NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.140524 juin 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Cinquante et unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1405e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 28 mai 2009, à 10 heures

Présidente: Mme LEE

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique de la Mauritanie sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de la Mauritanie sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/MRT/2); document de base (HRI/CORE/1/Add.112); liste des points à traiter (CRC/C/MRT/Q/2); réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/MRT/Q/2/Add.1)

1.Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation mauritanienne prend place à la table du Comité.

2.M. OULD ELY TELMOUDY (Mauritanie) dit que, pour des raisons indépendantes de sa volonté, Mme Mint Cheikhna Ould Lemrabott, Ministre des Affaires sociales, de l’enfance et de la famille ne peut être présente ce jour.

3.La Mauritanie est partie à la Convention depuis 1991. Elle s’attache à mettre en œuvre des réformes politiques et législatives axées sur une plus grande justice sociale, la lutte contre la pauvreté et l’amélioration des conditions de vie des couches les plus vulnérables de la population. C’est dans cet esprit que le Conseil des ministres a adopté un projet de loi autorisant l’adoption de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et du Protocole facultatif s’y rapportant.

4.Le Ministère des affaires sociales, de l’enfance et de la famille nouvellement créé est notamment chargé de promouvoir, coordonner et mettre en œuvre les stratégies et les actions de promotion et de protection de l’enfance. Parmi les mesures prises en vue de renforcer la protection de l’enfant, il convient de noter le renforcement des capacités des tribunaux, qui vise à assurer une meilleure prise en charge des enfants en conflit avec la loi, l’ouverture, prévue pour la fin 2009, d’un centre semi ouvert pour la réadaptation de ces enfants, ainsi que l’adoption récente de deux décrets sur l’assistance juridique aux enfants et les mesures alternatives à la détention des mineurs.

5.Dans le domaine de la santé, le Gouvernement mauritanien s’efforce d’accélérer la réduction de la mortalité infantile et juvénile. La mise en œuvre de la Stratégie nationale pour la survie et le développement de l’enfant a permis d’améliorer le sous-secteur de la médecine hospitalière et sept hôpitaux régionaux ont été érigés en établissements publics à caractère administratif disposant notamment de services de maternité, de pédiatrie, d’ORL et de réanimation. Un centre hospitalier mère-enfant a été créé en 2009 et sert de structure spécialisée pour les enfants. La poliomyélite a été éradiquée en 2007 et la maladie du ver de Guinée est en cours de certification d’éradication.

6.Dans le domaine de l’éducation, le Gouvernement a déployé d’importants efforts pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement et, en 2007/2008, le taux brut de scolarisation dans l’enseignement fondamental était de 95,1 %; les filles représentaient 50,3 % des effectifs du primaire et 46,2 % de ceux du secondaire. De plus, les écarts entre les wilayas (régions) se sont réduits et toutes enregistrent des taux bruts de scolarisation supérieurs à 81 %. Le secteur de l’enseignement préscolaire connaît un véritable essor grâce à la généralisation d’un programme national d’éducation préscolaire et à l’encadrement d’initiatives privées et communautaires. Les écoles coraniques restent le mode de garde et d’éducation du jeune enfant le plus répandu en Mauritanie et une expérience pilote visant à améliorer les conditions d’accueil et de traitement des enfants dans ces écoles est en cours. Les capacités d’accueil du Centre de formation pour la petite enfance ont été doublées, ce qui permet d’assurer le renforcement des capacités des enseignants des écoles coraniques.

7.En vue de lutter contre les violences et l’exploitation dont peuvent être victimes les enfants, le Gouvernement élabore actuellement une politique nationale de protection sociale des enfants axée sur la prévention des violences, la prise en charge des victimes, le renforcement des capacités des différents acteurs et la coordination de leurs efforts, promeut la stabilité familiale, l’éducation parentale et les valeurs sociales de solidarité et met en œuvre une stratégie d’insertion sociale des enfants des rues.

8.M. Ould Ely Telmoudy indique par ailleurs qu’une Direction chargée des personnes handicapées a été créée en 2008 au sein du Ministère des affaires sociales, de l’enfance et de la famille. Elle a notamment pour mission d’appuyer la scolarisation des enfants handicapés, de favoriser leur autonomie fonctionnelle et leur insertion dans la vie active. Des structures scolaires spécialisées ont également été mises en place.

