Convention relative aux droits de l'enfant

Distr.

GÉNÉRALE

CRC/C/SR.656

15 novembre 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT

Vingt-cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 656ème SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 27 septembre 2000, à 15 heures

Présidente : Mme OUEDRAOGO

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Premier rapport périodique de la Colombie (suite)

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Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Premier rapport périodique de la Colombie [CRC/C/70Add.5; CRC/C/Q/COL/2 (Liste des points à traiter); réponse écrite de la Colombie aux questions du Comité (document sans cote distribué en séance, en espagnol et en anglais)] (suite)

1.Sur l'invitation de la Présidente, la délégation colombienne reprend place à la table du Comité.

2.Mme EL GUINDI aimerait savoir si des dispositions sont prises pour faciliter l'enregistrement des enfants à leur naissance vu qu'environ cinq millions d'enfants ne seraient pas inscrits sur les registres de l'état civil. Elle demande en outre ce qu'entend faire le Gouvernement pour réduire les disparités entre zones urbaines et zones rurales, notamment en matière de mortalité et de malnutrition, les taux étant plus élevés dans ces dernières.

3.M. RABAH demande si des ONG ont été associées à l'élaboration du rapport de la Colombie et si la Convention est diffusée auprès des groupes minoritaires et dans les régions reculées. La délégation colombienne pourrait‑elle indiquer comment le Gouvernement lutte contre le travail des enfants et essaie de faire baisser le taux d'abandon scolaire, étant donné qu'environ la moitié des enfants abandonnent l'école primaire pour travailler dans les champs, notamment dans les plantations de coca, où leur santé est gravement menacée. Enfin, la délégation pourrait préciser si le Gouvernement collabore avec les ONG qui défendent les droits de l'enfant.

4.Mme TIGERSTEDT‑TÄHTELÄ aimerait des précisions sur le mode de financement de l'Institut colombien de protection de la famille.

5.M. FULCI rappelle que le Gouvernement colombien et les FARC se sont engagés auprès du représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU à attribuer aux besoins des enfants et à leur protection un rang de priorité élevé dans le processus de paix. En outre, le Gouvernement a pris l'engagement de ne plus enrôler d'enfants de moins de 18 ans et les FARC de mettre un terme au recrutement et à l'utilisation d'enfants de moins de 15 ans. Or les FARC semblent ne pas avoir tenu leur promesse et il serait intéressant de savoir si cela a eu des conséquences sur les travaux de l'équipe spéciale tripartite composée de représentants du Gouvernement, de l'ONU et des FARC, qui a pour tâche de répondre aux besoins humanitaires pressants, notamment ceux des femmes et des enfants dans la zone démilitarisée.

6.Enfin, la délégation colombienne pourrait‑elle préciser quelle est la situation des Colombiens de race noire et des autochtones, qui sembleraient davantage touchés par la violence et rencontrer davantage de difficultés pour accéder aux services de santé et aux services éducatifs que le reste de la population.

7.M. URRUTIA (Colombie) dit que le système national de protection de la famille disposera en 2001 d'un budget équivalant à 543 millions de dollars, dont 450 millions de dollars provenant d'un impôt parafiscal de 3 % sur les salaires, 75 millions de dollars des caisses d'allocations familiales et 18 millions de dollars du budget de l'État. En outre, les municipalités apporteront une contribution équivalant à quelque 5 millions de dollars. Des mesures sont actuellement prises pour remédier aux inégalités entre les zones rurales et les zones urbaines en matière d'accès aux soins de santé.

8. Dans le cadre de sa politique de paix (Haz Paz), le Gouvernement met en œuvre d'importants moyens pour prévenir la violence quotidienne et aider les personnes qui en sont victimes. Il déploie également des efforts considérables pour réprimer les responsables de la violence organisée. Parallèlement, il s'emploie, avec l'aide de la magistrature, du Défenseur du peuple et de tout le système judiciaire, à instaurer une culture des droits de l'homme, afin de prévenir la violence.

