Comité des droits des personnes handicapées
Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 5 du Protocole facultatif, concernant la communication no 25/2014 * , **
Communication présentée par : |
R. I. |
Au nom de : |
R. I. |
État partie : |
Équateur |
Date de la communication : |
18 août 2014 (date de la lettre initiale) |
Références : |
Décision prise en application de l’article 70 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 15 décembre 2014 (non publiée sous forme de document) |
Date de la présente décision : |
6septembre 2019 |
Objet : |
Montant de la pension d’invalidité selon les normes internationales applicables dans l’État partie |
Question(s) de procédure : |
Fondement de la communication, compétence du Comité ratione temporis |
Article(s) de la Convention : |
2, 4 (par. 2 et 4), 5 (par. 1), 12 (par. 5), 13 (par. 1), 27 (par. 1 c)) et 28 (par. 1 et 2 e)) |
Article(s) du Protocole facultatif : |
1 et 2 |
1.L’auteur de la communication est R. I., de nationalité équatorienne, né en 1955. Il affirme être victime de violations, commises par l’État partie, des droits qu’il tient de l’article 2, des paragraphes 2 et 4 de l’article 4, du paragraphe 1 de l’article 5, du paragraphe 5 de l’article 12, du paragraphe 1 de l’article 13, de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 27 et du paragraphe 1 et de l’alinéa e) du paragraphe 2 de l’article 28 de la Convention. Le Protocole facultatif est entré en vigueur le 3 mai 2008 pour l’État partie.
A.Résumé des renseignements fournis et des arguments avancés par les parties
Rappel des faits présentés par l’auteur
2.1Le 9 mars 2001, alors que l’auteur s’acquittait de ses fonctions en tant qu’employé de la banque Banco del Pichincha C.A., il a eu un accident de la circulation qui lui a causé des lésions physiques et des lésions neurologiques dégénératives. En novembre 2005, il a cessé de travailler et, en sa qualité de membre cotisant à l’Institut équatorien de sécurité sociale (Instituto Ecuatoriano de Seguridad Social) (ci-après « l’IESS »), il a commencé à percevoir une allocation temporaire pour incapacité partielle, prévue par le Règlement relatif à l’assurance générale contre les risques du travail (Reglamento del Seguro General de Riesgos del Trabajo).
2.2Par la décision no 2008 RT-040, en date du 19 février 2008, la Direction de l’assurance générale contre les risques du travail de la province de Guayas, qui relève de l’IESS, a accordé à l’auteur, conformément aux dispositions de l’article 32 du Règlement relatif à l’assurance générale contre les risques du travail, des prestations d’invalidité pour incapacité de travail totale permanente d’un montant initial de 750 dollars des États-Unis, devant lui être versés à compter du 1er décembre 2005, soit dès le lendemain de sa cessation de service.
2.3L’auteur a engagé une procédure de contestation et d’appel afin que soit examinée la question de l’existence d’une erreur de calcul dans le montant de la prestation et afin qu’il soit déterminé si le paiement de cette prestation devait se faire avec effet rétroactif à la date de l’accident de circulation, à savoir au 9 mars 2001. En premier lieu, l’auteur a contesté la teneur de l’accord devant la Commission chargée des prestations et du règlement des différends, de la province d’El Oro. Par sa décision no 028-CPPCL du 30 avril 2008, la Commission chargée des prestations et du règlement des différends, de la province de Loja, a confirmé la décision de la Direction de l’assurance générale contre les risques du travail et a rejeté les griefs de l’auteur. En second lieu, l’auteur a fait appel de la décision devant la Commission chargée des prestations et du règlement des différends, de l’IESS, qui, par sa décision no 08495 C.N.A. du 16 juillet 2008, l’a débouté et a confirmé la décision de première instance.
2.4Une fois les recours administratifs épuisés, l’auteur a formé un recours administratif de pleine juridiction auprès du tribunal administratif compétent, demandant que la décision administrative soit déclarée illégale et que soit versée la somme de 2 428,26 dollars majorée des intérêts, soit la valeur des prestations depuis la date de l’accident de travail. Par sa décision du 24 juin 2010, le tribunal du contentieux administratif no 2 du district de Guayaquil a déclaré illégale la décision no 080195 C.N.A rendue par la Commission nationale d’appel, et il a fait droit à la demande de l’auteur. Dans sa décision sur ce recours, le tribunal a appliqué l’article 32 du Règlement relatif à l’assurance générale contre les risques du travail (décision no 741) qui établit le montant de la prestation mensuelle à 80 % du salaire mensuel moyen de la dernière année de cotisation à l’IESS. Le tribunal a indiqué, en particulier, que le salaire moyen de l’auteur au cours de la dernière année où il avait cotisé à l’IESS (soit de janvier 2005 à décembre 2005) était de 2 889,16 dollars et que 80 % de ce montant représentait 2 311,32 dollars. Par conséquent, le tribunal a ordonné le versement à vie d’une pension mensuelle pour incapacité totale permanente à compter du 9 mars 2001, date à laquelle l’accident de travail s’était produit, d’un montant de 2 311,32 dollars.
2.5L’IESS a formé un recours en cassation contre la décision du tribunal du contentieux administratif de Guayaquil, faisant valoir que ledit tribunal n’avait pas correctement interprété diverses normes, à savoir l’article 183 des statuts codifiés de l’IESS, l’article 32 du Règlement relatif à l’assurance générale contre les risques du travail et les onzième, douzième et quatorzième dispositions transitoires de la décision no C.D.100 du 21 février 2006.
2.6Par sa décision du 22 mai 2012, la Chambre du contentieux administratif de la Cour nationale de justice a décidé d’annuler la décision du tribunal no 2 du contentieux administratif de Guayaquil et de rendre une décision de validité de la décision attaquée. Dans le jugement qu’elle a rendu, la Chambre a indiqué que le tribunal s’était livré à une mauvaise interprétation des dispositions de la décision no C.D.100 du 21 février 2006, qui établissent les montants minimal et maximal de la pension mensuelle pour incapacité totale permanente. De plus, elle a établi que les indemnités octroyées par le tribunal étaient inappropriées puisque l’auteur continuait de travailler et recevait chaque mois de l’IESS le montant de l’allocation temporaire pour handicap.
