COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT
Cinquante et unième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1412ème SÉANCE
tenue au Palais Wilson, à Genève,
le mercredi 3 juin 2009, à 15 heures.
Présidente : Mme ORTIZ (Vice-Présidente)
SOMMAIRE
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)
Troisième et quatrième rapports périodiques du Bangladesh (suite)
Le présent compte rendu est sujet à rectifications.
Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.
Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.
GE.09-42776 (EXT)
En l'absence de Mme Lee, Mme Ortiz, Vice-Présidente, prend la présidence.
La séance est ouverte à 15 heures 15.
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)
Troisième et quatrième rapports périodiques du Bangladesh (suite) (CRC/C/BGD/4, CRC/C/BGD/Q/4 et Add.1) (suite)
À l'invitation de la Présidente, les membres de la délégation du Bangladesh reprennent place à la table du Comité.
Mme MAURÁS PÉREZ, faisant remarquer qu'il est envisagé de fusionner les services pour adolescents avec les services pour enfants plus jeunes, demande si des mesures sont prévues pour que les données disponibles soient ventilées par groupes d'âges, afin d'assurer que les problèmes des adolescents soient traités comme il se doit. Elle a lu des rapports indiquant que les lois régissant l'âge du consentement sexuel et l'âge minimum du mariage sont souvent ignorées. D'autres rapports font état d'une hausse de l'usage de drogues et du nombre de suicides chez les jeunes au Bangladesh. Quelle est l'action menée pour lutter contre ces phénomènes, par exemple en informant les adolescents à l'école et par le biais des cliniques et en améliorant la capacité des jeunes à gérer leur stress ? Le Gouvernement fait-il quelque chose pour répondre au manque d'équipements réservés aux filles dans les lycées ? Envisage-t-il d'adopter une loi interdisant les châtiments corporels ou mène-t-il des activités pour sensibiliser les parents, les enseignants et les responsables des communautés à la nécessité d'éviter cette punition ? Enfin, s'agissant du VIH/sida, quelles sont les mesures prises pour prévenir la transmission de la mère à l'enfant ? Le Gouvernement applique-t-il les directives interinstitutions relatives au VIH et à l'alimentation des nourrissons ?
M. KRAPPMANN, faisant observer que la scolarité obligatoire au Bangladesh ne dure que cinq ans, demande s'il est envisagé d'en allonger la durée et de l'aligner sur les pratiques d'autres pays. Evoquant des rapports selon lesquels jusqu'à la moitié des élèves n'achèvent pas les cinq années d'enseignement obligatoire dans certaines régions, et faisant remarquer l'incidence néfaste de cet abandon scolaire massif sur l'économie et la démocratie, il demande ce que fait le Gouvernement pour améliorer la situation. Lorsque les élèves achèvent le cycle des cinq années obligatoires, beaucoup sont toujours analphabètes après avoir quitté l'école, ce qui est le signe d'une qualité d'enseignement tout à fait médiocre. Ces enfants, qui n'ont aucune possibilité de s'instruire et peu de chances de trouver un emploi sûr, finissent souvent par travailler dans le secteur informel. Il conviendrait que le Gouvernement élabore des programmes visant à maintenir le contact entre les enfants employés dans le secteur informel et le système éducatif et à faciliter leur retour à l'école. Notant que selon une étude, seul 0,1 % de la population active a suivi une formation professionnelle, il demande si le Gouvernement s'emploie à mettre en place davantage de dispositifs à cette fin et à établir des programmes pour aider les jeunes à trouver du travail.
La PRÉSIDENTE demande s'il existe des services téléphoniques d'urgence pour les enfants et des programmes de promotion de l'allaitement maternel. Faisant observer que l'on compte déjà quelque 600 000 enfants des rues au Bangladesh et que leur nombre augmente avec les migrations vers les centres urbains, elle demande quels sont les services sociaux existants au niveau local pour aider ces enfants et si possible maintenir leurs relations avec leur famille. Soulignant que la décision des enfants de vivre dans la rue n'est pas toujours une conséquence de la pauvreté et que la violence domestique est également un facteur majeur, elle demande ce qui est fait pour prévenir les situations qui contraignent les enfants à quitter leur famille. Au cours de l'examen du rapport précédent, l'Etat partie a mentionné qu'il engageait une désinstitutionalisation de l'approche adoptée en faveur des enfants privés de protection parentale. Il conviendrait que la délégation tienne le Comité informé à cet égard. Lorsqu'un enfant est placé en institution, s'agit-il d'une décision administrative ou judiciaire ? Ces décisions sont-elles régulièrement réexaminées ? Combien d'enfants sont actuellement couverts par le système de la kafalah, et comment le Gouvernement juge-t-il la façon dont la kafalah fonctionne dans le pays ? Enfin, le Gouvernement a-t-il envisagé d'adhérer à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale ?