9.M. Ould Ely Telmoudy souligne que la Mauritanie a un territoire immense et est l’un des pays du Sahel les plus touchés par la sécheresse et la désertification, ce qui pèse lourdement sur son développement économique et social. Ses ressources financières demeurent limitées malgré le développement de l’exploitation pétrolière, et le taux de pauvreté reste élevé. Ces facteurs représentent autant de difficultés pour la mise en œuvre de la Convention. Les indicateurs sociaux de base sont insuffisants, tout comme les infrastructures économiques et sociales et les ressources matérielles et humaines, et le Cadre Stratégique de lutte contre la pauvreté ne prend pas suffisamment en considération les questions relatives à l’enfance . Il convient de poursuivre le processus de mise en conformité de la législation nationale avec la Convention et beaucoup d’efforts restent à fournir pour poursuivre et renforcer la mise en œuvre des programmes et stratégies décrits plus haut.

10.M. ZERMATTEN (Rapporteur pour la Mauritanie) remercie l’État partie pour son second rapport périodique et pour les réponses écrites apportées à la liste des points à traiter, qui actualisent les données du rapport. Il se félicite de ce que l’État partie ait adopté de nouvelles lois et ait mis en place des structures et des programmes visant à renforcer la protection des droits de l’enfant et de ce qu’il ait ratifié, depuis 2001, un certain nombre d’instruments internationaux fondamentaux relatifs aux droits de l’homme.

11.Des progrès ont été accomplis dans la mise en œuvre de la Convention en dépit du fait que l’État partie traverse une période d’instabilité qui a des répercussions négatives sur la situation des groupes les plus vulnérables, notamment les femmes et les enfants. La Mauritanie subit une forte pression internationale; elle a été suspendue de l’Union africaine et les États-Unis et l’Union européenne ont interrompu leur aide humanitaire, ce qui pose des problèmes économiques à ce pays déjà très pauvre.

12.M. Zermatten souligne que l’État partie n’a pas suffisamment pris en considération les recommandations formulées par le Comité en 2001 portant sur l’établissement du plan d’action national, les allocations budgétaires, l’enregistrement des naissances, les pratiques traditionnelles préjudiciables et l’exploitation sexuelle. Il demande par ailleurs s’il est arrivé que des citoyens invoquent devant les tribunaux les dispositions des instruments internationaux ratifiés par la Mauritanie et si les autorités judiciaires ou administratives ont déjà appliqué la Convention dans leurs décisions ou fait référence à ses dispositions. Il voudrait aussi savoir si l’État partie a procédé à l’examen de la compatibilité de ses lois nationales avec la Convention et, en particulier, si l’ordonnance du 15 décembre 2005 sur la protection pénale des mineurs est conforme aux engagements internationaux contractés par l’État partie.

13.M. Zermatten demande aussi comment s’articulent le droit positif codifié, notamment le Code du statut personnel, et la sharia et, notamment, en ce qui concerne l’âge du mariage, si les dispositions du Code du statut personnel, qui fixe cet âge à 18 ans pour les filles et les garçons, priment le droit coutumier.

14.Par ailleurs, notant que l’action des différents ministères concernés par les droits de l’enfant, tels que le Ministère des finances, le Ministère de l’éducation, le Ministère de la santé et le Ministère de la justice, ne semble pas très concertée, il demande comment s’effectue la coopération entre ces entités et comment se fait la coopération entre la capitale et les autorités locales des wilayas, des moughatas (départements) et des communes. Il s’étonne de ce que 90 % des infrastructures administratives et des infrastructures de santé soient concentrées à Nouakchott, qui abrite le quart de la population du pays. Il voudrait par ailleurs savoir quel est le rôle opérationnel du Conseil national de l’enfance et quel est son financement.

