Comité des droits de l ’ enfant
Soixante - quatr ième session
Compte rendu analytique de la 1821 e séance
Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 18 septembre 2013, à 15 heures
Président (e): Mme Sandberg
Sommaire
Examen des rapports soumis par les États parties (suite)
Rapport initial de la République de Moldova sur la mise en œuvre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant, concernant la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants
La séance est ouverte à 15 h 5.
Examen des rapports soumis par les États parties (suite)
Rapport initial de la République de Moldova sur la mise en œuvre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/MDA/1, CRC/C/OPSC/MDA/Q/1, CRC/C/OPSC/MDA/Q/1/Add.1)
Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation mo ldove prend place à la table du Comité.
M. Moraru (République de Moldova) dit que les recommandations formulées par le Comité en 2009 à l’issue de l’examen des deuxième et troisième rapports périodiques sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant ont été prises en considération lors de l’élaboration de la Stratégie pour la protection de l’enfance et de la famille pour la période 2013-2020. La loi sur la protection spéciale des enfants en situation de risque et des enfants séparés de leurs parents, adoptée en 2013, contient des dispositions novatrices, notamment en ce qui concerne les procédures d’évaluation de la situation des enfants et la coopération entre les autorités. De plus, une évaluation globale de la situation des enfants en difficulté et des enfants dont les parents sont à l’étranger a été réalisée en 2012. En décembre 2012, la République de Moldova a rejoint l’Alliance mondiale contre la pédophilie sur Internet. Des modifications visant à renforcer la répression de la traite des enfants ont été apportées à l’article 206 du Code pénal (Traite des enfants) en 2011 et 2012 et des modifications visant à garantir une meilleure protection des enfants de moins de 14 ans entendus dans des procédures pénales concernant des infractions sexuelles ou des actes de violence dans la famille ont été introduites récemment dans le Code de procédure pénale.
En 2013, un centre de lutte contre la cybercriminalité relevant de la Direction générale de la police, chargé de lutter contre les infractions à caractère sexuel commises via Internet, a été mis en place au Ministère de l’intérieur.
Le 8 août 2013, le Président du centre international La Strada-Moldova et le Chef de l’Inspection de la police ont signé un accord de coopération dans le domaine de la prévention et de la répression de la pédopornographie et de l’exploitation sexuelle des enfants.
M me Winter (Rapporteuse pour la République de Moldova) félicite l’État partie pour les importantes mesures qu’il a prises en vue de lutter contre les infractions visées dans le Protocole facultatif, notamment les modifications apportées au Code pénal, l’adoption de la loi visant à prévenir et à combattre la traite des êtres humains, la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, l’adoption d’un plan national visant à faciliter la mise en œuvre du Protocole facultatif et la création du Centre de lutte contre la cybercriminalité.
M. Gurán (Rapporteur pour la République de Moldova) demande des précisions sur le statut et les compétences du Groupe de travail interinstitutions créé en vue de mettre en œuvre les dispositions du Protocole facultatif. Soulignant que, selon les réponses écrites à la liste des points à traiter, aucun cas de pornographie mettant en scène des enfants n’a été enregistré en 2010, ce qui contredit les informations dont dispose le Comité, il souhaiterait obtenir des informations sur le système de collecte de données relatives aux infractions visées par le Protocole facultatif.
Il demande si la Stratégie nationale pour la protection de l’enfance et de la famille a été adoptée. Il souhaiterait également obtenir des informations sur les services dont bénéficient après leur rapatriement en République de Moldova les personnes qui ont été victimes d’exploitation sexuelle à l’étranger, ainsi qu’un complément d’information sur l’accord de coopération signé entre l’organisation La Strada et l’Inspection de la police.
M me Winter (Rapporteuse pour la République de Moldova) demande si l’État partie prend des mesures pour lutter contre le tourisme sexuel et s’il existe des statistiques dans ce domaine. Elle voudrait aussi savoir si toutes les infractions visées dans le Protocole facultatif ont été incluses dans le Code pénal, notamment le transfert d’organes d’enfant à titre onéreux, le fait de soumettre des enfants au travail forcé, le fait de solliciter des enfants de plus de 16 ans sur Internet à des fins sexuelles, la complicité dans la commission des infractions visées par le Protocole facultatif et le fait d’obtenir indûment le consentement à l’adoption d’un enfant. Elle demande également si le Code pénal ou des accords internationaux prévoient la possibilité d’extrader un Moldove qui aurait commis à l’étranger une infraction visée par le Protocole facultatif. Enfin, elle souligne que le Comité est vivement préoccupé d’apprendre que des enfants victimes ou témoins d’infractions peuvent être interrogés à de multiples reprises par la police.
