COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT
Cinquantième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1374e SÉANCE
tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 14 janvier 2009, à 10 heures
Président: Mme LEE
SOMMAIRE
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)
DEUXIÈME RAPPORT PÉRIODIQUE DU TCHAD SUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT
La séance est ouverte à 10 h 30.
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)
Deuxième rapport périodique du Tchad sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant ((CRC/C/TCD/2); liste des points à traiter (CRC/C/TCD/Q/2); réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/TCD/Q/2/Add.1))
1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation tchadienne prend place à la table du Comité.
2.Mme NGARBATINA (Tchad) fait remarquer que, 53 % de la population tchadienne ayant moins de 18 ans, les discussions entre la délégation et les membres du Comité des droits de l’enfant revêtent un intérêt tout particulier pour le Tchad. Éprouvé par plusieurs décennies de guerre civile et de conflits armés aggravés par la crise du Darfour, le Tchad, malgré des ressources naturelles considérables, figure toujours parmi les pays les plus pauvres du monde.
3.Le Gouvernement ne ménage aucun effort pour améliorer les conditions de vie de la population en général, et celles des femmes et des enfants en particulier. Le Président, M. Idriss Déby Itno, qui a décidé de consacrer son mandat aux questions sociales, a pour objectif d’assurer une meilleure qualité de vie aux enfants tchadiens ainsi qu’à tous les enfants qui vivent sur le territoire national, notamment dans les camps de réfugiés de l’est et du sud du pays. La volonté du Gouvernement dans ce domaine se traduit par les nombreux chantiers qui visent à renforcer les infrastructures sociosanitaires, routières ou scolaires. Le Tchad est conscient que le chemin à parcourir pour arriver à garantir des conditions de vie décentes à tous les enfants est encore long, mais il sait aussi qu’il sera possible d’y parvenir avec la mobilisation de tous les acteurs concernés.
4.M. KOTRANE (Rapporteur pour le Tchad) prend note, en ce qui concerne les progrès réalisés par l’État partie, de la promulgation en 2002 de la loi no 06/PR/2002 portant promotion de la santé de la reproduction, interdisant toutes les formes de violence telles que les mutilations génitales féminines, les mariages précoces, les violences dans la famille et la violence sexuelle. Il remarque toutefois que cette loi a une portée toute relative car elle n’est pas assortie de sanctions pénales. Il prend note de la révision et de la validation en 2003 de l’Ordonnance réglementant l’état civil sur le territoire national et de la validation en 2004 du décret d’application du Code du travail réglementant le travail des enfants.
5.M. Kotrane accueille avec satisfaction la ratification des deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant; de la Convention no 138 de l’OIT sur l’âge minimum, de la Convention no 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants, du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et de la Charte africaine des droits et du bien‑être de l’enfant. Il demande si des progrès ont été accomplis en vue de la ratification d’autres instruments internationaux, notamment la Convention relative aux droits des personnes handicapées et les Conventions de La Haye, en particulier la Convention no 33 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.
6.La guerre que connaît le pays depuis plusieurs années rend difficile la mise en œuvre de la Convention et aggrave la situation des enfants, en particulier dans les zones de conflit. On note dans le pays un climat généralisé de violence, dû notamment aux affrontements intercommunautaires, qui s’étendrait jusqu’aux établissements scolaires et se traduirait par un repli identitaire chez les enfants. La délégation pourrait peut-être fournir des précisions à ce sujet.
7.Déplorant la lenteur avec laquelle les projets de lois sont adoptés, M. Kotrane demande quels progrès ont été accomplis en vue de l’adoption définitive du projet de Code de protection de l’enfant élaboré dans le cadre du programme de coopération entre le Gouvernement du Tchad et l’UNICEF, de la promulgation du Code pénal révisé en 2003, et de la révision du Code des personnes et de la famille. En outre, compte tenu de l’ampleur du recrutement et de l’utilisation d’enfants par les forces et groupes armés et, plus généralement, de la violence exercée contre les enfants, il demande quelles sont les mesures législatives et les plans d’action que l’État partie compte prendre et mettre en œuvre afin d’adapter sa législation aux dispositions de la Convention et des deux Protocoles facultatifs.