15.M. Zermatten relève que l’État partie s’est doté de nombreux plans d’action sectoriels mais qu’il lui manque une politique globale pour les enfants et la famille. Notant que le Code du statut personnel prévoit le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, il demande si les tribunaux et les administrations tiennent compte de ce principe dans leurs décisions, conformément à l’article 3 de la Convention. Il voudrait un complément d’information sur le Parlement des enfants mentionné dans le rapport et dans les réponses écrites, et souhaiterait notamment savoir s’il est encore à l’état de projet ou s’il fonctionne. Enfin il voudrait savoir si les enfants ont la possibilité d’être entendus dans les procédures judiciaires et administratives les intéressant.

16.Mme MAURÁS PÉREZ (Rapporteuse pour la Mauritanie) relève que de nombreux efforts ont été consentis par l’État partie, notamment dans le domaine législatif, et demande quelles mesures ont été prises pour diffuser parmi la population les dispositions de la Convention et de la législation ainsi que les recommandations du Comité dans les différentes langues nationales, à savoir, outre le français et l’arabe, le wolof, le soninké, le pular et le hassaniya. Elle voudrait aussi savoir s’il existe des mécanismes institutionnels permettant à la société civile de dialoguer avec les autorités et de participer au processus d’élaboration et d’application des nouvelles lois. Elle demande par ailleurs si le Mouvement national en faveur de la promotion et de la protection de l’enfance, mentionné dans le rapport et les réponses écrites, a pour rôle de favoriser dans la société une culture de respect des droits de l’enfant.

17.Relevant avec préoccupation que les allocations budgétaires en faveur des services sociaux de base ont fortement diminué ces dernières années, tout comme l’aide publique au développement (APD), Mme Maurás Pérez demande quelles mesures a prises le Gouvernement pour lutter contre la pauvreté, renforcer les services sociaux et faire en sorte que la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement et les actions sociales en faveur des enfants aient une place centrale dans le prochain Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté. Elle demande si la modicité des allocations budgétaires consacrées à l’enfance est le reflet de choix politiques ou de la situation actuelle en matière de coopération internationale. Mme Maurás Pérez salue la création par le Gouvernement d’un fonds alimenté par les ressources tirées de l’industrie pétrolière (dit «Fonds pour les générations futures»), qui vise à financer les programmes en faveur de l’enfance et à épargner pour les générations futures. Il faudrait savoir si ce fonds est géré de manière rationnelle et transparente, s’il vise à réduire la dépendance de l’État partie par rapport à l’aide étrangère et s’il servira à financer en priorité les activités du Ministère des affaires sociales, de la famille et de l’enfance, ministère chef de file dans le domaine de l’enfance.

18.Il semblerait que de multiples définitions de l’enfant coexistent dans l’État partie, ce qui peut entraîner une certaine confusion et des pratiques néfastes. En effet, si le Code du statut personnel fixe l’âge du mariage à 18 ans, la sharia établit un lien entre l’âge du mariage et la puberté. Il existe aussi un décalage entre l’âge de la fin de la scolarité obligatoire (14 ans) et l’âge minimum du travail (16 ans). Il faudrait savoir si l’État partie a entrepris de réfléchir à une définition univoque de l’enfant, s’il envisage d’harmoniser en la matière les droits civil et coutumier et si des efforts sont faits pour diffuser le Code de protection pénale de l’enfant et le Code du statut personnel.

19.Notant que, malgré les efforts déployés par l’État partie ces dernières années, le taux d’enregistrement des naissances ne dépasse pas 56 %, Mme Maurás Pérez demande si l’État partie pourrait envisager de rendre l’enregistrement des naissances obligatoire et définir une stratégie nationale financée par des fonds publics, qui viserait à réorganiser le système d’enregistrement des naissances.

20.La Mauritanie a réalisé de nombreux progrès en matière de lutte contre les mutilations génitales féminines. Mme Maurás Pérez voudrait savoir si l’État partie poursuit ses efforts en la matière et si des mesures ont été prises et des avancées réalisées pour ce qui est de l’éradication d’autres pratiques néfastes, telles que le gavage, les mariages précoces et les mariages forcés.