2.7L’auteur a formé une action extraordinaire en protection auprès de la Cour constitutionnelle, faisant valoir la violation de ses droits constitutionnels à la sécurité juridique en ce que la décision de la Cour nationale de justice n’était pas suffisamment motivée et s’appuyait sur une interprétation erronée, à savoir que l’interprétation des décisions administratives de l’IESS, y compris la décision no C.D.100 de février 2006, avait primauté sur les normes de rang supraconstitutionnel telles que la Convention de 1964 sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles (no 121) de l’Organisation internationale du Travail (OIT). L’auteur a également invoqué une violation de son droit à l’égalité, sachant que dans une affaire analogue à la sienne, à savoir l’affaire no 1394-RA du 19 février 2008, la Cour constitutionnelle avait accédé à la requête de protection par la Constitution et avait reconnu la violation du droit à une vie digne, en indiquant que la valeur de la pension accordée en l’espèce ne suffisait pas pour couvrir les coûts associés au handicap et les obligations familiales.
2.8Par sa décision du 9 janvier 2014, la Cour constitutionnelle a déclaré qu’il n’y avait pas eu violation des droits constitutionnels de l’auteur et elle l’a débouté. Dans la décision, il est souligné que le recours constitutionnel ne constitue pas une nouvelle étape dans l’ordre administratif et que la Cour constitutionnelle n’est pas compétente pour se prononcer sur l’interprétation des dispositions administratives régissant le montant de la prestation pour invalidité accordée à l’auteur. De même, la Cour a fait observer qu’il n’y avait pas violation du droit d’accéder à la justice et à un raisonnement approfondi, puisque l’auteur avait pu former les recours judiciaires administratifs à sa disposition et que, dans son arrêt, la Cour nationale de justice avait cerné les problèmes juridiques qui se posaient, les avait résolus et avait exposé ce qui avait motivé sa décision, en se fondant sur son interprétation du droit applicable.
2.9La Cour constitutionnelle s’étant prononcée, l’auteur estime qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles.
2.10L’auteur affirme que les faits faisant l’objet de la présente communication se sont produits après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie.
Teneur de la plainte
3.1L’auteur allègue une violation des dispositions de l’article 2, des paragraphes 2 et 4 de l’article 4, du paragraphe 1 de l’article 5, du paragraphe 5 de l’article 12, du paragraphe 1 de l’article 13, de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 27, et du paragraphe 1 et de l’alinéa e) du paragraphe 2 de l’article 28.
3.2En ce qui concerne l’article 2, l’auteur fait observer qu’il a fait l’objet d’une discrimination fondée sur le handicap de par les décisions adoptées par l’IESS, la Cour nationale de justice et la Cour constitutionnelle, ayant trait à la reconnaissance du droit de l’auteur à une pension d’invalidité totale permanente pour risques professionnels, et au montant de cette pension.
3.3Pour ce qui est des paragraphes 2 et 4 de l’article 4, l’auteur indique que l’État partie a fait abstraction de ses obligations en matière de réalisation des droits économiques, sociaux et culturels de l’auteur et de l’obligation d’appliquer des lois qui donnent aux personnes handicapées les moyens d’exercer leurs droits. L’auteur fait observer, en particulier, que lorsque l’État partie a déterminé le montant de la pension d’invalidité devant être versée à l’auteur, il a omis d’appliquer les dispositions législatives internes qui protègent davantage les droits de l’auteur aux prestations sociales en cas d’accident du travail et de maladie professionnelle, notamment la Convention de 1964 sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles (no 121) de l’OIT, que l’État partie a ratifiée et qu’il a intégrée dans la législation interne, le Code du travail et le Règlement et Statut de l’IESS.
3.4En ce qui concerne le paragraphe 1 de l’article 5, l’auteur estime que l’État partie a fait abstraction du droit de l’auteur à l’égalité sachant que, dans une autre affaire strictement identique (affaire no 1394-RA), la Cour constitutionnelle avait annulé les décisions par lesquelles le montant de la retraite d’un autre membre de l’IESS avait été réduit, la Cour faisant mention, dans sa décision, d’une violation du droit à la garantie de la sécurité juridique, qui compromettait un droit établi par une loi de rang supérieur.
3.5En ce qui concerne le paragraphe 5 de l’article 12, l’auteur estime que l’État partie ne lui a pas garanti le droit de ne pas être privé de manière arbitraire de ses biens. L’auteur explique que le seul bien et patrimoine qu’il possédait avant son accident du travail était sa capacité à travailler, qui était le moyen de subsistance de sa famille. L’État partie l’avait donc privé arbitrairement de protection en faisant abstraction des droits, qu’il avait acquis en tant que travailleur, d’accéder aux prestations d’assurance contre les risques professionnels, et en compromettant la sécurité juridique instaurée à cet égard.
3.6S’agissant du paragraphe 1 de l’article 13, l’auteur considère qu’il y a eu violation de son droit d’accès à la justice dans des conditions d’égalité avec les autres, du fait des décisions adoptées par la Cour constitutionnelle dans sa propre affaire et dans une affaire similaire, à savoir l’affaire no 1394-RA. Dans cette dernière, les tribunaux ordinaires avaient rendu une décision défavorable aux recours formés par un membre cotisant de l’IESS dont le montant de la pension de retraite avait été réduit par suite de décisions administratives prises par l’IESS ; la Cour constitutionnelle avait toutefois ordonné la révision de la décision judiciaire en question afin de garantir le respect des droits acquis par l’employé, inscrits dans une loi préexistante qui l’emportait sur cette décision administrative préjudiciable. La Cour constitutionnelle a, dans cette affaire, conclu que la pension octroyée par la décision administrative de l’IESS ne respectait pas les droits du cotisant et a déterminé le montant de la pension en se fondant sur la loi préexistante, de rang supérieur.