M me Khazova demande si l’État partie a prévu des garanties suffisantes dans le domaine de l’adoption internationale, notamment l’exercice d’un contrôle après l’adoption.
M me Aidoo demande des informations sur le mandat du Conseil national pour la protection des droits de l’enfant et sur celui du Groupe de travail chargé de mettre en œuvre les dispositions du Protocole facultatif. Elle voudrait savoir à quel organe incombe l’ultime responsabilité de veiller à ce que les activités de mise en œuvre soient correctement coordonnées.
M. Kotrane demande si tous les enfants de moins de 18 ans sont protégés contre toutes les infractions visées dans le Protocole facultatif. Notant que l’article 206 du Code pénal regroupe sous la notion de «traite» la plupart des infractions définies dans le Protocole facultatif, il demande si l’État partie envisage d’introduire expressément dans son Code pénal la notion de «vente d’enfants». Il souhaiterait un complément d’information sur le degré d’application des lois.
M. Kotrane demande aussi si l’État partie envisage d’étendre la responsabilité des personnes morales non seulement aux cas de traite des enfants, de prostitution des enfants et de pornographie mettant en scène des enfants, mais aussi aux cas de vente d’enfants. Enfin, il voudrait savoir si, lorsque l’État partie a connaissance de la commission à l’étranger, par un Moldove ou par un étranger résidant habituellement en République de Moldova, d’une infraction visée par le Protocole facultatif, il applique la règle énoncée au paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif et engage une procédure pénale contre l’intéressé en dehors de toute demande d’extradition.
M me Wijemanne demande si l’État partie a pris des mesures en vue de réduire la vulnérabilité des groupes d’enfants particulièrement exposés et d’améliorer la sécurité sur Internet pour les enfants. Elle voudrait aussi savoir si la permanence téléphonique permettant de signaler des infractions visées par le Protocole facultatif est accessible à tous les enfants, quel type de programmes de formation aux dispositions du Protocole facultatif l’État partie a mis en place à l’intention des forces de l’ordre, des procureurs, des travailleurs sociaux, des enseignants et des autres professionnels qui travaillent auprès des enfants et si des codes de conduites sont élaborés à l’intention des agences de voyages et du secteur de l’hôtellerie en vue de prévenir le tourisme sexuel.
M. Gastaud demande s’il existe des programmes d’information sur le Protocole facultatif destinés aux enfants et s’il y a eu une évaluation de l’efficacité des programmes de formation aux dispositions du Protocole facultatif destinés aux professionnels qui travaillent auprès d’enfants.
M. Mezmur demande quelles leçons le Gouvernement a tirées de l’affaire du réseau pédophile découvert à Chisinau en ce qui concerne la mise en œuvre du Protocole facultatif et de quelle manière il veille à ce que les enfants ne soient pas de nouveau maltraités au cours des procédures judiciaires.
M me Aldoseri demande quelles mesures sont prises à l’égard des agences de voyages convaincues d’avoir favorisé le tourisme sexuel.
M me Oviedo Fierro demande ce qui est fait pour que le personnel de la police et des tribunaux ne traite pas les enfants victimes des infractions visées par le Protocole facultatif comme des délinquants et si les institutions créées aux fins de la mise en œuvre du Protocole facultatif disposent d’un budget suffisant pour mener à bien leur mission à long terme.
M me Winter (Rapporteuse pour la République de Moldova) demande s’il existe des programmes de réinsertion des enfants victimes et si des accords régionaux, bilatéraux et multilatéraux ont été conclus avec les pays voisins pour prévenir et combattre la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.
M me Muhamad Shariff aimerait avoir davantage de précisions sur les programmes de sensibilisation.
La séance est suspendue à 15 h 55; elle est reprise à 16 h 25.