21.Mme KHATTAB demande s’il existe des disparités régionales ou socioéconomiques dans l’enregistrement des naissances, ce qui est fait pour encourager les familles à déclarer la naissance de leur enfant et si l’État partie dispose de données ventilées par sexe sur l’enregistrement des naissances. Elle voudrait aussi savoir si les enfants nés hors mariage peuvent être inscrits sur les registres de l’état civil. Elle se félicite de ce que l’État partie ait érigé le viol conjugal et la violence familiale en infraction et voudrait savoir quelles mesures il a prises pour sensibiliser davantage la population à ces questions. Mme Khattab voudrait aussi savoir comment l’État partie procède, compte tenu du taux très élevé d’analphabétisme chez les adultes, pour sensibiliser les femmes au fait qu’elles peuvent porter plainte en cas de viol conjugal. Elle demande s’il existe des mécanismes de plainte, notamment des permanences téléphoniques, et des services de réadaptation pour les victimes et voudrait aussi savoir ce qui est fait pour que ces femmes ne soient pas stigmatisées. Elle demande par ailleurs si l’État partie a élaboré un programme visant à favoriser l’émancipation des filles, à leur faire prendre conscience de leur valeur et à sensibiliser les familles dans ce sens.

22.Mme Khattab souligne que les mutilations génitales féminines correspondent non pas à une pratique spécifiquement islamique mais à une pratique régionale, qui existe dans 26 à 28 pays d’Afrique et à laquelle se livrent des personnes appartenant à différentes religions ainsi que des non-croyants. Les mutilations génitales féminines doivent être érigées en infraction. Le fait qu’il soit possible d’utiliser des dispositions du Code pénal pour réprimer ces actes n’est pas suffisant et laisse un trop grand pouvoir discrétionnaire au juge.

23.M. KOTRANE demande si l’État partie envisage d’engager un débat national sur la situation des droits de l’enfant dans le pays lorsque le Comité aura adopté ses observations finales, s’il envisage de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de retirer la réserve générale qu’il a émise concernant la Convention. Il semblerait par ailleurs que, en vue d’harmoniser l’âge maximum de la scolarité obligatoire et l’âge minimum du travail, l’État partie ait abaissé l’âge minimum du travail à 14 ans. M. Kotrane pense qu’il aurait été préférable de porter à 16 ans l’âge de la scolarité obligatoire. Il voudrait par ailleurs savoir ce qui est fait pour lutter contre les discriminations et, en particulier, pour que les mères puissent, tout comme les pères, transmettre leur nationalité à leur enfant.

24.M.POLLAR, après s’être félicité des efforts mis en œuvre par l’État partie pour diffuser la Convention, se demande comment certaines pratiques contraires à l’ensemble des dispositions de la Convention, telles que l’esclavage, peuvent persister dans le pays. Saluant la création d’un Parlement des enfants, il appelle l’attention de l’État partie sur l’importance de garantir la liberté d’expression des enfants à l’école, au sein de la famille et de la société en général. Un complément d’information serait le bienvenu sur les mécanismes envisagés pour contrôler les établissements où les enfants courent un risque accru d’être soumis au travail forcé ou à des violences sexuelles.

25.M. FILALI estime que la réserve générale formulée par l’État partie lors de son adhésion à la Convention n’a plus lieu d’être compte tenu, d’une part, des obligations qu’il a prises en ratifiant de nombreux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et, d’autre part, de la nature même de sa législation interne qui témoigne de sa volonté de faire mieux respecter les droits de l’homme en général, et les droits de l’enfant en particulier. Il regrette que les lois nationales ne soient souvent pas mises en œuvre faute de décret d’application, comme la loi sur la scolarité obligatoire de 1999 dont il souhaiterait savoir si elle sera bientôt appliquée. À ce propos, il voudrait savoir si les parents qui n’inscrivent pas leurs enfants à l’école encourent des poursuites.

26.La délégation voudra bien indiquer quelles activités la Commission des droits de l’homme mène pour améliorer la situation des enfants, si celle-ci est indépendante, si les magistrats, les avocats et autres personnels judiciaires qui sont en contact avec des enfants reçoivent une formation spécialisée concernant les droits de l’enfant, s’il est possible d’invoquer directement les articles de la Convention devant les tribunaux et, dans l’affirmative, si cela a déjà été le cas.