Mme SULTANA (Bangladesh) dit que le Gouvernement coopère avec la société civile non seulement pour la mise en oeuvre de programmes mais également pour la formulation des politiques. Le Gouvernement a mis en place une Commission indépendante de lutte contre la corruption, qui bénéficie depuis peu de pouvoirs élargis, ainsi qu'une Commission parlementaire permanente qui tient le rôle d'organe de surveillance et suit le fonctionnement de chaque Ministère du Gouvernement. L'enregistrement des naissances est actuellement réalisé manuellement mais il est prévu de mettre en place un système électronique. De manière générale, le Gouvernement s'emploie à mettre en place des services électroniques lorsque cela est possible, dans le cadre de sa politique "Digital Bangladesh". Le Gouvernement a récemment mené une campagne d'inscription électronique sur les listes électorales, ce qui a représenté une tâche considérable, mais elle facilitera la mise en place ultérieure de l'enregistrement électronique des naissances, car les citoyens âgés de plus de 18 ans seront déjà enregistrés.
Le Bangladesh a été parmi les premiers signataires de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Une Fondation nationale pour le développement des personnes handicapées et la Direction des services sociaux offrent à la fois des services intégrés et spécialisés aux personnes handicapées, y compris aux enfants, souvent en coopération avec des organisations non gouvernementales (ONG) et des organisations communautaires. S'il reste encore beaucoup à faire, s'agissant par exemple de la détection précoce des handicaps, le Gouvernement prend très au sérieux la situation difficile des personnes handicapées. Il a identifié des domaines qui demandent de redoubler d'efforts et entend accroître les ressources consacrées aux services aux personnes handicapées dans son prochain budget.
Les rapports de viol dans la région des Chittagong Hill Tracts ont trait à un acte criminel isolé qui n'a rien à voir avec le fait que la victime appartenait à un groupe en particulier. L'affaire sera examinée comme il se doit par la justice. En vertu d'une décision prononcée par la Haute Cour, les enfants biharis nés après l'indépendance sont citoyens bangladais. La discrimination à l'égard des Biharis n'est pas fondée sur la loi mais sur des facteurs socioéconomiques et on espère que la situation s'améliorera avec le développement du pays et de son économie. Le Gouvernement mène des campagnes de sensibilisation pour lutter contre cette discrimination.
Mme VILLARÁN DE LA PUENTE réitère sa question relative à l'incidence de la Loi sur les biens réservés sur les groupes minoritaires. Elle dit également que la délégation devrait préciser le statut des Biharis apatrides et ce qui est fait pour veiller à ce que eux-mêmes et les personnes déplacées du fait de la situation au Myanmar jouissent de leurs droits fondamentaux et ne soient pas victimes d'exclusion.
9.M. RAHMAN (Bangladesh) déclare que le Gouvernement envisage d'abroger la Loi sur les biens réservés et que certains progrès ont déjà été réalisés dans ce sens. Les enfants nés de Biharis jouissent des mêmes droits et ont le même accès à l'éducation que les autres enfants. Le Gouvernement coopère avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et d'autres organisations pour aider les réfugiés rohingyas dans la région des Chittagong Hill Tracts. Des écoles et des établissements de soins y ont été établis spécialement à leur intention.
Mme SULTANA (Bangladesh) dit que puisque la ratification des traités internationaux entraîne la responsabilité de l'État partie à mettre en oeuvre fidèlement les dispositions des instruments en question, le Gouvernement ne ratifiera des instruments internationaux que s'il est en mesure de les appliquer. Néanmoins, il envisage sérieusement la ratification d'un certain nombre de ces instruments. La peine capitale n'est actuellement applicable qu'à des individus de plus de 16 ans, mais des propositions ont été formulées pour modifier la loi et interdire de la prononcer à l'encontre d'individus de moins de 18 ans.