8.M. Kotrane demande quel est le statut de la Convention dans le droit interne. Il souhaite savoir si la Convention a préséance sur les textes et coutumes nationaux, si elle a déjà été invoquée directement devant des tribunaux nationaux, et si des mesures ont été prises pour promouvoir ses dispositions auprès des magistrats.
9.En ce qui concerne l’organisation judiciaire, M. Kotrane prend note de la création, au sein des tribunaux de première instance, de chambres pour mineurs qui ont pour mission de connaître des infractions commises par des enfants de 13 à 18 ans. Il aimerait avoir de plus amples renseignements à ce sujet. Il souhaite également savoir si de nouveaux programmes de formation ont été mis en place à l’intention des juges et des auxiliaires de justice spécialisés dans les questions touchant aux droits de l’enfant.
10.M. ZERMATTEN, relevant que la coordination des questions relatives aux droits de l’enfant est confiée au Ministère de l’action sociale et de la famille, note qu’il est prévu de créer un comité pour superviser la mise en œuvre de la Convention. Il demande des précisions à ce sujet. Par ailleurs, il souhaite également savoir de quelle manière est assurée la coordination entre les mesures prises au niveau central et celles adoptées dans les différentes régions.
11.M. Zermatten note que le Tchad dispose d’un certain nombre de plans d’action sectoriels en matière de droits de l’enfant mais qu’il n’est fait mention nulle part d’un plan directeur intégrant tous les plans sectoriels à moyen et long terme pour l’ensemble du pays. En ce qui concerne les institutions nationales relatives aux droits de l’enfant, il rappelle qu’une Commission nationale des droits de l’homme a été créée en 2005 mais qu’elle n’a pas d’activités spécifiques en matière de droits de l’enfant. Selon certains renseignements, le Tchad disposerait de six comités de protection pour les enfants relevant du Ministère de la justice qui seraient chargés de lutter contre les violations des droits de l’enfant. La délégation pourrait peut être apporter des précisions à ce sujet.
12.Certains enfants sont encore victimes de discrimination, la plus manifeste étant celle qui s’exerce à l’égard des filles. Elles ont un taux de scolarité inférieur à celui des garçons, sont victimes de violence, notamment sexuelle, sont soumises aux mariages précoce et sont désavantagées en matière de droits de succession. Les enfants soudanais nés au Tchad, les enfants réfugiés et les enfants dits «frappés de malédiction» sont aussi victimes de discrimination. Il serait utile d’avoir de plus amples informations à ce sujet.
13.Malgré la mise en œuvre d’une stratégie pour la survie et le développement de l’enfant, les indicateurs en matière de santé, de nutrition et de mortalité infantile témoignent d’une dégradation de la situation, alors même que les revenus du pays sont en augmentation, notamment grâce à la production de pétrole. La délégation pourrait peut être fournir des explications.
14.Enfin, M. Zermatten demande de quels moyens dispose le Parlement des enfants. Il constate que le droit de l’enfant à être entendu dans le cadre des procédures judiciaires et administratives dépend en grande partie du pouvoir discrétionnaire des magistrats et n’est pas garanti de manière systématique. Il demande ce que l’État partie entend faire pour garantir véritablement ce droit de l’enfant.
15.M. SIDDIQUI souhaite savoir quelle entité est responsable de la collecte des données relatives aux enfants et ce que le Gouvernement entend faire pour améliorer la collecte systématique de données.
16.Le rapport du Tchad contient peu d’informations sur les crédits budgétaires destinés à la protection des droits de l’enfant. On y trouve toutefois des renseignements sur les budgets de l’éducation, de l’action sociale et de la santé pour la période 2002‑2006. En proportion du budget total, on constate une forte réduction des crédits budgétaires destinés à ces secteurs entre 2005 et 2006, même si un autre rapport montre que les budgets de l’éducation et de l’aide sociale ont augmenté sensiblement entre 2006 et 2007, quoique dans une mesure insuffisante pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. M. Siddiqui demande si la modicité de ces budgets s’explique par l’allocation de ressources au secteur militaire. Il souhaite également savoir s’il existe des moyens de contrôler l’utilisation des crédits alloués et si le Tchad pourrait envisager de consacrer l’essentiel de ses revenus pétroliers à l’éducation des enfants et à l’aide sociale, étant donné que les enfants constituent l’avenir du pays.
