Nations Unies

CCPR/C/VCT/CO/2/Add.1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

9 mai 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant Saint-Vincent-et-les Grenadines en l’absence de deuxième rapport périodique *

1.En l’absence de rapport de l’État partie, le Comité des droits de l’homme a examiné la situation des droits civils et politiques au regard du Pacte à Saint-Vincent-et-les Grenadines à ses 3572e et 3573e séances publiques (voir CCPR/C/SR.3572 et 3573), les 5 et 6 mars 2019. Conformément au paragraphe 1 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, dans le cas où un État partie n’a pas soumis de rapport en application de l’article 40 du Pacte, le Comité peut examiner en séance publique les mesures prises par l’État partie pour donner effet aux droits reconnus dans le Pacte, et adopter des observations finales.

2.À sa 3596e séance, le 21 mars 2019, le Comité a adopté les observations finales ci‑après.

A.Introduction

3.Le Pacte est entré en vigueur pour Saint-Vincent-et-les Grenadines le 9 février 1982. L’État partie était tenu de soumettre son deuxième rapport périodique le 31 octobre 1991 au plus tard. Le Comité regrette que l’État partie ait manqué aux obligations que lui impose l’article 40 du Pacte et que, malgré de nombreux rappels, il n’ait pas soumis son deuxième rapport périodique.

4.Le Comité apprécie toutefois l’occasion qui lui a été offerte d’engager un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie sur la mise en œuvre du Pacte. Le Comité remercie l’État partie de ses réponses écrites (CCPR/C/VCT/Q/2/Add.1) à la liste de points (CCPR/C/VCT/Q/2), qui ont été complétées oralement par la délégation, et des renseignements supplémentaires donnés par écrit.

5.Compte tenu des réponses écrites détaillées à la liste de points établie par le Comité et du dialogue constructif que le Comité a eu avec la délégation de l’État partie, le Comité considère les réponses écrites comme le deuxième rapport périodique de l’État partie et demande à celui-ci de mettre à jour son document de base commun (HRI/CORE/1/Add.36) afin de faciliter les dialogues à venir.

B.Aspects positifs

6.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles ci-après :

a)L’adoption de la loi relative à l’enfance (protection et adoption), en 2010 ;

b)L’adoption de la loi relative à la prévention de la traite des personnes, en 2011, et du plan d’action national de lutte contre la traite des êtres humains, en 2015 ;

c)L’adoption de la loi sur la violence familiale et d’un plan d’action national sur la violence fondée sur le genre, en 2015 ;

d)La création du Mécanisme national d’établissement des rapports et de suivi, en 2016.

7.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adhéré aux instruments internationaux ci-après :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, le 29 octobre 2010 ;

b)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le 29 octobre 2010 ;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 29 mars 2011.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre constitutionnel et juridique de la mise en œuvre du Pacte

8.De nombreux droits consacrés par le Pacte ont été intégrés dans la Constitution, mais le Comité constate avec préoccupation que certains de ces droits, tels que l’égalité entre hommes et femmes et l’interdiction de la discrimination, n’ont pas été pleinement incorporés dans la Constitution et dans la législation interne. S’il prend note des efforts faits pour former les juges, les procureurs et les avocats aux droits inscrits dans le Pacte et pour les faire connaître au grand public, le Comité constate également avec préoccupation que le Pacte est rarement invoqué devant les tribunaux nationaux (art. 2).

9. L ’ État partie devrait veiller à ce que les droits consacrés par le Pacte soient pleinement incorporés dans la Constitution et dans les autres sources du droit interne pertinentes. Il devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour que toutes les lois soient formulées, interprétées et appliquées en pleine conformité avec le Pacte. Il devrait également former les professionnels de la justice et du droit, y compris les juges, les procureurs et les avocats, ainsi que les agents de la fonction publique et le grand public, aux droits consacrés par le Pacte et le Protocole facultatif et à leur application.

