Nations Unies

CRC/C/SR.1563

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

29 septembre 2010

Original: français

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante- cinqu ième session

Compte rendu analytique de la 1563 e séance (Chambre B)

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 21 septembre 2010, à 10 heures

Président: M. Zermatten (Vice-Président)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques du Soudan sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant (suite)

Rapport initial du Soudan sur la mise en œuvre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant, concernant l ’ implication d ’ enfants dans les conflits armés (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties(point 4 de l ’ ordre du jour) (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques du Soudan sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/SDN/3-4; CRC/C/SDN/Q/3-4; CRC/C/SDN/Q/3-4/ Add .1) (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation soudanaise re prend place à la table du Comité.

2.M me Magot (Soudan), en tant que représentante du Sud-Soudan, indique que les troisième et quatrième rapports portent sur la période précédant l’arrivée au pouvoir de l’actuel Président, alors que la guerre faisait rage, que l’accès à l’eau potable était limité, que plus de 90 % de la population vivait avec moins d’un dollar par jour et que la mortalité néonatale et infantile était très élevée. Les conditions de vie des enfants se sont améliorées depuis. Le gouvernement du Sud-Soudan s’est engagé à mettre pleinement en œuvre la Convention. Cette priorité accordée à la réalisation des droits de l’enfant s’est traduite par l’élaboration en 2005 de la loi sur les enfants et par la signature d’«accords de terrain», qui engageaient les autorités à faire respecter les droits de l’enfant et le droit international humanitaire.

3.La loi sur les enfants de 2005, qui constitue le texte législatif le plus global dont dispose le Sud-Soudan, est le fruit d’une consultation avec les organisations de la société civile et les enfants. Le partenariat avec la communauté internationale se poursuit aujourd’hui pour améliorer la réalisation des droits de l’enfant au Sud-Soudan. Cette loi a été élaborée l’année où l’Accord de paix global a été signé et où le Président actuel est arrivé au pouvoir. Elle consacre plusieurs principes importants, tels que l’égalité, la justice sociale, le respect des droits de l’homme et le renforcement de l’état de droit, qui reflètent la volonté du gouvernement d’instaurer une culture démocratique et respectueuse des droits de l’homme et de l’état de droit pour assurer l’avenir des enfants. Un certain nombre d’institutions ont été créées à cette fin, telles que la Commission des droits de l’homme du Sud-Soudan, qui garantit notamment la liberté de la presse.

4.La structure décentralisée facilite la fourniture des services à la population et permet d’améliorer les moyens d’existence. Le gouvernement collabore étroitement avec les partenaires de développement afin de réduire les risques de crise ou de conflit armé, en renforçant la sécurité et en améliorant les conditions de vie dans les communautés.

5.Une part importante du budget, qui provient des revenus du pétrole, est consacrée à la fourniture des services sociaux et éducatifs, à la réduction de la pauvreté, à l’approvisionnement en eau potable et au développement de secteurs économiques clefs tels que le secteur agricole.

6.La Constitution transitoire promulguée en 2005 contient un chapitre entier sur les droits de l’enfant, qui reprend les principes fondamentaux énoncés dans la Convention. En outre, elle établit que la Convention fait partie intégrante de la déclaration des droits et prime en cas de conflit. Elle consacre les principes de la non-discrimination et de l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit à la vie et à la survie, protège les enfants contre les mauvais traitements et l’exploitation, et définit clairement l’enfant comme étant une personne âgée de moins de 18 ans. D’autres droits visant les enfants sont inscrits dans la déclaration des droits, tels que l’accès gratuit et obligatoire à l’éducation et l’accès gratuit aux soins de santé de base.

7.La loi sur les enfants de 2008 applicable dans le Sud-Soudan vise tous les enfants, mais comprend des dispositions spécifiques relatives aux enfants ayant besoin d’une protection spéciale et aux enfants en conflit avec la loi. Elle incorpore les dispositions de la Convention, autorise et promeut les pratiques culturelles qui protègent les droits de l’enfant et interdit celles qui portent préjudice aux enfants. En vertu de cette loi, toute personne a le droit de signaler aux organes judiciaires toute violation des droits de l’enfant au Sud-Soudan. La loi consacre également le droit à l’éducation, le droit à l’enregistrement des naissances, le droit à la vie, à la survie et au développement, le droit à la santé, le droit à l’héritage pour les garçons, les filles et les enfants nés hors mariage sans aucune distinction et les droits des enfants handicapés, et interdit le travail des enfants et autres formes d’exploitation économiques des enfants.