3.7L’auteur fait valoir que la Cour de justice nationale a procédé de façon arbitraire, sans motiver le jugement rendu et sans tenir compte de la primauté de lois internationales plus favorables. Il estime également que la Cour constitutionnelle ne s’est pas prononcée sur ses droits fondamentaux à l’égalité et à des conditions de vie dignes, droits qui ont été bafoués dans les décisions prises par les tribunaux ordinaires. L’auteur soutient que la décision de la Cour constitutionnelle a abouti à un traitement non équitable et discriminatoire, puisqu’elle l’a débouté en dépit de la décision de la Cour en faveur du requérant dans l’affaire no 1394-RA, et bien que la situation des plaignants, l’objet de leur plainte et le raisonnement juridique soient les mêmes dans les deux affaires.
3.8En ce qui concerne l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 27, l’auteur indique qu’en le privant de protection par le choix du montant de sa pension, l’IESS n’a pas respecté les dispositions de la Convention de 1964 sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles (no 121) de l’OIT et a violé ses droits en tant que travailleur handicapé.
3.9Pour ce qui est du paragraphe 1 de l’article 28, l’auteur affirme que les revenus dont il disposait avant l’accident lui permettaient de s’acquitter correctement des obligations financières de sa famille, et que la réduction du montant de la pension avait eu des effets préjudiciables considérables sur ses propres conditions de vie et sur celles de toute la famille.
3.10En ce qui concerne l’alinéa e) du paragraphe 2 de l’article 28, l’auteur indique que la réduction de sa pension de retraite à moins du tiers du montant qu’il devrait toucher selon la loi constitue une violation de la Convention, ainsi que de la Convention de 1964 sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles (no 121) de l’OIT et des mécanismes chargés de surveiller leur application.
Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond
4.1Le 12 juin 2015, l’État partie a soumis ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. En premier lieu, il a indiqué que le Protocole facultatif était entré en vigueur le 3 mai 2008 pour l’État partie et que, conformément à l’alinéa f) de l’article 2 du Protocole, la procédure de communications ne pouvait concerner que les faits survenus à compter de cette date.
4.2L’État partie confirme les renseignements communiqués par l’auteur au sujet de son handicap, la reconnaissance de son droit à des prestations sociales pour son incapacité et les recours administratifs et judiciaires qu’il a formés au niveau interne. L’État partie fait observer que la décision administrative qui aurait porté atteinte aux droits de l’auteur, à savoir la décision no 2008‑RT-040 de l’IESS, par laquelle une prestation d’invalidité pour incapacité de travail permanente a été accordée, remonte au 19 février 2008, soit avant la date d’entrée en vigueur de la Convention et du Protocole facultatif pour l’État partie, tous textes dont les dispositions ne peuvent être appliquées de façon rétroactive. De plus, même si les recours formés contre la décision administrative sont postérieurs à l’entrée en vigueur de la Convention, ils ne constituent pas des violations des droits que l’auteur tient de la Convention. Par conséquent, l’État partie considère que, conformément au principe de la compétence ratione temporis inscrit à l’alinéa f) de l’article 2 du Protocole, le Comité devrait se déclarer incompétent pour examiner la plainte de l’auteur.
4.3L’État partie affirme que la communication est insuffisamment étayée et que les éléments de preuve produits ne suffisent pas pour vérifier les violations présumées des droits consacrés par la Convention. Il rappelle en particulier la décision de la Cour constitutionnelle dans l’action extraordinaire en protection, selon laquelle il n’y avait pas violation des droits constitutionnels de l’auteur pour ce qui était de la prestation mensuelle pour incapacité de travail permanente, dont le montant avait pleine validité juridique puisqu’il avait été déterminé en fonction du cadre légal en place, et ce, même si le montant n’était pas à la hauteur des prétentions économiques de l’auteur.
4.4L’État partie indique que l’auteur a utilisé les voies de recours administratif et judiciaire internes à disposition pour contester la décision administrative de l’EISS et que, dans ces recours, l’affaire avait été jugée dans le respect des garanties d’une procédure régulière et conformément au cadre constitutionnel et légal en vigueur. S’il est vrai qu’en première instance de la juridiction ordinaire, le tribunal du contentieux administratif du district de Guayaquil a fait droit aux requêtes de l’auteur, sa décision a été annulée dans le cadre du pourvoi en cassation devant la Cour nationale de justice, et l’auteur a été débouté dans l’action extraordinaire en protection qu’il a ensuite intentée contre le jugement en cassation. Dès lors, l’État partie soutient que la communication doit être considérée comme irrecevable puisque le Comité n’est pas une instance de recours ayant compétence pour examiner l’application interne de la loi par les autorités de l’État partie.
4.5L’État partie rappelle la marge d’appréciation accordée lorsqu’il s’agit d’interpréter les droits de l’homme. Il affirme que la rente viagère pour incapacité de travail permanente accordée à l’auteur correspond aux dispositions pertinentes en vigueur du Code du travail et des règlements internes de l’IESS, qui sont conformes à la Convention de 1964 sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles (no 121) de l’OIT. De plus, l’État partie indique que l’auteur perçoit une pension mensuelle pour incapacité dont le montant est supérieur à celui initialement établi et dépasse de beaucoup le panier alimentaire de base de la famille. Par conséquent, l’État partie estime que la communication de l’auteur est ultra petita chaque fois que ce dernier aspire à obtenir un montant bien supérieur à celui auquel il peut prétendre selon le droit.