Mécanisme national d’établissement des rapports et de suivi et institution nationale des droits de l’homme

10.Tout en se félicitant de la création du Mécanisme national d’établissement des rapports et de suivi, le Comité est préoccupé par le retard pris par l’État partie dans l’exécution de ses obligations en matière d’établissement de rapports et dans la mise en œuvre des recommandations des mécanismes internationaux des droits de l’homme. Il note également avec préoccupation qu’il n’existe pas dans l’État partie d’institution nationale indépendante chargée de surveiller le respect des droits de l’homme. Il juge en outre préoccupant le manque de données et de statistiques se rapportant à la mise en œuvre des droits de l’homme (art. 2).

11. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour garantir le respect de ses obligations en matière d ’ établissement de rapports, mettre en œuvre les recommandations du Comité et des autres mécanismes internationaux des droits de l ’ homme, améliorer la collecte de données, et faire appel à une assistance technique et à une aide au renforcement des capacités, selon que de besoin. Il devrait mettre en place une institution nationale des droits de l ’ homme indépendante dotée d ’ un mandat étendu en matière de protection des droits de l ’ homme et de ressources financières et humaines suffisantes, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris).

Interdiction de la détention pour non-exécution d’une obligation contractuelle

12.Le Comité demeure préoccupé par le fait que la loi sur l’endettement autorise l’emprisonnement pour dettes dans certaines affaires civiles (art. 9 et 11).

13. L ’ État partie devrait réviser la loi sur l ’ endettement afin de prévoir des mesures de substitution à la détention en cas de manquement à une obligation civile, conformément aux dispositions du Pacte.

Non-discrimination et égalité entre femmes et hommes

14.Le Comité constate avec préoccupation que la Constitution n’interdit pas tous les motifs de discrimination énoncés par le Pacte et qu’aucune disposition spécifique ne prévoit que les hommes et les femmes ont des droits égaux. Il note également avec préoccupation que les femmes restent sous-représentées dans les secteurs public et privé, en particulier aux postes de décision, et regrette la persistance de stéréotypes concernant la place des femmes dans la société (art. 2, 3 et 26).

15. L ’ État partie devrait revoir sa Constitution pour faire en sorte qu ’ elle interdise expressément tous les motifs de discrimination, en en donnant une liste non exhaustive, conformément à l ’ article 26 du Pacte, et garantir des droits égaux aux hommes et aux femmes, conformément à l ’ article 3 du Pacte. Il devrait intensifier ses efforts pour accroître la participation des femmes dans les secteurs public et privé, si nécessaire en adoptant les mesures spéciales temporaires appropriées, afin de donner effet aux dispositions du Pacte. Il devrait prendre les mesures concrètes nécessaires pour éliminer les stéréotypes concernant la place des femmes dans la société .

Non-discrimination et droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres

16.Le Comité juge préoccupante l’absence de législation générale contre la discrimination dans l’État partie. Il note également avec préoccupation que les relations homosexuelles entre personnes consentantes sont toujours érigées en infraction dans l’État partie, et que, même si elle n’est pas appliquée, la loi peut encourager des attitudes homophobes et dissuader les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres de porter plainte en cas de discrimination, de menaces et de harcèlement. Le Comité est d’autant plus préoccupé que ces personnes continueraient d’être victimes de tels traitements (art. 2, 9, 17 et 26).

17. Outre le réexamen de la Constitution mentionné plus haut, l ’ État partie devrait veiller à ce que sa législation anti-discrimination :

a) Prévoie une protection complète et efficace contre la discrimination dans toutes les sphères, y compris la sphère privée, et interdise la discrimination directe et indirecte et les formes multiples de discrimination ;

b) Contienne une liste complète des motifs de discrimination interdits qui soit conforme au Pacte et qui inclue l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre ;

c) Garantisse aux victimes de discrimination l ’ accès à des voies de recours utiles et appropriées.

L ’ État partie devrait également adopter des politiques visant à lutter contre la discrimination, dépénaliser les relations homosexuelles entre adultes consentants, et prendre des mesures, notamment des initiatives de politique générale et d ’ éducation du public, pour modifier la manière dont la société perçoit les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres et protéger ces personnes contre les menaces et le harcèlement.