8.En outre, la loi habilite les tribunaux du Sud-Soudan à émettre des ordonnances destinées à protéger les droits des enfants, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant, qui portent notamment sur le placement en structure de protection de remplacement, la garde des enfants, l’octroi d’une pension alimentaire, la fourniture d’une assistance familiale, l’exclusion afin de protéger les enfants victimes de violences au sein de la famille.

9.Un tribunal pour enfants a été créé, ainsi qu’une Commission des enfants, chargée d’enquêter sur les cas rapportés de violation des droits de l’enfant, de superviser la mise en œuvre de la Convention, de sensibiliser les communautés aux droits de l’enfant et d’encourager la participation des enfants aux débats sur des questions d’intérêt majeur.

10.Une politique a été adoptée en 2008 afin de promouvoir et de protéger les droits des enfants dépourvus de protection parentale. La majorité de ces enfants sont pris en charge par des membres de leur famille ou d’autres proches. Le placement en institution est découragé.

11.Le Ministère de la femme, de l’enfant et du bien-être social élabore toutes les politiques concernant les enfants au Sud-Soudan. Dans certains commissariats de police, des bureaux chargés de traiter les questions relatives aux femmes et aux enfants ont été ouverts. Le personnel de ces bureaux a été spécialement formé: il connaît les dispositions de la loi sur les enfants et a été sensibilisé à la manière de traiter les mineurs.

12.Une unité de protection des enfants a été créée au sein de l’Armée populaire de libération du Soudan, afin d’empêcher le recrutement d’enfants et, le cas échéant, de les démobiliser.

13.Un département de justice pour les femmes et les mineurs a été créé au sein du Ministère des affaires juridiques. Il est notamment chargé de traiter les questions relatives à la délinquance des mineurs et de sensibiliser les magistrats à la loi sur les enfants. Des magistrats spécialisés devraient être nommés dès qu’ils auront été formés.

14.Malgré les efforts déployés, il reste de nombreux défis à relever, concernant notamment la collecte de données, la violence envers les enfants, l’enregistrement des naissances, les mariages précoces, le recrutement d’enfants dans les forces armées, les enlèvements d’enfants et les enfants dépourvus de protection parentale.

Rapport initial du Soudan sur la mise en œuvre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/SDN/1; CRC/C/OPAC/SDN/Q/1; CRC/C/OPAC/SDN/Q/1/ Add .1) (suite)

15.M. Koompraphant (Rapporteur pour le Soudan − OPAC) fait observer que le Soudan est toujours en proie à des conflits et des troubles politiques et qu’il doit encore rétablir la paix en faveur de tous les Soudanais. Il estime que le pays a besoin du soutien de la communauté internationale. Il explique qu’en vertu de l’article 45 de la Convention le Comité peut transmettre, s’il le juge nécessaire, aux institutions spécialisées, au Fonds des Nations Unies pour l’enfance et aux autres organismes compétents toute demande d’assistance technique de la part de l’État partie.

16.Il demande comment le gouvernement met en œuvre le plan d’action relatif aux résolutions 1612 (2005) et 1882 (2009) du Conseil de sécurité. Il voudrait également savoir si des enfants ont été recrutés pour participer aux hostilités et si des procédures judiciaires ont été engagées à l’encontre des personnes responsables de ces recrutements.

17.Enfin, il s’enquiert des mesures prises pour améliorer les conditions de vie des enfants déplacés au Darfour, où l’accès à la nourriture, à l’eau potable et aux structures de santé est limité. Il demande si l’État partie coopère avec les pays qui ont une frontière commune avec le Soudan et en particulier le Sud-Soudan, afin de protéger les enfants contre les attaques, les enlèvements et surtout le recrutement de filles en tant qu’esclaves sexuelles.

18.M. Krappmann demande si le Conseil national de la protection de l’enfance conduit des activités de diffusion du Protocole dans l’ensemble du pays, et notamment dans toutes les régions concernées par l’utilisation d’enfants soldats. Il voudrait s’assurer que les nombreux ateliers de sensibilisation ne visent pas uniquement les membres de l’armée, mais également le grand public et tous les professionnels impliqués dans la protection et la réinsertion des anciens enfants soldats. Il souligne qu’il est important de diffuser le Protocole dans les communautés et les camps de personnes déplacées, où les enfants sont particulièrement vulnérables.