M. FILALI demande si, en attendant la modification de la loi, les tribunaux ont reçu l'instruction d'observer un moratoire sur l'imposition de la peine capitale à l'encontre de prévenus âgés de 16 à 18 ans.
M. CITARELLA ajoute que si la Convention prime le droit interne, cela signifie automatiquement d'interdire l'application de la peine de mort à l'encontre de mineurs. Même si la Convention n'a pas ce statut, la loi autorisant l'application de la peine de mort à l'encontre des mineurs reste une violation de la Convention, et il conviendrait que l'État partie remédie à cette situation.
M. RAHMAN (Bangladesh) dit que la peine de mort est prononcée si rarement que le problème ne se pose pas, mais que théoriquement, tant que la loi sera en vigueur, ce verdict pourra être prononcé. Il n'y a pas de moratoire. L'État partie réexamine néanmoins la législation pertinente dans l'objectif de la conformer à la Convention.
Mme MAURÁS PÉREZ exprime sa préoccupation concernant les dizaines de milliers de réfugiés rohingyas qui seraient apatrides, ne se sont pas intégrés dans la société et vivent souvent dans des camps de réfugiés. Faisant observer que selon le rapport de l'État partie, les Biharis représentent le principal groupe de population apatride du Bangladesh, elle demande ce qui est fait pour leur fournir une assistance et des services et ainsi améliorer leur situation.
M. RAHMAN (Bangladesh) dit qu'il n'y a pas de solution facile aux problèmes des populations apatrides de Rohingyas et Biharis résidant au Bangladesh. Officiellement, ce sont quelque 20 000 à 30 000 Rohingyas qui vivent dans des camps de réfugiés tandis qu'on enregistre un flux constant de nouveaux arrivants du Myanmar, où les conditions de vie sont difficiles. Si les conditions de vie des Rohingyas vivant au Bangladesh sont trop attrayantes, il faudra faire face à un afflux massif. On compte environ 80 millions de Rohingyas, dont un grand nombre migrerait au Bangladesh si la frontière était complètement ouverte. Il convient de rappeler que les Rohingyas ne sont pas apatrides; ce sont des citoyens du Myanmar. Les Biharis nés avant l'indépendance ont eu la possibilité de prendre la citoyenneté bangladaise et beaucoup n'ont pas fait ce choix. L'État ne peut pas contraindre des personnes à accepter sa citoyenneté. Cependant, la récente décision de la Haute Cour a effectivement conféré le droit à la citoyenneté aux Biharis nés au Bangladesh après l'indépendance.
Mme SULTANA (Bangladesh) déclare que les critères retenus pour déterminer les bénéficiaires des programmes sociaux visent à offrir une assistance aux plus pauvres parmi les pauvres. Ils ciblent les familles qui ne possèdent pas de biens fonciers et celles qui sont dirigées par des femmes sans ressources, abandonnées ou veuves. Les bénéficiaires sont sélectionnés avec l'aide des comités au niveau local et de l'union et le Gouvernement veille à assurer que les femmes assument des responsabilités dans ces organes. S'il existe quelques programmes sociaux destinés spécifiquement aux enfants, la plupart d'entre eux concernent les familles sans ressources.
Mme AIDOO (Rapporteuse de pays) demande si l'impact des programmes sociaux a été évalué. Dans le cas contraire, il sera difficile d'étendre ces programmes.
M. GURÁN aimerait savoir si l'accès aux programmes sociaux est garanti à tous sur un pied d'égalité. Comment la population est-elle informée de la possibilité de bénéficier de cette assistance ?
M. RAHMAN (Bangladesh) dit que les programmes sociaux ont été évalués et qu'en conséquence le Gouvernement est passé d'un programme "vivres contre éducation" à un autre axé sur des prestations de type "rémunération contre éducation". L'accessibilité au programme est assurée par la participation de représentants locaux, de manière à garantir qu'aucun bénéficiaire ne soit exclu de ces prestations.