17.Mme KHATTAB dit que le Comité a conscience que la pratique des mutilations génitales féminines est profondément ancrée dans la culture africaine, où elle est considérée comme une manière de protéger les fillettes. Malgré les efforts déployés pour y mettre un terme, notamment l’adoption d’une loi l’interdisant, cette pratique persiste, notamment parce que la loi en question ne prévoit pas de sanctions pénales et que l’État partie n’a pas mis en place de mécanisme de suivi. Des renseignements sur les activités menées par l’État partie pour sensibiliser la population à cette question seraient souhaitables. Cette pratique, quels que soient les arguments avancés pour la justifier, constitue une forme de torture et de discrimination à l’encontre des femmes et enfreint le droit de l’enfant à la santé, à la vie, à ne pas être soumis à la violence et à faire entendre sa voix. Or, le Tchad ne participe pas aux efforts importants déployés à l’heure actuelle en Afrique pour lutter contre ce phénomène. Ainsi, en 2003 et en 2008, l’Égypte a organisé, en collaboration avec des ONG italiennes, deux conférences portant sur l’élimination de cette pratique, auxquelles le Tchad n’a pas participé, pas plus qu’il n’a participé à l’Assemblée générale du Comité interafricain sur les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants en Afrique, qui s’est tenue au Caire en 2008. Le Tchad ne compte d’ailleurs pas d’antenne nationale de ce comité sur son territoire. Dans ce contexte, Mme Khattab souhaiterait savoir de quelle manière il entend apporter une solution au problème des mutilations génitales féminines.
18.La situation des enfants mahadjir est également une source de préoccupation. Ces enfants, qui fréquentent certaines écoles coraniques, sont contraints par leurs professeurs à mendier de la nourriture et de l’argent. Il serait utile de savoir si tous les enfants qui mendient dans les rues sont musulmans. Si certains d’entre eux ne le sont pas, pourquoi fréquentent-ils des écoles coraniques? Est-ce en raison de la pauvreté? Quelles mesures l’État a‑t‑il prises pour lutter contre la discrimination dont ces enfants font l’objet dans l’exercice de leurs droits?
19.Mme VUKOVIC-SAHOVIC souhaiterait avoir des renseignements complémentaires sur l’enregistrement des naissances afin de pouvoir mesurer les progrès accomplis en la matière. Selon des informations indépendantes, seules 4 % des naissances sont enregistrées, ce qui semble difficile à croire. On peut se demander par ailleurs si les dispositions relatives aux droits civils et politiques sont pleinement comprises. Ainsi, il est indiqué, dans le paragraphe 99 du rapport, que certains parents n’admettent pas que leurs enfants choisissent une religion autre que la leur. Or les dispositions de la Convention en la matière n’ont pas pour objet de garantir une telle liberté aux enfants mais de souligner la nécessité d’assurer la coexistence pacifique des différents groupes religieux et de protéger les enfants issus de ceux-ci contre la discrimination.
20.Le rapport ne permet pas d’évaluer le degré de réalisation du droit de l’enfant à la liberté d’expression dans l’ensemble du pays. La délégation est invitée à faire part de son évaluation de la situation à cet égard et à indiquer si elle estime que la réalisation de ce droit est un but qui peut être atteint compte tenu de la diversité des groupes de population qui composent le pays. Cette question est liée à celle, notamment, de l’accès à une information adéquate; le rapport, à cet égard, n’indique pas dans quelle mesure les enfants tchadiens ont accès à la télévision, voire à l’Internet.
