffres actualisés sur la proportion d’enfants naissant avec un handicap, car la précédente, selon laquelle cette proportion était alors de 16 %, remonte à 1983. Il serait utile de savoir s’il existe des centres d’accueil pour handicapés et, dans l’affirmative, s’ils sont dotés de moyens suffisants.

60.Sans être véritablement handicapés, beaucoup d’enfants naissent chétifs, ce qui appelle une étude de la situation nutritionnelle de la population et des mesures de prévention au cours de la grossesse. Quant à l’accès à l’eau potable, il est problématique car plusieurs usines de traitement de l’eau ne sont pas opérationnelles.

61.Même s’il faut se féliciter de la baisse du nombre de cas de transmission de VIH/sida de la mère à l’enfant et de la mise à disposition gratuite de traitements antirétroviraux, il n’en reste pas moins que l’État partie connaît d’après l’ONUSIDA une épidémie générale de VIH/sida et compte parmi les pays du continent les plus touchés par cette maladie. Il est d’autant plus regrettable dans ce contexte que les adolescents n’aient pas accès au test de dépistage sans autorisation parentale et que les chiffres officiels ne reflètent pas la réalité de la maladie car ils ne tiennent compte que des cas déclarés. On peut aussi s’inquiéter de l’absence d’éducation sexuelle dans les écoles et de l’illégalité de l’avortement, qui ouvre la voie aux avortements clandestins, réalisés dans de mauvaises conditions sanitaires et médicales.

62.La consommation de drogues est répandue, mais le Comité ne sait rien de la manière dont les toxicomanes sont traités et la délégation voudra donc bien indiquer ce qu’il en est, en particulier préciser s’ils sont en règle générale dirigés vers des centres de désintoxication.

63.La ratification des Conventions nos 29 et 182 de l’OIT par l’État partie est à saluer mais encore faut‑il mettre en place des mécanismes de surveillance pour en contrôler la bonne application. Ainsi, le fait que des adolescents de 16 à 18 ans travaillent de nuit dans l’industrie du sucre n’est pas conforme aux dispositions de ces instruments et l’âge minimum du travail (12 ans) devrait être relevé. Les informations manquent quant au travail des enfants dans l’économie parallèle.

64.On ne dispose pas davantage de chiffres sur les victimes du tourisme sexuel ni sur le problème de la vente ou du trafic d’enfants. L’État partie a énoncé une interdiction générale de la possession de tout matériel pornographique, mais n’a pas spécifiquement interdit la pédopornographie.

65.Il faudrait expliquer si un mineur peut être condamné à une peine d’emprisonnement à perpétuité ou détenu avec des adultes. L’âge de la responsabilité pénale est fixé à 7 ans, ce qui est excessivement bas. Il serait utile que la délégation fasse part de ses commentaires à ce sujet et donne des informations sur les éventuels programmes de justice réparatrice et peines de substitution à la privation de liberté dont peuvent bénéficier les mineurs.

66.Mme VUCKOVIC‑SAHOVIC aimerait savoir ce que l’État partie entend faire pour combattre la violence dont les enfants sont victimes, non seulement à l’école mais aussi dans les établissements de placement, sur lesquels toute information complémentaire serait au demeurant bienvenue. Il faudrait notamment savoir si les enfants peuvent y être placés à l’isolement, dans quelle mesure les enfants placés intègrent le système scolaire et si le constat figurant dans le rapport selon lequel les mécanismes de surveillance de ces établissements sont insuffisants demeure valable. La délégation pourrait aussi indiquer si le Plan d’action national pour l’enfance prévoit des mesures de soutien, financier et psychosocial, aux familles, en vue de prévenir les placements en institution. Enfin, la question se pose de savoir si l’on peut être placé en institution en quarantaine pour raison de maladie ou si le terme de quarantaine s’entend s’agissant d’enfants déjà placés pour des raisons autres.

67.M. PARFITT demande si les initiatives de sensibilisation aux droits de l’enfant en milieu scolaire se limitent à des conférences et ateliers ponctuels ou si elles font partie intégrante des programmes. Il aimerait avoir des données actualisées sur le projet pilote de placement officiel des enfants mentionné au paragraphe 742 du rapport. Il a cru comprendre que certains établissements accueillent sous le même toit des enfants ayant besoin de protection et des jeunes délinquants, ce qui serait très préoccupant. Des précisions sur l’application concrète de la politique de réunification des services familiaux seraient utiles.

68.Mme SMITH croit savoir que, malgré les modifications apportées au droit de la famille, le versement des pensions alimentaires reste difficile, ce qui peut constituer une forme supplémentaire de discrimination à l’encontre des femmes. Elle demande si la possibilité existe pour une femme divorcée de se faire avancer par l’État la somme correspondant à sa pension.

69.Elle s’inquiète de l’accroissement du nombre d’enfants des rues et souhaite savoir quelles politiques sont mises en œuvre en la matière et si les formations professionnelles sont accessibles à tous. L’existence de clubs d’enfants, de bibliothèques et d’équipements sportifs serait aussi à clarifier. Enfin, elle demande ce qu’il advient des adolescents qui ne peuvent être placés dans un lieu de détention prévu par la loi sur les enfants en raison de leur personnalité «incontrôlable» ou «dépravée».

70.M. LIWSKI demande si la prise en charge des enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux par le système éducatif s’est améliorée depuis l’élaboration du rapport et si la réforme du système de santé, axée sur la décentralisation et à un certain point la privatisation, ne pose pas des difficultés en termes de garantie du droit à la santé pour tous. Les soins primaires ont été développés, mais on ne constate pas d’amélioration des indices de mortalité infantile, ce qui appelle des explications. La délégation pourrait aussi fournir des renseignements sur les programmes relatifs à la santé mentale des adolescents et à la formation du personnel de santé.

71.M. ZERMATTEN demande un complément d’information sur le niveau de formation des enseignants ainsi que sur la mesure dans laquelle les jeunes filles enceintes poursuivent leur scolarité. Il est préoccupé par le recours fréquent à l’isolement dans les institutions, par l’absence d’établissements pénitentiaires spécialisés pour jeunes filles, qui conduit à la détention de mineures avec des adultes, ainsi que par la consommation abusive d’alcool, qui nécessite des politiques spécifiques.

72.Mme ALUOCH souhaite savoir combien de temps un mineur peut être détenu dans un poste de police et si l’affirmation selon laquelle «aucune unité spéciale n’a été créée à la Trinité‑et‑Tobago pour s’occuper de l’enlèvement et de la traite d’enfants, vu que la prévalence de ces cas est minime» est toujours d’actualité. La délégation voudra bien indiquer en outre si des progrès ont été accomplis sur la voie de l’adhésion au Protocole facultatif à la Convention concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. Enfin, il serait bon de connaître les raisons de la fermeture de plusieurs foyers, centres de conseil et centres de médiation.

La séance est levée à 13 h 5.

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