Violence à l’égard des femmes et violence familiale

18.Le Comité salue l’adoption en avril 2015 de la loi sur la violence familiale, mais il est préoccupé par les informations concernant le nombre élevé d’actes de violence familiale, de violence sexuelle et de maltraitance, y compris les viols, qui touchent les femmes et les enfants de manière disproportionnée et qui, souvent, ne sont pas signalés parce que les victimes font peu confiance aux forces de l’ordre. Le Comité est aussi préoccupé par les définitions étroites qui sont données du viol et de l’inceste, par l’absence d’interdiction dans la loi du viol conjugal et du harcèlement sexuel, et par l’absence, dans le Code pénal, de définition complète de la violence fondée sur le genre (art. 2, 6, 7 et 26).

19. L ’ État partie devrait :

a) Modifier rapidement ses lois en vue de garantir une protection adéquate contre les violences fondées sur le genre, y compris les violences sexuelles et les autres formes de violence telles que le viol, l ’ inceste et le harcèlement sexuel ;

b) Intensifier ses efforts pour sensibiliser la population aux effets néfastes de la violence familiale et de la violence fondée sur le genre et pour faire évoluer les mentalités concernant les femmes et les normes culturelles en matière de genre ;

c) Encourager le signalement des cas de violence familiale et de violence fondée sur le genre ;

d) Veiller à ce que les allégations fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies, à ce que les auteurs des faits soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, frappés de peines proportionnées à la gravité de l ’ infraction ;

e) Améliorer les services et mécanismes d ’ aide aux victimes, et veiller à ce que les victimes de violence familiale ou de violence fondée sur le genre reçoivent l ’ assistance juridique, médicale et psychologique voulue.

Droits en matière de sexualité et de procréation et interruption volontaire de grossesse

20.Le Comité estpréoccupé par le taux élevé de grossesses chez les adolescentes et par le manque d’accès effectif des femmes et des filles à des moyens de contraception. Il est également préoccupé par les conditions extrêmement restrictives dans lesquelles les femmes peuvent interrompre légalement leur grossesse dans l’État partie. Il est en particulier préoccupé par l’obligation d’obtenir l’aval de deux médecins pour tout avortement thérapeutique, et par les obstacles socioéconomiques liés aux frais élevés que semble entraîner une procédure médicale appropriée. Il constate aussi avec préoccupation que les restrictions prévues par cette législation, telle qu’appliquée dans l’État partie, peuvent obliger les femmes et les filles à recourir à des avortements non sécurisés qui mettent leur santé, voire même leur vie, en danger (art. 2, 3, 6, 7, 17, 24 et 26).

21. L ’ État partie devrait :

a) Garantir aux hommes, aux femmes et aux adolescents et adolescentes, dans tout le pays, un accès sans entraves aux services de santé sexuelle et procréative et à l ’ éducation dans ce domaine, ainsi qu ’ à des moyens de contraception appropriés et abordables ;

b) Revoir sa législation afin de garantir l ’ accès effectif à un avortement légal et sécurisé lorsque la vie ou la santé de la femme ou de la fille enceinte est en danger et lorsque le fait de mener la grossesse à terme causerait pour la femme ou la fille une douleur ou des souffrances considérables, tout particulièrement lorsque la grossesse résulte d ’ un viol ou d ’ un inceste ou que le fœtus n ’ est pas viable ;

c ) S ’ abstenir de refuser aux femmes et aux filles un accès effectif à des services d ’ avortement sécurisés et légaux ;

d ) Veiller à ce que les femmes et les filles qui interrompent leur grossesse, ainsi que les professionnels de la santé qui les assistent, ne fassent pas l ’ objet de sanctions pénales.

Droit à la vie

22.Le Comité se félicite que l’État partie n’ait procédé à aucune exécution depuis 1993 et qu’il n’ait prononcé aucune condamnation à mort depuis 2008 et ait ainsi instauré de facto un moratoire sur la peine de mort. Cela étant, il note avec préoccupation que la peine de mort reste inscrite dans le Code pénal, et que le Gouvernement n’a pas déclaré de moratoire officiel sur l’application de cette peine en vue de son abolition. Il constate en outre avec préoccupation qu’une personne se trouve toujours dans le quartier des condamnés à mort (art. 6).