21.Le Gouvernement ne semble pas être en mesure de faire respecter le droit de ne pas être soumis à la torture ou à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier s’agissant d’enfants issus de certains groupes ou de certaines catégories d’enfants tels que les mouharidjirins. Or la réalisation de ce droit est possible et ne dépend que de la volonté du Gouvernement de faire respecter l’interdiction de la torture dans l’ensemble du pays et dans tous les contextes. Les informations données sur cette question sont insuffisantes: l’État partie, à cet égard, pourrait se référer aux observations finales précédentes du Comité pour avoir une idée précise des informations dont celui-ci a besoin pour formuler des recommandations qui soient le plus pertinentes possible. L’État partie devrait également garder à l’esprit qu’il peut solliciter une assistance technique aux fins de la mise en œuvre des droits civils et politiques.
22.M. PARFITT dit que les informations fournies par l’État partie concernant la surveillance de l’application de la Convention et les moyens de recours offerts aux enfants qui estiment que les droits que leur garantit la Convention ont été violés sont très confuses. Le paragraphe 27 du rapport indique qu’un projet de création d’un comité chargé de surveiller la mise en œuvre de la Convention a été soumis au Premier Ministre. Il serait intéressant de savoir quel accueil a été réservé à ce projet et quelle serait la composition de ce comité. M. Parfitt se demande si la Commission des droits de l’homme, à laquelle il est fait référence dans les documents fournis, est toujours active et si elle a été agréée par le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme; il croit savoir que ses liens avec le Bureau du Premier Ministre avaient été jugés trop étroits pour qu’elle puisse être véritablement indépendante.
23.Le rapport indique que les magistrats prennent en considération le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant lorsqu’ils délibèrent. Or, aucune référence précise ne semble être faite à ce principe dans la Constitution ou dans la législation interne. La délégation pourrait préciser si l’un des projets de textes législatifs actuellement en cours d’élaboration, notamment le projet de Code de protection de l’enfant, fait explicitement référence à ce principe et si celui-ci est pris en compte par le Conseil des ministres lorsqu’il prend des décisions. Elle pourrait également indiquer si ledit projet de Code doit être achevé et adopté dans un avenir proche.
24.D’après le rapport, des ONG s’occupant de questions touchant aux enfants ont participé à la rédaction du rapport et ont été associées à l’élaboration de politiques et de dispositions juridiques relatives aux enfants. Or, selon d’autres informations, le Gouvernement entraverait l’action des ONG dans le domaine des droits de l’homme et leur empêcherait l’accès à l’information. Il serait souhaitable que la délégation fournisse des renseignements sur les relations que le Gouvernement entretient avec les ONG, et en particulier avec celles qui promeuvent les droits visés par la Convention.
25.Mme SMITH estime préoccupant qu’une si faible partie des ressources du pays soit consacrée au bien-être des enfants. Selon les informations dont dispose le Comité, le Ministère des affaires sociales est celui qui a le moins de ressources. Qu’en est-il? Il serait souhaitable que le Comité dispose de données comparatives sur les ressources allouées aux divers ministères. Il conviendrait également que la délégation fournisse des informations supplémentaires sur la coopération entre les ministères, en particulier entre le Ministère des affaires sociales et les autres ministères concernés par les questions touchant aux enfants.
26.M. CITARELLA dit que le Comité ne dispose pas d’informations claires sur la définition exacte de l’enfant dans la législation tchadienne et qu’il n’est pas indiqué explicitement que toute personne de moins de 18 ans est mineure. Le Comité aimerait savoir en quoi consiste la réforme du Code pénal et du Code des personnes et de la famille et si une définition de l’enfant conforme à celle de l’article premier de la Convention figurera dans ces textes. Il est extrêmement difficile de se faire une idée précise des différents âges auxquels les enfants peuvent mener certaines activités ou accomplir certains actes, en particulier l’âge exact auquel ils peuvent travailler ou se marier. Il semblerait que l’âge du mariage ne soit pas le même pour les garçons et pour les filles, ce qui constituerait une discrimination.
27.Notant que les dispositions de la Convention seraient contraires à certaines lois coutumières, ce qui les rendrait difficiles à appliquer, M. Citarella se demande si la Convention pourrait contribuer à changer les pratiques locales et les lois coutumières en ce qui a trait aux enfants.