19.Il aimerait savoir si l’éducation aux droits de l’homme est inscrite dans le programme scolaire, si elle comprend la sensibilisation au Protocole et, si tel n’est pas le cas, si l’État partie envisage d’inclure ces thèmes dans l’enseignement. Il ajoute que cette sensibilisation au sein du système scolaire ne doit pas être la seule solution, étant donné que les enfants ne sont pas tous scolarisés. Il suggère d’associer les médias à cette action.

20.M. Filali (Rapporteur pour le Soudan) s’enquiert des mesures prises pour prévenir l’enrôlement d’enfants. Il demande quel est le statut des écoles militaires, si les élèves y reçoivent une instruction militaire et y apprennent à manier les armes, si le programme d’enseignement comprend des cours sur le droit international humanitaire, les droits de l’homme, l’éducation à la tolérance et à la paix.

21.Il aimerait connaître les mesures prises au Sud-Soudan pour empêcher l’enrôlement forcé des enfants mais aussi l’enrôlement volontaire d’enfants en échange d’un salaire, compte tenu des difficultés rencontrées par les organisations humanitaires pour apporter de l’aide aux populations.

22.La délégation voudra bien décrire les méthodes employées pour vérifier l’âge des personnes recrutées par les groupes d’autodéfense formés par les communautés. Il serait également utile d’avoir des informations supplémentaires sur les mesures de démobilisation et de réinsertion mises en œuvre par l’Unité de protection des enfants.

23.M. Pollar demande s’il existe une définition juridique de la participation directe d’enfants aux hostilités, si des sanctions ont été prévues pour punir les responsables, militaires ou civils, de l’enrôlement d’enfants dans les forces armées et si des peines ont été prononcées en la matière.

24.Il aimerait connaître les méthodes employées pour déterminer l’âge des personnes recrutées dans les forces armées, étant donné que le système d’enregistrement des naissances n’est pas efficace, et souhaite s’assurer que l’âge de la conscription ne sera pas abaissé à 16 ans, même si le pays se trouve dans une situation d’urgence.

25.M me Varmah demande s’il est prévu d’organiser des campagnes de sensibilisation destinées à faire connaître le Protocole. Elle souhaiterait obtenir un complément d’information sur les parlements des enfants et sur la formation dispensée aux militaires et au personnel de la Commission pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration en matière de protection de l’enfance.

26.M me El-Ash maw y demande quels mécanismes le Gouvernement a instaurés pour coordonner l’action de toutes les parties concernées par l’application du Protocole et quelles mesures ont été prises à la frontière pour empêcher que les enfants ne deviennent victimes de la criminalité organisée transfrontière après la fin des conflits.

27.Constatant que, bien qu’ayant voté la loi nationale sur les droits de l’homme en avril 2009, l’État partie n’a pas encore instauré de commission des droits de l’homme, elle demande à connaître les mesures prises à cet effet. Elle souhaite également savoir si le Soudan a l’intention de signer des accords multilatéraux portant sur la protection de l’enfance et le recrutement à ses frontières est et sud.

28.Enfin, elle voudrait connaître les mesures prises pour renforcer la collecte de données relatives aux domaines visés par le Protocole et savoir ce qui est fait pour garantir le droit des enfants impliqués dans des conflits armés d’être traités comme des victimes et non comme des criminels et qu’elles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour élaborer un plan d’action national visant à leur assurer rééducation, réadaptation et réinsertion.

29.Le Président, constatant qu’il existe très peu de données chiffrées sur les enfants impliqués dans des conflits armés et les enfants déplacés, demande si l’État partie a mené des enquêtes à ce sujet. Il demande des précisions sur les ressources allouées à la réinsertion après démobilisation et souhaite savoir quel texte de loi incrimine le recrutement d’enfants.

30.Il demande quel tribunal juge les enfants qui ont commis une infraction alors qu’ils sont sous les ordres d’un groupe militaire et veut savoir si le Soudan s’inspire de la jurisprudence du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, qui considère ces enfants comme des victimes.

31.Il demande des éclaircissements sur les programmes de déminage et demande si l’exportation d’armes vers des pays susceptibles d’utiliser ou d’enrôler des enfants dans des conflits est interdite par la loi.