M me Mişc oi (République de Moldova) dit que la mise en œuvre du Protocole facultatif incombe au Gouvernement, en particulier au Ministère des affaires intérieures, en coopération avec le Bureau du Procureur et l’ensemble des autorités nationales compétentes. Le Conseil national de protection des droits de l’enfant, créé en 1998, est chargé d’élaborer et d’appliquer les politiques relatives à la protection de l’enfance. Le Groupe de travail interinstitutions chargé de la mise en œuvre du Protocole facultatif, qui réunit des représentants de divers ministères, a pour mission d’établir les rapports initiaux et périodiques que l’État partie doit soumettre en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’il a ratifiés, et travaille en étroite coopération avec le Conseil national de protection des droits de l’enfant et la Commission nationale chargée des rapports initiaux et périodiques.
M me Moraru (République de Moldova)dit que le projet de stratégie nationale pour la protection de la famille et de l’enfant, assorti d’un plan d’action visant à prévenir et à combattre la violence et l’exploitation des enfants, n’a pas encore été adopté.
M. Moraru (République de Moldova) dit que le texte de l’accord de coopération conclu avec La Strada, qui a ouvert une ligne téléphonique d’urgence pour le signalement des violences sexuelles à l’égard d’enfants, est consultable sur le site Internet de l’ONG et sur celui du Service de l’inspection générale de la police.
Depuis l’affaire du réseau pédophile de Chisinau, le Code de procédure pénale a été modifié et l’accent a été mis sur la lutte contre la criminalité transnationale.
Les bénéficiaires et les organisateurs de la traite aux fins d’adoption et de transplantations d’organes encourent des peines identiques. En vertu de l’un des projets de loi portant modification du Code pénal, les auteurs de pornographie mettant en scène des enfants encourront jusqu’à sept ans de prison contre trois ans à l’heure actuelle. Les auteurs de manipulation psychologique d’enfants à des fins sexuelles (grooming) encourent une peine de prison de cinq ans au maximum.
La loi sur la cybercriminalité impose aux fournisseurs d’accès à Internet de bloquer l’accès à certaines pages au contenu illicite.
La République de Moldova a ratifié la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénaleet a conclu plusieurs accords régionaux, notamment avec les pays de la Communauté d’États indépendants. La République de Moldova n’extrade pas les Moldoves ayant commis une infraction à l’étranger, mais peut engager une procédure pénale à leur encontre. Elle accepte les lettres rogatoires.
M me Moraru (République de Moldova) dit que la nouvelle loi sur l’adoption, entrée en vigueur en 2010, tient compte des dispositions de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.Les organisations œuvrant dans le domaine de l’adoption internationale doivent être accréditées par les autorités moldoves pour pouvoir exercer leurs activités. Cette accréditation est valable un an et est renouvelée après examen, par le Ministère du travail, de rapports périodiques sur la situation des enfants adoptés. En l’absence de rapport sur un enfant, l’organisation peut se voir refuser le renouvellement de son accréditation.
M. Gastaud demande si l’État partie a les moyens de s’assurer que toutes les informations contenues dans ces rapports sont conformes à la vérité des faits.
M me Moraru (République de Moldova) dit que cette vérification incombe aux autorités nationales et aux ambassades.
M me Mi şc oi (République de Moldova) dit que de très nombreux programmes de prévention et de sensibilisation ont été menés au cours des dernières années.
M. Gastaud demande si lesenfants des zones rurales et reculées bénéficient de ces programmes.
M me Mi şc oi (République de Moldova) dit que le Bureau de représentation de l’UNICEF en République de Moldova vient d’achever la première phase du programme de formation de 115 formateurs qui seront chargés de prévenir la violence à l’égard des enfants au niveau local et d’apprendre aux victimes potentielles à repérer et à éviter les pièges que pourraient utiliser les délinquants. L’Institut national de la justiceorganise lui aussi des formations sur les principes consacrés dans les traités auxquels la République de Moldova est partie et le Centre national pour la prévention de la maltraitance des enfants a, en collaboration avec le Ministère de la justice et le Ministère de l’intérieur, procédé à une évaluation des enquêtes portant sur des infractions commises sur des enfants. D’autres ateliers et formations destinés à des policiers et à des juges ont porté sur la justice pour mineurs, sur les moyens de recueillir les plaintes et les témoignages d’enfants victimes de sévices sexuels ou encore sur la lutte contre la cybercriminalité, la pédopornographie sur Internet et la lutte contre la traite des êtres humains. Les policiers ont en outre été formés à l’utilisation de la base de données d’Interpol afin de mieux coopérer à l’échelle internationale dans ces différents domaines.