28.Mme NGABARTINA (Tchad), se référant aux préoccupations exprimées par certains membres du Comité concernant l’indépendance du Comité interministériel, présidé par le chef de l’État, indique que l’efficacité d’un pareil comité a été clairement démontrée dans d’autres domaines. Un tel comité permet en effet de coordonner les efforts des divers ministères et services face à un problème donné et d’augmenter considérablement l’efficacité de l’action engagée. La mise en place de ce comité s’est heurtée à des difficultés mais, dans l’intervalle, des relais ont été établis entre le gouvernement central et les autorités locales. Des comités ont ainsi été mis en place dans trois régions du pays, à savoir l’Ouaddaï, le Wadi Fira et le Guera, qui ont connu divers conflits armés dont ont souffert les populations vulnérables, notamment les enfants. Ces comités, qui sont composés de représentants des organisations de la société civile et de l’administration, sont d’une grande utilité; ils permettent notamment de sensibiliser les familles à la nécessité de protéger les enfants contre l’enrôlement dans des groupes armés.
29.La prise en charge des enfants associés aux groupes armés est très difficile. Ces enfants, qui ont vu la guerre et ont tué, ont en effet un comportement très dur et ne connaissent pas de limites. Les régions susmentionnées, dont les populations sont à prédominance musulmane, sont en outre confrontées au phénomène des enfants mouhadjirins qui, dans un contexte normal, ont besoin d’une prise en charge particulière, mais dont le cas est aggravé par le contact avec les enfants associés à des groupes armés. Le Gouvernement a pris l’engagement de construire dans ces régions des établissements où les enfants associés aux groupes armés seront pris en charge. Ces enfants ont été regroupés dans des centres de transit et d’orientation. Certains enfants ont la possibilité de repartir dans leur famille. D’autres ont perdu la trace de leurs proches et, pendant que des recherches sont menées en vue de retrouver leur famille, bénéficient dans ces centres d’une réadaptation à la vie normale. Le Gouvernement s’est engagé à prendre en charge les enfants qui restent sans famille.
30.La discrimination dont souffrent les filles est un héritage culturel qui continue à peser. Mais depuis qu’il est possible de se réunir en associations, les organisations de la société civile contribuent pour beaucoup à faire évoluer la situation en venant appuyer l’action du Gouvernement, qui multiplie les écoles et les structures de prise en charge des filles et des garçons. On voit aujourd’hui des femmes accéder à des fonctions habituellement occupées par des hommes. La radio et la télévision contribuent à faire connaître ces exemples à la population, incitant ainsi les familles à envisager que leurs filles fassent des études.
31.Les ménages à faible revenu qui n’ont pas possibilité de scolariser tous leurs enfants choisissent souvent d’envoyer de préférence les garçons à l’école. Toutefois cet usage tend à disparaître, notamment depuis que la gratuité dans les écoles publiques a été décrétée et que les établissements privés ont été priés de revoir leurs tarifs à la baisse.
32.La violence en milieu scolaire constitue un véritable problème qu’il n’est pas possible d’éradiquer uniquement à l’aide de la législation. Des associations de femmes et d’enfants ainsi que des associations de défense des droits de l’homme mènent une vaste campagne contre ce phénomène et des progrès notables ont été réalisés en la matière entre le moment où le rapport a été déposé et la cinquantième session du Comité.
33.Il est vrai que le domaine de l’action sociale ne bénéficie que d’un budget très faible. Un Fonds de solidarité nationale a été institué et un Secrétariat d’État chargé des microcrédits a été créé pour aider les ménages.
34.M. FILALI demande quelles sont les mesures prises et les mécanismes mis en place pour faire changer les mentalités et mettre fin à la discrimination dont souffrent les filles.
35.M. KOTRANE (Rapporteur pour le Tchad) demande quel est l’organe chargé des droits de l’enfant et voudrait savoir si le Comité interministériel de coordination encourage la création d’un comité supérieur de l’enfance qui disposerait de son propre budget et mettrait en place des actions coordonnées.