La séance est suspendue à 11 heures; elle est reprise à 11 h 25.

32.M me Habani (Soudan) dit que le recrutement d’enfants est incriminé par la loi sur les forces armées de 2007 et la loi sur les enfants de 2010 et qu’un programme a été mis en place au Sud-Soudan pour lutter contre l’enrôlement d’enfants et pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion.

33.M. Ali (Soudan) dit que les forces armées soudanaises travaillent dans le respect de la Constitution et de tous les instruments internationaux ratifiés par le Soudan. En 2008, l’État a mis la loi sur les forces armées en conformité avec toutes les conventions, auxquelles il est partie y compris la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. En 2007, le commandement des forces armées a distribué une brochure traitant entre autres de la protection des civils, y compris des enfants. L’article 43 de la loi sur les enfants interdit l’enrôlement d’enfants et le chapitre 14 de la loi sur les forces armées de 2007 fixe à 18 ans l’âge minimal du recrutement, tandis que l’article 176 dispose que toute personne impliquée dans la conscription d’un mineur de 18 ans est passible d’une peine d’emprisonnement de cinq ans. Le Code pénal a été révisé en 2009 pour inclure toutes ces dispositions.

34.M. Filali(Rapporteur pour le Soudan), se référant à l’article 43 de la loi sur les enfants, demande s’il y a une différence entre «actes militaires» et «actes de guerre», et si les sanctions évoquées précédemment s’appliquent également au recrutement d’enfants effectué à l’étranger par des Soudanais. Enfin, il demande si les tribunaux militaires ont eu à connaître d’affaires de recrutement de mineurs.

35.M me Habani (Soudan) explique qu’on entend par «actes militaires» le recrutement d’enfants par des forces armées régulières ou irrégulières, même si ce n’est que pour les employer à des tâches domestiques. Les tribunaux militaires sont compétents pour connaître de telles affaires mais le cas ne s’est pas présenté.

36.Le Soudan a conclu des accords bilatéraux et régionaux pour mettre un terme au recrutement des enfants et à la prolifération des armes. En juin 2010, il a, avec le Tchad, la République centrafricaine, le Cameroun et le Nigéria, signé la déclaration de N’Djamena par laquelle ces États s’engagent à mettre un terme au recrutement d’enfants. Un accord bilatéral a été signé avec le Tchad concernant le recrutement d’enfants et la prolifération des armes.

37.M. Mahi (Soudan) explique que le Bureau du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration compte un département chargé du contrôle des armes légères et de petit calibre qui collabore avec la police nationale, le PNUD et le Bureau régional pour le contrôle et la réduction des armes légères et de petit calibre dans la région des Grands Lacs et a réalisé des campagnes de sensibilisation. Un bureau spécialisé chargé de cette question à l’échelle du pays a été créé à la suite de l’adhésion du Soudan au Protocole de Nairobi.

38.Un plan d’action national relatif au contrôle des armes légères et de petit calibre, auquel participent les ministères compétents, est mis en œuvre. Le Bureau du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration prépare une conférence nationale en vue d’adopter le mécanisme sur le contrôle des armes légères proposé lors de la Conférence de N’Djamena. Il mène à bien des projets et des programmes de réinsertion en collaboration avec l’UNICEF. Le programme de réinsertion comprend quatre volets, à savoir le suivi social, le soutien psychologique et social, l’éducation formelle et informelle et la formation professionnelle. Il s’étale sur deux ans et est assuré par des organisations de la société civile, locales ou étrangères. Ces organisations participent à la mise en œuvre de neuf projets au Nord-Soudan.

39.Tous les organes compétents, notamment le Ministère de la santé, le Ministère de la jeunesse, le Ministère des affaires sociales, ainsi que des organisations de la société civile, participent à la sensibilisation aux dispositions du Protocole facultatif. Des stages de formation aux dispositions du Protocole facultatif sont régulièrement organisés à l’intention des médias et des commissions sociales, qui sont chargées de la protection de l’enfance.

40.Le Soudan a participé, en 2007, à la Conférence de Paris intitulée «Libérons les enfants de la guerre» et a souscrit aux Engagements de Paris, sur lesquels se fonde sa stratégie de désarmement, de démobilisation et de réinsertion.