27.Enfin, la délégation pourrait indiquer si la fatwa lancée par les autorités religieuses pour combattre les châtiments corporels a été respectée et si l’État partie envisage d’interdire cette pratique.

28.M. CITARELLA, notant la coexistence du droit positif, du droit coutumier et de la charia dans l’État partie, aimerait savoir si les nouvelles lois adoptées par le Parlement sont systématiquement appliquées à l’échelle nationale ou s’il est au contraire difficile de les faire respecter dans certaines régions du pays. La délégation pourrait indiquer si les mariages précoces et forcés, qui semblent être fréquents dans l’État partie, sont considérés comme ayant un caractère légal par les communautés et par les chefs de villages.

29.Relevant que la définition de l’enfant varie selon qu’il s’agit de contracter mariage, de travailler ou d’étudier, M. Citarella souhaiterait savoir si l’État partie envisage d’adopter un Code de l’enfance qui couvrirait tous les aspects des droits de l’enfant et donnerait une définition uniforme de l’enfant.

30.M. PURAS demande ce que fait l’État partie pour combattre les tensions ethniques et le racisme et inculquer aux enfants un esprit de tolérance. Il demande à la délégation d’indiquer quelles mesures le Gouvernement mauritanien a prises pour donner suite à la Déclaration et au Programme d’action de Durban adoptés à l’issue de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée.

31.M. Puras déplore l’absence d’informations précises sur le droit au respect de la vie privée. Il demande si les adolescents ont accès à des services adaptés à leurs besoins, notamment dans les centres de santé, et s’ils jouissent de la liberté de réunion.

32.Mme VARMAH aimerait savoir quelles mesures l’État partie envisage de prendre pour faire en sorte que tous les nouveau-nés soient enregistrés à la naissance et partant, jouissent des droits que leur confère l’inscription à l’état civil. Elle demande quelle est l’ampleur du phénomène de la mendicité, particulièrement prononcé dans les zones urbaines, et si une campagne de sensibilisation a été menée à l’échelle du pays pour réinsérer les enfants mendiants, si un mécanisme national a été créé pour mettre un terme à cette pratique, et s’il est envisagé d’associer la société civile à cet effort.

33.M. KRAPPMANN déplore que les statistiques fournies dans le rapport remontent à 2001 et souhaiterait savoir si l’État partie envisage de mettre en place un système efficace de collecte de données qui permette de suivre la mise en œuvre des droits de l’enfant.

34.M. GURÀN demande quelles sont les activités concrètes du Conseil national de l’enfance, qui semble se composer de membres de différents ministères ainsi que d’organisations de la société civile. Il voudrait savoir comment les membres de ce Conseil sont choisis, étant donné que des centaines d’ONG œuvrent dans le pays en faveur des droits de l’enfant, et pourquoi l’État partie a suspendu le financement de ce Conseil depuis deux ans, sachant que celui-ci aura des difficultés à mettre en œuvre son plan d’action triennal 2009-2011 s’il ne dispose plus de ressources.

35.Mme Al-ASMAR apprécierait un complément d’information sur la stratégie relative à l’enfance élaborée par l’État partie, et aimerait savoir si celle-ci a été conçue à la suite d’une analyse de situation, si les partenaires ont déjà été désignés, de quel budget elle a été dotée et si elle a été assortie d’un cadre général en vue de sa mise en œuvre.

36.Mme AIDOO fait observer qu’en Afrique les ministères des affaires sociales ont souvent un budget peu élevé et passent à l’arrière‑plan par rapport à d’autres ministères jugés plus importants. Elle souhaiterait donc savoir si le Ministère mauritanien des affaires sociales dispose d’un budget suffisant et de personnels spécialisés dans les droits de l’enfant et si, dans les collectivités locales des 13 régions administratives du pays, des agents du Ministère travaillent avec les chefs traditionnels, dont l’influence est décisive pour ce qui a trait aux pratiques traditionnelles et au mariage.

La séance est suspendue à 11 h 30; elle est reprise à 11 h 55.

37.M. OULD ELY TELMOUDY (Mauritanie) dit que le pays est en pleine période électorale et que la situation devrait être normalisée après les élections présidentielles du 6 juin 2009.