36.Il voudrait par ailleurs savoir si les projets présidentiels bénéficient de suffisamment de ressources humaines et financières et si ces dernières sont utilisées de manière efficace.
37.Mme NGARBATINA (Tchad) souligne que le Parlement des enfants permet aux filles de faire entendre leur voix. Les parents prennent aussi peu à peu conscience du fait qu’il faut donner les mêmes chances aux filles et aux garçons. Mais le poids des traditions est bien présent et il faudra encore du temps pour que les mentalités évoluent. La gratuité de l’école constitue toutefois un premier pas dans cette direction et représente un acquis.
38.Mme Ngarbatina est convaincue que les projets présidentiels sont utiles. Le Président de la République a notamment dirigé une longue tournée à laquelle étaient invités les ministères et départements prioritaires et au cours de laquelle les localités ont eu la possibilité d’exprimer leurs besoins réels. Il est apparu que le rapport entre les ressources allouées et les résultats obtenus n’était pas satisfaisant. Injonction a donc été faite à chaque chef de département de prendre des mesures visant à ce que les ressources soient gérées de manière rationnelle. Aujourd’hui, grâce aux ressources pétrolières, des projets peuvent être financés par des fonds publics, et il revient aux chefs de départements de surveiller ce que font leurs collaborateurs afin que les ressources ne soient pas gaspillées.
39.L’accessibilité à l’Internet et à la télévision se heurte au problème des sources d’énergie. Malgré le grand ensoleillement dont jouit le Tchad, peu de panneaux solaires ont été installés dans le pays. Le Ministère de l’action sociale et de la famille souhaiterait obtenir du Ministère des finances la défiscalisation du matériel informatique afin que les enfants tchadiens aient plus facilement accès aux technologies de l’information et de la communication.
40.Le Gouvernement est aujourd’hui de plus en plus conscient que la gestion de certains problèmes relève plutôt de la compétence des ONG. Le Comité national chargé de l’assistance aux personnes déplacées, dont les membres sont notamment issus de l’Association des femmes juristes, de l’Association des chefs traditionnels et de l’Association «Tchad-non violence», fonctionne très bien et ne souffre pas de la lourdeur administrative; ses fonds sont en effet facilement mobilisables, ce qui lui permet d’intervenir de manière rapide et efficace, avec la participation des ONG.
41.M. BLAGUE (Tchad) dit que huit ministères travaillent en coordination. Il s’agit du Ministère de l’action sociale et de la famille − ministère chef de file − et du Ministère de l’éducation, du Ministère de la santé, du Ministère de la justice, du Ministère du travail, du Ministère de la jeunesse, de la culture et des sports, du Ministère des droits de l’homme et du Ministère de la défense. Un plan annuel fixe les activités qui doivent être menées par chacun d’eux. Les ministères procèdent une fois par an à une évaluation de toutes ces activités.
42.Des progrès considérables ont été réalisés dans le domaine de l’enregistrement des naissances. Des registres ont été distribués gratuitement aux bureaux de l’état civil et l’État a décrété la gratuité de l’enregistrement des naissances sur tout le territoire tchadien.
43.La PRÉSIDENTE, s’exprimant en sa qualité d’experte, demande à quelle fréquence ces huit ministères se réunissent. Elle souhaiterait aussi connaître le pourcentage des naissances enregistrées.
44.M. BLAGUE (Tchad) dit que les huit ministères se réunissent tous les mois pour des séances de travail avec, comme partenaire privilégié, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). Chacun fait à cette occasion le bilan de ses activités. Le Ministère de l’action sociale est responsable de la coordination.
45.Depuis environ trois ans, un projet de rénovation de l’état civil est mis en œuvre, appuyé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et dirigé par le Ministère de l’administration du territoire. L’institution chargée de l’analyse des données est l’Institut national des statistiques, des études économiques et démographiques (INSEED), qui travaille depuis deux ans et n’a pas encore produit de rapport. Toutefois, compte tenu du travail effectué dans le cadre du programme de rénovation, le Ministère de l’action sociale est en mesure d’affirmer que, dans certaines zones, jusqu’à 80 % des naissances sont enregistrés.