41.Le Bureau du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration, en collaboration avec des travailleurs sociaux et des organisations de la société civile, s’efforce de cibler particulièrement les enfants appartenant à des groupes vulnérables pour prévenir tout nouveau recrutement d’enfants dans des groupes armés. La mise en œuvre des différents projets de réinsertion est essentiellement financée par la communauté internationale, mais le Gouvernement apporte aussi sa contribution.

42.Le Président demande combien d’enfants sont concernés par les neuf projets actuellement exécutés au Nord-Soudan, si ces projets permettent de répondre aux besoins, quel montant ou quel pourcentage du PIB représente le budget consacré par le Gouvernement à ces activités et si cette contribution augmente ou diminue. D’importantes ressources financières sont en effet nécessaires pour assurer la réinsertion de tous les enfants démobilisés, y compris les enfants des rues.

43.M. Mahi (Soudan) dit que les neuf projets concernent 1 629 enfants. On ne dispose pas de chiffres précis sur la contribution financière de l’État dans ce domaine. Il est certain que davantage d’efforts seraient nécessaires pour répondre à tous les besoins en matière de réinsertion d’enfants.

44.Le Président dit que l’État partie devrait peut-être envisager d’investir massivement dans ces programmes de réinsertion.

45.M. Mahi (Soudan) répond que l’État s’occupe non seulement des enfants soldats, mais aussi plus généralement des enfants appartenant à des groupes vulnérables et que, dans l’État de Khartoum par exemple, qui compte 31 enfants soldats, les autorités ont pris en charge plus de 2 000 enfants vulnérables. Le Gouvernement s’efforce d’allouer à ces activités le maximum de ressources financières disponibles tout en sollicitant de nouveaux partenaires tels que l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA). Il a aussi commencé à collaborer avec l’Organisation internationale du Travail (OIT).

46.Le Président demande s’il existe des données précises sur le nombre d’enfants qui ont, d’une manière ou d’une autre, participé aux conflits et sur le nombre d’enfants qui devraient être réinsérés.

47.M. Mahi (Soudan) dit qu’il existe une base de données régulièrement mise à jour, qui permet un suivi des enfants pris en charge dans les centres d’assistance psychologique et sociale, et que la délégation se propose de communiquer ultérieurement au Comité des chiffres plus précis.

48.Il serait très difficile de procéder à une estimation des sommes consacrées aux enfants démobilisés car les ressources proviennent non seulement du budget national, mais aussi du budget des différents États et du budget des provinces. Les enfants démobilisés bénéficient d’une carte de santé leur donnant un accès gratuit aux soins et ils ne payent pas de frais de scolarité. L’État s’efforce aussi d’assurer la réinsertion économique de ces enfants en leur apportant, ainsi qu’à leur famille, un appui financier afin de prévenir tout nouveau recrutement.

49.M me El-Ashmawy demande quelles mesures sont prises aux frontières pour que les enfants impliqués dans les conflits armés ne soient pas transférés ou recrutés à l’étranger à des fins d’exploitation.

50.Le Président demande quelles mesures concrètes sont prises pour éviter tout nouveau recrutement d’enfants dans les forces armées.

51.M. Mahi (Soudan) dit qu’il convient avant tout de motiver les enfants pour qu’ils intègrent le système scolaire et poursuivent leur scolarité. Un suivi social des enfants est également assuré au moyen de visites dans les institutions qui les accueillent ou dans leur famille. Tout risque de nouveau recrutement est signalé. Tous les groupes armés qui ont démobilisé des enfants s’engagent à ne plus recruter d’enfants et à ne plus leur proposer d’assistance financière. Une coordination est organisée entre le nord et le sud du pays, en particulier pour prendre en considération les enfants qui se trouvent sur l’ancienne ligne de front séparant le Nord et le Sud. Des accords ont été conclus, notamment avec le Comité internationale de la Croix-Rouge (CICR) et le Société nationale du Croissant-Rouge en vue de la réunification des enfants avec leur famille. Certains enfants démobilisés ont ainsi pu bénéficier d’une réunification avec leur famille au sein de camps de déplacés.

52.Le Soudan a adhéré à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et a mis en place une coordination avec le Tchad, l’Érythrée, l’Éthiopie et le Kenya pour veiller à ce qu’il n’y ait pas de mouvements transfrontaliers illégaux, tout en respectant les principes du droit international humanitaire et les règles minima qui ont été élaborées concernant le traitement des enfants soldats.