4.6Pour ce qui est des griefs que l’auteur tient du paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention, l’État partie considère qu’il n’a en rien violé ses obligations générales découlant dudit paragraphe, sachant que, en s’appuyant sur ses normes constitutionnelles, il a élaboré une législation et des politiques publiques qui reconnaissent les personnes handicapées comme un groupe nécessitant une attention prioritaire. L’État partie cite différents droits de la personne handicapée consacrés par l’ordre juridique interne, tels que le droit à une prise en charge spécialisée, le droit au travail, le droit à la réadaptation complète, le droit à un logement convenable, le droit à l’éducation, le droit à l’inclusion dans la société et le droit de participer aux affaires politiques, sociales et culturelles. La loi organique sur les personnes handicapées garantit le plein exercice par les personnes handicapées des droits consacrés par la Constitution, les traités et les instruments internationaux.
4.7L’État partie affirme qu’il n’a pas violé le droit de l’auteur à l’égalité et à la non‑discrimination inscrits au paragraphe 1 de l’article 5 de la Convention, puisque la situation de l’auteur et celle du requérant dans l’affaire évoquée (décision no 1394-2006-RA du 19 février 2008) donnaient lieu à des prétentions différentes, et qu’elles ne présentaient aucune similitude subjective ni objective. Dans sa requête devant la Cour constitutionnelle, l’auteur faisait référence à la pension de retraite en cas d’accident du travail alors que, dans l’affaire visée par la décision no 1394-2006, il s’agissait de réévaluer le montant d’une pension mensuelle de retraite. De même, dans l’affaire à laquelle l’auteur se réfère, un recours constitutionnel en amparo a été formé contre une décision administrative qui n’a jamais été contestée, tandis que, dans son cas, l’auteur sollicitait une action extraordinaire en protection contre un arrêt rendu en cassation qui avait établi la validité de la décision administrative qu’il avait contestée par voie de justice.
4.8L’État partie considère que, dans ses allégations concernant les droits qu’il tient du paragraphe 5 de l’article 12 de la Convention, l’auteur ne fournit pas suffisamment d’éléments démontrant de quelle manière l’État a violé ces droits. La Constitution consacre le droit de ne pas faire l’objet d’une discrimination sur la base du handicap (art. 11, par. 2) ainsi que l’obligation de concevoir des programmes spécialisés dans la prise en charge des personnes gravement et lourdement handicapées (art. 48, par. 5). L’État partie considère que sa législation garantit aux personnes handicapées le plein exercice de leur capacité juridique, excepté lorsque des restrictions ont été mises en place par décision judiciaire comme par exemple dans le cas des interdictions.
4.9Pour ce qui est des griefs que l’auteur tient du paragraphe 1 de l’article 13 de la Convention, l’État partie affirme qu’il n’est pas possible d’établir la preuve d’une quelconque violation en l’espèce. L’auteur a bénéficié des prestations du Conseil national pour l’égalité des personnes handicapées, par la voie du Bureau du défenseur des droits des personnes handicapées, lequel s’est assuré du respect des garanties d’une procédure régulière et de l’apport sans délai aux personnes handicapées d’une assistance effective et impartiale.
4.10L’État partie considère que les allégations de l’auteur au titre de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 27 de la Convention sont insuffisamment fondées et doivent être rejetées. L’État partie rappelle les diverses mesures législatives et de politique générale qui reconnaissent aux personnes handicapées le droit au travail et les garanties y afférentes. À cet égard, il renvoie au paragraphe 5 de l’article 4 de la Constitution, qui porte sur le droit au travail dans des conditions d’égalité, et à l’obligation, inscrite au paragraphe 33 de l’article 42 du Code du travail, d’employer en permanence des personnes handicapées à hauteur de 4 % des effectifs.
4.11En ce qui concerne les allégations de l’auteur au sujet de ses droits inscrits à l’alinéa e) du paragraphe 2 de l’article 28 de la Convention, l’État partie fait savoir que la procédure suivie pour l’octroi de la pension d’invalidité a été déclarée valide et conforme à la législation interne par les autorités nationales. Des critères d’éligibilité existent pour obtenir le droit à la retraite pour incapacité totale et permanente, en particulier un nombre minimal de 60 cotisations mensuelles (cinq années) et l’approbation de la commission d’évaluation du handicap. L’auteur a obtenu l’octroi d’une pension d’invalidité et, de ce fait, il n’est pas possible de faire la preuve d’une quelconque atteinte à son droit à un niveau de vie suffisant et à la protection sociale.
4.12Compte tenu de ce qui précède et au regard des alinéas e) et f) de l’article 2 du Protocole facultatif, l’État partie demande au Comité de déclarer la communication irrecevable en se fondant sur le défaut de compétence temporelle du Comité, l’absence de démonstration que les faits constituent des violations de la Convention et le fait que le Comité ne peut faire office de quatrième instance.
Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie
5.1Le 4 août 2015, l’auteur a soumis ses commentaires sur les observations de l’État partie.
5.2L’auteur rejette la qualification du champ d’application temporel du mandat du Comité à laquelle se livre l’État partie. Il renvoie à l’alinéa f) de l’article 2 du Protocole facultatif, qui traite des faits qui se sont produits avant la date d’entrée en vigueur du Protocole mais qui persistent après cette date. Il renvoie également au caractère continu des violations des obligations internationales, qui se prolongent le temps que les faits perdurent et que l’État partie manque à son obligation internationale. Il considère que son cas correspond à l’exception prévue dans le Protocole facultatif pour les faits et violations des obligations internationales, lorsqu’ils persistent.