23.Conformément à l ’ observation générale n o  36 (2018) du Comité sur le droit à la vie, dans laquelle le Comité réaffirme que les États parties qui ne sont pas encore totalement abolitionnistes devraient être engagés de manière irréversible vers l ’ abolition complète de la peine de mort, de facto et de jure, dans un futur prévisible, l ’ État partie devrait envisager :

a) D ’ instaurer un moratoire officiel sur la peine de mort en vue de l ’ abolition de cette peine ;

b) D ’ adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort ;

c ) De mettre en œuvre des mesures de sensibilisation appropriées afin de mobiliser l ’ opinion publique en faveur de l ’ abolition de la peine de mort.

Torture et mauvais traitements

24.Le Comité note avec préoccupation que la torture n’est pas érigée en infraction pénale dans le Code pénal, et qu’il n’existe pas d’organe indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes pour torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés par les agents des forces de l’ordre et de prévenir la commission de tels actes par ces derniers (art. 7).

25. L ’ État partie devrait :

a) Revoir le Code pénal en vue d ’ ériger la torture en infraction pénale ;

b) Mettre en place un organe indépendant chargé d ’ enquêter sur les plaintes pour violences et mauvais traitements de la part des agents des forces de l ’ ordre et de prévenir la commission de tels actes par ces derniers ;

c) Veiller à ce que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent promptement l ’ objet d ’ enquêtes impartiales et approfondies, à ce que les auteurs de ces actes soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, soient condamnés à des peines proportionnées à la gravité de l ’ infraction, et à ce que les victimes bénéficient de mesures de réparation effectives.

Arrestation et détention arbitraires

26.Le Comité est préoccupé par les allégations d’arrestation et de détention arbitraires excédant quarante-huit heures sans inculpation, et par les retards signalés pour ce qui est d’obtenir l’évaluation psychiatrique de personnes privées de liberté (art. 9, 10 et 14).

27. L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte :

a) Que toute personne arrêtée ou détenue du chef d ’ une infraction pénale soit déférée dans un délai de quarante-huit heures devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, afin de garantir que la détention de la personne est sous le contrôle des autorités judiciaires ;

b) Que tous les cas d ’ arrestation arbitraire donnent lieu à une enquête et que les responsables fassent l ’ objet de sanctions disciplinaires et/ou de poursuites judiciaires ;

c) Que les évaluations psychiatriques soient fournies en temps voulu.

Conditions carcérales

28.Le Comité note que l’État partie a construit une nouvelle prison, le Centre pénitentiaire de Belle Isle, mais il demeure préoccupé par les mauvaises conditions de détention dans la vieille prison de Kingstown, où, notamment, les détenus violents ne sont pas séparés et il est fait état d’activités de bandes criminelles, de trafic de stupéfiants et de normes sanitaires insuffisantes (art. 10).

29. L ’ État partie devrait améliorer les conditions de vie dans ses prisons, conformément au Pacte et à l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela). Il devrait envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants .

Droits de l’enfant

30.Le Comité demeure préoccupé par le fait que les châtiments corporels restent autorisés dans tous les contextes, y compris à la maison, dans les structures de protection de remplacement, à l’école et dans les établissements pénitentiaires, en vertu de la loi sur le châtiment corporel des mineurs et de la loi sur l’éducation (art. 7 et 24).

31. L ’ État partie devrait prendre toutes les dispositions nécessaires, y compris par la voie de réformes législatives et de mesures concrètes, pour interdire les châtiments corporels dans tous les contextes. Il devrait encourager l ’ utilisation de formes non violentes de discipline pour remplacer les châtiments corporels, et mener des campagnes d ’ information pour sensibiliser la population aux effets préjudiciables de cette pratique.

Justice pour mineurs

32.Le Comité note avec préoccupation que les enfants sont considérés comme pénalement responsables dès un jeune âge (8 ans), qu’il n’existe pas de garanties juridiques visant à ce que la privation de liberté ne soit qu’une mesure de dernier ressort, pour une durée aussi brève que possible, qu’il est permis d’administrer des coups de canne aux enfants à titre de sanction pénale et que, selon certaines informations, les condamnés mineurs seraient détenus avec des adultes (art. 7, 9, 10 et 24).

