Nations Unies

CRPD/C/22/D/43/2017

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

10 octobre 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 5 du Protocole facultatif, concernant la communication no 43/2017 * , **

Communication présentée par :

N. B. et M. W. J. (représentées par un conseil, Inclusion London)

Au nom de :

N. B. et M. W. J.

État partie :

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

Date de la communication :

25 mai 2015 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise en application de l’article 70 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 16 novembre 2017 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision :

6 septembre 2019

Objet :

Accès à des prestations destinées aux personnes handicapées

Question(s) de procédure :

Épuisement des recours internes ; fondement des griefs ; abus du droit de présenter des communications

Question(s) de fond :

Autonomie de vie ; protection de l’intégrité de la personne ; mobilité personnelle ; participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports

Article(s) de la Convention :

17, 19, 20, 30 et 31

Article(s) du Protocole facultatif:

2 b), d) et e)

1.1Les auteures de la communication sont N. B. et M. W. J., de nationalité britannique, nées en 1984 et en 1963, respectivement. Elles affirment que l’État partie a violé les droits qu’elles tiennent des articles 17, 19, 20, 30 et 31 de la Convention. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 6 septembre 2009. Les auteures sont représentées par un conseil.

1.2Le 30 mai 2018, en application du paragraphe 8 de l’article 70 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a décidé d’examiner la recevabilité de la communication séparément du fond, ainsi que l’État partie le lui avait demandé.

A.Résumé des renseignements fournis et des arguments avancés par les parties

Rappel des faits présentés par les auteures

N. B.

2.1L’auteure présente une dystrophie musculaire. Elle vit avec ses parents à Harrow (Londres). Elle utilise un fauteuil roulant électrique et a besoin d’aide pour accomplir presque toutes les tâches de la vie quotidienne. En 2005, l’administration de l’arrondissement londonien de Harrow lui a accordé trente-cinq heures d’aide personnelle. Toutefois, cette aide ne couvrait pas l’assistance dont l’auteure avait besoin pour jouer au foot fauteuil. Son assistant social de l’époque lui a suggéré de déposer une demande d’aide auprès du Fonds pour l’autonomie des personnes handicapées (Independent Living Fund), organisme public non ministériel. L’auteure s’est entretenue avec un employé du Fonds, qui lui a fait savoir que le Fonds serait en mesure de prendre en charge les services d’un assistant personnel, grâce auquel elle pourrait continuer à jouer au foot fauteuil. Cependant, elle n’a pas déposé de demande à ce moment-là et ce n’est que quelques années plus tard qu’elle a appelé le Fonds pour solliciter une aide. On lui a alors dit qu’un formulaire de demande lui serait envoyé. Lorsqu’elle a rappelé quelques jours plus tard pour signaler qu’elle n’avait pas reçu le formulaire, elle a été informée que le Fonds n’acceptait plus de nouveaux bénéficiaires.

2.2Au moment de la soumission de la communication, l’administration de l’arrondissement londonien de Harrow avait évalué que l’auteure avait besoin de trente‑deux heures d’aide personnelle par semaine pour se lever le matin, prendre son petit‑déjeuner et aller se coucher le soir. L’auteure a besoin de deux assistants simultanément, car elle doit être soulevée au moyen d’un lève-personne. Dans le cadre du programme Access to Work (« Accès au travail »), elle bénéficie aussi, à raison de trente‑trois heures par semaine, du soutien d’une personne chargée de l’aider à accomplir des tâches physiques au travail. Elle emploie sa mère comme assistante. Elle reçoit également de l’État l’Allocation de subsistance pour personnes handicapées (Disability Living Allowance), dont le montant total s’élève à 127 livres sterling par semaine (environ 161 dollars des États-Unis). Enfin, elle reçoit une allocation d’études pour personnes handicapées, grâce à laquelle elle bénéficie de cinq heures de soutien par semaine. Avec cette allocation, elle emploie son père. Elle affirme que ces mesures de soutien ne lui permettent pas de mener une vie indépendante, notamment d’aller à des rendez-vous galants ou de s’entraîner suffisamment pour jouer au foot fauteuil.