M. Moraru (République de Moldova) dit que des salles spéciales ont été créées au sein des bureaux des procureurs afin de veiller à ce que les auditions d’enfants témoins ou victimes de moins de 14 ans ne soient pas traumatisantes. Les intéressés sont accompagnés de leurs parents ou de leur représentant légal ainsi que de pédagogues et de psychologues qui traduisent en des termes simples les questions du juge ou de la partie adverse. Des salles similaires ont également été créées dans deux cours d’appel, à Chisinau et dans le nord du pays. Des procédures policières respectueuses des enfants ont en outre été mises en place dans les commissariats de police. Il arrive parfois que les interrogatoires de police se déroulent au sein du Centre international «La Strada», qui met à la disposition des enquêteurs des personnels qualifiés dans la prise en charge de l’enfance.
Les enfants âgés de 14 à 18 ans ne bénéficient pas systématiquement de ces procédures plus souples, et c’est au juge qu’il appartient de décider au cas par cas de l’opportunité d’y recourir. Le Bureau du Procureur général a élaboré des directives relatives à l’audition des enfants témoins, victimes ou auteurs d’infractions, qui s’appliquent à tous les enfants.
M. Gurán (Rapporteur pour la République de Moldova) demande si les interrogatoires respectent le principe de confidentialité ainsi que la vie privée des intéressés.
M. Moraru (République de Moldova) dit que les moyens techniques permettent même de modifier la voix de l’enfant afin qu’elle ne soit pas reconnue. Il indique que les infractions à caractère sexuel emportent des peines plus sévères lorsque l’âge de l’enfant constitue une circonstance aggravante. Le viol, par exemple, est puni d’une peine comprise entre huit et douze ans d’emprisonnement lorsqu’il est commis sur un enfant âgé de 14 à 18 ans, et de quinze à vingt ans d’emprisonnement lorsque la victime a moins de 14 ans.
M. Moraru précise que la République de Moldova est un pays d’origine, non pas un pays de destination, de la traite, et donc que l’exploitation des victimes a généralement lieu à l’étranger. D’ailleurs, la question de l’indemnisation des victimes sera examinée lors d’une conférence régionale qui se tiendra en novembre 2013. En l’état actuel des choses, les victimes peuvent demander à être indemnisées en engageant une procédure civile.
M me Moraru (République de Moldova) dit que le Centre d’assistance et de protection des victimes effectives ou potentielles de la traite apporte une assistance médicale, psychologique et sociale aux enfants victimes de violences sexuelles, favorise leur réinsertion scolaire et veille à ce que les plus vulnérables soient placés à titre temporaire dans un foyer d’accueil ou dans une famille. Une prise en charge psychologique est également offerte aux enfants qui en ont besoin au sein même des établissements scolaires.
M me Mi şc oi (République de Moldova) dit que le Secrétariat du Comité national de lutte contre la traite des êtres humains a mis en place un programme national de collecte de données émanant de toutes les institutions concernées, qui permet d’évaluer l’ampleur et la nature de ce phénomène, en vue d’élaborer des moyens de lutte efficaces. Ce programme a permis de recueillir des données ventilées par sexe sur les victimes contraintes de se prostituer, de travailler ou de mendier sur le territoire national ou à l’étranger.
M. Gurán (Rapporteur pour la République de Moldova) se félicite du dialogue constructif instauré avec la délégation moldove et indique que le Comité publiera prochainement ses observations finales relatives à la mise en œuvre, par la République de Moldova, du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.
M. Moraru (République de Moldova) dit que, dans le cadre de la réforme en cours du système judiciaire, le Gouvernement moldove veillera à mettre en œuvre le cadre voulu pour prévenir les infractions visées par le Protocole, rendre les enquêtes plus efficaces et améliorer les mécanismes de protection des victimes. Pour cela, le Gouvernement moldove accordera un rôle plus important aux travailleurs sociaux, aux autorités locales, aux établissements scolaires et aux différents acteurs, afin de prévenir et combattre toutes les formes de violence à l’égard des enfants.
La séance est levée à 18 heures.