9.La Colombie compte 82 000 foyers communautaires qui offrent chaque année protection, soins et nourriture à près d'un million et demi d'enfants. Des efforts sont actuellement entrepris pour accroître le revenu des mères qui dirigent ces foyers, en améliorer l'équipement et dispenser une formation aux mères, dont certaines n'ont même pas terminé leurs études primaires.

10.En collaboration avec les ONG, l'État fournit pendant 90 jours une aide d'urgence aux personnes récemment déplacées, qui après enregistrement reçoivent un document leur donnant accès à diverses prestations ‑ aliments, logement, santé, éducation des enfants. Si au bout de ces 90 jours ces personnes ne peuvent regagner leur domicile d'origine, parce qu'il se trouve dans une zone de conflit par exemple, elles sont réinstallées ailleurs à titre permanent. Les programmes de réinstallation comprennent deux grands volets : accès aux services de santé, à l'enseignement et au système de protection de la petite enfance; mise en route d'activités productives avec la collaboration d'ONG. En outre, avec l'appui de l'UNICEF, du Ministère de la culture et de différentes ONG, des programmes sont mis en œuvre pour aider les personnes déplacées, notamment les enfants, à retrouver un équilibre psychoaffectif et à surmonter le traumatisme provoqué par le déplacement.

11.Lors de toute révision de la législation relative à l'enfance ou d'un réaménagement du système national de protection de la famille, il est tenu compte des recommandations formulées par les services du Procureur général de la nation, en particulier du Procureur délégué à l'enfance et à la famille. Pour éviter que comme en 1988 un projet de réforme législative n'échoue pour cause de précipitation de la part du Gouvernement, ce dernier se contente de créer les conditions propices à pareille réforme, laquelle doit être le fruit des réflexions de la société civile et d'une concertation entre tous les personnels intéressés.

12.En ce qui concerne les mineurs en conflit avec la loi, force est de reconnaître que le défenseur de la famille qui est chargé d'assister le mineur délinquant peut subir des pressions de la part de l'Institut colombien de protection de la famille, dont il dépend, et risque donc d'être à la fois juge et partie. Une réforme du système de la responsabilité pénale tendant à séparer les mesures judiciaires des mesures administratives de protection, qui, elles, relèvent de l'exécutif, s'impose donc.

13.Alors que le Gouvernement a respecté son engagement de ne plus enrôler d'individus de moins de 18 ans, les FARC continuent effectivement à recruter des enfants de moins de 15 ans. Récemment, le Représentant permanent de l'UNICEF en Colombie et au Venezuela a demandé aux FARC de respecter leurs engagements. Il ne fait pas de doute que les groupes rebelles et les ONG doivent être associés à l'élaboration et à l'exécution d'un plan de démobilisation.

14.L'enregistrement des enfants à la naissance n'est pas encore entré dans les mœurs en Colombie et c'est pourquoi a été lancée une vaste campagne d'information destinée à encourager les parents à le faire. Chaque fois qu'un enfant accède à un service de l'État, que ce soit l'école, ou un centre de santé, le personnel vérifie qu'il est effectivement enregistré et, s'il ne l'est pas, il demande à ses parents de le faire.

15.Pour enrayer la marginalisation des zones rurales reculées, le Gouvernement a mis en place un plan national pour l'alimentation et la nutrition visant à y assurer la sécurité alimentaire, non pas en distribuant gratuitement de la nourriture à la population mais en lui apprenant à cultiver certaines plantes autochtones à forte valeur nutritive, comme les haricots ou le quinoa.

16.Si jusqu'à présent le rôle consultatif réservé aux ONG a été minime, la Colombie entend désormais les associer à l'organisation, à la supervision et à l'évaluation des programmes sociaux. La corruption et les intérêts politiques qui entravent l'exécution des programmes devraient ainsi céder la place à la transparence.

17.Le Gouvernement considère la participation d'enfants aux cultures illicites comme l'une des pires formes de travail des enfants. Le Plan national de développement de cultures de remplacement a pour objet de favoriser la création de sources de revenu autres que les cultures illicites dans les zones les plus touchées et par là même d'assurer le développement de l'enfant et lui permettre de se réinsérer dans le système éducatif.