M. W. J.

2.3En 2006, l’auteure a subi une lésion cérébrale, qui a entraîné une perte de mobilité et l’a privée de la parole par suite de la paralysie de muscles crâniens. De ce fait, elle a bénéficié d’aides substantielles, y compris de la part du Fonds. Elle vivait avec son mari, qui a pu continuer à travailler puisqu’elle recevait tout le soutien nécessaire. Elle a fait de tels progrès qu’en 2009, après réévaluation de ses besoins, elle est passée du niveau élevé au niveau intermédiaire de l’Allocation de subsistance pour personnes handicapées, et a cessé de recevoir l’aide du Fonds, car elle n’avait plus besoin que d’environ la moitié des soins dont elle bénéficiait jusqu’alors.

2.4En 2011, l’auteure et son mari ont eu un accident de la route. L’auteure a eu un tympan perforé et une clavicule fracturée et a subi une nouvelle lésion cérébrale, qui a provoqué l’apparition de crises d’épilepsie. Elle a vécu cinq crises graves entre juillet 2012 et mai 2013, et a dû être hospitalisée, à chaque fois, plusieurs nuits durant. Une crise survenue en 2013 n’a pu être stoppée qu’en plaçant l’auteure dans un coma artificiel, décrit comme susceptible de mettre ses jours en danger. Les médicaments ont atténué les crises, mais ont aussi réduit la mobilité de l’auteure et aggravé son état de confusion et de fatigue et ses troubles de l’élocution. L’auteure reçoit à nouveau le montant le plus élevé de l’Allocation de subsistance pour personnes handicapées, mais ne peut déposer de demande auprès du Fonds, celui-ci n’acceptant plus de nouveaux bénéficiaires. L’auteure a recours aux services de cinq assistants personnels à raison de huit heures par jour. Sa fille de 16 ans l’aide pendant quelques heures le soir et son mari l’aide la nuit et le week-end. Cependant, elle n’a aucun temps libre quand son mari est absent, car elle a constamment besoin d’assistance.

Fonds pour l’autonomie des personnes handicapées

2.5Au moment de la soumission de la communication, le Fonds était un organisme public non ministériel, qui relevait du Département du travail et des retraites. Il disposait d’un budget annuel de 350 millions de livres pour venir en aide à environ 20 000 personnes gravement handicapées. Il jouait un rôle bien particulier au sein du régime de soutien aux personnes handicapées, puisqu’il offrait une assistance complémentaire aux aides apportées par les autorités locales et aux aides fournies dans le cadre du dispositif de protection sociale. Le 17 juin 2010, les administrateurs du Fonds ont décidé, à titre provisoire, que le Fonds n’accepterait plus de nouveaux bénéficiaires, et le 13 décembre 2010, ils ont annoncé que cette décision était devenue définitive. Cette annonce a fait l’objet d’une déclaration ministérielle, dans laquelle il était fait mention de consultations informelles avec les organisations de défense des personnes handicapées. Toutefois, les auteures affirment qu’aucune consultation n’a eu lieu et qu’aucune étude d’incidence n’a été menée, contrairement à ce que prévoit la législation sur les soins de proximité, notamment la loi de 2010 sur l’égalité (Equality Act 2010) et la loi de 1990 sur le Service national de santé et les soins de proximité (National Health Service and Community Care Act 1990). Le Fonds a été définitivement clôturé le 30 juin 2015.

