Nations Unies

CAT/C/52/D/455/2011*

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

20 juin 2014

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Communication no 455/2011

Décision adoptée par le Comité à sa cinquante-deuxième session(28 avril-23 mai 2014)

Communication présentée par:

X. Q. L. (représentée par un conseil, John Clark de Balmain for Refugees)

Au nom de:

X. Q. L.

État partie:

Australie

Date de la requête:

3 mars 2011 (lettre initiale)

Date de la présente décision:

2 mai 2014

Objet:

Risque d’expulsion de la requérante vers la Chine

Questions de procédure:

Questions de fond:

Expulsion d’une personne vers un pays où elle pourrait courir le risque d’être soumise à la torture

Articles de la Convention:

3 et 22

Annexe

Décision du Comité contre la torture au titre de l’article 22de la Convention contre la torture et autres peinesou traitements cruels, inhumains ou dégradants(cinquante-deuxième session)

concernant la

Communication no 455/2011

Présentée par:

X. Q. L. (représentée par un conseil, John Clark de Balmain for Refugees)

Au nom de:

X. Q. L.

État partie:

Australie

Date de la requête:

3 mars 2011 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 2 mai 2014,

Ayant achevé l’examen de la requête no 455/2011 présentée par X. Q. L. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22de la Convention contre la torture

1.1La requérante est X. Q. L., de nationalité chinoise, née le 8 octobre 1978 et résidant en Australie. Elle affirme que son expulsion vers la Chine constituerait une violation par l’Australie de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle est représentée par un conseil, John Clark de Balmain for Refugees.

1.2Le 4 mars 2011, en application du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, le Comité a prié l’État partie de ne pas expulser la requérante vers la Chine tant que l’affaire serait à l’examen. L’État partie a par la suite informé le Comité qu’il lui communiquerait toute décision concernant l’expulsion de la requérante qui pourrait être prise avant que le Comité ait rendu sa décision surla recevabilité et sur le fond.

Rappel des faits présentés par la requérante

2.1La requérante est née à Fuqing dans la province du Fujian (Chine), le 8 octobre 1978. En janvier 2005, elle a commencé à pratiquer la religion Tien Tao qu’un ami, J. P. H., lui avait fait connaître.

2.2La police a pris contact avec la requérante en février 2005 pour l’interroger au sujet de ses activités avec l’organisation Tien Tao. Placée en garde à vue au poste de police, la requérante a été battue et on lui a demandé d’aider les policiers à arrêter les autres membres de l’organisation. Elle a eu l’index gauche écrasé pendant ces violences. Elle a été libérée le lendemain. Elle a été soignée pour sa blessure à l’hôpital 73301 de Fuqing.

2.3Dans les jours qui ont suivi l’incident, la requérante a été contactée par la police qui lui a demandé de donner des informations sur les membres de l’organisation Tien Tao, dont J. P. H. Elle a également été contrainte de prendre contact avec J. P. H. En avril 2005, elle s’est enfuie à Chongqing (comté de Bishang) et s’est cachée chez un ami. La police est allée voir sa famille à plusieurs reprises dans le Fujian munie d’un mandat d’arrêt la visant. Par la suite, sa famille a acheté un passeport indiquant une fausse identité pour lui permettre de quitter la Chine. La requérante est arrivée en Australie le 19 avril 2005 munie d’un visa de tourisme valable.

2.4Craignant que sa famille et elle-même ne soient persécutées par les autorités chinoises si elle retournait en Chine, la requérante a présenté au Ministère australien de l’immigration et de la citoyenneté («le Ministère de l’immigration») une demande de visa de protection le 27 mai 2005, en utilisant la même fausse identité et en affirmant qu’elle était adepte du Falun Gong, comme le lui avait conseillé l’agent de l’immigration. Le 18 août 2005, sa demande a été rejetée. Le 12 septembre 2005, elle a formé un recours auprès du Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés, qui a confirmé la décision de refus le 11 janvier 2006. Le Tribunal a indiqué qu’il ne pouvait pas vérifier son identité, ni si elle était adepte du Tien Tao en Chine avant d’arriver en Australie. La requérante affirme que, à cause du conseil fallacieux que lui avait donné l’agent de l’immigration, elle a perdu une occasion de présenter réellement ses griefs aux autorités australiennes.