Mme SULTANA (Bangladesh) dit que le Bangladesh et unanime sur la nécessité d'améliorer la qualité de l'enseignement. Le Ministère de l'éducation est souvent intervenu dans les médias pour susciter un débat national sur ce sujet, actuellement engagé avec la participation du public. On espère que la qualité de l'enseignement s'améliorera dans un proche avenir. L'accent a été placé sur l'établissement de normes minimales et le recrutement de personnes aptes à suivre une formation d'enseignant. On a constaté que les programmes de développement de la petite enfance sont extrêmement utiles pour réduire les taux d'abandon scolaire. Il existe des centres de développement de l'enfant qui s'emploient à résoudre la situation des enfants susceptibles d'abandonner leurs études et de ceux qui purgent une peine de prison ou travaillent dans des plantations de thé, dans l'objectif de voir tous les enfants fréquenter les établissements primaires. Des bourses et des écoles spécialisées sont en place pour les enfants handicapés. Si des progrès notables ont été réalisés pour remédier à certains handicaps physiques, il reste beaucoup à faire pour instaurer un environnement pédagogique adapté aux enfants souffrant d'une incapacité mentale.
Il existe quelques programmes éducatifs bilingues que le Gouvernement envisage éventuellement d'étendre. Certains aliments tels que des biscuits riches en protéines sont distribués aux enfants à l'école. Le Gouvernement met l'accent sur les programmes de fourniture de repas scolaires car il considère qu'ils sont essentiels pour améliorer l'assiduité et les résultats.
M. RAHMAN (Bangladesh) indique que l'impact de la crise financière mondiale a été relativement limité. À ce jour, les envois de fonds n'ont pas diminué, seules les exportations affichent une légère baisse.
M. KRAPPMAN dit que le Comité déplore la législation régissant l'enseignement obligatoire : cinq années ne suffisent pas. Des explications seraient bienvenues. Il aimerait également davantage d'informations sur les programmes de formation professionnelle en alternance pour les jeunes.
Mme SULTANA (Bangladesh) déclare que le Gouvernement envisage de relever l'âge de l'enseignement obligatoire par tranche, d'abord l'enseignement secondaire puis l'enseignement supérieur, en mettant l'accent sur l'aide aux populations trop pauvres pour payer les droits de scolarité. La formation professionnelle est évidemment une priorité et permettra de réduire le taux de chômage élevé des jeunes; le Gouvernement envisage d'ouvrir davantage d'établissements de ce type.
M. ISLAM (Bangladesh) dit que le taux d'abandon scolaire est élevé au Bangladesh, atteignant 50 % au niveau primaire. Il est fréquent que les parents préfèrent offrir à leurs filles une formation religieuse lorsqu'elles atteignent l'âge de la puberté. Le Gouvernement examine le problème des abandons scolaires avec un certain nombre d'organisations et d'institutions éducatives et espère se procurer des fonds permettant de créer des bourses d'études qui contribueront à maintenir les enfants à l'école. Ce programme est déjà appliqué à petite échelle; il sera étendu l'année prochaine.
Le Gouvernement prévoit également d'accroître le nombre d'internats scolaires dans toutes les régions et d'évaluer les résultats. En outre, il encourage les enseignants à suivre une formation pour les préparer à travailler sur des programmes professionnels et incite les écoles à mettre en place des programmes de formation professionnelle.
Le rapport enseignant/élèves varie selon les régions. Dans les zones rurales, il est d'environ 1/20 et dans les zones urbaines il peut aller jusqu'à 1/100. La moyenne nationale est de 1/65. Le Gouvernement prévoit de recruter 15 000 nouveaux enseignants en 2010, de manière à abaisser le taux moyen à 1/30 ou 1/40 dans les années à venir.
Mme AL-ASMAR (Bangladesh) demande quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour encourager les enseignants à suivre les sessions de formation.
M. ISLAM (Bangladesh) dit que les enseignants qui suivent une formation bénéficient de deux augmentations de salaire.
Pour ce qui est de l'enseignement dans les madrasas, il dit que le Conseil d'éducation des madrasas supervise étroitement toutes les écoles et qu'un programme standard a été élaboré.
La séance est suspendue à 16 heures 30; elle est reprise à 16 heures 50.