53.M me Habani (Soudan) dit que tous les enfants qui ont participé à l’assaut sur Omdurman en mai 2008 et pour lesquels il était certain qu’ils avaient moins de 18 ans ont été libérés. Ceux qui avaient plus de 18 ans et qui ont été jugés ont ensuite bénéficié d’une amnistie présidentielle et ont pu rejoindre leur famille.

54.M. Musa (Soudan) ajoute que les enfants qui ont été utilisés par les forces du Mouvement pour l’égalité et la justice (JEM) dans le cadre de l’attaque d’Omdurman ont été traités par les autorités selon les normes reconnues sur le plan international. Ces enfants ont bénéficié de l’assistance et des soins nécessaires. Le Président de la République a mis en place une commission, présidée par le Ministre des affaires sociales, pour étudier le cas des jeunes qui avaient à peine dépassé l’âge de 18 ans et qui ont été définis et traités comme des victimes. Ils ont été détenus de façon séparée et ceux pour qui cela s’est avéré nécessaire ont été transportés au centre de réinsertion et d’assistance psychologique. Le personnel du CICR a eu l’occasion de s’entretenir avec eux. Ces jeunes ont ensuite été déférés devant le Procureur.

55.M me Habani(Soudan)dit qu’un mécanisme de surveillance et de communication de l’information sur les enfants et les conflits armés, présidé par le Conseil national de la protection de l’enfance, a été instauré au lendemain de l’adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 1612 (2005) sur les enfants touchés par les conflits armés et que Mme Radhika Coomaraswamy, Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés a souligné, à l’issue de la visite qu’elle a effectuée au Soudan le 15 novembre 2009, les progrès réalisés par le Soudan en la matière. La plupart des camps sont gérés par le Gouvernement et des organisations humanitaires coopèrent avec le Ministère des affaires humanitaires pour faciliter l’accès des personnes déplacées et des réfugiés à l’assistance.

56.M me Magot(Soudan) dit que, aux termes de la loi de 2008 du Sud-Soudan sur les enfants, le recrutement et l’engagement volontaire dans des forces ou des groupes armés sont interdits avant l’âge de 18 ans. Il est interdit de recruter des mineurs de 18 ans en vue de les utiliser dans le cadre d’activités militaires ou paramilitaires, y compris en cuisine, à l’infirmerie, à des fins sexuelles ou comme manœuvre. Le Gouvernement est tenu d’assurer aux enfants qui ont été impliqués dans un conflit armé, qu’ils aient été utilisés par les forces armées régulières ou par d’autres groupes armés, et aux enfants touchés par un conflit armé une protection, des services de réadaptation, des soins et une réinsertion dans la société. Il doit aussi veiller à ce que les droits de l’enfant soient respectés même en période de conflit armé et respecter le droit international humanitaire.

57.La loi du Sud-Soudan sur les enfants prévoit des amendes et des peines de prison pouvant aller jusqu’à dix ans pour toute personne reconnue coupable de recrutement ou d’utilisation d’enfants à des fins militaires.

58.L’Unité de protection de l’enfance de l’APLS, formée en 2007, relève de la Direction de l’orientation politique et morale et des unités ont été créées à tous les échelons, du quartier général aux compagnies. Elles jouent un rôle de sensibilisation et de formation et sont chargées de veiller à ce qu’aucun enfant ne soit enrôlé ou réenrôlé et à ce que les officiers qui passeraient outre à cette interdiction soient appréhendés. Elles contrôlent l’âge des recrues potentielles en s’appuyant sur un certificat d’estimation de l’âge de l’intéressé lorsque celui-ci ne possède pas de certificat de naissance, ce qui est souvent le cas au Sud-Soudan.

59.En ce qui concerne la réintégration et la lutte contre le recrutement d’enfants soldats, une stratégie commune de réintégration a été adoptée en 2007 par les commissions du Sud-Soudan et du Nord-Soudan pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration. Cette stratégie insiste sur la nécessité d’une coopération entre l’armée, les commissions et les ministères de la protection sociale et de l’éducation, de l’étape de l’identification des enfants enrôlés dans l’armée jusqu’à celle de leur réintégration dans la société. Il est également prévu que les enfants démobilisés bénéficient d’un suivi social pendant une période de deux ans et que les familles qui les accueillent reçoivent un appui. Les communautés concernées doivent également disposer des services et des infrastructures nécessaires, notamment en matière d’éducation et de formation professionnelle, afin que les enfants démobilisés soient moins enclins à rejoindre les forces armées.