2.6Les auteures font savoir qu’au moment où la décision a été prise de ne plus accepter de nouveaux bénéficiaires du Fonds, elles ne l’ont pas contestée. Elles soutiennent qu’une telle décision n’aurait pu être contestée que par une demande de contrôle juridictionnel, déposée au motif que les autorités nationales n’avaient pas mené de consultations, contrevenant ainsi aux obligations prévues par la loi sur l’égalité. Cette contestation aurait dû prendre la forme d’un recours administratif devant les tribunaux administratifs. D’après les règles de procédure civile, une demande de contrôle juridictionnel doit être déposée rapidement et, en tout état de cause, au plus tard trois mois après que la mesure contestée a été prise. Les auteures font valoir que les personnes dans leur position et dans leur situation avaient peu de chances de savoir qu’elles pouvaient former un recours contre cette décision. Elles ajoutent que, quoi qu’il en soit, une demande de contrôle juridictionnel n’aurait pas constitué un recours utile, puisqu’il se serait agi d’un recours administratif et non d’un examen au fond du bien-fondé de la décision.

Teneur de la plainte

3.Les auteures affirment que les droits qu’elles tiennent des articles 17, 19, 20, 30 et 31 de la Convention ont été violés. Elles font valoir que la décision prise en 2010 de ne plus accepter de nouveaux bénéficiaires du Fonds a réduit les possibilités de soutien à leur disposition et, en particulier, leur capacité à mener une vie autonome et à s’épanouir, étant donné que le système de soins local couvre exclusivement les soins de base essentiels. Elles ajoutent que la clôture du Fonds les empêchera de vivre de façon autonome dans le logement de leur choix, les obligera à vivre en institution, et réduira considérablement leur mobilité. En outre, elles soutiennent que N. B. ne pourra plus pratiquer son hobby, le foot fauteuil. Elles déclarent qu’en ne menant pas de consultations sur la clôture du Fonds et en ne procédant pas à une étude de l’incidence de cette clôture sur l’égalité, l’État partie n’a pas respecté les obligations énoncées par la loi sur l’égalité et a violé les droits qu’elles tiennent de l’article 31 de la Convention.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Le 8 février 2018, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité de la communication. Il affirme que la communication devrait être déclarée irrecevable parce que : a) les auteures n’ont pas épuisé les recours internes disponibles comme l’exige l’alinéa d) de l’article 2 du Protocole facultatif ; b) la plainte constitue un abus du droit de présenter des communications au sens de l’alinéa b) de l’article 2 du Protocole facultatif, car il y a eu un délai important et injustifié entre le moment où se sont produits les faits visés dans la plainte et le dépôt de la plainte elle-même ; c) la plainte est manifestement sans fondement au regard de l’alinéa e) de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.2L’État partie fait remarquer que les auteures n’ont pas laissé entendre qu’elles avaient tenté de contester devant les juridictions internes la décision prise de ne plus accepter plus de nouveaux bénéficiaires du Fonds. Il relève que les auteures n’ont déposé de demande de contrôle juridictionnel : a) ni au moment où il a été décidé que le Fonds n’accepterait plus de nouveaux bénéficiaires ; b) ni au moment où elles ont pris connaissance de cette décision ; c) ni à un quelconque autre moment avant de présenter leur communication au Comité. Il affirme que la communication est par conséquent irrecevable au motif que les auteures n’ont pas épuisé les recours internes disponibles.

4.3L’État partie fait observer que la décision prise de ne plus accepter de nouveaux bénéficiaires du Fonds à partir de juin 2010 a été annoncée publiquement par le Directeur de la politique stratégique et le Directeur général du Fonds. De plus, la Ministre chargée des personnes handicapées a annoncé dans une déclaration ministérielle écrite, adressée au Parlement le 13 décembre 2010, que, de façon définitive, le Fonds n’accepterait plus de nouveaux bénéficiaires. Cette décision a été prise à la suite de consultations informelles avec des organisations de défense des personnes handicapées, des représentants des administrations locales et des membres du Département de la santé et de la protection sociale. Le 18 décembre 2012, le Gouvernement a annoncé publiquement qu’il avait décidé de clôturer totalement le Fonds à partir d’avril 2015. Cette mesure s’inscrivait dans le cadre d’une politique consistant à déléguer aux autorités locales et aux administrations décentralisées certaines responsabilités relatives au financement de la prise en charge des personnes handicapées.