18.La Colombie attache une grande importance au respect de l'opinion de l'enfant. Les enfants sont ainsi associés au réexamen bimestriel des activités de l'Institut colombien de protection de la famille et, à l'occasion d'une réunion tenue en 1999 sous les auspices du Conseil des Ministres, quelque 150 petits Colombiens ont exposé leurs préoccupations au Gouvernement et dit ce qu'ils aimeraient voir changer au cours des 10 années à venir.

19.Le Gouvernement a en outre mis en place un programme au titre duquel les mères de familles sélectionnées à l'échelon de la communauté s'engagent en contrepartie d'une allocation mensuelle couvrant les besoins alimentaires et les frais de scolarité des enfants, à ne pas retirer leurs enfants de l'école, à consulter régulièrement les services de santé et à en suivre les consignes et à participer chaque mois à des réunions de formation sur différents thèmes, comme la sécurité alimentaire. Dans le souci d'abaisser le taux d'abandon scolaire des fillettes, le Gouvernement envisage d'accorder une allocation majorée aux familles dont les petites filles poursuivent leurs études en fin de primaire plutôt que de chercher du travail.

20.Les déplacements de population ont effectivement d'abord touché les Colombiens d'origine africaine mais désormais tous les Colombiens, quelle que soit leur appartenance ethnique ou leur condition sociale, sont affectés par ce phénomène. Le Réseau de solidarité se fonde sur les statistiques démographiques pour répartir les ressources et accorde la préférence aux personnes les plus vulnérables : minorités ethniques, enfants et personnes âgées. La Constitution colombienne reconnaît aux communautés autochtones davantage de droits qu'au reste de la population. Tout projet de loi doit leur être soumis pour avis. La soumission du projet de loi en faveur de l'enfance  à ces communautés a d'ailleurs suscité certaines difficultés car de par leur culture elles tendent à ignorer un certain nombre des droits de l'enfant et ne semblent pas disposées à accepter ce projet; le Gouvernement entend donc entamer des négociations avec ces communautés.

21.Mme RILANTONO, notant avec satisfaction l'instauration d'un régime d'assurance maladie à l'échelle nationale, demande quel pourcentage de la population est couvert vu, en particulier, que toutes les naissances ne sont pas enregistrées. Le programme d'assurance maladie a certes été décentralisé mais selon l'OMS de grandes disparités régionales persistent quant à l'accès aux soins de santé et il serait intéressant d'avoir davantage d'informations sur ce point. Toujours selon l'OMS, l'accès des adolescents à la santé génésique est limité et le taux d'avortements chez les très jeunes filles est élevé; il s'agit là d'un grave problème de santé publique et il faudrait savoir ce que fait la Colombie pour y remédier. Alors que la Colombie a adhéré au Code international de commercialisation des substituts du lait maternel, il semblerait que de nombreux produits de ce type fassent leur réapparition dans le pays et des précisions sur ce sujet seraient utiles.

22.Mme MOKHUANE, constatant le taux de suicide très élevé des moins de 15 ans, demande si la Colombie a mis en place un programme de prévention. S'agissant des grossesses non désirées, notamment des grossesses survenant à la suite d'un viol, elle souhaite savoir quelle solution s'offre aux adolescentes puisque l'avortement est illégal. Quelles mesures la Colombie a‑t‑elle prises pour lutter contre la toxicomanie et a-t-elle mis en place des mécanismes de suivi et d'évaluation pour en déterminer l'effet ? Enfin, comment est assurée la coordination des services en faveur des enfants handicapés ?

23.M. RABAH souhaite connaître le mode de fonctionnement des centres de réadaptation pour les enfants en conflit avec la loi et savoir s'ils sont assimilables à des centres de détention. Il demande en outre si la Colombie a mis en place un système d'aide juridictionnelle, si les enfants délinquants sont pris en charge par des travailleurs sociaux entre le moment de l'infraction et l'ouverture de leur procès, et si des séminaires de formation sont organisés à l'intention des avocats, des policiers, des juges ou des travailleurs sociaux. Enfin, existe-t-il des centres de détention séparés pour les jeunes filles et bénéficient-elles d'un programme de réadaptation aux fins de leur réinsertion sociale ?

