Nations Unies

CRC/C/SR.2171

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

7 février 2017

Original : français

Comité des droits de l’enfant

Soixante- quatorzième session

Compte rendu analytique de la 2171 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 20 janvier 2017, à 10 heures

Président (e) : M. Mezmur

Sommaire

Examen des rapports des États parties (suite)

Deuxième rapport périodique de la République centrafricaine sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports des États parties (suite)

Deuxième rapport périodique de la République centrafricaine sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant (CRC/C/CAF/2 ; CRC/C/CAF/Q/2 ; CRC/C/CAF/Q/2/Add.1)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation centrafri caine prend place à la table du Comité.

2.M me  Mbaikoua (République centrafricaine) dit que, depuis la soumission du deuxième rapport périodique sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant, en 2011, la situation des droits de l’enfant s’est considérablement dégradée dans le pays en raison de la crise qui y a sévi de 2012 à 2016. Cependant, à la suite des élections présidentielles et législatives groupées de 2016, l’ordre constitutionnel a été rétabli et le Gouvernement a inscrit parmi ses priorités la promotion des droits de l’homme des personnes vulnérables, en particulier des enfants. La République centrafricaine s’est employée depuis la présentation de son rapport initial à harmoniser sa législation nationale avec la Convention et, à cette fin, elle a adopté nombre de textes législatifs et adhéré à plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont le Protocole facultatif à la Convention, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, qu’elle a ratifié le 12 octobre 2016. Depuis cette date, les autorités ont déjà démobilisé environ 10 000 enfants associés aux forces et groupes armés. Pour ce qui est des mesures politiques, Mme Mbaikoua signale l’adoption en octobre 2016 du Plan national de relèvement et de la consolidation de la paix 2017-2021 et rappelle un certain nombre de mesures, détaillées dans les réponses écrites, qui ont été prises dans divers domaines, notamment la protection de l’enfant, la promotion de la santé de la mère et de l’enfant, l’éducation, la justice pour mineurs, la protection des droits des enfants autochtones, en particulier des enfants pygmées, et la démobilisation et la réinsertion des enfants associés aux forces et aux groupes armés. Commençant tout juste à sortir de la période de crise qu’elle a traversée, la République centrafricaine a encore de nombreux défis à relever pour remédier aux problèmes actuels, notamment l’inexistence, en province, de brigades de police spécifiquement chargées des mineurs et de quartiers pour mineurs en milieu carcéral, l’absence de centres de réinsertion pour mineurs en conflit avec la loi et l’absence de programmes de prise en charge des enfants dits « sorciers », de programmes de lutte contre les mariages précoces et de programmes de réadaptation en faveur des enfants ayant subi des violences sexuelles.

3.M me  Ayoubi Idrissi (Coordonnatrice de l’équipe spéciale pour la République centrafricaine) se réjouit de l’occasion offerte au Comité de renouer le dialogue, interrompu depuis 2000, avec l’État partie. Elle félicite celui-ci de l’exactitude et du caractère critique de son deuxième rapport périodique et salue les engagements pris en faveur des droits de l’enfant par le Président centrafricain nouvellement élu. Madame Ayoubi Idrissi demande quelles mesures l’État partie compte prendre pour renforcer les capacités du Ministère des affaires sociales, compte tenu des nouvelles attributions qui lui ont été confiées dans les domaines du genre, de l’action humanitaire et de la reconstruction, et comment cet organe coordonne ses activités avec celles des autres entités chargées de la mise en œuvre de la Convention, dont la Commission nationale de suivi de la Convention relative aux droits de l’enfant. Sachant que la majorité des plans en faveur des droits de l’enfant adoptés par l’État partie sont arrivés à échéance en 2015, Mme Ayoubi Idrissi invite la délégation à décrire les résultats auxquels ils ont abouti et à indiquer si la politique de protection de l’enfant a été actualisée. Elle aimerait en outre savoir quelles mesures l’État partie prévoit d’adopter pour rendre de nouveau opérationnelle la Commission nationale de suivi de la Convention et pour faire en sorte que les enfants victimes de violations puissent effectivement porter plainte devant cette institution et s’il envisage de réviser ses statuts pour la rendre pleinement indépendante, conformément aux Principes concernant le statuts des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme (Principes de Paris).