38.Le Conseil national de l’enfance est un organe consultatif qui relève du Ministère chargé de l’enfance. Il se compose de représentants de plusieurs ministères − dont celui de la santé et des affaires sociales −, de représentants de trois organisations de la société civile et d’universitaires. Il fait office d’observatoire des droits de l’enfant et contribue à l’élaboration des politiques de l’enfance et des stratégies de protection et de promotion des droits de l’enfant. Il a en outre participé à la campagne de sensibilisation à la Convention relative aux droits de l’enfant menée récemment. Il publie un rapport annuel sur la situation des enfants.

39.Le Conseil national de l’enfance ne s’est effectivement pas vu attribuer en 2008 et 2009 les 8 000 dollars des États-Unis d’affectations budgétaires que l’État est censé lui verser chaque année, mais a reçu les crédits provenant du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) qui constitue son autre source de revenu. Il retrouvera un financement normal dès 2010.

40.Pour ce qui est des statistiques, il faut savoir que, lorsque l’État partie a soumis son rapport en 2007, il ne disposait pas encore des résultats de l’enquête nationale mixte à indicateurs multiples qui ont été connus en novembre 2007. En revanche, ces données statistiques à jour ont été incluses dans les réponses écrites à la liste des points à traiter.

41.Étant donné que les politiques mises en œuvre par l’État partie ne faisaient pas, jusqu’à présent, une grande place aux questions relatives aux enfants, des ateliers ont été organisés en 2009 afin de mieux cibler les actions en faveur de l’enfance, conformément au cadre stratégique de lutte contre la pauvreté qui reprend les objectifs de développement pour le Millénaire au sein desquels l’enfant occupe une place importante.

42.Mme MAURÁS PÉREZ (Rapporteuse pour la Mauritanie) ne voit pas comment l’État partie peut, dans le cadre du plan stratégique de lutte contre la pauvreté, affecter des ressources aux politiques en faveur de la jeunesse s’il ne dispose pas d’indicateurs précis relatifs à l’enfance, mis au point par des professionnels à l’issue d’une analyse de situation. Dans la mesure où la mise en œuvre du plan stratégique est financée par la coopération internationale, elle souhaiterait savoir si des restrictions ou d’autres conditions sont imposées à l’État partie par les bailleurs de fonds, qui pourraient par exemple exiger qu’une partie des fonds soient affectés aux politiques de l’enfance ou aux secteurs sociaux.

43.Mme AIDOO se félicite que la deuxième stratégie nationale de réduction de la pauvreté mise en œuvre par l’État partie tienne compte des enfants mais regrette que les fonds alloués ne soient pas plus équitablement répartis entre les différents postes budgétaires. Elle souhaite notamment savoir quelles mesures l’État partie envisage de prendre pour que les crédits budgétaires ne soient pas seulement alloués à la santé et à l’éducation des enfants, mais aussi à la protection de l’enfance, ce qui est rarement le cas dans cette région du monde. Cela est d’autant plus important que, dans les pays d’Afrique, les stratégies de réduction de la pauvreté remplacent généralement les plans de développement national.

44.Mme KHATTAB demande si l’État partie a mené une étude sur la pauvreté des enfants.

45.M. OULD ELY TELMOUDY (Mauritanie) dit que son pays se sert des indicateurs qui ont été élaborés dans le cadre des objectifs de développement pour le Millénaire pour définir ses politiques et qu’il affecte des crédits budgétaires non seulement aux secteurs de la santé et de l’éducation mais aussi à l’assainissement et à l’environnement. En outre, étant donné que l’enfant vit au sein de la famille, on peut considérer qu’il bénéficie indirectement des prestations que perçoit sa famille. Il est prévu qu’une étude sur la pauvreté des enfants soit menée en 2009.

46.La PRÉSIDENTE demande de quel budget le coordonnateur chargé de l’enfance au sein de la Commission nationale des droits de l’homme dispose pour mener à bien sa mission, et s’il est secondé par d’autres personnels.