60.Le Président demande des précisions sur les activités de sensibilisation entreprises dans les écoles, notamment au sujet de la paix, du droit humanitaire et des droits de l’homme, ainsi que sur la formation des professionnels. Il souhaite également savoir comment les écoles sont protégées contre les attaques armées.

61.M. Filali (Rapporteur pour le Soudan) croit savoir que les écoles sont parfois utilisées comme bases militaires et que les élèves ne peuvent donc plus y accéder.

62.M me Habani (Soudan) indique que les programmes scolaires comprennent un enseignement sur les droits de l’homme et les droits de l’enfant en particulier, élaboré par le Conseil national pour la protection de l’enfance en collaboration avec le Ministère de l’éducation. Des stations de radio participent également aux efforts de sensibilisation. En ce qui concerne la protection des écoles dans les conflits armés, l’oratrice répète que les écoles ne sont jamais utilisées comme bases. Lorsque des enfants sont déplacés en raison d’un conflit et ne peuvent pas se rendre à l’école, des services éducatifs sont assurés dans les camps de personnes déplacées, avec l’aide de partenaires internationaux.

63.Le Président fait observer que tous les enfants ne sont pas scolarisés et demande si des campagnes sont menées auprès du grand public, notamment au travers des médias, afin de sensibiliser la population dans le domaine de l’éducation à la paix, des droits de l’homme et de la prévention du réenrôlement des mineurs.

64.M. Ali (Soudan) déclare que la loi sur les forces armées de 2007 est très claire concernant les attaques contre les établissements publics et tout autre lieu protégé en vertu du droit international humanitaire, notamment les écoles. Ces attaques sont punies d’une peine de dix à vingt ans d’emprisonnement et les auteurs peuvent être condamnés à verser une compensation aux victimes, conformément à la charia. Toutefois, les établissements scolaires qui sont occupés et utilisés par des groupes armés perdent leur statut de lieu protégé et deviennent des cibles militaires, conformément au droit humanitaire international. Les groupes armés utilisent aussi parfois des civils comme boucliers humains.

65.Le rapport du Secrétaire général sur les enfants et le conflit armé au Soudan de 2009 (S/2009/84) évoque une école ayant subi une attaque dans la ville d’Abyei. Or, cette école contenait des caches d’armes et des munitions non explosées, ce qui est contraire au Règlement de l’armée. Elle constituait de ce fait une cible militaire et n’était pas protégée par la quatrième Convention de Genève et le deuxième Protocole additionnel relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux. Il convient de noter que les écoles qui subissent des attaques se trouvent souvent dans des zones fuies par les civils en raison du conflit et sont donc laissées à l’abandon, comme d’autres infrastructures.

66.Les établissements d’enseignement gérés par l’armée sont conformes aux dispositions du paragraphe 5 de l’article 3 du Protocole facultatif ainsi qu’à celles des articles 28 et 29 de la Convention. L’école technique secondaire du génie militaire, dont le fonctionnement et les conditions d’admission sont décrits en détail aux paragraphes 55 et 56 du rapport initial, en est un exemple.

67.M me Osman (Soudan) indique que la vérification de l’âge des enfants soldats est un élément central des efforts de démobilisation et que le Bureau du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration participe également aux activités de sensibilisation au problème du VIH/sida. En ce qui concerne la coordination entre les différentes entités concernées, elle signale que le Ministère de la protection sociale propose des emplois aux enfants des rues et oriente ceux d’entre eux qui ont suivi une formation vers une carrière correspondante. Des cartes d’identité sont également délivrées aux enfants qui n’en ont pas. En outre, plusieurs projets de formation professionnelle ont été mis en place dans l’État de Khartoum en collaboration avec l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) afin de favoriser l’emploi des jeunes.

68.M. Filali (Rapporteur pour le Soudan) dit que la loi sur les enfants de 2010 interdit l’application de la peine de mort pour les mineurs mais que, selon certaines informations, celle-ci serait toujours pratiquée, en particulier dans le Darfour et dans le cas d’enfants accusés d’avoir participé à l’attaque d’Omdurman.