4.Notant que la collecte de donnée présente de graves défaillances et sachant que l’État partie bénéficie du soutien du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Mme Ayoubi Idrissi demande si un plan a été établi en coopération avec cette institution pour remédier aux problèmes constatés et pour définir les priorités en matière de collecte et de traitement des données. Elle souhaiterait en outre savoir s’il existe un cadre juridique définissant les modalités de la coopération entre les organisations de la société civile et les organes publics et de la prestation par ces organisations de services se rapportant aux droits de l’enfant. De plus, relevant qu’il existe dans l’État partie de nombreuses discriminations de fait, elle demande si les autorités entendent prendre des mesures d’éducation et de sensibilisation pour lutter contre ce phénomène et pour promouvoir les valeurs d’égalité, de tolérance et d’acceptation de la différence. Elle invite la délégation à décrire les mesures prises ou envisagées pour garantir concrètement la reconnaissance et la prise en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi que du droit de l’enfant d’exprimer son opinion et de participer à la prise de décisions sur des questions qui le concernent. Compte tenu des violations graves et systématiques du droit à la vie, à la survie et au développement de l’enfant qui ont été commises par des groupes armés, la délégation voudra bien donner des précisions sur les mesures que l’État partie a prises ou envisage de prendre pour poursuivre les auteurs de violations graves des droits de l’enfant, lutter contre l’impunité et prévenir la répétition de ces violations ainsi que pour réduire la mortalité infantile et infanto-juvénile et la malnutrition. S’agissant en particulier des violences sexuelles qui ont été infligées aux enfants pendant la période d’instabilité politique et de conflit armé, la délégation est invitée à décrire les mesures concrètes prises par l’État partie pour réparer le préjudice causé aux victimes, notamment les mesures de réadaptation psychologique et de réinsertion, en indiquant combien d’enfants sont accueillis dans les quinze centres de prise en charge holistique dont dispose l’État partie et quelles ressources sont allouées à ces structures, et en précisant si les enfants ont connaissance de l’existence de la ligne téléphonique gratuite (numéro vert) mise en place avec l’aide d’une organisation non gouvernementale danoise et s’ils y ont accès.

5.M. Cardona Llorens (membre de l’équipe spéciale pour la République centrafricaine) demande si l’État partie a l’intention de ratifier le Protocole facultatif à laConvention établissant une procédure de présentation de communications et s’il prévoit de réviser le projet de loi portant protection de l’enfant en République centrafricaine afin de le mettre en conformité avec la Convention, en particulier les dispositions des articlespremier et 3 interdisant la discrimination, dans lesquels les seuls motifs de discrimination cités sont la nationalité, la religion, la race et le sexe. MonsieurCardonaLlorens souhaiterait en outre savoir si l’État partie prévoit d’harmoniser l’article 105 du Code de la famille avec la Convention, les dispositions de ce texte pouvant être interprétées comme autorisant le mariage d’enfants de moins de 16ans, et si les mariages célébrés avant la majorité de l’un des époux en vertu des dérogations prévues par la législation sont autorisés par un tribunal et, si tel est le cas, si l’intérêt supérieur de l’enfant est pris en considération par le juge. Ladélégation voudra bien indiquer si, pour lutter contre la pratique des mariages d’enfants − qui sont souvent des mariages forcés −célébrés en vertu de la coutume, des campagnes de sensibilisation sont menées auprès des chefs religieux ou communautaires dans les régions concernées. Tout en ayant conscience des problèmes économiques auxquels l’État partie est confronté, M.CardonaLlorens demande si l’État partie mobilise ses propres ressources pour financer l’exécution des programmes en faveur des enfants ou s’il compteuniquement sur la coopération internationale. Il voudrait savoir si l’État partie entend définir et exécuter son budget en tenant compte des droits de l’enfant comme préconisé par le Comité dans son observation générale no 19 (2016) sur l’élaboration des budgets publics aux fins de la réalisation des droits de l’enfant (art. 4). Sachant que, pendant le conflit, presque toutes les entreprises ont été détruites et que le rétablissement de la stabilité et la reconstruction du pays reposent en grande partie sur la relance économique, M. Cardona Llorens souhaiterait savoir ce que l’État partie envisage de faire pour garantir que les activités futures des entreprises nationales et étrangères, en particulier des sociétés minières, ne violent pas les droits de l’enfant consacrés par la Convention ni les droits des peuples autochtones.

