NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/SR.134810 février 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante-neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1348e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 17 septembre 2008, à 15 heures

Présidente: Mme LEE

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (suite)

Deuxième rapport périodique de Djibouti sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de Djibouti sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant ((CRC/C/DJI/2); liste des points à traiter (CRC/C/DJI/Q/2); réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/DJI/Q/2/Add.1)) (suite)

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation djiboutienne reprend place à la table du Comité.

2.La PRÉSIDENTE, se référant au Code pénal de 1995, demande ce que les autorités de l’État partie entendent par «abandon moral» de l’enfant par les parents. Elle voudrait savoir qui subvient aux besoins de la famille lorsque le père est en prison et si l’amende de 200 000 francs de Djibouti n’a pas pour conséquence d’aggraver les difficultés financières de la famille.

3.Elle demande aussi quelles mesures sont envisagées pour réduire les taux de mortalité infantile et maternelle, qui restent très élevés, et souhaiterait savoir pourquoi le taux de couverture vaccinale contre la poliomyélite est si faible. Elle demande si, en matière de vaccination, Djibouti bénéficie de l’assistance de l’UNICEF ou d’une autre aide internationale. Enfin, elle s’étonne du très faible taux d’allaitement exclusif et souhaiterait un complément d’information à ce sujet.

4.Relevant que la loi d’orientation du système éducatif et la législation sur la santé garantissent l’égalité d’accès pour tous les enfants à l’éducation et aux services de santé mais ne visent pas particulièrement les enfants handicapés, la Présidente demande si l’État partie envisage de se doter d’un cadre juridique qui garantirait aux enfants handicapés un accès égal à celui des autres enfants à une éducation de qualité. Elle aimerait que la délégation indique si une étude approfondie a été réalisée sur le nombre d’enfants handicapés et sur les causes de leurs handicaps et qu’elle précise les méthodes utilisées pour identifier les personnes handicapées. Elle note avec préoccupation que seul un quart des personnes handicapées reçoit une assistance médicale et sociale.

5.MmeHERCZOG voudrait savoir si les pères de famille violents qui sont incarcérés bénéficient de mesures de réadaptation.

6.MmeNIMO BOULHAN HOUSSEIN (Djibouti) dit que la lutte contre la pauvreté est une question prioritaire pour la République de Djibouti. Le Secrétariat d’État à la solidarité nationale, créé récemment, s’apprête à mettre en œuvre l’Initiative nationale pour le développement social, à l’élaboration de laquelle ont participé l’ensemble des ministères. Ce programme a reçu les financements nécessaires et sera très prochainement présenté à des partenaires à l’occasion d’une table ronde qui se tiendra à Paris.

7.M. MAHDI HAMUD ISSE (Djibouti) dit qu’en 2000, année où a été mise en œuvre la réforme du système éducatif, les disparités en matière d’éducation entre garçons et filles, entre riches et pauvres, entre zones urbaines et zones rurales étaient criantes. Depuis, de nombreuses écoles ont été construites et beaucoup d’enseignants ont été formés pour résorber l’écart entre les villes et les campagnes. L’indice de parité entre garçons et filles pour la première année d’enseignement primaire, qui était de 0,68 en 2000, a atteint 0,94 en 2008.

8.Le nombre d’enfants scolarisés a aussi beaucoup augmenté puisque 60 000 enfants étaient scolarisés en 2007, contre 42 000 en 2000. En vertu de la législation, la scolarité obligatoire dure neuf années. Dans la pratique, Djibouti n’a pas encore les moyens de s’acquitter pleinement de cette obligation et environ 325 classes restent à construire pour pouvoir accueillir tous les enfants. En 2007, 47,3 % des enfants de 11 à 15 ans fréquentaient un établissement d’enseignement moyen, contre 22 % en 2000. Alors que 5 000 élèves, dont 18 % de filles, fréquentaient l’enseignement secondaire (de la dixième à la treizième année) en 2000, ils étaient 11 200 en 2007, dont 38 % de filles. En 2000, Djibouti n’avait qu’un seul lycée, situé à Djibouti‑ville. En 2007, le pays comptait 9 lycées: 3 à Djibouti‑ville (dont 2 dans la zone pauvre de la ville) et 6 dans les régions. Le taux de scolarisation est de 100 % dans les zones aisées, mais l’accent doit encore être mis sur les zones pauvres. L’objectif de l’enseignement primaire universel devrait être atteint en 2015, conformément aux objectifs du Millénaire pour le développement. À cette fin, la part du budget de l’éducation dans le budget de l’État est passée de 16 % en 2000 à presque 28 % en 2008.