5.3L’auteur estime que les décisions administratives en rapport avec son handicap consécutif à un accident de travail et les décisions prises au cours du processus judiciaire méconnaissent les principes et obligations constitutionnels et internationaux ayant une finalité de protection et qui sont plus favorables et respectueux des garanties de la sécurité juridique et d’une procédure régulière. L’auteur soutient qu’au stade de la liquidation de sa pension d’invalidité, l’IESS a établi deux scénarios pour le montant de la pension, à savoir le premier qui se conformait aux critères exposés dans la Convention de 1964 sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles (no 121) de l’OIT, et le second qui reposait sur les dispositions de la décision 100 C.D. du Conseil d’administration de l’IESS et prévoyait un montant inférieur à celui de la première version de la liquidation. L’application de la décision 100 C.D. concernant sa pension a entraîné une réduction considérable du montant qui lui était octroyé et a donc retenti sur ses propres moyens de subsistance et sur ceux de sa famille.
5.4S’agissant de l’argument avancé par l’État partie au sujet de l’impossibilité, pour le Comité, d’intervenir comme quatrième instance, l’auteur estime que le Comité a été créé en vertu d’un traité international qui lie l’État partie. Sur le plan national, l’auteur a soumis de nombreuses communications écrites par lesquelles il demandait que les dispositions du droit international pertinentes soient appliquées pour le calcul de sa pension, or ces dispositions n’ont pas été prises en compte par les autorités, qui ont choisi d’appliquer une décision de rang juridique inférieur, au détriment des prestations devant lui être versées.
5.5L’auteur estime que la marge d’appréciation de l’État partie en ce qui concerne le droit de l’auteur à la pension d’invalidité permanente déroge aux obligations et accords relevant du droit international du travail. L’auteur rappelle les différents rapports établis par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’OIT, dans lesquels a été signalé le non-respect par l’Équateur de ses obligations au titre de l’article 19 de la Convention de 1964 sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles (no 121) de l’OIT en matière de prestations financières en cas de perte totale de la capacité de travail, ce qui correspond à la situation de l’auteur.
5.6L’auteur réaffirme que la décision administrative par laquelle l’État partie lui a accordé sa pension d’invalidité n’est pas conforme aux normes établies par la Constitution et par la Convention de 1964 sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles (no 121) de l’OIT et, partant, est illégitime et contraire au droit.
5.7Pour ce qui est de l’assistance juridique dont l’État partie fait mention, l’auteur fait observer que le Conseil national pour l’égalité des personnes handicapées lui a bien accordé des conseils juridiques et une représentation mais dans le cadre d’une autre procédure judiciaire ayant trait au travail, qu’il avait engagée contre son employeur. Pour donner suite à la demande d’assistance de l’auteur dans la procédure concernant sa pension d’invalidité, le Conseil national pour l’égalité des personnes handicapées l’a informé par oral que sa compétence avait changé par suite de l’adoption de la loi organique sur les personnes handicapées et que, puisqu’il s’agissait d’une demande visant une entité de l’État, il ne pouvait lui prêter son concours.
Observations supplémentaires de l’État partie
6.1Le 16 octobre 2015, l’État partie a soumis des observations supplémentaires concernant les commentaires de l’auteur et a réaffirmé qu’il estimait que la compétence temporelle du Comité s’appliquait aux faits survenus à partir de la date du 3 mai 2008. L’État partie considère que les faits exposés dans la présente communication ne constituent pas une violation qui se poursuit puisque l’auteur touche une pension d’invalidité totale permanente qui s’élève à 1 046 dollars, montant qui est versé chaque mois sur son compte bancaire personnel.
6.2L’État partie réaffirme que les faits exposés par l’auteur ne constituent pas une violation des droits de l’homme. Il indique que la question du montant de la pension est d’ordre financier et qu’elle a déjà été examinée par les juridictions internes, qui ont conclu à l’irrecevabilité de la requête de l’auteur. L’État partie indique en outre que, dans sa requête, l’auteur n’a pas fait valoir de manquement de la part de l’État, s’agissant de ne pas accorder au plaignant les prestations auxquelles il avait droit en vertu de la loi, et que, par voie de conséquence, il n’avait pas été fait obstacle à l’accès de l’auteur aux prestations de sécurité sociale.
6.3Pour ce qui concerne les décisions des juridictions internes, l’État partie souligne que l’auteur a accédé aux recours internes à disposition, tant au niveau prud’homal qu’au niveau constitutionnel. L’État partie considère que l’intention de l’auteur est d’obtenir l’annulation des décisions et conclusions des juridictions nationales concernant ses demandes d’ordre financier, alors que le Comité n’est pas une quatrième instance.
6.4L’État partie indique que les dispositions appliquées pour déterminer le montant de la pension de l’auteur sont conformes à la Constitution, au Code du travail et aux normes internationales telles que celles énoncées dans la Convention de 1964 sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles (no 121) de l’OIT, et il souligne que la compétence du Comité se limite au suivi de la mise en œuvre et de l’application de la Convention, et non pas d’autres sources de droit.
6.5En ce qui concerne les présumées violations du paragraphe 2 de l’article 4, du paragraphe 1 de l’article 5 et du paragraphe 5 de l’article 12, l’État partie fait de nouveau état des informations ayant trait aux mesures législatives et d’orientation générale adoptées conformément à ses obligations internationales. Il indique aussi que, dans le pays, les personnes handicapées ont le droit d’engager des procédures administratives, judiciaires ou constitutionnelles, ce qui est conforme au paragraphe 1 de l’article 13 de la Convention. L’auteur a pu accéder aux procédures judiciaires en son nom propre et il ne peut être conclu à une quelconque violation de ses droits à cet égard.
6.6L’État partie estime que la décision prise par les autorités administratives dans la procédure de reconnaissance du droit de l’auteur à une pension d’invalidité est conforme au cadre législatif en vigueur. Il affirme également que le montant de la pension d’invalidité a augmenté progressivement de 40 % par rapport à la valeur initiale. Par conséquent, le désaccord de l’auteur quant au montant de sa pension ne signifie pas qu’il y ait eu violation de ses droits au regard de l’article 28 de la Convention.