4.4L’État partie fait savoir que la décision de clôturer le Fonds a fait l’objet d’un recours par voie de contrôle juridictionnel devant la Haute Cour d’Angleterre et du pays de Galles, et que cette affaire a été très médiatisée. La décision de la Haute Cour a donné lieu à un appel devant la Cour d’appel. En 2013, la Cour d’appel a jugé que la décision de clôturer le Fonds était illégale parce que le Secrétaire d’État avait manqué à l’obligation d’égalité dans le secteur public, consacrée par l’article 149 de la loi sur l’égalité, en ne tenant pas dûment compte des considérations d’égalité visées à cet article. Le Département du travail et des retraites a ensuite reconsidéré la question et procédé à une nouvelle étude de l’incidence de la clôture du Fonds sur l’égalité. Sur la base de cette étude, entre autres éléments, le Secrétaire d’État a décidé à nouveau de clôturer le Fonds. Cette décision a été annoncée dans une déclaration ministérielle écrite du 6 mars 2014. Elle a fait l’objet en 2014 d’un nouveau recours par voie de contrôle juridictionnel, également très médiatisé, qui n’a pas abouti. Le Fonds a été clôturé le 30 juin 2015 et tous les fonds alloués à ses activités ont été réaffectés aux autorités locales.

4.5L’État partie relève en outre que la plainte des auteures porte sur une décision précise, celle de ne plus accepter de nouveaux bénéficiaires du Fonds, et que cette décision a été prise près de cinq ans avant que les auteures ne soumettent leur communication au Comité. Dans l’intervalle, le Fonds a cessé d’exister. L’État partie soutient que les auteures auraient pu et dû contester la décision de ne plus accepter de nouveaux bénéficiaires du Fonds en saisissant la Haute Cour d’une demande de contrôle juridictionnel, et il fait observer que c’est l’approche suivie par d’autres personnes. Il fait valoir que le droit interne du Royaume-Uni offre à la fois un moyen efficace de contestation et une série de recours utiles aux personnes désireuses de contester une décision prise par un organisme public.

4.6L’État partie note que les auteures ont affirmé ne pas avoir pu contester la décision prise de ne plus accepter de nouveaux bénéficiaires du Fonds parce que tout recours aurait été formé trop tard. Il fait observer qu’en application des règles de procédure civile, qui régissent les procédures engagées devant les chambres civiles des tribunaux d’Angleterre et du pays de Galles, toutes les demandes de contrôle juridictionnel doivent être déposées : a) rapidement ; b) en tout état de cause, au plus tard trois mois après le moment où se sont produits les faits exposés dans la demande. Toutefois, la Haute Cour a le pouvoir d’autoriser le dépôt d’une demande de contrôle juridictionnel hors délai s’il existe une bonne raison de le faire. Elle a exercé ce pouvoir discrétionnaire dans des affaires où le demandeur n’avait pas eu connaissance à temps de la décision, mais avait agi rapidement une fois au courant et avait soulevé dans sa demande des questions d’intérêt public. L’État partie soutient que les auteures auraient pu et dû former un recours par voie de contrôle juridictionnel immédiatement après avoir appris que le Fonds n’acceptait plus de nouveaux bénéficiaires, et qu’il est presque certain que ce recours n’aurait pas été rejeté simplement pour cause d’expiration du délai. Il relève en outre que les auteures ne précisent pas à quelle date elles ont appris que le Fonds n’acceptait plus de nouveaux bénéficiaires, mais qu’il semble que N. B. aurait pu déposer une demande de contrôle juridictionnel dans les temps ou peu après l’expiration du délai de trois mois. En effet, d’après les informations qu’elle a elle-même communiquées, N. B. aurait appris par téléphone que le Fonds n’acceptait plus de nouveaux bénéficiaires peu de temps après que la décision a été prise. L’État partie déclare que la situation de M. W. J. est moins claire, mais que celle-ci aurait pu demander à la Haute Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’extension du délai en faisant valoir qu’elle n’avait pas été au courant, en juin 2010, que le Fonds n’acceptait plus de nouveaux bénéficiaires.