9.Le Ministère de l’éducation s’efforce d’intégrer autant que possible les enfants ayant des besoins spéciaux, dont les enfants souffrant d’une déficience motrice ou mentale et les enfants des rues, dans des classes normales. Les écoles sont conçues pour pouvoir accueillir des enfants à mobilité réduite. Un vaste programme de formation d’enseignants à la prise en charge des enfants ayant des troubles psychologiques légers, tels que dyslexie, dyscalculie, troubles du comportement, mais aussi des orphelins, comme les orphelins du sida, a été mis au point. Un programme de scolarisation des enfants ayant des déficiences visuelles ou auditives a été mis en œuvre en 2008.

10.Des écoles avec internats ont été créées pour les enfants des communautés nomades. Ces internats sont gérés par les parents d’élèves, que le Gouvernement aide à s’organiser en associations, et financés par le budget de l’État. En outre, pour permettre la scolarisation de tous les enfants nomades, des écoles mobiles vont ouvrir très prochainement.

11.M. FILALI demande s’il est facile de trouver des enseignants en zone rurale et voudrait savoir quelle est la qualité de l’enseignement en général et dans les zones rurales en particulier.

12.M. MAHDI HAMUD ISSE (Djibouti) dit que le Gouvernement a mis en place des incitations financières pour encourager les enseignants à aller dans des zones difficiles. Les enseignants qui travaillent en zone rurale, qui sont tous issus du Centre de formation des personnels de l’éducation, sont logés et reçoivent une prime additionnelle. Le corps d’encadrement a par ailleurs été élargi. Il compte actuellement 9 inspecteurs et 65 conseillers pédagogiques contre 2 inspecteurs et 18 conseillers pédagogiques en 2000. Toutes les équipes d’inspection fonctionnant dans les zones rurales sont équipées d’au moins deux voitures 4x4 et ont un budget pour l’achat de carburant.

13.Par ailleurs, tous les enfants de cinquième année et de neuvième année passent un test national. Le test de juin 2007 montre qu’il n’y a pas de différence de niveau significative entre les enfants des zones urbaines et ceux des zones rurales.

14.La PRÉSIDENTE souhaiterait savoir pour quelles raisons la moitié des enfants abandonnent leur scolarité après la quatrième année d’enseignenent primaire, pourquoi le taux de redoublement est si élevé, ce qu’il en est de l’enseignement professionnel et quel est le contenu des programmes scolaires.

15.M. MAHDI HAMUD ISSE (Djibouti) répond qu’en 1989 moins de 30 % des enfants âgés de 6 à 11 ans étaient scolarisés, contre 72 % actuellement. En 1970, moins de la moitié des enfants scolarisés terminaient le cycle d’enseignement primaire, contre 69 % en 2006. Le taux de passage du primaire au collège (enseignement moyen) était de 13 % en 1990 et de 78 % en 2007. Le taux de passage entre le collège et le lycée était de 3 % en 1990, contre 38,3 % en 2006. En 2000, avant que ne soit mise en œuvre la nouvelle politique éducative, l’accès à l’enseignement était facultatif et un directeur d’école pouvait refuser des enfants, ce qui n’est plus possible aujourd’hui. Les deux défis actuels sont, d’une part, d’assurer la scolarisation fondamentale universelle et, d’autre part, de dispenser un enseignement de qualité pour permettre aux jeunes d’entrer dans la vie active ou de poursuivre des études dans l’enseignement supérieur.

16.Un programme de formation qualifiante, appelé le Service national adapté, a été créé à l’intention des enfants qui ont été déscolarisés. Il ne peut malheureusement pas accueillir tous les jeunes.

17.M. ZERMATTEN demande comment l’État partie gère l’enseignement dans les deux langues que sont le français et l’arabe.