6.M. Kotrane (membre de l’équipe spéciale pour la République centrafricaine) souligne que le rapport, soumis en 2011, a été établi par la Commission nationale de suivi de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui n’est plus opérationnelle depuis quelques années, et que les réponses à la liste de points, soumises en 2016, ont été rédigées par un autre organe : le Comité national de rédaction des rapports aux organes de traités. Il se félicite des mesures que l’État partie a prises pour promouvoir l’enregistrement des naissances, en particulier de l’adoption du décret no 14.228 de 2014 portant gratuité des services d’établissement des actes de naissance des enfants nés en période de conflit, de la réhabilitation des services de l’état civil et de l’opérationnalisation de 176 centres d’état civil, mais, se dit préoccupé par le faible taux d’enregistrement des naissances et par les fortes disparités en la matière entre les zones urbaines et rurales, problèmes qui s’expliquent notamment par le délai limité prévu pour l’enregistrement des naissances, l’article 134 du Code de la famille disposant que la déclaration de naissance doit être faite dans un délai d’un mois, et par le manque de sensibilisation de la population. Il demande quels programmes et mesures l’État partie entend adopter pour accélérer l’enregistrement des naissances de tous les enfants, dans les zones urbaines comme dans les zones rurales, en garantissant notamment la gratuité des procédures. Relevant que les articles 12 et 13 de la Constitution garantissent la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, mais que l’État partie a indiqué dans son rapport qu’aucun texte spécifique ne garantit à l’enfant l’exercice du droit à la liberté d’expression et que la loi du 27 mai 1961 qui réglemente les associations n’autorise pas les personnes de moins de 18 ans à créer une association, M. Kotrane demande quels sont les programmes et mesures supplémentaires que l’État partie entend adopter en vue de promouvoir les plateformes et les opportunités permettant aux enfants des régions urbaines et rurales d’exprimer leurs opinions et d’échanger leurs idées en se servant de tous les moyens existants, y compris la presse, la radio et les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Il demande également s’il existe des clubs d’enfants et de jeunes, gérés par les intéressés eux-mêmes.

7.M me Winter  (membre de l’équipe spéciale pour la République centrafricaine) demande quelles mesures l’État partie a prises ou envisage de prendre pour mettre fin aux violences et aux actes de torture qui sont infligés aux enfants dans les locaux de la police dans le cadre des enquêtes les concernant. Elle souhaite également savoir s’il existe des programmes d’aide pour les enfants soldats, pour les enfants qui ont été torturés durant le conflit et pour les enfants accusés de sorcellerie qui ont également été victimes de tortures. De plus, elle demande quelles dispositions ont été prises, dans la loi et dans la pratique, pour lutter contre les mutilations génitales féminines, très répandues dans le pays, améliorer la situation des enfants atteints d’albinisme, prévenir les violences sexuelles à l’égard des enfants handicapés et lutter contre la pratique des châtiments corporels, autorisés dans les écoles, dans la famille et dans les prisons comme méthode de discipline.

La séance est suspendue à 10 h 55 ; elle est reprise à 11 h 25.

8.M. Mbata  (République centrafricaine) dit que des crimes graves, visant notamment des enfants, ont été commis durant le conflit sur tout le territoire de la République centrafricaine. Le système judicaire centrafricain souffre des conséquences du conflit et ne dispose que de ressources humaines et matérielles limitées. La situation en matière de sécurité est difficile, en particulier lorsqu’il s’agit d’enquêter sur des crimes complexes dans lesquels sont impliqués des groupes armés encore actifs dans le pays. La République centrafricaine a adopté, en juin 2015, la loi portant création de la Cour pénale spéciale, juridiction hybride qui regroupe des magistrats nationaux et internationaux et qui est chargée de poursuivre les auteurs des crimes commis sur le territoire centrafricain depuis 2003, y compris les crimes sexuels et les crimes commis contre des enfants. Le recrutement des magistrats est en cours. Les juges internationaux sont recrutés par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) et le Président de la République et le Président du Conseil supérieur de la magistrature doivent bientôt examiner la candidature proposée pour le poste de procureur spécial. Les juges nationaux seront également nommés très prochainement. En plus de la Cour pénale spéciale, sept juridictions ordinaires nationales ont été mises en place pour connaître des infractions qui ne relèvent pas de la compétence de la Cour.

9.M.Mbata souligne la lenteur des enquêtes menées au sujet des violences sexuelles qui auraient été commises sur des enfants en République centrafricaine par des soldats étrangers appartenant aux forces de maintien de la paix de l’Organisation des NationsUnies et de l’Union européenne, notamment aux contingents envoyés par la France, la Géorgie, laRépublique du Congo, la République démocratique du Congo, le Burundi, le Gabon, leRwanda et le Cameroun. Cette lenteurs’explique par le fait qu’il appartient aux États dont les contingents sont originaires de déclencher les procédures contre leurs ressortissants. Cependant, certains pays ont déjà commencé à enquêter sur le terrain sur la base des accords de coopération et d’entraide judiciaire signés avec la République centrafricaine. Ainsi, dans le cadre de l’accord de coopération conclu entre la République centrafricaine et laRépublique du Congo, une équipe de médecins légistes procède actuellement à l’exhumation de cadavres d’enfants qui avaient été enfouis dans des puits à Boali. Monsieur Mbata fait observer que, dans ces affaires, les enquêteurs ne coopèrent pas toujours suffisamment avec la population locale. Une affaire vient notamment d’être classée sans suite par la France en dépit des témoignages d’enfants qui avaient décrit leurs agresseurs avec une très grande précision. Le Ministère de la justice prend des mesures pour que les juges centrafricains puissent participer davantage aux enquêtes et que justice soit faite.