46.La PRÉSIDENTE, s’exprimant en sa qualité d’experte, voudrait savoir comment l’État partie s’assure que les orientations de la politique de l’enfance décidées par les membres des huit ministères qui se réunissent chaque mois sont bien répercutées au niveau des différentes régions et collectivités locales et si un organisme indépendant est chargé d’effectuer le suivi de la mise en œuvre des diverses politiques et stratégies élaborées dans ce domaine.
47.M. ZERMATTEN demande si les progrès accomplis en matière d’enregistrement des naissances touchent aussi les enfants soudanais et autres enfants de réfugiés nés sur le territoire tchadien, rappelant que le fait de ne pas inscrire un nouveau‑né à l’état civil a pour effet de priver l’enfant de ses droits fondamentaux, notamment de l’accès aux services sociaux de base.
48.Mme NGARBATINA (Tchad) dit que les autorités de son pays sont pleinement conscientes des problèmes liés à la défaillance du système d’enregistrement des naissances et qu’un recensement général de la population est prévu prochainement, qui devrait permettre à chaque enfant − y compris aux enfants de réfugiés − d’avoir droit à un nom, et, partant, de bénéficier des services sociaux de base et jouir des droits découlant de la Convention.
49.M. KOTRANE (Rapporteur pour le Tchad) se dit préoccupé par le fait que des enfants prennent part aux hostilités, que ce soit dans les rangs des forces armées nationales ou de groupes armés, et soient victimes de sévices, de mutilations et d’enlèvements, voire de meurtre. Rappelant qu’un protocole d’accord a été conclu en 2007 entre le Gouvernement tchadien et l’UNICEF pour protéger les enfants déplacés à l’intérieur du territoire, les aider à réintégrer leur famille et leur communauté d’origine et leur donner accès aux services de base, et que le Gouvernement tchadien a fait montre d’une réelle détermination en portant assistance aux 103 enfants réfugiés à Abéché en octobre 2007, M. Kotrane demande quels sont les plans mis en œuvre pour promouvoir le dialogue régional et intercommunal afin de mieux sécuriser les zones accueillant des enfants réfugiés et déplacés. Il souhaite aussi connaître les mesures prises, notamment en collaboration avec l’UNICEF, pour réviser les textes ayant trait à la protection des enfants réfugiés à la lumière des dispositions de la Convention, et savoir ce que l’État partie entend faire pour mettre fin à la culture de l’impunité et pour rétablir l’état de droit.
50.M. ZERMATTEN apprécierait un complément d’information sur le sort des centaines de milliers d’enfants des rues, souvent orphelins, victimes de la pauvreté et de l’insécurité et réduits à la mendicité. Il souhaiterait notamment savoir quelles sont les mesures spécifiques que l’État partie a prises en leur faveur.
51.M. PURAS souhaite connaître les mesures prises pour permettre aux enfants handicapés d’accéder aux services sociaux de base à l’échelon de la communauté, et demande s’il existe des centres spécialisés accueillant les enfants malvoyants et malentendants.
52.L’État partie ne parviendra pas à réduire d’un tiers le taux de mortalité infantile − qui est à la fois élevé et constant depuis près de vingt ans − comme le veulent les objectifs de développement pour le Millénaire s’il ne consacre pas un niveau élevé de ressources à cette cause. Il serait donc intéressant de savoir si la hausse du budget consacré à la stratégie d’accélération de la survie et du développement de l’enfant observée entre les exercices budgétaires 2006 et 2007 s’est poursuivie en 2008, et quelle part du budget total de l’État a été allouée à la santé en 2008.
53.La délégation pourrait indiquer quel était le taux de couverture vaccinale et d’allaitement maternel en 2008, et si des services de santé de la procréation et de santé mentale adaptés aux enfants ont été mis en place. Elle pourrait également expliquer comment sont coordonnés les dix programmes de santé mis en œuvre concomitamment dans l’État partie, et dans quelle mesure le Gouvernement tchadien supervise les activités des nombreux donateurs qui investissent dans le domaine de la santé au Tchad.