47.M. OULD RAMDAN (Mauritanie) dit que les membres de la Commission nationale des droits de l’homme sont désignés par les organisations de la société civile avant d’être nommés par décret pour une durée de trois ans. La Commission est composée de représentants d’ONG − qui ont le droit de vote − et de représentants de divers ministères, comme le Ministère de la justice, qui apportent leurs compétences techniques mais n’ont pas le droit de vote, ce qui garantit son indépendance. La Commission nationale est membre du Comité international de coordination des institutions nationales de défense des droits de l’homme. Son budget est inscrit au budget de l’État et se monte à 450 000 dollars des États‑Unis. Elle comprend des sous‑commissions, dont la sous‑commission des droits sectoriels, qui s’occupe des droits des femmes, des handicapés et des enfants notamment, et la sous‑commission des affaires juridiques qui dispose d’un coordonnateur chargé de la justice pour mineurs.

48.La Commission nationale organise des formations destinées aux personnes, qui dans le cadre de leur profession, sont en relation avec des enfants et a lancé récemment la «quinzaine des droits de l’homme», au cours de laquelle elle a présenté tous les textes relatifs aux droits de l’homme, mené des projets divers et organisé la présentation de conférences et de pièces de théâtre. Lorsqu’elle constate des violations des droits de l’homme, elle en informe les pouvoirs publics. Elle propose des mesures correctives et mène, de sa propose initiative, des enquêtes sur des sujets graves tels que l’esclavage ou la traite. Toutes ses conclusions font l’objet d’un rapport transmis officiellement au président de la Commission ainsi qu’au Président de la République puis rendu public et accessible sur Internet.

49.Parallèlement à ses activités de sensibilisation et de formation aux droits de l’homme, la Commission nationale des droits de l’homme mène des enquêtes sur des violations présumées des droits de l’enfant. La loi énonce clairement qu’en cas de divorce l’enfant est confié à sa mère. Or, les femmes, qui sont davantage touchées par l’analphabétisme, méconnaissent souvent leurs droits. Lorsque la Commission a connaissance d’un cas où les droits de la mère sont bafoués, elle intervient ou, si besoin, fait intervenir les autorités locales.

50.La Convention relative aux droits de l’enfant a été incorporée dans la législation nationale et, en vertu de la Constitution mauritanienne, prime les lois nationales. En outre, l’ordonnance du 15 décembre 2005 relative à la protection pénale de l’enfant reprend les dispositions de la Convention en prévoyant des sanctions pour toute violation des droits qui y sont consacrés. Pour la première fois en droit pénal, le législateur a établi une double sanction afin de mieux protéger les enfants, à savoir une peine privative de liberté et une amende. La société civile et les personnes travaillant dans le domaine des droits de l’enfant ont été associées au processus d’incorporation de la Convention dans la législation, processus qui a duré près de sept ans.

51.D’après le Code du statut personnel, nul ne peut se marier avant l’âge de 18 ans, à moins qu’il ne soit établi par un juge qu’il en va de l’intérêt supérieur de l’enfant. Des sanctions sont prononcées contre les officiers de l’état civil qui auraient célébré un mariage non conforme à la loi.

52.M. FILALI demande quelles mesures sont prises pour éviter les mariages de mineurs et ce qu’il en est des mariages célébrés à l’issue de la prononciation rituelle de la «Fatiha» à la mosquée ou au domicile des parents de l’un des conjoints, et qui sont légitimés par la charia. Les époux peuvent ensuite demander la régularisation de leur mariage devant le juge et obtenir l’enregistrement de leur mariage, même si la femme est mineure.

53.M. OULD RAMDAN (Mauritanie) explique qu’en Mauritanie, société musulmane, c’est le mariage de droit musulman qui prévaut. C’est un acte solennel qui est ensuite enregistré par un officier de l’état civil dans la mesure où les conditions prévues par la loi, concernant l’âge et le consentement, sont respectées. Si tel n’est pas le cas, l’officier encourt des sanctions.

54.Mme KHATTAB voudrait des précisions sur les modalités d’enregistrement des mariages et des naissances à l’état civil.

55.M. BEIDY (Mauritanie) répond que tout mariage doit être déclaré au centre d’état civil. Les naissances doivent être déclarées dans un délai de trois mois. Si la déclaration n’est pas faite dans ce délai, seul le juge est compétent pour l’enregistrer. En cas de non‑déclaration, des sanctions peuvent être prononcées.