18.M. MAHDI HAMUD ISSE (Djibouti) répond que l’arabe est une langue enseignée et peut aussi devenir une langue d’enseignement dès la troisième année d’école. L’apprentissage de l’anglais commence dès la sixième année. Le somali et l’afar, langues nationales, ne sont pas étudiées en tant que telles dans le primaire, mais des éléments de culture sont enseignés dans l’une ou l’autre de ces deux langues. Depuis 2008, ces langues font l’objet d’un enseignement formel à partir de la sixième année, c’est-à-dire au collège. Les élèves doivent choisir l’une d’elles comme option obligatoire. Toutefois, dans les collèges qui se trouvent dans le nord du pays, région où est principalement parlé l’afar, c’est cette langue qui sera obligatoirement étudiée par tous les élèves, quelle que soit leur origine ethnique; dans le sud, on étudiera le somali.

19.M. KRAPPMANN demande si l’enseignement public est totalement gratuit, quel est le prix de l’enseignement privé, et s’il y a une différence de qualité entre ces deux enseignements. Il voudrait aussi savoir ce qui est prévu en matière de formation professionnelle pour aider les adolescents à entrer sur le marché du travail.

20.MmeSMITH demande quel pourcentage de jeunes ayant abandonné leur scolarité ont accès au Service national adapté. Par ailleurs, il est mentionné dans le rapport de l’État partie que l’analphabétisme est en baisse. Des précisions à ce sujet seraient les bienvenues.

21.M. MAHDI HAMUD ISSE (Djibouti) dit que, dans l’enseignement primaire, les manuels et les fournitures scolaires sont entièrement gratuits. Depuis peu, avec notamment l’appui de la Banque mondiale, l’édition de manuels scolaires se fait dans le pays par l’intermédiaire du Centre de recherche, d’information et de production de l’éducation nationale (CRIPEN), ce qui revient cinq fois moins cher que d’acheter les livres à des éditeurs français. Dans les zones les plus pauvres, les enfants reçoivent gratuitement des vêtements. Une étude avait montré que certains parents n’envoyaient pas leurs filles à l’école parce qu’ils ne les jugeaient pas suffisamment présentables. En outre, des cantines scolaires permettent aux enfants pauvres de faire au moins un repas équilibré par jour. Dans l’enseignement moyen, les fournitures ne sont gratuites que pour les filles et, à partir de la rentrée 2009, pour certains garçons (les orphelins, par exemple).

22.M. FILALI demande si ces mesures de solidarité sont financées par le Ministère de l’éducation ou par le nouveau Secrétariat d’État à la solidarité nationale.

23.M. MAHDI HAMOUD ISSE (Djibouti) dit que toutes les structures scolaires, comme les cantines par exemple, sont financées et gérées par le Ministère de l’éducation.

24.Il existe deux types d’écoles privées. La première catégorie comprend des établissements dont les frais de scolarité sont relativement élevés et qui sont uniquement soumis au contrôle pédagogique de l’État. La deuxième regroupe des établissements à but non lucratif dont les frais de scolarité sont fixés par l’État, qui nomme les enseignants. Les manuels et les fournitures sont gratuits. On trouve ces écoles dans les régions où il n’y a pas encore d’école publique. Certaines ont aussi été créées pour dispenser un enseignement en langue arabe.

25.Le programme de lutte contre l’analphabétisme met avant tout l’accent sur l’accès à l’éducation de base. Il existe néanmoins des écoles non formelles qui enseignent à des jeunes non scolarisés ou déscolarisés un certain nombre de savoirs (lecture et écriture) et de savoir‑faire. L’éducation non formelle touche un peu moins de 5 000 enfants dont 90 % de filles, ce qui représente environ 30 % des enfants qui ont quitté l’école sans diplôme.

26.Mme NIMO BOULHAN HOUSSEIN (Djibouti) donne quelques précisions sur l’historique de la création, en mars 2008, du Ministère chargé de la promotion de la femme, du bien‑être familial et des affaires sociales. Ce jeune Ministère est actuellement en train d’évaluer ses besoins et d’élaborer des plans d’action en faveur de la promotion de la femme. Le Ministère de la jeunesse prépare aussi quant à lui un plan d’action. Les budgets de ces deux Ministères, faibles au niveau de l’État, seront renforcés par le soutien de partenaires.

27.M. PARFITT demande des précisions sur la coordination des programmes en faveur des enfants et sur le rôle exact des organes de coordination mis en place par le Ministère de la justice.

28.M. ABDI ISMAEL HERSI (Djibouti) dit que le mécanisme de coordination mis en place au sein du Ministère de la justice n’a été conçu qu’aux fins de l’élaboration du rapport soumis au Comité des droits de l’enfant. Toutes les activités de coordination des politiques en faveur de l’enfance relèvent du Ministère de la promotion de la femme, du bien‑être familial et des affaires sociales.