Mme VILLARAN DE LA PUENTE dit qu'elle a lu des rapports selon lesquels les ressources d'une brigade de police chargée tout spécialement de la lutte contre la traite des enfants étaient revues à la baisse. Le Gouvernement poursuit-il son action pour lutter contre cette traite ? Quelles sont les mesures prises pour prévenir la fourniture de matériel pornographique aux enfants par les moyens électroniques tels que les téléphones mobiles et Internet ?
Mme SULTANA (Bangladesh) dit que si la prévalence du VIH/sida n'est pas particulièrement élevée au Bangladesh, le Gouvernement est pleinement conscient du danger potentiel. Le Plan national stratégique de lutte contre le VIH/sida est mis en oeuvre en partie avec l'appui des partenaires de développement. Le Gouvernement mène des campagnes de sensibilisation, y compris en ayant recours aux médias électroniques, dans l'objectif de réduire la transmission du virus. Ce sujet est également enseigné dans les instituts de formation professionnelle. Le public est généralement conscient des risques du VIH/sida.
En raison du faible taux de prévalence, le Gouvernement ne s'est pas encore pleinement engagé à stopper la transmission du virus de la mère à l'enfant. L'allaitement maternel est encouragé, notamment grâce à un programme qui offre aux mères vivant dans la pauvreté des allocations à hauteur de 300 taka par mois pendant deux ans. Des ONG encouragent également l'allaitement maternel de façon active.
La PRÉSIDENTE dit que le Comité a reçu des rapports indiquant que les professionnels ne reçoivent pas une formation suffisante sur l'importance de l'allaitement maternel. De quelle façon le Gouvernement suit-il l'efficacité de ces programmes ?
Mme SULTANA (Bangladesh) déclare que des agents de terrain font du porte-à-porte pour s'assurer que les nouveau-nés sont en bonne santé. Le Gouvernement reconnaît qu'il reste des améliorations à apporter à la formation des professionnels. Le Ministère de la santé en a admis publiquement la nécessité et des dispositions ont été prises pour renforcer les cliniques communautaires dans ce sens.
La PRÉSIDENTE, faisant remarquer que les taux de mortalité maternelle et infantile ont diminué tout en demeurant très élevés, demande quelles sont les mesures prises pour continuer à les faire baisser.
Mme SULTANA (Bangladesh) précise que les femmes des zones rurales préférant en général accoucher à leur domicile plutôt que dans une clinique, le Gouvernement a affecté des accoucheuses pour les assister. Le Ministère de la santé délivre des "bons de santé" aux femmes démunies, qui sont ainsi assistées depuis la grossesse jusqu'aux six mois de l'enfant.
M. RAHMAN (Bangladesh) dit que le Ministère de la santé est conscient que le seul moyen d'abaisser les taux de mortalité maternelle et infantile est de mettre en place des professionnels qualifiés comme des sages-femmes et des accoucheuses. Le Gouvernement a élaboré un plan en vue d'améliorer leur niveau de formation.
Mme SULTANA (Bangladesh), passant à la question de la malnutrition chez les mères et les enfants, rappelle que le Gouvernement a développé un système de bons pour apporter une aide aux femmes enceintes et allaitantes et que des travailleurs sociaux mènent des campagnes de porte-à-porte pour sensibiliser la population. Le problème de la malnutrition sera difficile à résoudre avant que le pays ne soit débarrassé de la pauvreté à l'échelle nationale.
Mme ORTIZ demande si le Gouvernement a adopté une approche multisectorielle pour lutter contre la malnutrition.
M. RAHMAN (Bangladesh) rappelle que le Bangladesh a la plus forte densité de population au monde et qu'il souffre d'une forte incidence de la pauvreté. C'est pourquoi la malnutrition est également élevée; il s'agit là d'un problème qui ne peut être résolu rapidement.
Mme AIDOO (Rapporteuse de pays), faisant remarquer que les donateurs fournissent des vaccins au Bangladesh, demande si le Gouvernement envisage éventuellement d'utiliser ses propres ressources budgétaires pour s'en procurer.
Mme MAURÁS-PÉREZ estime qu'il serait utile d'avoir davantage d'informations sur le programme de bons de santé; elle aimerait savoir notamment quelle organisation ou entité finance ce programme.