10.M. N’Kali Bandjo  (République centrafricaine) dit que les autorités centrafricaines prévoient de procéder à une analyse qui permettra de comprendre les dysfonctionnements dont a souffert la Commission nationale de suivi de la Convention relative aux droits de l’enfant et de faire en sorte que celle-ci puisse reprendre ses activités avec la participation de nouveaux acteurs, notamment les organisations non gouvernementales.

11.M me Mbaikoua  (République centrafricaine) dit que le Ministère des affaires sociales et de la réconciliation nationale s’emploie à mettre en place des comités locaux de paix et s’appuie pour ce faire sur les chefs de secteurs des affaires sociales. Dans le cadre de sa coopération avec des partenaires tels que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le Ministère a élaboré un projet portant sur le retour et la réinstallation des personnes qui avaient été déplacées aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. D’importants moyens vont être mis à la disposition du Ministère dans le cadre de l’exécution du Plan national de relèvement et de consolidation de la paix. Le Gouvernement a institué le Conseil national de la protection de l’enfant pour renforcer la coordination des activités des différents ministères dans le domaine des droits de l’enfant. De son côté, le Ministère des affaires sociales et de la réconciliation nationale s’est doté d’une direction de la petite enfance, qui sera chargée de toutes les questions relatives à l’éducation des jeunes enfants. Il existe aujourd’hui des bases de données sectorielles, par exemple une base de données portant sur les violences fondées sur le genre, et il est prévu de mettre en place une base de données globale en 2017. Le projet de la loi portant protection de l’enfant en République centrafricaine, qui avait été soumis à l’Assemblée nationale, sera réexaminé par le Gouvernement et amélioré, puis présenté à l’Assemblée nationale dans sa nouvelle version. Il tiendra dûment compte des droits de l’enfant.

12.En ce qui concerne la lutte contre la discrimination, de nombreuses activités culturelles et actions de sensibilisation ont été menées au niveau local pour favoriser la réconciliation nationale et la cohésion sociale. Pour des raisons culturelles, l’opinion de l’enfant est rarement prise en compte en République centrafricaine, mais cette situation évolue car les autorités ont pris conscience du fait qu’il est impossible de venir véritablement en aide aux enfants sans tenir compte de leur opinion. Des actions de sensibilisation sont menées à ce sujet avec la participation des chefs religieux et communautaires et le Conseil national de la jeunesse organise des activités de sensibilisation à la radio et dans les communautés. La Direction de la promotion et de la sauvegarde de la famille du Ministère des affaires sociales et de la réconciliation nationale comprend un service chargé de sensibiliser les familles à la parentalité responsable. Le numéro vert est opérationnel dans le pays, mais il est principalement utilisé par les femmes et les autorités réfléchissent actuellement aux moyens qui permettraient d’inciter davantage les enfants à utiliser cette ligne téléphonique. Le Club des jeunes, la Fondation « Les enfants d’abord » et le Conseil national de la jeunesse (CNJ) sont des structures qui permettent aux enfants d’exercer leur droit à la liberté d’expression. En outre, le système U-Report permet aux jeunes de s’exprimer au sujet de questions qui les concernent. Le nouveau Gouvernement n’est en place que depuis neuf mois et, pour ce qui est du collectif budgétaire 2017, le Ministère des affaires sociales et de la réconciliation nationale n’a pas disposé de suffisamment de temps pour préparer une proposition de budget en lien avec toutes les missions dont il est chargé. Il en sera autrement pour l’année 2018, les propositions budgétaires relatives aux activités du Ministère qui concernent le secteur de l’enfance étant déjà prévues.