29.Mme HALO ABOUBAKAR HOOMED (Djibouti) dit que la pratique des mutilations génitales féminines est en recul, même si elle reste très courante. Selon une enquête menée en milieu scolaire, 45 % des filles de 7 ans ont subi une mutilation, Les pouvoirs publics ont mis en place une stratégie pour l’abandon de toutes les formes d’excision. Leurs efforts se heurtent toutefois à la résistance des religieux et des femmes elles-mêmes.

30.Une cellule d’écoute a été mise en place à l’intention des femmes et des jeunes filles victimes de violence. Les autorités prévoient d’élaborer une stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes, qui porterait notamment sur les mutilations génitales féminines.

31.Mme AIDOO demande si, pour lutter contre les mutilations génitales féminines, des mesures concrètes sont également prises à l’intention des femmes qui pratiquent les mutilations et dont c’est la source de revenus.

32.M. ZERMATTEN, tout en se félicitant des mesures prises pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et les mutilations génitales féminines, demande si des actions de sensibilisation sont également menées au sein des communautés et auprès des religieux pour combattre le phénomène des mariages précoces.

33.M. CITARELLA voudrait connaître l’âge légal du mariage pour les garçons comme pour les filles.

34.MmeHALO ABOUBAKER HOUMED (Djibouti) dit que, la scolarité étant maintenant obligatoire jusqu’à 16 ans, le phénomène des mariages précoces est en régression. L’âge légal du mariage est de 18 ans, tant pour les hommes que pour les femmes. En ce qui concerne la lutte contre les mutilations génitales féminines, les actions de sensibilisation auprès des filles et des femmes se poursuivent. Bien qu’un article du Code pénal réprime la pratique des mutilations génitales féminines, il n’a pour l’instant pas eu beaucoup d’effet. Les autorités préfèrent mettre l’accent sur la sensibilisation et l’information. De nombreuses actions sont également menées auprès des exciseuses. Un programme d’activités génératrices de revenus avait même été créé pour les inciter à abandonner leur pratique, mais on s’est rendu compte qu’aussitôt qu’une équipe de praticiennes bénéficiait de ce programme, une nouvelle vague d’exciseuses apparaissait pour la remplacer. On privilégie donc dorénavant les activités de sensibilisation auprès des parents.

35.M. FILALI demande si les sanctions prévues pour les auteurs d’excisions pratiquées à Djibouti s’appliquent aussi aux personnes qui pratiqueraient les mutilations à l’étranger et reviendraient à Djibouti.

36.M. ABDI ISMAEL HERSI (Djibouti) dit que, si l’auteur ou la victime est de nationalité djiboutienne et si la plainte est soumise devant une juridiction djiboutienne, la compétence des juridictions djiboutiennes s’exerce. La pénalisation de l’acte de mutilation date de 1995, ce qui fait de Djibouti un des premiers pays arabo‑musulmans à avoir édicté un texte de cette nature. Malheureusement, malgré les actions de sensibilisation et la large diffusion des articles du Code pénal, y compris par le canal de la radio et de la télévision, aucune plainte n’a été déposée à ce jour.

37.À propos de la question des mariages précoces, M. Hersi rappelle que le Code de la famille fixe l’âge légal du mariage, qui se confond avec l’âge de la majorité. Le mariage s’effectue devant une institution républicaine, celle du m a ’ adoun, qui joue le rôle de notaire d’état civil et à qui il incombe de vérifier que les personnes qui veulent se marier sont de sexe différent et qu’elles ont atteint l’âge légal du mariage.

38.La notion d’abandon moral s’entend de l’abandon de la famille dans son ensemble, quelle que soit la personne qui abandonne la famille. Elle a été édictée essentiellement pour faire face à la situation des pères qui se dispensent de leurs obligations parentales.

39.M. PARFITT demande quelles sont les mesures prises, en cas de non‑respect de l’obligation alimentaire, pour sanctionner les fautifs et pour aider les familles.

40.M. KOTRANE, notant que l’article 62 du Code de la famille prévoit des sanctions pour le défaut de paiement de la pension alimentaire, demande s’il existe ou s’il est prévu de créer un fonds public garantissant le paiement de la pension à l’épouse, quitte ensuite à ce que l’État se retourne contre le débiteur.