6.7L’État partie réitère sa demande de déclaration d’irrecevabilité de la communication, le Comité n’étant pas compétent ratione temporis, la démonstration n’ayant pas été faite que les faits constituaient des violations des obligations découlant de la Convention, et le Comité ne pouvant agir comme juridiction de quatrième instance. Au cas où le Comité se considérerait compétent pour examiner le fond de l’affaire, l’État partie estime que les faits tels qu’ils ont été présentés ne montrent pas qu’il a manqué à ses obligations.
Commentaires supplémentaires de l’auteur
7.1.Le 2 mai 2016, l’auteur a réaffirmé que l’État partie avait contrevenu aux dispositions de la Constitution, dans laquelle est établie la primauté des droits fondamentaux qui y sont inscrits ainsi que des droits consacrés par les conventions internationales que l’État partie a signées.
7.2L’auteur considère que les décisions des tribunaux nationaux ont constitué un déni de justice en ce qu’elles n’ont pas dûment protégé le principe de la sécurité juridique et le cadre juridique constitutionnel et le droit international pour ce qui est du calcul de sa pension. Par sa communication, il n’entend pas saisir le Comité en tant que quatrième instance, mais cherche à obtenir la protection effective des droits que l’État partie a violés.
7.3L’auteur réaffirme ses allégations initiales en ce qui concerne les articles de la Convention dont il estime qu’ils ont été violés.
Renseignements complémentaires communiqués par les parties
8.1Le 14 juillet 2016, l’État partie a soumis des observations supplémentaires sur les commentaires de l’auteur. L’État partie considère que l’auteur n’a fourni aucun nouvel élément d’information et il apporte des clarifications quant à la compétence temporelle et matérielle du Comité.
8.2S’agissant de la compétence ratione temporis du Comité, l’État partie affirme que, à la lumière des principes du droit international et, en particulier, de l’article 28 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant ne peuvent être appliqués rétroactivement. Il précise qu’il n’est tenu de respecter la Convention et le Protocole facultatif s’y rapportant qu’à compter de la date de leur entrée en vigueur le concernant, à savoir le 3 mai 2008. Or, la décision qui, selon l’auteur, constitue une violation de ses droits a été prise le 19 février 2008. La présumée violation des droits de l’auteur découle d’un acte ponctuel, et non d’actions ou activités de l’État partie qui s’inscriraient dans la durée.
8.3En ce qui concerne la compétence matérielle du Comité, l’État partie indique qu’elle se limite aux violations des dispositions de la Convention et que l’exposé des présumées violations de la Convention de 1964 sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles (no 121) de l’OIT devrait être écarté par le Comité.
9.Les 18 juillet et 5 novembre 2016 et le 13 février 2017, l’auteur a soumis des renseignements complémentaires. Il a de nouveau fait part de ses considérations au sujet de la violation de ses droits et des répercussions sur son niveau de vie, qui ont résulté de la façon dont les autorités de l’État partie avait appliqué la loi lorsqu’il s’était agi de déterminer le montant de sa pension. L’auteur fait observer que l’État partie a violé son droit à un procès équitable lors de la procédure judiciaire interne ayant trait à sa contestation du montant de la pension pour incapacité de travail.
10.1Les 26 octobre 2016 et 5 janvier 2017, l’État partie a réaffirmé sa position concernant les allégations initiales de l’auteur, et a fait observer qu’il n’y avait aucun fait nouveau sur lequel il doive se prononcer.
10.2L’État partie demande au Comité de déclarer la communication irrecevable conformément aux dispositions de l’article premier et des alinéas e) et f) de l’article 2 du Protocole facultatif et à l’article 65 du Règlement intérieur du Comité.
B.Examen de la recevabilité et examen au fond
Délibérations du Comité
Examen de la recevabilité
11.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif et à l’article 65 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.
11.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions de l’alinéa c) de l’article 2 du Protocole facultatif, qu’il n’avait pas déjà examiné la même question et que la question n’avait pas déjà été examinée ou n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.
11.3Le Comité prend note des informations communiquées par l’auteur, selon lesquelles il a épuisé tous les recours internes à disposition. Le Comité prend également note du fait que l’État partie ne fait aucune objection à cet égard. Il conclut, par conséquent, qu’au regard de l’alinéa c) de l’article 2 du Protocole facultatif, rien de l’empêche d’examiner les allégations de l’auteur.
11.4Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la décision par laquelle a été établi le montant de la pension pour incapacité de travail totale permanente, prise le 19 février 2008, est antérieure à la date d’entrée en vigueur de la Convention et du Protocole facultatif et que, par conséquent, les allégations s’y rapportant doivent être considérées comme étant irrecevables en vertu de l’alinéa f) de l’article 2 du Protocole facultatif. Le Comité prend note, toutefois, de l’argument de l’auteur selon lequel, bien que la décision administrative concluant à une violation des droits que l’auteur tient de la Convention se soit produite avant l’entrée en vigueur de la Convention et du Protocole facultatif, elle relève de la compétence du Comité, puisqu’elle a entraîné une violation persistante des droits de l’auteur.
11.5Le Comité rappelle que, conformément à l’alinéa f) de l’article 2 du Protocole facultatif, il est tenu de déclarer irrecevable toute communication qui « porte sur des faits antérieurs à la date d’entrée en vigueur du présent Protocole à l’égard de l’État partie intéressé, à moins que ces faits ne persistent après cette date ». Le Comité rappelle également qu’une violation persistante s’entend de la prolongation, par des actes ou de manière implicite, après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif, de violations commises antérieurement.
11.6En l’espèce, tant la Convention que le Protocole facultatif sont entrés en vigueur à l’égard de l’État partie le 3 mai 2008. Le Comité constate que l’IESS a accordé à l’auteur la prestation d’invalidité pour incapacité de travail totale permanente et en a déterminé le montant dans sa décision no 2008-RT-040 du 19 février 2008, soit à une date antérieure à l’entrée en vigueur de la Convention et du Protocole facultatif.