13.Des mesures ont été prises, notamment en milieu scolaire, pour mettre fin à l’utilisation des châtiments corporels à l’égard des enfants et des campagnes de sensibilisation sont menées auprès des parents et des adultes en général pour qu’ils privilégient le dialogue dans l’éducation des enfants. D’importants progrès ont également été réalisés dans la lutte contre les pratiques traditionnelles néfastes, notamment les mutilations génitales féminines et, dans la région des Grands Lacs en particulier, une organisation non gouvernementale mène des campagnes de sensibilisation à cette question auprès des femmes. Les autorités centrafricaines prennent des mesures pour lutter contre la mortalité maternelle et infantile. Elles s’emploient également à lutter contre les mariages forcés, qui représentent 60 % des mariages, ce qui est énorme, et élaborent actuellement un plan d’action dans ce domaine. Beaucoup de progrès restent à faire en matière d’enregistrement des naissances. Dans le cadre de la modification du Code de la famille, il est prévu de fixer un délai plus long pour la déclaration des naissances. Il est également prévu de délivrer au plus vite un acte de naissance à tous les enfants dont la naissance n’a pas été enregistrée afin de leur permettre d’être scolarisés à la rentrée 2017, car il n’est pas possible d’inscrire à l’école un enfant dépourvu de documents. Un atelier a été organisé le mois précédent aux fins de la révision de la politique de protection de l’enfant. Enfin, il existe une loi régissant l’organisation et le fonctionnement des organisations non gouvernementales, qui fixe le cadre du partenariat entre le Gouvernement et ces organisations et qui est en cours de révision. Il existe également un secrétariat permanent des organisations non gouvernementales au Ministère de l’économie, du plan et de la coopération. La République centrafricaine bénéficie de l’aide de l’UNICEF pour lutter contre le phénomène des enfants dits « sorciers » et faciliter l’insertion sociale de ces enfants, qui sont souvent brutalisés, voire mutilés ou tués, au sein de leur famille ou de leur communauté. Le Gouvernement entend s’employer à protéger ces enfants et à faire comprendre aux familles qu’elles devront répondre de leurs actes si elles se rendent coupables de violences. Parfois, ce sont des personnes du troisième âge, vulnérables, qui sont accusées de sorcellerie et contraintes de faire des aveux dans ce sens.

14.M me Ayoubi Idrissi  (Coordonnatrice de l’équipe spéciale pour la République centrafricaine) demande quelles mesures l’État partie entend prendre pour redonner vie à la Commission nationale de suivi de la Convention relative aux droits de l’enfant. Elle souhaite de plus savoir si les autorités envisagent de créer une base de données qui permettrait de recueillir de manière systématique des informations sur tous les secteurs relatifs à l’enfance, et si le numéro vert est connu de tous, doté de moyens suffisants, et si la personne qui prend les appels oriente et conseille les enfants.

15.M me Mbaikoua  (République centrafricaine) dit que le territoire centrafricain n’est pas parfaitement bien desservi par le réseau téléphonique. Tous les foyers ne sont pas équipés d’un téléphone et les parents qui maltraitent leur enfant se gardent bien de donner à celui-ci l’accès à un téléphone. Il conviendra donc de mettre en place un autre dispositif, qui soit davantage adapté à la réalité centrafricaine, en attendant que les moyens techniques fonctionnent mieux.

16.M. Cardona Llorens  (membre de l’équipe spéciale pour la République centrafricaine) demande quels articles du projet de loi portant protection de l’enfant l’État partie entend modifier et si celui-ci a l’intention d’apporter des modifications aux dispositions du Code de la famille ayant trait au consentement au mariage. Prenant note de l’information selon laquelle le Ministère des affaires sociales ne dispose pas de crédits budgétaires spécifiquement consacrés à l’enfance pour 2017, il demande si cela signifie qu’il n’y a eu aucune allocation de ressources publiques en faveur des enfants pour l’année en question. Il voudrait aussi savoir comment les autorités compétentes seront à même de formuler des programmes pluriannuels si elles ne connaissent pas le montant des ressources dont elles pourront disposer chaque année. Enfin, la délégation voudra bien indiquer comment l’État partie pense procéder pour faire diminuer sensiblement le nombre de mariages forcés.

17.M me Mbaikoua  (République centrafricaine) dit que le Gouvernement a l’intention de lancer une campagne de sensibilisation sur la question du mariage forcé. S’il est vrai que le Ministère des affaires sociales ne disposera qu’en 2018 d’un budget spécifiquement consacrée à l’enfance, la Direction de la petite enfance sera tout de même en mesure de mener des activités pendant l’année en cours avec les ressources allouées au Ministère pour 2017. La République centrafricaine n’élabore pas ses budgets sur une base pluriannuelle.

18.M. Mbata  (République centrafricaine) dit que, avec le retour au calme dans le pays et l’amélioration du climat des affaires, beaucoup d’investisseurs privés se disent disposés à intervenir en République centrafricaine. Le Gouvernement est toutefois conscient qu’avec l’afflux des entreprises privées, qui pour la plupart interviendront dans le secteur du diamant, de l’or et du fer, il faudra mettre en place des réglementations claires pour protéger les enfants contre d’éventuels abus de la part de ces entreprises. Le Gouvernement envisage d’aligner les dispositions du Code de la famille sur les dispositions pertinentes du droit international, s’agissant notamment du consentement au mariage.