33. L ’ État partie devrait réformer son système de justice pour mineurs pour le mettre en conformité avec les normes internationales, notamment en s ’ attachant à :

a) R elever l ’ âge de la responsabilité pénale conformément aux normes internationales ;

b) Supprimer les châtiments corporels en tant que sanction pénale applicable aux enfants ;

c) V eiller à ce que la détention d ’ enfants soit une mesure de dernier ressort, d ’ une durée aussi brève que possible ;

d) Veiller à ce que les mineurs soient séparés des adultes dans tous les lieux de détention et les prisons.

Exploitation et abus sexuels sur enfants

34.Tout en prenant note des efforts que l’État partie fait pour lutter contre l’exploitation et les abus sexuels dont les enfants sont victimes, notamment de la création de la Direction des services à la famille et d’une unité chargée des infractions sexuelles au sein de la police, le Comité est préoccupé par des lacunes qui subsistent. Il s’inquiète particulièrement :

a)Des faibles taux de poursuites et de condamnation visant les auteurs de viols sur mineurs de par la loi et d’inceste ;

b)De la possibilité pour la défense, en cas de viol sur mineur de par la loi, d’avancer l’argument selon lequel l’auteur de l’infraction croyait à tort que la victime était âgée de plus de 15 ans ;

c)Du fait que les abus sexuels sur enfants ne sont pas toujours signalés, en partie à cause de la manière dont le signalement des infractions est perçu par la société ;

d)Du fait que l’accès à une aide juridique ou à un avocat commis d’office spécialement chargé d’assister les mineurs n’est pas expressément garanti aux enfants qui portent plainte pour faits de violence (art. 7 et 24).

35. L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour lutter contre les abus sexuels sur enfants :

a) En améliorant les mécanismes de détection et d ’ intervention précoces ;

b) En encourageant le signalement des cas présumés ou réels d ’ abus sur enfants, y compris en prenant des mesures visant à faire évoluer les comportements sociaux concernant le signalement des infractions ;

c) En veillant à ce que les cas d ’ abus fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies, à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, dûment punis, et à ce que les victimes bénéficient de mesures de réparation effectives, notamment sous la forme de services de réadaptation ;

d) En garantissant aux enfants plaignants l ’ accès à une aide juridique ou à un avocat commis d ’ office chargé d ’ assister les mineurs ;

e) En créant un mécanisme de collecte et de publication systématiques de données complètes et ventilées sur l ’ exploitation et les abus sur enfants dans tous les contextes.

Âge minimum du mariage

36.Tout en prenant note de l’intention de l’État partie de modifier la loi sur le mariage, le Comité constate avec préoccupation que l’âge minimum du mariage est bas et n’est pas le même pour les filles (15 ans) et pour les garçons (16 ans) (art. 2, 3, 24 et 26).

37. L ’ État partie devrait faire en sorte que l ’ âge minimum du mariage soit fixé à 18 ans, pour les filles comme pour les garçons, conformément aux normes internationales.

Traite des personnes

38.Tout en prenant note des efforts que l’État partie fait pour lutter contre la traite des personnes, le Comité constate de nouveau avec préoccupation que la législation réprimant la traite est insuffisante en ce qu’elle prévoit des peines qui ne sont pas proportionnées à la gravité de l’infraction, et que les condamnations sont peu nombreuses (art. 8, 24 et 26).

39. L ’ État partie devrait :

a) Renforcer la législation réprimant la traite de sorte à prévoir des peines adéquates ;

b) Mener des campagnes de prévention et de sensibilisation pour informer la population des effets néfastes de la traite des personnes ;

c) Poursuivre les actions de formation visant les membres des forces de l ’ ordre, les agents de l ’ État, le personnel médical, les enseignants, les juges et les procureurs, et la société civile ;

d) Veiller à ce que les victimes aient accès à des mesures de réparation effectives, notamment sous la forme de services de réadaptation.

Droits des réfugiés et des apatrides

40.Tout en notant qu’il y a très peu de réfugiés et de demandeurs d’asile dans l’État partie, le Comité regrette que l’État partie n’ait pas adopté de législation sur la détermination du statut de réfugié et sur l’asile. Il est aussi préoccupé par l’absence de dispositions législatives propres à garantir la protection effective des apatrides qui se trouvent sur le territoire de l’État partie (art. 6 et 7).