11.7Toutefois, le Comité prend note des informations soumises par l’auteur au sujet des procédures et décisions judiciaires et administratives qui ont fait suite à ses demandes de révision de sa prestation d’invalidité, à des dates postérieures à l’entrée en vigueur de la Convention et du Protocole facultatif à l’égard de l’État partie. À cet égard, le Comité prend note de ce que l’IESS, le tribunal du contentieux administratif no 2 du district de Guayaquil, la Chambre du contentieux administratif de la Cour nationale de justice et la Cour constitutionnelle ont rendu, les 16 juillet 2008, 24 juin 2010, 22 mai 2012 et 9 janvier 2014, des décisions ayant trait aux recours formés par l’auteur contre la décision administrative relative à sa pension d’invalidité.
11.8Le Comité prend note aussi du fait que le pourvoi formé devant la Commission chargée des prestations et du règlement des différends, de l’IESS, le recours administratif de pleine juridiction et l’action extraordinaire en protection ont été l’occasion pour les autorités judiciaires et administratives d’examiner de manière approfondie les allégations, formulées par l’auteur, de violation de ses droits à l’égalité, à un niveau de vie suffisant et à la protection sociale afin, éventuellement, d’y remédier. De fait, lesdites autorités se sont prononcées sur le différend ayant trait au droit de l’auteur à une pension d’invalidité et sur le montant de cette prestation, établi par la décision du 19 février 2008, et non pas seulement sur sa validité formelle. Par conséquent, ces décisions prises par les autorités sont considérées comme faisant partie des faits qui relèvent de la compétence du Comité, en ce qu’elles sont le résultat de procédures directement liées à la décision administrative à l’origine de la présumée violation des droits de l’auteur, décision qu’elles ont réaffirmée après l’entrée en vigueur de la Convention et du Protocole facultatif à l’égard de l’État partie. Le Comité estime donc qu’il est compétent ratione temporis pour examiner la présente communication.
11.9Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel les griefs soulevés par l’auteur devraient être déclarés irrecevables pour défaut de fondement au regard de l’alinéa e) de l’article 2 du Protocole facultatif.
11.10En ce qui concerne les allégations de l’auteur ayant trait à l’article 2 et aux paragraphes 2 et 4 de l’article 4 de la Convention, le Comité rappelle que, compte tenu de leur caractère général, ces articles ne font pas naître des griefs distincts et ne peuvent être invoqués que conjointement avec d’autres droits garantis par la Convention. Par conséquent, le Comité estime que les griefs de l’auteur ayant trait à l’article 2 et aux paragraphes 2 et 4 de l’article 4 de la Convention, lus seuls, sont irrecevables en vertu de l’alinéa e) de l’article 2 du Protocole facultatif.
11.11Pour ce qui est des allégations de l’auteur sur son droit à l’égalité et à la non‑discrimination, qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 5 de la Convention, le Comité rappelle l’argument de l’auteur selon lequel, dans sa décision, la Cour constitutionnelle a statué en sa défaveur, malgré les jugements rendus dans de précédentes affaires concernant d’anciens membres de l’IESS qui réclamaient des prestations sociales, dans des circonstances identiques à celles de la présente affaire, et où la Cour avait accordé aux auteurs la protection constitutionnelle de leurs droits (voir par. 3.6plus haut). Le Comité relève que l’État partie conteste cette allégation et indique que les autorités judiciaires ont tranché différemment dans deux situations distinctes, dans lesquelles les faits n’étaient pas les mêmes (voir par. 4.7 plus haut), à savoir l’octroi d’une pension vieillesse dans l’affaire no 1394-2006-RA mentionnée par l’auteur, et la détermination du montant de la pension d’invalidité et des dispositions applicables dans sa propre affaire (décision no 005-14-SEP-CC).
11.12En ce qui concerne les allégations de l’auteur au titre de l’article 13 de la Convention, à savoir la violation de son droit d’accéder à la justice dans des conditions d’égalité avec les autres, le Comité prend note des informations fournies par l’auteur, selon lesquelles la Cour nationale de justice et la Cour constitutionnelle auraient privé l’auteur de son droit d’accéder à la justice en n’argumentant pas de façon complète les décisions rendues, en n’offrant pas l’assistance juridique voulue et en n’éliminant pas les obstacles qui se posaient à l’accès aux instances judiciaires, compte tenu de la distance séparant le lieu de résidence de l’auteur et le lieu où les tribunaux siégeaient. Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel les autorités judiciaires ont respecté les procédures instaurées par le droit interne et du fait que l’auteur a bénéficié de conseils juridiques lors des procédures judiciaires. Le Comité prend note également des informations fournies par l’auteur selon lesquelles le Conseil national pour l’égalité des personnes handicapées lui a prêté assistance sur le plan juridique dans le cadre d’une autre procédure judiciaire l’opposant à son ancien employeur mais qui ne traitait pas de la pension d’invalidité (voir par. 5.7 plus haut). Le Comité prend note de l’absence d’informations supplémentaires qui auraient renseigné sur d’éventuelles violations du droit de l’auteur à l’accès à la justice, par exemple sur le refus d’aménagements de la procédure qui auraient été nécessaires et que les instances judiciaires n’auraient pas mis en place. Par conséquent, le Comité estime que le grief que l’auteur tire du paragraphe 1 de l’article 13 de la Convention est insuffisamment étayé et le déclare irrecevable au regard de l’alinéa e) de l’article 2 du Protocole facultatif.