41.Mme AIDOO demande si la pension alimentaire peut être retenue sur le salaire du débiteur et souligne que l’action des ONG en faveur des familles ne saurait remplacer le soutien- de l’État.

42.M. ABDI ISMAEL HERSI (Djibouti) dit qu’il n’est pas envisagé de créer un fonds d’État pour suppléer les défaillances des débiteurs de pension alimentaire. En effet, la solidarité de la famille élargie, voire du quartier, dans ce type de situation est très active à Djibouti.

43.Le recours à la sanction pénale est rare: une victime ne portera plainte que s’il n’y a pas d’autre solution. Il est en revanche possible, sur ordonnance du juge, de prélever le montant dû sur le salaire ou la fortune du débiteur, et il est régulièrement fait recours à cette procédure.

La séance est suspendue à 16 h 30; elle est reprise à 16 h 50.

44.MmeHALO ABOUBAKER HOUMED (Djibouti) dit que, d’après l’UNICEF, il y aurait 33 000 orphelins dans le pays, dont 5 000 orphelins du sida. Deux structures accueillent ces enfants: un centre d’accueil pour les filles, créé en 1978, qui héberge 315 filles de 0 à 23 ans et prend en charge leur éducation, leur santé et leurs loisirs; et un centre d’accueil pour les garçons récemment mis en place par une organisation non gouvernementale koweïtienne, qui héberge 700 garçons. Par ailleurs, la Fondation Diwan Al Zakat prend en charge des orphelins et des enfants défavorisés (528 au total, 277 garçons et 251 filles) en distribuant à leur famille une somme trimestrielle pour leur entretien. Le programme pour les orphelins et les enfants vulnérables dirigé par le Ministère de la promotion de la femme, projet pilote mené en collaboration avec quatre organisations non gouvernementales, touche 700 enfants au niveau national; il offre différentes prestations, telles que la fourniture de vêtements et de chaussures, la prise en charge des frais de transport scolaire, des frais alimentaires et des fournitures scolaires, et propose une formation aux enfants qui ont quitté l’école pour les aider à s’intégrer dans le tissu social.

45.M. KOTRANE dit que, selon l’article 78 du Code de la famille, «la filiation est établie dans le cadre du mariage par la cohabitation des époux ou l’aveu du père». Il voudrait savoir si, dans le cas des enfants nés hors mariage, un témoignage ou un test ADN peuvent également servir à établir la filiation. Il relève en outre que, d’après l’article 81 du Code pénal, la reconnaissance de la filiation non légitime ne crée pas de lien de parenté et ne donne droit à la succession qu’en l’absence d’autres héritiers. Il serait utile de savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour mettre fin à la discrimination dont souffrent les enfants nés hors mariage.

46.Mme ORTIZ voudrait savoir, étant donné que les programmes et institutions mentionnés ne s’occupent au total que d’environ 2 000 enfants sur 30 000, s’il existe d’autres types de soutien pour les enfants orphelins.

47.M. AHMED OSMAN HACHI (Djibouti) dit qu’il reconnaît que la question des enfants nés hors mariage est l’un des points faibles du Code de la famille. Le Ministère de la justice a engagé une réflexion sur cette question, mais elle n’a pas encore abouti. Il arrive que dans le cadre d’une action en recherche de paternité le juge ordonne des tests ADN qui permettent de reconnaître officiellement la filiation et de donner un nom à l’enfant. Le témoignage sous serment est également admis.

48.M. ABDI ISMAEL HERSI (Djibouti) dit que, si la filiation a été établie par le juge, l’enfant jouit de tous les droits reconnus à un enfant né dans le mariage. D’un point de vue plus général, il ne faut pas oublier que Djibouti a entamé un processus de réforme législative, et que par conséquent, le nouveau Code de la famille en vigueur sera amené à être modifié. Dans le cadre de cette réforme, le Ministère de la justice a d’ailleurs entamé un débat sur la question des enfants nés hors mariage.

49.La PRÉSIDENTE demande s’il est exact que dans ce type de situation, selon les dispositions du Code pénal relatives à l’abandon moral, le père peut être poursuivi en justice s’il ne s’acquitte pas de ses obligations.

50.M. AHMED OSMAN HACHI (Djibouti) dit qu’une fois que la filiation a été prouvée, ces dispositions s’appliquent.