41. L ’ État partie devrait adopter une loi sur les réfugiés et l ’ asile conformément à la Convention et au Protocole relatifs au statut des réfugiés, et veiller à ce que toutes les personnes qui font une demande de protection internationale aient accès à une procédure d ’ asile équitable et complète. L ’ État partie devrait aussi prendre des mesures, y compris d ’ ordre législatif, pour garantir la protection effective des apatrides qui se trouvent sur son territoire.

Personnes handicapées

42.Tout en prenant note des efforts faits par l’État partie pour protéger les personnes handicapées, le Comité est préoccupé par le manque d’intégration des enfants handicapés dans les écoles ordinaires, par le manque d’enseignants formés au travail avec les enfants handicapés, et par l’accès limité des personnes handicapées à l’emploi et aux bâtiments et transports publics (art. 2 et 26).

43. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour protéger les personnes handicapées contre toute forme de discrimination et faire en sorte qu ’ elles aient pleinement accès à l ’ éducation, à l ’ emploi ainsi qu ’ aux bâtiments et transports publics.

Liberté d’expression

44.Le Comité est préoccupé par le fait que la loi sur la cybercriminalité incrimine la diffamation. Il est également préoccupé par le fait que, selon certaines informations, les dispositions de cette loi peuvent être utilisées pour faire taire les critiques publiques visant le Gouvernement (art. 19).

45. L ’ État partie devrait envisager de dépénaliser la diffamation, et faire en sorte qu ’ elle ne soit en aucun cas sanctionnée par une peine d ’ emprisonnement et que la loi sur la cybercriminalité ne soit pas utilisée pour réprimer la liberté d ’ expression.

Participation à la vie publique

46.Le Comité prend note de la mise en œuvre de certaines des recommandations formulées par la mission d’observation électorale de l’Organisation des États américains présente dans l’État partie pendant les élections de 2015, mais il regrette qu’aucune suite n’ait encore été donnée à certaines des recommandations portant sur l’amélioration du processus électoral. Le Comité est également préoccupé par l’absence de législation visant à réglementer le financement des campagnes dans l’État partie, et par le retard qui aurait été pris dans les procédures judiciaires concernant les demandes d’invalidation soumises au sujet des élections de 2015 (art. 14 et 25).

47. L ’ État partie devrait accélérer les procédures judiciaires concernant les demandes d ’ invalidation. Il devrait envisager d ’ adopter des dispositions législatives visant à réglementer le financement des campagnes, et de mettre en œuvre les recommandations formulées par la mission d ’ observation électorale de l ’ Organisation des États américains portant sur l ’ amélioration du processus électoral, conformément à l ’ article 25 du Pacte.

D.Diffusion et suivi

48. L ’ État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, du premier Protocole facultatif s ’ y rapportant, des réponses écrites à la liste de points établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu ’ auprès du grand public, afin de les sensibiliser aux droits consacrés par le Pacte.

49. Conformément au paragraphe 1 de l ’ article 75 du r èglement intérieur du Comité, l ’ État partie est invité à faire parvenir, le 21 mars 2020 au plus tard, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 19 (violence à l ’ égard des femmes et violence familiale), 25 (torture et mauvais traitements) et 35 (exploitation et abus sexuels sur enfants).

50. Le Comité demande à l ’ État partie de lui soumettre son prochain rapport périodique le 29 mars 2024 au plus tard et d ’ y faire figurer des renseignements précis et à jour sur la suite qu ’ il aura donnée aux autres recommandations formulées dans les présentes observations finales et sur l ’ application du Pacte dans son ensemble. Il demande également à l ’ État partie, lorsqu ’ il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, ce document ne devra pas compter plus de 21 200 mots. Le Comité encourage tous les États parties à appliquer la procédure simplifiée de présentation des rapports. Si l ’ État partie souhaite établir son prochain rapport en suivant cette procédure, il est prié d ’ en informer le Comité, dans un délai d ’ un an à compter de la date de réception des présentes observations finales. Les réponses de l ’ État partie à la liste de points établie par le Comité dans le cadre de la procédure simplifiée constitueront son rapport périodique suivant, soumis en application de l ’ article 40 du Pacte.