4.7L’État partie relève également l’affirmation des auteures selon laquelle une demande de contrôle juridictionnel n’aurait pas constitué un recours suffisant ou utile, puisqu’il ne se serait agi que d’un recours administratif. Il soutient que les auteures étaient en droit de contester tant sur le plan de la procédure que sur le fond la décision prise de ne plus accepter de nouveaux bénéficiaires du Fonds. Selon lui, le fait que les appelants ont obtenu gain de cause dans l’affaire Bracking prouve qu’il est possible de contester la décision d’une autorité publique sur la base d’éléments de procédure, par exemple en faisant valoir que le décideur n’a pas mené de véritables consultations ou n’a pas respecté les obligations énoncées à l’article 149 de la loi sur l’égalité, et d’obtenir l’annulation de cette décision. L’État partie ajoute que les auteures étaient aussi en droit de contester la décision sur le fond. Il note que des personnes ayant contesté par voie de contrôle juridictionnel certaines décisions prises dans le domaine de la sécurité sociale et des prestations sociales ont obtenu gain de cause en avançant que ces décisions contrevenaient à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme) et constituaient une discrimination illégale à l’égard des personnes handicapées. Il affirme que l’argument des auteures selon lequel celles-ci ne disposaient pas d’un recours interne suffisant et utile est totalement dénué de fondement.

4.8L’État partie soutient également qu’il y a abus du droit de présenter des communications au vu du long délai écoulé entre la décision de ne plus accepter de nouveaux bénéficiaires du Fonds, prise en décembre 2010, et la présentation de la communication au Comité en mai 2015. Il affirme que, bien que la Convention et le Protocole facultatif ne fixent pas de limite de temps pour la présentation de communications au Comité, les organes conventionnels ont toujours jugé, en pareilles circonstances, que le fait de déposer une plainte après un délai long et injustifiable constituait un abus du droit de présenter des communications. L’État partie fait observer qu’en l’espèce, près de cinq années se sont écoulées et que les auteures n’ont pas fourni d’explication appropriée ou suffisante pour justifier un tel délai. Il ajoute que ce délai est particulièrement important dans la mesure où les auteures ont attendu que la clôture du Fonds soit imminente avant de se plaindre d’une décision antérieure, à savoir celle de ne plus accepter de nouveaux bénéficiaires.

4.9L’État partie affirme que la communication est manifestement sans fondement, car : a) le recours des auteures est sans objet, le Fonds ayant été définitivement clôturé et les fonds ayant été réaffectés aux autorités locales et aux administrations décentralisées ; b) les auteures n’ont pas apporté la preuve qu’elles auraient pu prétendre à des prestations au titre du Fonds, et donc que la clôture de celui-ci les a directement touchées ; c) les auteures n’ont pas démontré que, à la suite du refus par le Fonds d’accepter de nouveaux bénéficiaires, il leur serait impossible de vivre de façon autonome, sachant que les autorités locales et les administrations décentralisées sont chargées de venir en aide aux personnes handicapées en application de la loi de 2014 sur la protection sociale (Care Act 2014), dans le cadre de laquelle la notion d’autonomie de vie est un principe fondamental. L’État partie fait observer qu’en plus de l’assistance apportée par les autorités locales en application de la loi sur la protection sociale, les personnes handicapées peuvent prétendre à diverses pensions d’invalidité, qui visent à les aider à supporter les coûts supplémentaires qu’entraîne leur handicap et à vivre de façon plus autonome. Il soutient que les auteures n’ont pas prouvé être dans l’incapacité de vivre de façon autonome en raison du refus par le Fonds d’accepter de nouveaux bénéficiaires.