19.M. Kotrane  (membre de l’équipe spéciale pour la République centrafricaine), notant qu’aucun texte spécifique ne garantit à l’enfant l’exercice du droit à la liberté d’expression, demande si l’État partie s’est fixé comme objectif prioritaire d’associer les enfants à l’effort de reconstruction du pays et de leur permettre de faire entendre leur voix.

20.M me Ayoubi Idrissi  (Coordonnatrice de l’équipe spéciale pour la République centrafricaine), faisant observer que les autorités centrafricaines avaient mis en place une Commission nationale de lutte contre les mutilations génitales féminines, qui ne fonctionne plus depuis le début des troubles dans l’État partie, demande s’il est prévu de réactiver cette commission et de faire en sorte qu’elle soit décentralisée de façon à ce que ses activités couvrent l’ensemble du pays. Elle souhaiterait aussi savoir si l’État partie envisage d’inscrire dans sa législation l’interdiction expresse des châtiments corporels. Enfin, elle demande si l’État partie entend faire coexister les deux mécanismes distincts que sont le Conseil national de la protection de l’enfant et la Commission nationale de suivi de la Convention relative aux droits de l’enfant.

21.M. N ’ K ali Bandjo  (République centrafricaine) explique que la Commission nationale de suivi de la Convention relative aux droits de l’enfant a existé jusqu’en 2006, année où son mandat est arrivé à expiration. Aujourd’hui, un seul comité est chargé de rédiger tous les rapports relatifs aux droits de l’homme ; il s’agit du Comité national de rédaction sur les droits de l’homme, qui a été créé par arrêté du Premier Ministre en 2013.

22.M me Tchekoe  (République centrafricaine) dit que le Ministère de l’éducation nationale a élaboré, avec l’appui de l’UNICEF, un guide pratique sur la mise en place et le fonctionnement des clubs et des gouvernements scolaires. Cet outil pédagogique destiné à associer les enfants centrafricains à la promotion d’une culture de paix a été expérimenté dans quelques écoles de Bangui, où les élèves ont élu leur ministre de la santé, de l’environnement et de l’éducation, entre autres. Cette initiative a donné aux enfants l’occasion de s’exprimer et de prendre des décisions portant par exemple sur la sécurité de leur établissement scolaire ou la protection de leur environnement. Ils ont été appuyés dans ces activités par l’association des parents d’élèves.

23.M me Mbaikoua  (République centrafricaine) dit que la Commission nationale de lutte contre les mutilations génitales féminines a cessé de fonctionner à la fin de 2012. Depuis le retour au calme et à l’ordre constitutionnel, un certain nombre de structures ont repris leurs activités pour répondre aux besoins de la population et il est question de réactiver cette commission dans les meilleurs délais car il est nécessaire d’agir au plus vite au niveau des provinces, où les mutilations génitales féminines continuent d’être pratiquées. Il est en outre prévu que les châtiments corporels soient interdits prochainement.

24.M me Ayoubi Idrissi  (Coordonnatrice de l’équipe spéciale pour la République centrafricaine) aimerait savoir ce que l’État partie entend faire pour lutter contre les stéréotypes sexistes et pour veiller à ce que les enfants privés de milieu familial soient mieux pris en charge, sachant que ce sont généralement les organisations non gouvernementales qui s’en occupent mais que celles-ci manquent de moyens. Elle demande aussi ce que l’État partie prévoit de faire pour améliorer la qualité de l’enseignement, remplacer les enseignants touchés par le VIH/sida et éviter que l’enseignement soit assuré par des « professeurs-parents ». La délégation pourrait préciser si l’enseignement primaire est réellement gratuit et obligatoire et indiquer quelle est la part de la coopération internationale dans le budget global de l’éducation.