54.Mme AIDOO voudrait savoir quel était le nombre exact, en 2008, d’enfants qui vivaient avec le VIH/sida, d’enfants orphelins du sida et de personnes qui ont bénéficié d’un traitement antirétroviral. Elle précise que le Comité est particulièrement préoccupé par ce fléau dans le contexte tchadien parce qu’il semblerait que le taux de prévalence soit en augmentation dans les grandes villes et que divers facteurs − le conflit et les déplacements de populations qui en découlent, les mutilations sexuelles des femmes, les mariages précoces, les violences sexuelles faites aux petites filles, le taux de fécondité élevé qui accroît le risque de transmission du virus de la mère à l’enfant − aient pour effet d’accélérer la propagation de la maladie. La question se pose donc de savoir si les stratégies et programmes de prévention du VIH/sida sont efficaces, si des programmes ciblés ont été mis en place pour prévenir la transmission du virus de la mère à l’enfant et si des mesures ont été prises pour informer les enfants et les adolescents sur les moyens prophylactiques. Enfin, la délégation pourrait indiquer quel type de prise en charge est offert aux orphelins du sida, qui sont seulement 7 % à vivre dans un cadre familial, et comment les droits de ces enfants sont protégés, notamment leurs droits à l’éducation et à une alimentation adéquate.
55.M. KRAPPMANN se félicite que le droit à l’éducation ait été inscrit dans la Constitution de l’État partie et que l’enseignement soit gratuit et obligatoire, mais relève de nombreux dysfonctionnements dans ce secteur, dont des taux de scolarisation très faibles dans certaines régions − notamment pour les petites filles −, des taux d’abandon scolaire très élevés, un taux d’obtention du certificat de fin d’études primaires très faible et des classes surchargées pouvant aller jusqu’à 100 élèves. Il souhaiterait connaître les plans que l’État partie entend mettre en œuvre pour améliorer la situation et se demande si, compte tenu de la pénurie de matériel pédagogique et d’écoles, l’État partie serait en mesure d’accueillir davantage d’élèves si les politiques de scolarisation portaient leurs fruits. Il voudrait en outre savoir quelles sont les mesures prises pour combattre la violence et le harcèlement sexuel dont sont victimes les enfants, et en particulier les petites filles, dans le cadre scolaire, quelle est la part du PIB consacrée à l’éducation, si le centre national des Curricula prévu dans le Programme décennal d’appui à la réforme du système éducatif 2004‑2015 a bien été créé, et si 50 % des ressources consacrées à l’éducation ont bien été allouées à l’éducation de base comme prévu dans ce même programme. La délégation pourrait en outre indiquer où l’État partie entend trouver les enseignants dont il aurait besoin si davantage d’élèves étaient scolarisés, et ce qu’il advient des milliers d’enfants qui abandonnent leurs études avant même d’avoir atteint l’âge légal pour travailler.
56.M. PARFITT déplore que l’État partie n’ait pas mis en place de stratégie appropriée pour prendre en charge les enfants privés de leur environnement familial, et notamment les enfants qui ont quitté d’eux-mêmes le foyer familial pour fuir les sévices qui leur étaient infligés par un membre de leur famille. Il aimerait savoir si les enfants qui disent avoir été victimes de violences au sein de leur famille sont entendus par les tribunaux et s’ils sont dans ce cas éloignés de la sphère familiale.
57.Par ailleurs, il semble que le système pénal prévoie des sanctions contre les parents qui ne s’acquittent pas de leurs obligations parentales, et notamment de leur obligation d’entretien. Sachant que dans la majeure partie des cas, ces manquements sont dus à la pauvreté, il serait peut-être utile de mettre en place des programmes visant à aider ces familles pauvres plutôt que de les sanctionner.
58.Les établissements de prise en charge des enfants des rues étant rares, et la plupart du temps privés, il serait intéressant de savoir si l’État partie entend créer de nouveaux centres d’accueil et réglementer les activités des centres de prise en charge gérés par le secteur privé.
La séance est levée à 13 heures.
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