M. RAHMAN (Bangladesh) dit que le Gouvernement se procurera des vaccins sur son propre budget dès qu'il sera en mesure de le faire.
Mme SULTANA (Bangladesh) dit que le système de bons de santé est un dispositif de sécurité ciblant les femmes pauvres qui ne pourraient sinon consulter un médecin. Sa délégation apportera davantage de détails ultérieurement.
Mme ORTIZ constate que le suicide et la violence domestique, souvent en relation avec la pratique de la dot, sont préoccupants au Bangladesh. Elle aimerait savoir quelles sont les mesures prises pour aider les enfants qui ont besoin d'un soutien psychologique.
Mme SULTANA (Bangladesh) dit que le Ministère de la protection sociale a élaboré des programmes destinés aux filles et aux femmes qui ont besoin d'un appui en raison de violences au domicile. Il existe par ailleurs des centres sécurisés pour les femmes victimes de violences, qui dispensent des soins, un accompagnement et une formation portant sur la préparation à la vie active. Un programme multisectoriel sur la violence à l'égard des femmes gère notamment des centres de crise intégrés qui offrent aux victimes une aide juridique, un soutien psychologique et un traitement médical et les aident à résoudre le difficile problème de la réinsertion sociale. Des rencontres sont organisées avec les victimes, les membres de la famille et les voisins afin d'empêcher la réapparition des actes de violence. Un accent particulier est placé sur le problème des adolescentes avec enfant(s).
Le suicide existe mais n'est pas courant. Le Ministère des femmes et des enfants prévoit de créer un programme global à long terme pour les adolescentes, inspiré de modèles régionaux.
M. TALUKDER (Bangladesh), passant à la question de la traite des enfants, dit que le Gouvernement et la population du Bangladesh considèrent la traite comme un crime odieux et une violation grave des droits fondamentaux. Il s'agit d'un problème complexe global lié aux activités criminelles et à la corruption. Les jeunes garçons sont vendus pour servir de jockeys de chameaux ou de travailleurs domestiques, ou pour exécuter un travail forcé. Les filles sont vendues à des fins d'exploitation sexuelle. Les enfants qui ont été victimes de la traite sont exposés à de nombreux risques et dangers.
Soucieux d'empêcher la traite des enfants, le Gouvernement du Bangladesh a créé un Comité composé de représentants des 12 ministères et de 18 ONG, qui tient des réunions mensuelles afin de planifier, d'évaluer et de coordonner les programmes de lutte contre la traite. Le Comité de coordination nationale de la lutte contre la traite des femmes et des enfants se réunit également chaque mois. En outre, une unité de lutte contre la traite des êtres humains mise en place au siège de la police suit les affaires de traite, arrête les auteurs et veille au rétablissement et à la réadaptation des victimes. Soixante-quatre comités de lutte contre la traite ont été ainsi mis en place au niveau des districts.
Par ailleurs, le Gouvernement du Bangladesh a instauré des procédures de contrôle spéciales dans les aéroports et aux points d'entrée dans le pays pour vérifier les passeports, les visas, les billets d'avion et autres documents de voyage. Il a également formulé une politique de motivation nationale dans le but de sensibiliser toutes les couches de la société aux dangers de la traite. La police, les garde-côtes et d'autres organes de sécurité ont reçu l'instruction formelle de porter secours aux victimes de la traite et d'appréhender les trafiquants.
Le Bangladesh s'est en outre doté de lois spéciales établissant les droits des femmes et des enfants et a apporté des modifications substantielles à ses dispositions juridiques dans l'objectif de lutter contre la traite, l'exploitation et la violence. Ces modifications incluent des mesures de résolution rapide des poursuites engagées de longue date à l'encontre de personnes accusées de crimes à l'égard de femmes et d'enfants. Ce n'est que la semaine écoulée que le Ministère de l'intérieur et l'UNICEF ont mis en place une équipe spéciale chargée de secourir, réadapter et réinsérer les enfants victimes de la traite.