24.M. DOEK aimerait savoir quels programmes la Colombie a mis en œuvre depuis 1995 pour venir en aide aux enfants maltraités ou victimes de négligence, qui seraient au nombre de 800 000. Les statistiques fournies par l'Institut colombien de protection de la famille révèlent en effet une pénurie criante de places dans les institutions chargées d'accueillir les enfants et adolescents sans famille, en danger ou victimes d'exploitation sexuelle. Davantage d'informations sur les enfants abandonnés ou victimes de négligence placés dans les établissements de rééducation, dont la plupart sont des institutions fermées, seraient donc souhaitables car ces enfants ne sont pas des délinquants et on ne peut que se demander s'ils méritent pareil traitement. Une enquête réalisée en 1990 dans les institutions du pays a mis en évidence d'énormes carences dans les procédures de remise des enfants à leur famille, les avocats des familles semblant ne pas respecter les procédures administratives et retarder la résolution de ces affaires. Quelles mesures le Gouvernement colombien prend‑il pour corriger cette situation ?

25.Le système pénitentiaire pour mineurs présente lui aussi de graves carences : au surpeuplement carcéral viennent s'ajouter des violations flagrantes des droits de l'homme telles que maltraitance et violences sexuelles sur mineurs entre autres. Les "chambres de réflexion" s'apparentent manifestement à des quartiers d'isolement, où les enfants croupissent dans des cellules humides et obscures dépourvues de sanitaires. Le Gouvernement colombien devrait s'employer à remédier à cette situation car le traitement infligé aux enfants dans ces institutions peut être qualifié de cruel et dégradant. Un complément d'information sur la situation des enfants handicapés placés en institution serait également utile.

26.Mme KARP demande s'il est prévu d'allouer des fonds aux ONG à qui le Gouvernement a confié de nouvelles responsabilités. La Constitution colombienne reconnaît-elle à l'enfant le droit d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant ? En matière de justice pour mineurs, le Gouvernement a‑t‑il prévu de débloquer des fonds pour financer la construction de nouveaux établissements ? Des campagnes de sensibilisation ont-elles été menées pur inciter les parents à renoncer à la pratique des châtiments corporels ? Existe-t-il une loi réprimant le trafic de personnes aux fins de la prostitution ou à d'autres fins et, enfin, pourquoi certaines dispositions du nouveau Code pénal concernant les violences sexuelles font‑elles spécifiquement référence à l'état d'urgence et aux conflits armés ?

27.Mme TIGERSTEDT‑TÄHTELÄ fait observer que selon la presse, 25 % des ressources allouées à la mise en œuvre du Plan Colombie seraient consacrés aux activités de développement, dont la protection des droits de l'homme, alors que 75 % seraient utilisés pour renforcer les activités militaires contre la guérilla et les narcotrafiquants, et elle se demande comment ce Plan, bénéficiant d'une aide internationale, s'inscrit dans le processus de paix.

28.M. URRUTIA indique que tout enfant de moins d'un an a accès aux prestations santé du système national de sécurité sociale sans besoin d'aucun justificatif. Les déséquilibres régionaux sur le plan de l'accès aux services résultent en grande partie du processus de décentralisation, lequel doit néanmoins se poursuivre; divers dispositifs ont au demeurant été mis en place pour corriger les inégalités découlant de la mauvaise administration des ressources dans certaines régions. Le Gouvernement espère atteindre son objectif de couverture intégrale de la population en matière de santé d'ici à 2002, malgré la difficulté d'accès aux zones de conflit armé.