56.La Mauritanie étant un État décentralisé, des centres d’état civil sont répartis sur l’ensemble du territoire. Toutes les communes disposent d’un centre et des centres provisoires répondent aux besoins de la population nomade.

57.M. OULD RAMDAN (Mauritanie) explique que l’intérêt supérieur de l’enfant a été pris en compte dans plusieurs domaines. Ainsi, dès qu’un enfant est appréhendé par la police, il bénéficie de l’assistance d’un travailleur social et d’un avocat. De même, un juge peut prononcer une peine de substitution à la détention. Il convient de signaler que les enfants de moins de 15 ans ne peuvent être placés en garde à vue.

58.M. ZERMATTEN relève que deux groupes d’enfants sont réduits en esclavage ou en quasi‑esclavage, à savoir les talibés, enfants mendiants privés de liberté et d’éducation et victimes d’exploitation économique, et les enfants descendant d’esclaves, qui sont également privés de liberté et d’éducation. Il demande si la nouvelle loi visant à éradiquer l’esclavage par l’incrimination de cette pratique a eu des effets, si des condamnations ont été prononcées, si le phénomène des enfants talibés a diminué et si les conditions de vie des enfants descendants d’esclaves se sont améliorées.

59.Enfin, il aimerait avoir des informations sur les progrès réalisés dans le cadre de la réforme engagée en vertu de l’ordonnance de 2005 sur la protection pénale de l’enfant et savoir si l’application simultanée de cette ordonnance et de la loi sur l’incrimination de l’esclavagisme permet aux organisations non gouvernementales d’intervenir en qualité de partie pour défendre des enfants victimes d’esclavage.

60.MmeMAURÁS PÉREZ (Rapporteuse pour la Mauritanie) demande des précisions sur la pratique de la polygamie et sur les dispositions prises pour veiller au respect des lois sur le divorce et protéger le nombre croissant de femmes chefs de famille.

61.Elle demande également si les centres de réadaptation pour la réinsertion sociale, qui accueillent les enfants abandonnés, ont fait l’objet d’une évaluation et s’ils respectent les droits de l’enfant. Elle voudrait savoir si d’autres solutions, fondées sur des arrangements plus familiaux ou communautaires, qui permettraient de maintenir l’enfant dans son environnement, ont été envisagées.

62.Mme Maurás Pérez regrette le manque de données concernant le nombre de viols, qui ne cesse de croître. Les organisations travaillant dans ce domaine indiquent que de nombreuses victimes abandonnent l’école, ne se marient jamais, restent renfermées sur elles-mêmes et sont soumises à d’autres actes de violence sexuelle ou tombent dans la prostitution. Elle aimerait savoir ce que fait le Gouvernement pour lutter contre la violence sexuelle en général et pour mettre un terme à la confusion faite, dans l’opinion publique et même chez les juges, entre le viol et l’adultère.

63.Se félicitant que la politique de lutte contre le VIH/sida menée par la Mauritanie ait permis de faire baisser le niveau d’incidence de la maladie à moins de 1 %, elle demande des précisions sur les mesures prises pour garder la situation sous contrôle et poursuivre la prévention. Elle souhaite aussi savoir si le programme mis en place par le Gouvernement porte également sur la transmission du virus de la mère à l’enfant.

64.Notant que des négociations entre employeurs et travailleurs ont abouti à une augmentation considérable du revenu minimum, et qu’il a été décidé d’exonérer les médicaments de taxes d’importation et de droits de douane, Mme Maurás Pérez demande si ces mesures ont, dans la pratique, eu des répercussions positives pour les travailleurs et les consommateurs.

65.M. FILALI souhaite savoir si, pour garantir la présomption d’innocence et la tenue d’un procès équitable, le Code de protection pénale des enfants interdit qu’un juge ayant participé à l’instruction entre dans la composition du tribunal, notamment dans des affaires de crimes concernant des enfants de 15 à 18 ans.

66.En outre, il s’enquiert des mesures de protection prises en faveur des enfants migrants en transit dans le pays, qui arrivent d’Afrique subsaharienne pour rejoindre l’Europe.

La séance est levée à 13 heures.

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