25.M. Cardona Llorens  (membre de l’équipe spéciale pour la République centrafricaine) regrette que l’État partie n’ait pas pu fournir de données sur les enfants handicapés, dont le nombre a considérablement augmenté avec le conflit armé et qui sont dans une situation dramatique. Selon l’organisation non gouvernementale African child policy forum, 67 % des enfants centrafricains handicapés âgés de 6 à 14 ans ne sont pas scolarisés et 85 % de ceux qui ont un trouble du langage ne seraient même jamais allés à l’école. Les enfants handicapés, en particulier ceux atteints d’un handicap mental ou psychosocial, sont particulièrement victimes de discrimination et de stigmatisation. Pour remédier à cette situation, l’État partie devrait améliorer le système de recueil de données ventilées concernant les enfants handicapés, mettre en place des services de dépistage précoce du handicap et se doter d’un système d’éducation inclusive. La délégation est invitée à indiquer si les autorités centrafricaines envisagent de réformer le système éducatif afin de le fonder sur la notion d’inclusion et si des campagnes de sensibilisation ont été menées ou sont envisagées pour mettre fin à la stigmatisation et à la discrimination dont sont victimes les enfants handicapés. Les taux de mortalité infantile et de malnutrition en République centrafricaine sont très élevés et il serait intéressant de connaître les résultats de la stratégie de lutte contre la mortalité infantile et de savoir si des campagnes d’information ont été menées ou sont envisagées concernant les bienfaits de l’allaitement maternel, qui pourrait permettre de résoudre en partie le problème de la malnutrition. Notant que plus de 80 % des infrastructures de santé de l’État partie ont été détruites pendant le conflit armé, M. Cardona Llorens demande si le Gouvernement prévoit de contribuer au financement des travaux de reconstruction, qui repose actuellement presque totalement sur l’aide et la coopération internationales. La délégation est également invitée à indiquer ce que le Gouvernement entend faire pour améliorer la couverture vaccinale des enfants, s’il envisage de prendre des mesures dans le domaine de la santé mentale des enfants et dans celui de la lutte contre le VIH/sida, de généraliser l’accès à la sécurité sociale, de renforcer la lutte contre l’extrême pauvreté et s’il s’est doté d’une stratégie visant à améliorer l’accès à l’eau potable.

26.M. Kotrane  (membre de l’équipe spéciale pour la République centrafricaine), notant qu’il est indiqué dans le rapport de l’État partie que le Comité d’adoption qui avait été créé en avril 1996 afin de prévenir la traite des enfants a été dissous au motif qu’il n’avait pas été institué de façon légale, demande si le Gouvernement a pris des dispositions en vue de rétablir cette instance ou de mettre en place une structure analogue, de manière à veiller à la régularité des adoptions, en particulier des adoptions internationales. La délégation est également invitée à indiquer si les autorités ont pris des mesures en vue de ratifier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

27.Le Comité est conscient des mesures que l’État partie a prises pour protéger les droits des enfants pendant les conflits armés, telles que la signature de l’accord de paix de Brazzaville en juillet 2014 et l’engagement pris en mai 2015 par des groupes armés de ne pas recruter d’enfants et de libérer ceux qu’ils avaient enrôlés, ainsi que l’adoption d’un programme de soutien au désarmement, à la démobilisation et à la réinsertion des enfants associés aux groupes armés. Il demeure toutefois profondément préoccupé par les combats récurrents entre les groupes armés, qui continuent de donner lieu à des violations graves des droits de l’enfant, y compris à des meurtres, des mutilations et des violences sexuelles, et par l’absence d’accès des enfants aux services de santé et d’éducation et à l’aide humanitaire. Il se dit également extrêmement préoccupé par les informations selon lesquelles 10 000 enfants auraient été enrôlés par des groupes armés et utilisés comme combattants et esclaves sexuels depuis le début du conflit armé et par celles indiquant que les communautés mobiliseraient leurs propres enfants pour participer aux hostilités. La délégation est invitée à indiquer les mesures et programmes additionnels que l’État partie envisage d’adopter pour assurer l’application effective des accords de paix signés avec des groupes armés et conclure des accords similaires avec d’autres groupes armés, tout en veillant à ce que la protection et la promotion des droits de l’enfant soient au cœur de la négociation de ces accords. Elle pourrait également décrire les mesures que l’État partie entend prendre pour incriminer le recrutement et l’utilisation d’enfants dans les hostilités, enquêter sur de tels crimes et en poursuivre les auteurs et veiller à ce que les enfants qui ont été enlevés par des groupes armés ne soient pas considérés comme des criminels. Elle pourrait aussi indiquer si une stratégie nationale a été adoptée pour assurer la démobilisation et la réinsertion des enfants ayant pris part à des conflits armés.