29.Des progrès ont été réalisés dans le domaine de la santé génésique des adolescents bien qu'aucun mécanisme spécifique ne garantisse aux jeunes l'accès à des services spécialisés dans ce domaine. À l'heure actuelle, 99,5 % des femmes connaissent les méthodes de contraception et 77 % d'entre elles y ont recours. Certains groupes de population restent toutefois mal informés et les grossesses précoces ainsi que la propagation des maladies sexuellement transmissibles constituent des problèmes préoccupants. C'est pourquoi on s'efforce aujourd'hui de mettre sur pied des programmes spéciaux. Des centres de santé génésique conçus pour accueillir les jeunes et répondre à leurs besoins spécifiques ont ainsi été mis sur pied en collaboration avec Profamilia. En vue de limiter le nombre d'avortements illégaux, des mesures ont été prises pour offrir aux adolescentes enceintes des services leur permettant de mener leur grossesse à terme, dans de bonnes conditions. Les centres de planification familiale encouragent la mise en place d'un stérilet immédiatement après l'accouchement. La protection des adolescentes enceintes est d'autant plus importante que les grossesses précoces s'accompagnent de risques accrus, qui expliquent l'augmentation du taux de mortalité maternelle dans le pays. Plus la mère est jeune, plus elle est marginalisée et éprouve de difficulté à accéder aux soins obstétriques. Des dispositifs destinés à remédier à cette situation sont à présent en place mais des lacunes persistent en matière de prévention.

30.Les efforts de l'Institut colombien de protection de la famille pour éviter les suicides de mineurs se concentrent sur l'aide psychoaffective aux enfants en situation difficile.

31.La loi sur la violence intrafamiliale et le programme "Haz Paz" ont permis d'assurer une meilleure prise en charge des victimes et des auteurs de violences sexuelles. Des centres spécialisés recueillant les plaintes pour violences sexuelles ont été mis en place dans plusieurs villes. Chacun de ces centres travaille avec un magistrat, un médecin et une équipe pluridisciplinaire composée d'un défenseur de la famille, d'un psychologue et d'un travailleur social, qui entame immédiatement le processus de réinsertion psychosociale de la victime. Lorsque l'affaire est portée devant un tribunal, le juge doit accepter comme preuve la plainte déposée auprès du centre, ce qui permet d'éviter à l'enfant d'avoir à témoigner à nouveau. L'auteur des violences est lui aussi pris en charge immédiatement en vue de sa réadaptation, sans préjudice du déroulement de la procédure judiciaire et des peines encourues.

32.Revenant sur le tableau présenté au paragraphe 204 du rapport, M. Urrutia souligne que les mesures et les résultats qui y sont énoncés ne décrivent qu'un aspect de l'action de l'État. La protection des victimes ne suffit pas et c'est pourquoi certains programmes, comme "Haz Paz", mettent l'accent sur la prévention et l'on a accru les ressources affectées aux activités visant à réduire le nombre et la fréquence des mauvais traitements et des violences sexuelles.

33.Des améliorations notables ont été apportées au système d'administration de la justice pour mineurs, notamment avec la nomination de juges aux affaires familiales et la création de commissariats de la famille. La mesure la plus novatrice a été l'adoption du projet d'auto‑évaluation et de normes de qualité. Le système pénal n'est cependant toujours pas conforme aux dispositions de la Convention étant donné que les mesures dites de protection des mineurs délinquants consistent en réalité à les priver de liberté. Pour résoudre ce problème, il sera nécessaire de revoir le Code en vue d'ôter au défenseur de la famille ses fonctions juridictionnelles pour qu'il cesse d'être à la fois juge et partie. Un arrêt de la Cour constitutionnelle dispose d'ores et déjà que tout enfant a le droit d'être assisté par un défenseur public (ne dépendant donc pas de l'Institut de protection de la famille), sans la présence duquel tout jugement est annulé pour vice de forme.

34.Les garçons et les filles délinquants sont placés dans des centres de détention distincts, mais il n'existe pas encore de commissariat pour enfants. Lorsqu'un jeune délinquant est arrêté, il est emmené au poste de police à moins de n'avoir commis qu'une infraction mineure, auquel cas la police le conduit en général dans un centre d'accueil spécial. On étudie actuellement la possibilité d'emmener directement les enfants arrêtés dans ces centres plutôt qu'au poste de police, où il leur arrive parfois de passer plus de temps que les huit heures autorisées.