51.Mme ORTIZ, notant que des agences françaises proposent des enfants djiboutiens à l’adoption, demande si Djibouti autorise les adoptions internationales. Elle souhaite connaître les procédures suivies, notamment en ce qui concerne le recueil du consentement de la mère.

52.M. ABDI ISMAEL HERSI (Djibouti) dit que la loi autorise la tutelle, mais pas l’adoption plénière. Il rappelle que le pays se trouve dans une situation politique et économique délicate marquée par des flux de réfugiés, des flux de migration illégale et la présence de forces militaires. Dans ce contexte, certaines mères donnent naissance à des enfants qu’elles ne peuvent ou ne veulent élever. Ceux-ci peuvent être pris en charge sous forme de tutelle par une institution chrétienne établie de longue date à Djibouti, qui est tenue de recueillir le consentement de la mère devant un officier de la police judiciaire. L’enfant est alors pris en charge par l’institution, qui le transfère en France où elle cherche une famille d’adoption. Il faut reconnaître que la situation est ambiguë, puisque l’on interdit l’adoption tout en tolérant que des enfants soient adoptés par l’intermédiaire de cette institution. C’est l’une des questions que l’État s’efforce de résoudre et pour laquelle il pense solliciter une assistance.

53.M. ZERMATTEN dit que le fait que l’État interdise l’adoption mais autorise le placement sous tutelle des enfants et délègue à un autre pays l’opération de l’adoption préoccupe le Comité, car l’État n’est pas en mesure d’assurer le respect des garanties qui devraient être accordées aux enfants et à leur mère dans le processus d’adoption.

54.M. CITARELLA relève qu’en outre le juge n’intervient à aucun moment dans cette procédure.

55.M. KOTRANE relève que les enfants sont placés dans des orphelinats, ce que le Comité envisage comme une solution de dernier recours, ou adoptés en France par l’intermédiaire de l’association mentionnée. Il voudrait savoir si l’État envisage de mettre au point d’autres mécanismes de protection de remplacement, tels que la kafalah, pour que ces enfants puissent grandir dans une famille de remplacement à Djibouti.

56.M. ABDI ISMAEL HERSI (Djibouti) dit qu’il faut préciser que la plupart des enfants qui se trouvent dans cette situation ont pour parents des étrangers en situation irrégulière. La solidarité familiale est très forte à Djibouti et un enfant qui a des liens familiaux dans le pays ne peut pas être donné à l’adoption. Pour ce qui est des enfants qui n’ont pas de liens familiaux dans le pays, le Gouvernement s’efforce de trouver une solution adéquate afin de les protéger et d’assurer leur suivi.

57.Mme MAKO MAHAMOUD ALI (Djibouti) dit que, pour améliorer l’infrastructure sanitaire, en particulier dans les zones rurales, le Ministère de la santé a procédé à une rénovation des postes de santé reculés, les dotant de panneaux solaires pour garantir la chaîne du froid et conserver ainsi à la bonne température des vaccins qui par le passé se détérioraient rapidement. Le taux de couverture vaccinale s’est donc amélioré, une enquête menée en mai 2008 révélant que 88 % des enfants bénéficiaient d’une couverture vaccinale complète. Il faut dire que des équipes communautaires ont été chargées de sillonner les villes afin de repérer les enfants qui ne seraient pas vaccinés et les orienter vers les structures sanitaires tandis que des équipes itinérantes font de même dans les campagnes.

58.Pour pallier le manque de personnel qualifié, le Ministère de la santé a veillé à ce que l’établissement de formation des personnels paramédicaux soit agrandi afin d’accueillir deux fois plus d’étudiants qu’auparavant. Il fait en outre appel à des médecins spécialistes étrangers pour les techniques de pointe.

59.Un programme visant à réduire l’incidence de la transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant a été mis en place en avril 2003, puis élargi à 19 postes de santé en 2005, couvrant ainsi l’intégralité de Djibouti-Ville et du district de l’intérieur.

60.Les personnes vivant avec le VIH/sida bénéficient non seulement de médicaments gratuits mais aussi d’un soutien psychologique et de subventions.

61.Le taux de malnutrition aiguë est passé de 20,4 % en 2006 à 16,6 % en 2007, grâce au programme de dépistage, d’information et de sensibilisation mis en place par le Ministère de la santé. Un programme de récupération nutritionnelle mis en œuvre dans tous les postes de santé du pays permet de prendre en charge en milieu hospitalier les enfants les plus touchés par la malnutrition aiguë sévère, l’objectif à l’horizon 2012 étant de réduire de moitié l’incidence de ce fléau, qui touche aujourd’hui 5,4 % des enfants de moins de 5 ans.