28.S’agissant de l’exploitation économique des enfants, M.Kotrane relève qu’il est précisé au paragraphe38 du rapport périodique de l’État partie que l’âge minimum d’admission au travail est fixé à 14ans en vertu du Code du travail, mais que l’on déduit du paragraphe195 du rapport que la scolarité est obligatoire jusqu’à l’âge de 16ans. Attendu que la Convention (no138) de l’Organisation internationale du Travail sur l’âge minimum, ratifiée par la République centrafricaine, prévoit que l’âge minimum d’admission à l’emploi ou au travail ne doit pas être inférieur à l’âge auquel cesse la scolarité obligatoire, il faudraitsavoir si les autorités envisagent d’harmoniser la législation du travail avec les dispositions de cet instrument. Selon certaines informations, entre 28,5 et 31% des enfants âgés de 5 à14ans seraient engagés dans les pires formes de travail (dont 27% de garçons et 30% de filles), notamment dans l’agriculture et les activités minières. La délégation est invitée à indiquer les mesures et programmes que l’État partie entend adopter pour lutter plus énergiquement contre les pires formes de travail des enfants et pour assurer la mise en œuvre effective de la législation du travail, et si une stratégie de réinsertion des enfants dans le système scolaire ou dans des programmes de formation professionnelle a été adoptée. Monsieur Kotrane salue les mesures législatives que l’État a prises en vue de combattre la traite des enfants à des fins de travail forcé ainsi que les actions de sensibilisation qu’il mène auprès de la société civile sur cette question, mais il note que la législation relative à la lutte contre la traite est peu ou pas appliquée, que certaines informations font état de taux élevés d’enfants recrutés pour des travaux forcés dans les mines, l’agriculture et le travail domestique, et de cas de mariages forcés et d’exploitation sexuelle, concernant notamment des enfants pygmées et des petites filles. Il demande si l’État partie entend adopter des mesures et des programmes additionnels visant à garantir l’application effective des dispositions du Code pénal qui répriment la traite des enfants et à faire en sorte que de tels faits donnent lieu à des enquêtes et que leurs auteurs soient dûment poursuivis et condamnés et exécutent les peines prononcées à leur encontre, et que les enfants victimes bénéficient de soins appropriés. Des informations sur les mesures et les programmes que l’État partie envisage d’adopter pour intensifier les programmes de formation continue des juges et des autres professionnels chargés de l’application des lois seraient également utiles.

29.M me Winter  (membre de l’équipe spéciale pour la République centrafricaine) salue les efforts que l’État partie fournit pour venir en aide aux enfants réfugiés, déplacés et demandeurs d’asile, mais demande s’il envisage de prendre des mesures concrètes pour protéger davantage les enfants qui vivent dans des centres ou des camps de réfugiés. En effet, selon certaines informations, des criminels se rendent dans ces centres et dans ces camps pour y enlever des filles à des fins d’exploitation sexuelle et des groupes armés viennent y recruter des garçons. Elle aimerait également savoir si l’État partie dispose d’un programme visant à réparer le traumatisme subi par les enfants qui ont participé au conflit armé ou qui ont été victimes d’exploitation sexuelle. Elle demande de plus si les lois et les programmes relatifs aux Pygmées sont réellement appliqués et, dans l’affirmative, comment ils sont concrètement mis en œuvre. Madame Winter souhaiterait également savoir si l’État partie prévoit de solliciter l’UNICEF pour qu’il l’aide à mettre en place un véritable système de justice pour mineurs et s’il pourrait envisager d’appliquer aux enfants des mesures de substitution à la privation de liberté et, lorsqu’il n’est pas possible d’éviter le placement en détention, de séparer les enfants des adultes. Enfin, elle voudrait savoir si l’État partie prévoit de prendre des mesures de protection en faveur des enfants victimes ou témoins de violations des droits de l’enfant, notamment de violences sexuelles ou de violences dans la famille, qui sont parties à des procès.

30.M me Mbaikoua  (République centrafricaine) dit qu’il est prévu de construire un centre qui assurera la prise en charge des enfants qui ont participé au conflit armé afin de favoriser leur réadaptation et leur réinsertion sociale.

31.M. Mbata  (République centrafricaine) dit que la formation des juges, tant initiale que continue, est assurée par l’École nationale de la magistrature et qu’un projet est actuellement mené avec l’Union européenne pour former les magistrats à la justice pour mineurs. Le pays ne dispose d’aucun centre de détention pour mineurs ; seuls six ou sept centres de détention sur les 38 que compte le pays sont actuellement opérationnels. Le Ministère de la justice a adopté un plan sectoriel qui prévoit la construction de nouveaux établissements pénitentiaires et de centres spécialisés pour les mineurs ; il travaille en étroite coopération avec l’UNICEF à l’élaboration de lois dans le domaine de la justice des mineurs et à la réalisation de programmes de formation à l’intention des juges, des policiers et des officiers de police judiciaire. Il est vrai que des mineurs sont victimes de tortures dans les locaux de la police judiciaire, mais le Ministère de la justice prévoit de dispenser une formation aux personnels des forces de l’ordre pour leur faire prendre conscience du caractère inadmissible de la torture. Enfin, il est prévu de prendre des dispositions pour faire en sorte que les mineurs ne soient placés en détention qu’à titre exceptionnel.

La séance est levée à 13 heures.