Enfin, l'intervenant dit qu'il aimerait revenir rapidement sur la question des réfugiés rohingyas. Il est important de comprendre que ce ne sont pas des apatrides mais des citoyens du Myanmar qui ont quitté leur pays. Le Bangladesh est un petit pays et ne dispose pas de l'espace nécessaire pour permettre aux Rohingyas de s'y installer. Naturellement, les droits des enfants doivent être sauvegardés. Cependant, le Bangladesh pouvant à peine veiller sur ses propres enfants, il est très difficile de protéger les enfants réfugiés. Il demande à la communauté internationale de convoquer des consultations avec le Myanmar en vue de résoudre le problème de la présence des réfugiés rohingyas au Bangladesh.
Mme AIDOO (Rapporteuse de pays) demande dans quelle mesure le Gouvernement est parvenu à décentraliser la fonction publique et si des incitations sont offertes aux fonctionnaires pour les motiver à travailler dans des zones reculées ou difficiles. S'agissant de la politique nationale d'éradication du travail des enfants, elle dit qu'elle aimerait savoir si le Gouvernement tient à jour une liste et une base de données nationale sur les activités dangereuses et les lieux de travail dangereux. Elle se demande également s'il est prévu d'étendre les réseaux d'éradication du travail des enfants aux 64 districts du pays. Elle aimerait également des informations sur les approches communautaires adoptées pour lutter contre la malnutrition, comme l'utilisation de denrées alimentaires locales.
Mme VARMAH s'interroge sur les mesures prises par le Gouvernement bangladais pour résoudre le problème du versement de la dot.
Mme SULTANA (Bangladesh) dit que la législation actuelle interdisant la pratique de la dot est stricte et que des mesures de sensibilisation et d'information sont actuellement mises en oeuvre. Cependant, la pratique de la dot est culturellement acceptée; il faut que les mentalités évoluent. Le Gouvernement défend et finance des projets communautaires visant à éradiquer des problèmes tels que la traite, la pratique de la dot et les mariages précoces. Selon les informations dont elle dispose, des ONG et d'autres organisations ont mené à bien leur projet et en sont restées là; il est plus efficace d'apporter une solution locale aux problèmes.
Mme VARMAH demande si des sanctions sont infligées à ceux qui ne respectent pas la législation interdisant la pratique de la dot.
Mme SULTANA (Bangladesh) dit que ceux qui transgressent la loi sont poursuivis, mais que les procédures sont lentes. Dans certains cas, l'acte n'est pas signalé. Lorsqu'un fils se marie, la famille reçoit une dot; lorsqu'une fille se marie, la famille verse une dot. Il s'agit là d'une pratique admise.
Répondant aux questions posées sur le renforcement des capacités, elle dit que le Ministère des femmes et des enfants prévoit d'appliquer des programmes de formation en insistant sur les questions d'importance pour les femmes et les enfants.
Revenant sur les questions posées quant à la définition juridique de l'enfant, elle dit que la loi de 1974 sur les enfants établit l'âge de la majorité à 16 ans; des efforts sont actuellement engagés pour mettre la majorité à 18 ans. La loi relative à l'inscription sur les listes électorales fixe la majorité en la matière à 18 ans. Récemment, l'âge de la responsabilité pénale est passé de 7 à 9 ans.
Passant aux questions soulevées sur la justice pour mineurs, elle dit que le Bangladesh dispose de trois codes visant les mineurs. Le Gouvernement déconseille fortement la détention de mineurs dans les mêmes prisons que les adultes. L'équipe nationale spéciale suit de près les établissements pénitentiaires tandis que des fonctionnaires de la protection sociale déplacent les enfants des établissements pour adultes vers des centres de redressement pour mineurs. Récemment, le nombre de ces fonctionnaires a augmenté et une formation leur a été offerte. Le Ministère des femmes et des enfants est doté d'un groupe chargé de la violence à l'égard des femmes, qui établit des rapports mensuels.
Passant à une autre question soulevée, elle dit que la pornographie est devenue un problème en raison de la hausse de l'utilisation des téléphones mobiles et de la fréquentation des cybercafés. Actuellement, le Bangladesh n'est doté d'aucune législation concernant l'utilisation ou la possession de matériel pornographique.