Commentaires des auteures sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Les auteures réaffirment leur argument selon lequel elles n’ont pas formé de recours par voie de contrôle juridictionnel parce que le délai aurait été dépassé et qu’une telle contestation n’aurait pas constitué un recours utile. Elles font valoir que le contrôle juridictionnel est une voie de contestation des décisions d’autorités publiques et qu’il s’agit d’une procédure discrétionnaire. Elles déclarent que N. B. a appris la clôture du Fonds le jour même ou autour de cette date. Alors même que N. B. travaillait à l’époque pour une organisation de défense des personnes sourdes et des personnes handicapées en général, ni elle ni les autres membres de cette organisation n’ont pris conscience à ce moment-là qu’il lui était possible de contester la clôture du Fonds, sachant en particulier qu’elle n’était pas bénéficiaire du Fonds elle-même.

5.2Les auteures font aussi observer que les coûts associés à un recours par voie de contrôle juridictionnel sont prohibitifs et qu’une telle procédure ne peut généralement être engagée que par des personnes bénéficiant de l’aide juridictionnelle. Elles ajoutent que cette aide est très difficile à obtenir et est réservée aux personnes qui bénéficient de prestations sous condition de ressources et ont de très faibles revenus. Selon les auteures, il aurait été très improbable que l’une ou l’autre puisse prétendre à l’aide juridictionnelle étant donné que N. B. travaillait à temps plein et que les revenus du mari de M. W. J. auraient été pris en compte pour déterminer si celle-ci avait droit à une telle aide. Le régime de l’aide juridictionnelle ne permet pas de déduire du calcul les dépenses liées au handicap. Les auteures soutiennent que, même si N. B. avait été consciente de la possibilité d’une contestation ou si M. W. J. avait été au courant de la décision prise de ne plus accepter de nouveaux bénéficiaires du Fonds, il est très improbable, faute de ressources, que l’une ou l’autre aurait alors pu former un recours par voie de contrôle juridictionnel.

5.3En ce qui concerne l’argument de l’État partie selon lequel la plainte constitue un abus du droit de présenter des communications, les auteures rappellent que ni la Convention ni le Protocole facultatif ne fixent de limite de temps pour la présentation de communications au Comité. Par conséquent, elles estiment que l’affirmation selon laquelle la communication a été présentée avec un retard excessif est sans fondement.

5.4Pour ce qui est de l’argument de l’État partie selon lequel elles n’ont pas suffisamment étayé leurs griefs aux fins de la recevabilité, les auteures font valoir, premièrement, que leur recours n’est pas sans objet. Si le Fonds n’existe plus, les objectifs qu’il poursuivait demeurent. En outre, l’État partie a manqué à l’obligation qui lui incombait de mener des consultations sur la clôture du Fonds. Deuxièmement, les auteures ont été directement touchées par la décision prise de ne plus accepter de nouveaux bénéficiaires, puisque M. W. J. aurait pu prétendre à des prestations et que N. B. était sur le point de soumettre une demande. Troisièmement, les prestations prévues par la loi sur la protection sociale ne répondent pas aux mêmes besoins et objectifs que celles qu’accordait le Fonds.