62.Le très faible taux d’allaitement maternel exclusif (1,3 %) est un des facteurs responsables de la malnutrition. D’après une étude menée en 2006, il semblerait que les grands‑mères soient nombreuses à inciter les jeunes mères à associer, dès la naissance, des biberons d’eau à l’allaitement. C’est la raison pour laquelle un comité a été créé et chargé d’éduquer tant les mères que les grands-mères aux bienfaits de l’allaitement maternel exclusif dans le cadre d’un programme d’éducation mis en œuvre dans cinq sites pilotes, qui devrait être élargi à l’ensemble du pays. Des mesures ont en outre été prises pour faire appliquer le décret de 1997 concernant la commercialisation des substituts du lait maternel, jusqu’à présent resté lettre morte, notamment en interdisant la publicité pour ces produits et en mettant en place l’initiative «Hôpitaux amis des bébés».

63.Pour informer les adolescents sur les modes de transmission du VIH/sida et la santé de la procréation, des cellules d’écoute et des centres dits «de développement communautaire» ont été mis en place en dehors des structures sanitaires traditionnelles où les jeunes âgés de 15 à 24 ans interrogés dans le cadre d’une enquête menée en 2006 ont déclaré ne pas être bien accueillis. Ces nouvelles installations sanitaires devraient être opérationnelles d’ici à 2009.

64.Le taux de mortalité infantile reste très élevé, en dépit des efforts mis en œuvre par le Gouvernement pour le faire baisser, parmi lesquels la coordination de toutes les activités et de tous les programmes en faveur de la santé maternelle et infantile et la création en 2006, au sein de la Direction de la santé de la mère et de l’enfant, d’un service spécialement chargé des questions relatives à l’enfance, qui s’est donné pour objectif de réduire la mortalité infanto‑juvénile de moitié d’ici à 2012.

65.Mme AIDOO demande si tous les enfants, qu’ils vivent en milieu rural ou urbain, ont accès dans des conditions d’égalité au fond de solidarité mis en place pour venir en aide aux orphelins du sida, si les enfants touchés par le sida et placés dans des institutions ne font pas l’objet de stigmatisation et ne perdent pas leur droit d’hériter, et ce que fait l’État partie pour garantir la sécurité alimentaire des ménages, seul moyen de lutter contre la malnutrition.

66.Mme MAKO MAHAMOUD ALI (Djibouti) dit qu’en l’absence de laboratoires permettant de dépister le VIH dans les postes de santé ruraux, la République de Djibouti n’est pas en mesure de connaître exactement l’ampleur de l’épidémie dans les campagnes, ce qui explique que les enfants vivant en milieu rural ne bénéficient pas de la même prise en charge que ceux des villes. En revanche, tous les enfants du pays ont accès dans des conditions d’égalité au programme de lutte contre la malnutrition aiguë.

67.M. AHMED OSMAN HACHI (Djibouti) dit que la délinquance juvénile n’est pas un phénomène suffisamment répandu pour que soit mis en place un véritable système de justice pour mineurs dans son pays. Sur une population carcérale totale de quelque 800 personnes, seuls trois mineurs (âgés de 16 et 17 ans) sont en effet actuellement détenus. En vertu du Code pénal, les mineurs de moins de 13 ans sont considérés comme étant pénalement irresponsables, tandis que ceux appartenant à la tranche d’âge des 13-18 ans bénéficient d’une responsabilité atténuée. La loi prévoit en effet que les mineurs sont passibles de peines équivalant à la moitié de celles qui seraient imposées à un adulte se rendant coupable du même délit.

68.Sur le plan pratique, il convient de noter que les mineurs ne sont placés en détention qu’en dernier ressort et que, de manière générale, la préférence est donnée à la justice réparatrice. Les agents des forces de police tentent d’ailleurs toujours de trouver un arrangement à l’amiable lorsque l’auteur d’une infraction est mineur. Le Code de procédure pénale a toutefois prévu une procédure spéciale pour les infractions très graves commises par des mineurs, en vertu de laquelle ces derniers peuvent, en ultime ressort, être placés sous mandat de dépôt. Afin de protéger les mineurs ayant maille à partir avec la justice, les audiences se tiennent à huis clos et il est interdit aux médias de rendre compte d’affaires impliquant des mineurs.