2.5La demande de contrôle juridictionnel que la requérante a soumise au Tribunal d’instance fédéral et son appel auprès de la Cour fédérale ont été rejetés le 30 août 2006 et le 23 février 2007, respectivement. Le 27 décembre 2007 et le 30 novembre 2009, la requérante a demandé l’intervention du Ministre de l’immigration, mais ces deux requêtes n’ont pas été jugées conformes aux directives applicables et n’ont pas été soumises au Ministre pour examen. La requérante affirme qu’elle a épuisé tous les recours internes.

2.6La requérante est entrée dans une communauté Tien Tao à Sydney en août 2005 et affirme être une pratiquante régulière depuis lors. C’est là qu’elle a rencontré L. D. Z., maître du temple Tien Tao qu’elle fréquente. À sa demande, L. D. Z. a rendu visite à ses enfants lorsqu’elle est allée en Chine en 2011. Par la suite, elle a été arrêtée, harcelée et menacée par la police chinoise, qui l’a interrogée au sujet de sa relation avec la requérante.

Teneur de la plainte

3.1La requérante affirme que son renvoi forcé en Chine constituerait une violation de l’article 3 de la Convention car elle craint d’être torturée par les autorités chinoises en raison de sa pratique continue de la religion Tien Tao.

3.2La requérante affirme également que le risque encouru par les adeptes du Tien Tao en Chine est sérieux. À l’appui de ses dires, elle joint à sa requête une réponse formulée par le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés en date du 19 octobre 2007, au sujet de la situation des adeptes du Tien Tao et du traitement qui leur est réservé en Chine, en particulier dans le Fujian.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Par lettre du 29 juin 2012, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la requête. Il estime que la requête doit être rejetée pour défaut de fondement.

4.2L’État partie expose les faits de la cause et décrit la procédure suivie par la requérante au niveau national. Il souligne que, dans la première demande de visa de protection qu’elle a soumise au Ministère de l’immigration, la requérante a utilisé un faux nom, Mei Liu, et affirmé qu’elle craignait d’être torturée par les autorités chinoises si elle était expulsée, parce qu’elle était adepte du Falun Gong. Le Ministère de l’immigration a rejeté cette demande parce qu’il n’était pas convaincu que la requérante craignait avec raison d’être persécutée pour l’un quelconque des motifs prévus par la Convention relative au statut des réfugiés ni qu’elle jouait un rôle de premier plan dans le Falun Gong. Il a indiqué en outre que la requérante serait en mesure de pratiquer sa religion dans sa vie privée sans interférence. En outre, le fait qu’elle avait pu quitter la Chine légalement montrait que les autorités chinoises ne s’intéressaient pas à elle.

4.3En ce qui concerne le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés, il n’a pas pu vérifier l’identité de la requérante car celle-ci a utilisé des noms et des documents d’identité différents dans sa demande de visa de protection et dans sa requête auprès du Tribunal. En outre, la requérante a affirmé qu’elle était adepte du Tien Tao et non pas du Falun Gong comme elle l’avait indiqué précédemment. Le Tribunal n’a pas accepté l’affirmation de la requérante selon laquelle elle était adepte du Tien Tao en Chine ni qu’elle avait été harcelée par la police. Il a estimé que la requérante s’était engagée dans des activités de Tien Tao à Sydney à la seule fin de donner du poids à sa demande d’asile.