B.Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif et à l’article 65 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions de l’alinéa c) de l’article 2 du Protocole facultatif, qu’il n’avait pas déjà examiné la même question et que la question n’avait pas déjà été examinée ou n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité relève que, selon l’État partie, la communication devrait être déclarée irrecevable au regard de l’alinéa d) de l’article 2 du Protocole facultatif pour non‑épuisement des voies de recours internes, car les auteures n’ont déposé de demande de contrôle juridictionnel ni au moment où il a été décidé que le Fonds n’accepterait plus de nouveaux bénéficiaires, ni au moment où elles ont pris connaissance de cette décision, ni à un quelconque autre moment avant de lui présenter leur communication. Il prend note de l’argument de l’État partie selon lequel les auteures auraient pu contester tant sur le plan de la procédure que sur le fond la décision de ne plus accepter de nouveaux bénéficiaires du Fonds, ainsi que de l’argument selon lequel les auteures auraient pu faire valoir en particulier que la décision constituait une discrimination illégale à l’égard des personnes handicapées. Il relève en outre les affirmations des auteures selon lesquelles celles-ci n’ont pas pu déposer de demande de contrôle juridictionnel parce que le délai aurait été dépassé, parce que le contrôle juridictionnel est une procédure discrétionnaire et parce que les coûts associés à cette voie de recours sont prohibitifs, sachant qu’il aurait été très improbable que l’une ou l’autre puisse prétendre à l’aide juridictionnelle.

6.4Le Comité rappelle sa jurisprudence, dont il ressort que, bien qu’il ne soit pas obligatoire d’épuiser les recours internes si ceux-ci n’ont aucune chance raisonnable d’aboutir, les auteurs des communications doivent faire preuve de la diligence voulue pour exercer les voies de recours qui leur sont ouvertes, et fait observer que de simples doutes ou supputations quant à l’utilité des recours internes ne dispensent pas les auteurs de les épuiser. En l’espèce, il constate que les auteures n’ont pas déposé de demande de contrôle juridictionnel pour contester la décision prise de ne plus accepter de nouveaux bénéficiaires du Fonds. Il note que les auteures affirment ne pas avoir pu contester la décision car, au moment où elles ont eu connaissance de la possibilité de le faire, le délai de trois mois était dépassé. Il relève toutefois l’argument de l’État partie selon lequel, d’après les règles de procédure civile, les auteures auraient pu introduire une demande de contrôle juridictionnel lorsqu’elles ont appris que le Fonds n’acceptait plus de nouvelles demandes, et il n’était donc pas obligatoire, du point de vue de la procédure, que la demande soit déposée dans les trois mois suivant la décision. Il constate que les auteures n’ont pas fourni d’autres informations pour contester l’argument de l’État partie à cet égard. Il constate en outre que les auteures n’ont pas contesté les affirmations de l’État partie selon lesquelles : a) la décision de clôturer le Fonds avait été annoncée publiquement ; b) les demandes de contrôle juridictionnel déposées par d’autres personnes touchées avaient également été très médiatisées ; c) N. B. avait été informée de la clôture du Fonds par téléphone peu de temps après que la décision avait été prise et aurait donc pu contester cette décision dans le délai initial de trois mois. Il note que, d’après les auteures, le contrôle juridictionnel est une procédure discrétionnaire et ne constitue donc pas un recours utile. Il relève cependant l’argument de l’État partie, qui n’a pas été contré, selon lequel les auteures auraient pu contester tant sur le plan de la procédure que sur le fond la décision de ne plus accepter de nouveaux bénéficiaires du Fonds, et faire valoir que cette décision constituait une discrimination à l’égard des personnes handicapées. Il note enfin que les auteures affirment n’avoir pas pu contester la décision en raison de contraintes financières et de difficultés d’accès à l’aide juridictionnelle. Il fait toutefois observer que les auteures n’ont pas prouvé avoir tenté de faire une demande d’aide juridictionnelle. Il considère que les auteures n’ont pas épuisé les recours internes puisqu’elles n’ont pas déposé de demande de contrôle juridictionnel. Il considère donc que la communication est irrecevable au regard de l’alinéa d) de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.5Étant parvenu à cette conclusion, le Comité n’examinera pas séparément les motifs d’irrecevabilité énoncés aux alinéas b) et e) de l’article 2 du Protocole facultatif.

C.Conclusions

7.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’alinéa d) de l’article 2 du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et aux auteures.