69.M me Habani (Soudan) explique qu’une personne de moins de 18 ans ne peut être condamnée à mort.

70.M. Filali (Rapporteur pour le Soudan) demande à la délégation soudanaise de confirmer que tous les enfants ayant participé à l’assaut d’Omdurman ont été libérés, y compris ceux condamnés initialement à la peine de mort.

71.M me Habani (Soudan) répond par l’affirmative. Quelques jours avant l’arrivée de la délégation à Genève, un responsable gouvernemental s’est rendu dans la prison de Kober pour vérifier si des enfants identifiés par l’UNICEF s’y trouvaient et a pu confirmer qu’aucun enfant n’y était détenu. La question a déjà été soulevée par le passé et le Gouvernement soudanais a confirmé que tous les enfants ayant participé à l’attaque d’Omdurman avaient été relâchés, tout comme de nombreux adultes.

72.Le Président demande si la loi sur les enfants de 2010 interdit les peines de prison à perpétuité pour les mineurs.

73.M me Habani (Soudan) explique que les enfants ne peuvent en aucun cas être condamnés à la prison à perpétuité puisqu’ils ne sont pas passibles des mêmes sanctions pénales que les adultes. Ils peuvent être placés en maison de redressement pour les crimes les plus graves et d’autres mesures de remplacement sont prévues par la loi.

74.M. Filali (Rapporteur pour le Soudan) fait observer que la détention à perpétuité ne figure pas explicitement parmi les exceptions aux peines d’emprisonnement prévues à l’article 77 de la loi sur les enfants de 2010.

75.M me Habani (Soudan) précise qu’en vertu de l’article 77 un enfant ne peut être condamné à une peine de privation de liberté que pour des actes violents, lorsqu’il n’est pas possible de prendre des mesures de substitution. Elle rappelle que les délinquants mineurs ne sont pas soumis au Code pénal.

76.Le Président remercie tous les membres de la délégation soudanaise pour la qualité des réponses qu’ils ont apportées aux nombreuses questions du Comité.

77.M. Filali (Rapporteur pour le Soudan) se félicite du dialogue constructif qui a été noué avec la délégation soudanaise, qui a permis de faire le point sur la situation des droits de l’enfant au Soudan. Il est évident que le Gouvernement soudanais s’emploie à protéger les droits de l’enfant, comme en atteste l’adoption de la loi sur les enfants de 2010. Cependant, le Soudan continue de pâtir de l’insuffisance de ses infrastructures et de ses capacités. En outre, comme l’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Soudan l’a indiqué au Conseil des droits de l’homme le 17 septembre, les combats armés se poursuivent et on assiste à une montée du banditisme et de la grande criminalité, dont les enfants sont les premières victimes.

78.Il est donc urgent de s’attaquer aux problèmes suivants: la mortalité infantile; l’accès à l’eau potable; le taux de scolarisation primaire; les enfants associés à des groupes armés, en particulier dans le Sud-Soudan; les mariages précoces; les mutilations génitales féminines, qui devraient être interdites par la loi indépendamment des traditions culturelles; la prise en charge des personnes déplacées; et l’application de la législation sur l’ensemble du territoire, étant entendu que l’État du Soudan est l’interlocuteur officiel du Comité en tant qu’État partie à la Convention relative aux droits de l’enfant. Il conviendrait également de se pencher de nouveau sur la définition de l’enfant, la non-discrimination à l’égard des enfants nés hors mariage et les châtiments corporels. En ce qui concerne le Protocole facultatif à la Convention, le Comité accorde une importance particulière aux questions relatives à la diffusion des dispositions du Protocole facultatif et aux activités de sensibilisation à cet égard, au recrutement volontaire, à l’accès à l’aide humanitaire, aux groupes armés, à la protection des victimes, à l’enseignement de la tolérance et de la paix, à l’éducation dans les situations d’urgence, la prolifération des armes et les critères d’évaluation de l’âge des jeunes.

79.M me Habani (Soudan) remercie le Comité pour les efforts qu’il déploie pour s’informer de la situation des droits de l’homme dans le monde entier. Le Soudan ne manquera pas de s’appuyer sur les observations et recommandations du Comité pour renforcer la promotion et la protection des droits de l’enfant dans le pays. Les informations complémentaires qui n’ont pas pu être fournies lors de ces séances seront envoyées au Comité ultérieurement.

La séance est levée à 13 heures.