4.4Après avoir été déboutée de sa demande de contrôle juridictionnel par le Tribunal d’instance fédéral et de son appel auprès de la Cour fédérale d’Australie, la requérante a présenté des demandes d’intervention au Ministre de l’immigration en 2007, 2009 et 2010. Dans sa demande de 2010, elle a réaffirmé que c’était à cause du conseil fallacieux donné par l’agent de l’immigration qu’elle n’avait pas pu étayer vraiment sa demande auprès du Ministère de l’immigration. Les agents chargés de l’examen de son cas ont conclu qu’il n’y avait pas de nouvelles informations crédibles permettant d’améliorer les chances qu’avait la requérante d’obtenir un visa de protection. Dans sa dernière demande d’intervention au Ministre de l’immigration, en date du 4  mars 2011, la requérante a appuyé ses affirmations par une photocopie non certifiée conforme d’un document en chinois non traduit qui, selon elle, était le certificat de l’hôpital décrivant la blessure à son index gauche infligée par la police lors d’une réunion dans un temple. Le 18 juillet 2011, il a été jugé que la demande de la requérante ne satisfaisait pas aux dispositions prévues aux articles 417 et 48B de la loi sur les migrations, car ses assertions étaient identiques à celles qu’elle avait soumises précédemment au Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés, lequel avait conclu qu’il n’y avait pas lieu de croire que la requérante intéressait les autorités chinoises, que ce soit pour sa pratique du Tien Tao ou pour toute autre raison.

4.5Après avoir rappelé le cadre juridique de la demande de la requérante, l’État partie fait valoir que celle-ci n’a pas fourni suffisamment d’éléments établissant qu’elle risquerait personnellement d’être torturée si elle était expulsée en Chine. La photocopie du certificat médical daté du 17 février 2005 a été examinée par le Ministère de l’immigration dans le cadre de la demande d’intervention ministérielle, qui a été réputée ne pas étayer suffisamment l’affirmation de la requérante selon laquelle elle avait été battue par la police et qui a été tranchée le 18 juillet 2011. Le certificat original n’a pas été soumis au Ministère de l’immigration et l’authenticité du document n’a donc pas pu être évaluée. Il est facile d’obtenir des documents frauduleux, y compris des certificats établis par des hôpitaux, dans certains pays. Enfin, la requérante a décidé de soumettre ce document en 2011. Compte tenu de ce qui précède, l’État partie conclut qu’il existe de sérieux doutes quant à l’authenticité du document.

4.6L’État partie fait valoir que même si le document est authentique, rien ne prouve que la blessure au doigt de la requérante a été infligée intentionnellement ou dans le but d’obtenir des informations sur des adeptes du Tien Tao, ni que cette blessure était imputable à la torture au sens de l’article premier de la Convention.

4.7En ce qui concerne les allégations de la requérante qui affirme que lorsque L. D. Z. s’est rendue en Chine, elle a été harcelée par la police à cause de sa relation avec la requérante, le Ministère de l’immigration a examiné cette assertion en mai 2010 et estimé qu’elle n’était pas crédible car il n’y avait pas de preuve que la requérante intéressait les autorités chinoises en raison de ses croyances religieuses. Malgré la position importante que L. D. Z. est censée occuper dans la religion Tien Tao, le fait qu’elle a pu entrer en Chine et en sortir sans être torturée montre que la requérante, qui ne joue pas un rôle de premier plan dans cette religion, ne risquerait pas d’être soumise à la torture si elle était expulsée en Chine.

4.8L’État partie affirme que la requête soumise au Comité par la requérante ne contient aucune information nouvelle qui n’ait pas été examinée dans le cadre des procédures internes. Le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés a examiné et rejeté son grief de persécution en Chine en raison de sa pratique du Tien Tao. Il n’a pas été convaincu que la requérante avait été persécutée et a estimé que sa participation à des activités de Tien Tao à Sydney avait pour seule fin de donner plus de poids à la demande qu’elle a soumise au Ministère de l’immigration. La Cour fédérale et la Haute Cour ont confirmé cette décision du Tribunal car aucune erreur de droit n’a été constatée. L’État partie rappelle que le Comité a pour pratique de ne pas remettre en cause l’appréciation des preuves faite dans le cadre des procédures internes.