35.L'appel d'offres public qui doit être lancé en décembre 2000 en vue de conclure des contrats avec les institutions accueillant des enfants intègre les éléments du projet de normes de qualité et d'auto‑évaluation, le critère le plus important n'étant pas le nombre de places offertes mais le nombre d'enfants bénéficiaires d'une protection. De même, l'évaluation des institutions concernées ne se fera pas en fonction de la durée du séjour de chaque enfant mais de la qualité des soins et des services. Lorsque l'on examine les chiffres, il convient de tenir compte du fait qu'une même place peut être occupée par plusieurs enfants en un an. Ce roulement est plus fort dans les familles d'accueil que dans les établissements de protection car le placement des enfants représente une activité plus lucrative pour ces derniers, qui ont donc intérêt à faire durer le séjour de chaque enfant. Des mesures doivent d'ailleurs être prises pour faire cesser ce "commerce de la protection". L'augmentation du nombre total de places représente un résultat positif du point de vue de la protection mais révèle aussi l'insuffisance des mesures de prévention. Il faudrait en effet parvenir à réduire la demande de places. Il est par ailleurs inacceptable que certains dossiers fassent l'objet de retards administratifs injustifiés. C'est pourquoi on a fixé des normes d'évaluation des défenseurs de la famille en fonction du temps mis pour résoudre le cas de chaque enfant.

36.En vertu du système d'appel d'offres, 90 % des ressources allouées à la protection des mineurs passent par des ONG et l'essentiel du budget du système national de protection de la famille est engagé dès la fin de l'année pour l'année suivante. On s'efforce d'assouplir ce mécanisme afin d'appuyer les propositions nouvelles d'ONG qui souhaitent également accéder à ces ressources. Cette relation de l'État avec les ONG s'inspire d'une stratégie et n'a rien de paternaliste : les ONG ont besoin d'un financement et le Gouvernement a besoin de leur action.

37.Évaluer précisément le montant des ressources à consacrer à la démobilisation des enfants est difficile car l'ampleur du phénomène est encore mal connue. On estime aujourd'hui à 6 000 le nombre d'enfants combattants mais comment évaluer le coût de leur réinsertion ? Chaque année, 4 millions de dollars sont alloués aux activités en faveur des enfants victimes du conflit armé, dont les enfants ayant déposé les armes. Le Gouvernement et les ONG ont engagé une réflexion sur le problème de la démobilisation mais n'ont pas encore défini de modalités concrètes.

38.La participation des enfants est un thème complexe. Depuis la signature de la Convention, on a très souvent fait appel à la participation des enfants mais parfois de façon manipulatrice. La participation doit avant tout être voulue par les enfants. Les adultes doivent quant à eux apprendre à écouter. Le Réseau des associations culturelles pour l'enfance, créé il y a quatre ans, est le dispositif qui a donné les meilleurs résultats. En décembre 2000, un sommet culturel pour les enfants sera organisé sur le thème de la paix. Cent cinquante enfants pourront ainsi débattre avec les adultes de façon constructive et prendre part à des actions locales en faveur de la paix. Dans les normes de qualité récemment adoptées, un des critères appliqués aux établissements scolaires est la prise en compte de la participation des enfants.

39.Les châtiments corporels sont érigés en infraction pénale dans la loi 509 de 1999. L'État a pris des mesures contre les châtiments corporels à l'école en établissant un mécanisme de réception des plaintes. Dans le cas de la violence intrafamiliale, la conciliation est souvent une meilleure solution que l'application d'une peine de prison car elle a une portée didactique et ne prive pas l'enfant des soins et de l'attention dont il a besoin. Les parents continuent de recourir aux châtiments corporels car ils les perçoivent comme un moyen privilégié de corriger un enfant pour en faire un adulte accepté par la société. Dans un tel contexte, interdire ne suffit donc pas et il faut s'employer à faire évoluer les mentalités; le Gouvernement a donc lancé une campagne de sensibilisation visant à faire comprendre aux parents que les châtiments corporels n'ont rien d'éducatif et qu'il est plus constructif d'aider l'enfant à prendre conscience de ses responsabilités et à réparer la faute qu'il a commise. Dans le cadre de cette campagne, lancée au début 2000, un message télévisé incitant la population à dénoncer les cas de mauvais traitements est diffusé quotidiennement sur toutes les chaînes. En outre, une ligne téléphonique est en service jour et nuit pour recueillir les appels d'enfants et de femmes victimes de mauvais traitements; l'intervention de la police peut être demandée mais l'objet de ce service d'accueil téléphonique est avant tout d'apporter un soutien psychologique immédiat.