11.13S’agissant des allégations de l’auteur concernant son droit à la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité conformément au paragraphe 5 de l’article 12 de la Convention, le Comité prend note des affirmations de l’auteur selon lesquelles, dans les décisions ayant trait à la pension d’invalidité totale permanente pour risques professionnels, il n’a pas été tenu compte du droit qu’il avait acquis en tant que travailleur d’accéder à ladite pension, et il a été privé de manière arbitraire du versement des prestations dont il avait financièrement besoin et qu’il considère comme représentant son seul bien. Le Comité prend note également des arguments de l’État partie concernant l’absence d’éléments démontrant de quelle manière ce droit de l’auteur a été violé chaque fois, sachant que la législation interne reconnaît la capacité juridique des personnes handicapées, excepté en cas d’interdiction judiciaire. Le Comité prend note à cette occasion de l’absence d’informations sur une éventuelle limitation du droit de l’auteur à la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité, en particulier de la capacité juridique de l’auteur, qui aurait pu retentir sur la reconnaissance de son droit à une pension d’invalidité pour risques professionnels ou qui aurait pu le priver arbitrairement de cette prestation. Partant, le Comité estime que le grief fondé sur le paragraphe 5 de l’article 12 de la Convention n’est pas suffisamment étayé et le déclare irrecevable au regard de l’alinéa e) de l’article 2 du Protocole facultatif.
11.14En ce qui concerne la violation des droits de l’auteur au regard de l’article 27 de la Convention (travail et emploi), le Comité prend note des arguments de l’auteur selon lesquels, lors des procédures ayant trait à sa pension d’invalidité totale permanente pour risques professionnels, il a été porté atteinte à son droit d’exercer les droits du travail et les droits syndicaux dans des conditions d’égalité avec les autres, en ce que la norme inscrite dans la Convention de 1964 sur les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles (no 121) de l’OIT, à savoir le montant minimal que doivent obtenir les travailleurs lorsqu’ils bénéficient d’une pension d’invalidité, n’a pas été appliquée. Le Comité prend note des arguments de l’État partie concernant les mesures législatives et de politique générale qui reconnaissent aux personnes handicapées le droit au travail et les garanties y afférentes (voir par. 4.10 plus haut). Le Comité estime qu’il ne dispose d’aucune information sur une relation de travail actuelle de l’auteur qui lui permettrait de se prononcer sur une violation des droits en rapport avec cette relation. Partant, le Comité déclare le grief que l’auteur tient de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 27 de la Convention irrecevable au regard de l’alinéa e) de l’article 2 du Protocole facultatif.
11.15En ce qui concerne les allégations de l’auteur quant à son droit à un niveau de vie suffisant et à la protection sociale, qu’il tient de l’alinéa e) du paragraphe 2 de l’article 28 de la Convention, le Comité prend note des arguments de l’auteur selon lesquels la pension d’invalidité totale permanente ne lui permet pas d’avoir un niveau de vie suffisant correspondant à la norme établie par la Convention, en particulier pour ce qui est de l’accès des personnes handicapées, dans des conditions d’égalité, aux programmes et prestations de retraite. Le Comité prend note également des affirmations de l’auteur selon lesquelles la réduction du montant de sa pension d’invalidité a eu des répercussions considérables sur ses propres conditions de vie et sur celles de sa famille, sachant que cette pension représente sa seule source de revenus et de moyens de subsistance. Le Comité prend note en outre de l’argument de l’État partie selon lequel la législation pertinente a été appliquée lors de la détermination du montant des prestations sociales pour incapacité, ainsi que des informations fournies quant aux versements effectués à l’auteur depuis la date à laquelle la pension d’invalidité lui a été accordée et de l’augmentation annuelle des prestations versées, qui tient compte du coût de la vie dans l’État partie. Le Comité estime que l’auteur n’a pas fourni d’informations suffisantes sur la manière dont le montant de la pension d’invalidité qu’il perçoit le lèse concrètement ou l’empêche de subvenir à ses propres besoins quotidiens ou à ceux des personnes dont il a la charge. Le Comité estime, en particulier, qu’il manque d’éléments précis qui lui permettent d’établir une éventuelle atteinte du droit de l’auteur à un niveau de vie suffisant. Le Comité prend note également de l’absence d’éléments qui permettent de déterminer si l’auteur a effectivement fait l’objet d’une discrimination fondée sur le handicap, dans le sens de l’article 2 de la Convention, dans le cadre des procédures ayant trait à sa pension d’invalidité et dans les décisions adoptées à cet égard.
11.16Le Comité prend note des affirmations de l’auteur ayant trait à l’application de dispositions moins favorables à la réalisation de ses droits consacrés par la Convention, en particulier de la décision 100 C.D. du 21 février 2006, qui aurait été appliquée rétroactivement, au détriment des droits à une pension d’invalidité qu’il avait acquis, dont le montant mensuel avait été établi à 2 311,32 dollars par la décision 741 (Règlement relatif à l’assurance générale contre les risques du travail) (voir par. 2.4 plus haut). Sur la base des informations communiquées par l’auteur, le Comité prend note que la décision 100 C.D. du 21 février 2006 portait création d’un régime transitoire avec effet rétroactif pour l’approbation des prestations et leur versement aux requérants, et prévoyait pour les prestations accordées dans le cadre de ce régime un montant maximal de 750 dollars par mois, inférieur à celui prévu dans la législation précédente.
11.17Aux fins de la recevabilité, le Comité rappelle qu’il ne peut examiner les constatations de fait ou l’application de la législation nationale que lorsqu’il peut être établi que les procédures engagées devant les juridictions nationales ont été arbitraires ou ont constitué un déni de justice ou si elles ont constitué un déni de justice qui a porté atteinte à un droit reconnu dans la Convention. Dans la communication à l’examen, le Comité estime que les allégations de l’auteur ont trait à l’interprétation et l’application de la législation interne et qu’il n’y a ni informations ni preuves qui permettent de conclure que l’application des dispositions en vigueur pour la détermination de la pension d’invalidité de l’auteur était arbitraire ou constituait un déni de justice. Le Comité considère donc que les griefs soulevés par l’auteur sont irrecevables au regard de l’alinéa e) de l’article 2 du Protocole facultatif.
C.Conclusion
12.En conséquence, le Comité décide :
a)Que la communication est irrecevable au regard de l’alinéa e) de l’article 2 du Protocole facultatif ;
b)Que la présence décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.