Le Gouvernement conduit bien entendu des programmes de sensibilisation et de formation pour la police et les membres de l'appareil judiciaire dans le domaine de la violence à l'égard des femmes et des filles. Quelques commissariats de police appliquent des programmes pilotes fondés sur des directives relatives aux problèmes propres aux femmes et aux enfants et des projets ont été élaborés pour recruter dans la police des femmes chargées de s'occuper des affaires de violence à l'égard de filles et de femmes. Le Ministère des femmes et des enfants appuie les services de police communautaires axés sur les sexospécificités.
Mme ORTIZ demande si les châtiments corporels sont interdits et si des programmes existent pour éradiquer cette pratique à la fois au domicile familial et dans les établissements scolaires.
Mme SULTANA (Bangladesh) dit que les châtiments corporels sont interdits par un décret. Traditionnellement, les châtiments physiques ne sont pas considérés de façon hostile, mais des progrès ont été réalisés vers un changement des mentalités.
M. ISLAM (Bangladesh), souhaitant clarifier les propos, dit que la Constitution stipule que tout décret a force de loi. Partant, les châtiments corporels sont interdits sur tout le territoire du Bangladesh.
Mme SULTANA (Bangladesh), abordant les questions posées sur l'adoption internationale, dit que l'adoption n'est pas autorisée au Bangladesh et que le Gouvernement a effectivement formulé une réserve à l'article 21 de la Convention.
La PRÉSIDENTE dit qu'en dépit de l'illégalité de l'adoption, des enfants bangladais sont de fait adoptés par des familles étrangères. Le Comité aimerait savoir quelles sont les mesures prises pour réglementer cette pratique.
Mme SULTANA (Bangladesh) précise que l'adoption n'est pas courante au Bangladesh et qu'elle n'est donc pas une priorité du Gouvernement. Même si une loi est en vigueur, il est difficile de supprimer complètement cette pratique.
La PRÉSIDENTE invite le Rapporteur de pays à présenter ses remarques finales.
M. KOOMPRAPHANT (Rapporteur de pays) dit que la Comité a reçu une quantité considérable d'informations du Gouvernement bangladais sur les nouveaux organes nationaux protégeant les droits des enfants, les réserves de l'État partie au paragraphe 1 de l'article 14 et à l'article 21, et les efforts nationaux visant à harmoniser la législation ayant trait aux enfants, notamment la Loi de 1974 sur les enfants. Le Comité espère que la Loi sur les enfants établira un mécanisme de suivi de la situation des enfants et de prise en charge des enfants nécessiteux et en danger et qu'elle facilitera l'interprétation du droit national en faveur des enfants.
Si le Comité a pris connaissance avec satisfaction des programmes, projets et plans mis en oeuvre par le Bangladesh dans les domaines de la nutrition, de la santé, de l'éducation, des différentes formes de prise en charge et de protection, on ne comprend pas bien si tous les enfants ont accès à ces services. Le Bangladesh compte 60 millions d'enfants sur une population totale de 140 millions d'habitants. Au vu de ces chiffres, le Comité aimerait savoir quel appui demande le Gouvernement à la communauté internationale pour mettre en oeuvre la Convention relative aux droits de l'enfant dans le pays. Enfin, elle espère profondément que le Bangladesh réalisera pleinement les droits des enfants dans les années à venir.
Mme SULTANA (Bangladesh) remercie les membres du Comité de leurs questions et remarques pertinentes et utiles. Le Gouvernement attend désormais des suggestions constructives de la part du Comité pour poursuivre les améliorations en faveur des enfants du Bangladesh. Elle demande au Comité de tenir compte de la pauvreté, du sous-développement et de la marginalisation du Bangladesh; sans résolution de ces problèmes fondamentaux, il sera difficile de réaliser des progrès significatifs en ce qui concerne l'exercice des droits des enfants. Le Gouvernement a besoin d'une aide internationale généreuse afin de parvenir au niveau de développement souhaité.
La PRÉSIDENTE remercie les membres de la délégation du Bangladesh de leurs réponses franches et instructives. Il est manifeste que des progrès significatifs ont été accomplis au regard du traitement des enfants et de l'exercice de leurs droits. Il reste cependant beaucoup à faire. En particulier, il faudrait apporter des modifications au cadre juridique pour que la Convention relative aux droits de l'enfant et ses deux Protocoles facultatifs soient pris en compte dans le souci d'améliorer le bien-être des enfants du Bangladesh.
La séance est levée à 18 heures.