40.La Colombie s'est dotée de textes législatifs internes réprimant la traite des personnes et a signé tous les instruments internationaux relatifs à ce problème. La Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui est en cours d'examen par le Congrès pour ratification.

41.Le Plan Colombie a été perçu de manière erronée par la communauté internationale; il s'agit non pas d'une aide des seuls États‑Unis à la Colombie mais d'un ensemble d'aides extérieures administrées par le Fonds d'investissement pour la paix, auquel les Colombiens eux‑mêmes ont contribué par des impôts spéciaux. Les trois quarts des fonds sont destinés à des activités d'éradication et de substitution des cultures illicites et un quart sert au financement de services sociaux.

42.Les États voisins se sont inquiétés des conséquences que pourrait avoir l'application du Plan Colombie chez eux, notamment le transfert de la production de stupéfiants et donc de la guérilla vers leur territoire. Le Gouvernement colombien a assuré ces États que l'éradication des cultures illicites dans le sud‑est de la Colombie s'accompagnerait de mesures sociales tendant à en atténuer les retombées négatives.

43.Face à la hausse alarmante de la consommation de stupéfiants en Colombie, le Gouvernement a lancé un programme ayant pour but de coordonner l'action de tous les organismes publics actifs dans le domaine de la prévention des toxicomanies et du traitement des toxicomanes. Un volet de ce programme s'adresse aux jeunes et aux enfants des rues; à ce titre ils bénéficient de soins adaptés dans des centres spécialisés relevant de l'Institut colombien de protection de la famille. Les enfants toxicomanes ayant enfreint la loi sont placés dans des institutions spécialisées dans le traitement et la réinsertion de cette catégorie de délinquants. Sur le plan de la prévention, une campagne de sensibilisation a été lancée par l'intermédiaire des médias et dans les écoles pour promouvoir un mode de vie sain.

44.L'État colombien a fait de la satisfaction des besoins médicaux des handicapés une priorité de la loi sur la sécurité sociale et la santé. L'Institut colombien de protection de la famille a pour obligation de protéger les handicapés dont les droits sont violés par les personnes qui en ont la charge. En cas d'abandon, de mauvais traitements ou de négligence, l'enfant handicapé est placé en institution spécialisée. En liaison avec l'Institut colombien de protection de la famille, un comité interministériel dresse régulièrement le bilan des programmes de soins pour les enfants handicapés afin de veiller au respect de leurs droits. L'Institut colombien de protection de la famille soutient en outre financièrement un foyer pour sourds et aveugles ainsi que la formation des mères au dépistage de certains handicaps. Des organisations non gouvernementales travaillent en étroite collaboration avec l'Institut dans le domaine des soins aux handicapés.

45.Dans le cadre du plan national d'alimentation et de nutrition, l'Institut colombien de protection de la famille encourage activement l'allaitement maternel, dont la durée moyenne est de six mois.

46.Mme EL GUINDI demande si la lumière a été faite sur l'incident signalé par les médias deux ans auparavant, au cours duquel la police colombienne aurait ouvert le feu sur des enfants de la rue.

47.M. URRUTIA (Colombie) ne sait pas si la responsabilité des policiers a été établie mais en tout état de cause depuis trois ans la police déploie d'immenses efforts pour faire respecter les droits de l'homme, et en particulier pour aider les enfants de la rue.

48.M. DOEK donne lecture, en anglais, du projet d'observations finales du Comité.

49.La PRÉSIDENTE note avec satisfaction que la Colombie a présenté son rapport périodique dans les délais et a ratifié l'amendement à l'article 43 de la Convention ainsi que les deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention.

La séance est levée à 18 heures.

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