69.Les mineurs soupçonnés d’avoir commis une infraction bénéficient en vertu de l’article 32 du Code pénal de mesures de protection, d’assistance, d’éducation et de surveillance. En cas de détention, ils sont tenus à l’écart des adultes − dans les centres d’éducation surveillée qui ont été rénovés récemment −, bénéficient d’un droit de visite et peuvent s’ils le souhaitent suivre un enseignement au sein même de la prison.

70.Un corps de surveillants pénitentiaires formés aux droits de l’homme, aux dispositions du Code de procédure pénale et au droit pénitentiaire a en outre été institué. Relevant du Ministère de la justice, ces nouveaux surveillants devraient remplacer prochainement les agents de police qui assumaient ces fonctions jusqu’à présent.

71.M. FILALI demande si les tribunaux sont dotés de chambres spécialisées dans les affaires impliquant des mineurs. Il souhaite savoir si, lors des règlements à l’amiable des différends, les agents de forces de l’ordre font appel à un médiateur, et notamment si les anciens sont amenés à jouer ce rôle au sein de la communauté. Enfin, un complément d’information détaillé sur les différentes étapes de la procédure judiciaire aboutissant au placement d’un mineur sous mandat de dépôt serait le bienvenu.

72.M. ZERMATTEN voudrait savoir si les mineurs qui ont commis une infraction peuvent être représentés gratuitement par un avocat, et si les juges, les procureurs et les avocats qui sont saisis d’affaires impliquant des mineurs sont sensibilisés aux droits de l’homme dans le cadre de leur formation.

73.M. ABDI ISMAEL HERSI (Djibouti) dit qu’il n’y a pas de juge ou de juridiction spécialisée dans la justice pour mineurs, mais que dès lors qu’un juge est saisi d’une affaire pénale impliquant un mineur, il sait qu’il doit en vertu du Code de procédure pénale observer un certain nombre de règles visant à protéger le mineur concerné.

74.Le mineur a quant à lui le droit de se faire assister par un avocat à tous les stades de la procédure pénale, y compris lors de la garde à vue. En matière pénale, l’avocat est commis d’office, tandis qu’en matière correctionnelle, les frais de justice incombent aux parents ou aux représentants légaux du mineur, à moins que le mineur puisse bénéficier d’une assistance judiciaire.

75.M. PURAS (Rapporteur pour Djibouti) se félicite du dialogue constructif instauré avec la délégation djiboutienne et de la volonté politique de ce pays d’améliorer le sort des enfants par la mise en œuvre progressive des principes fondamentaux consacrés par la Convention. Rappelant que 43 % de la population a moins de 15 ans − et près de la moitié moins de 18 ans −, il dit que l’avenir de Djibouti dépendra grandement des politiques menées en faveur de l’enfance, et des ressources qui y seront consacrées. Dans les observations finales qu’il formulera à l’issue de la session, le Comité recommandera à l’État partie de poursuivre le dialogue avec la société civile et de mieux coordonner − tant sur le plan national que régional − les efforts mis en œuvre en faveur de l’enfance, d’adopter un plan d’action national dans ce domaine, de renforcer la Commission nationale des droits de l’homme et de créer un organisme indépendant conforme aux Principes de Paris. Le Comité invitera en outre l’État partie à investir de manière plus rationnelle dans les services de santé et d’éducation, ce qu’il a commencé à faire au cours des dernières années.

76.Mme NIMO BOULHAN HOUSSEIN (Djibouti) remercie le Comité pour l’intérêt qu’il porte à l’amélioration du sort des enfants dans son pays et estime que les observations que celui‑ci a formulées permettront au Gouvernement de la République de Djibouti d’en faire un pays digne des enfants. Elle dit que la République de Djibouti prend acte de la volonté exprimée par le Comité de lui apporter une aide technique, étudiera la possibilité de lever la réserve générale formulée lors de la ratification de la Convention et de ratifier les deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention ainsi que la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, s’engage à élaborer une politique nationale de l’enfance assortie d’un plan d’action et, enfin, appelle le Comité et les communautés internationales multilatérales et bilatérales animées des mêmes préoccupations que Djibouti à appuyer techniquement et financièrement l’effort du Gouvernement djiboutien afin de mieux mettre en œuvre la Convention.

77. La délégation djiboutienne se retire.

La séance est levée à 18 heures.

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