4.9L’État partie conclut que les allégations de la requérante, qui affirme qu’elle risquerait d’être torturée si elle était renvoyée en Chine, n’ont pas été jugées crédibles par le Ministère de l’immigration et qu’il n’y a pas eu de changement important dans la situation de la requérante depuis qu’elle a soumis sa dernière demande d’intervention ministérielle en mars 2011. En conséquence, en l’absence de tout élément de preuve crédible montrant que la requérante risquerait d’être soumise à la torture, l’expulsion de cette dernière vers la Chine ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention et ses griefs doivent être rejetés pour défaut de fondement.

4.10Par lettre du 28 février 2013, l’État partie a communiqué au Comité des informations générales sur les procédures internes qu’il met en œuvre pour satisfaire à l’obligation de non-refoulement qui lui incombe. Il indique que de 2011 à 2012, il a accordé 7 083 visas de protection à des requérants en Australie; chaque demande est évaluée avec soin dans le cadre d’un processus de détermination rigoureux conforme aux obligations de l’Australie en matière de protection internationale.

4.11En 2012, une nouvelle loi, qui offre une protection supplémentaire au titre de l’obligation de non-refoulement qui incombe à l’Australie, est entrée en vigueur. L’examen d’une demande de visa de protection comporte les étapes suivantes: examen en première instance par des agents du Ministère de l’immigration; examen au fond par le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés; contrôle juridictionnel par les tribunaux australiens, y compris le Tribunal d’instance fédéral, la Cour fédérale et la Haute Cour. Enfin, si le requérant n’est pas parvenu à obtenir un visa de protection, il peut soumettre une demande d’intervention ministérielle au titre de laquelle le Ministre de l’immigration peut intervenir en sa faveur si l’intérêt public l’exige.

4.12Si, après épuisement de toutes les procédures internes, l’Australie n’a pas à s’acquitter de l’obligation de protection qui lui incombe, le droit interne prévoit que la personne concernée doit être expulsée du territoire dès que cela est raisonnablement possible, et l’intéressé en est informé. Avant de faciliter le retour de la personne concernée, l’État partie engage une dernière procédure de vérification préalable à l’expulsion, au cours de laquelle il vérifie qu’aucune information nouvelle susceptible de l’amener à s’acquitter de son obligation de protection internationale n’est apparue. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés supervise et examine la procédure d’expulsion, ce qui renforce l’intégrité de cette procédure.

Commentaires de la requérante sur les observations de l’État partie

5.1Par lettre du 1er avril 2013, la requérante a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie. En ce qui concerne l’affirmation de l’État partie qui prétend que l’original du certificat médical ne lui a pas été présenté, elle renvoie à la lettre datée du 11 mars 2011 adressée par son conseil au Ministre de l’immigration, à laquelle était jointe une copie du certificat médical pour prouver qu’elle avait des raisons de craindre d’être torturée si elle était renvoyée en Chine et dans laquelle il était indiqué que la requérante tenait le document original à disposition dans son lieu de détention (centre de détention des services de l’immigration à Villawood), si le Ministère souhaitait l’obtenir, et que l’hôpital où elle avait été soignée après sa blessure avait son dossier précisant les soins en question. La requérante affirme que l’État partie n’a jamais essayé d’authentifier le document bien que son conseil ait indiqué que l’original était disponible et elle doute que l’État partie ait vraiment tenté de vérifier dûment les éléments de preuve qu’elle avait apportés. Elle a en outre joint à ses commentaires l’original du certificat médical et une traduction certifiée. Selon la traduction, la requérante a été frappée avec une matraque électrique, elle a souffert de lacérations de la peau de la dernière phalange de l’index gauche et a perdu l’ongle de ce doigt, et la plaie a été traitée par débridement et points de suture.

5.2Quant à l’affirmation de l’État partie concernant l’absence d’éléments suffisants pour prouver qu’elle avait des raisons de craindre d’être torturée si elle était renvoyée en Chine, la requérante déclare que, même si elle n’avait pas communiqué le certificat médical au Ministère de l’immigration pendant la procédure de demande de visa de protection, elle l’a soumis avec sa demande d’intervention ministérielle au Ministre de l’immigration en 2011. Étant donné que l’État partie n’a pas cherché à s’assurer de l’authenticité de ce document, il ne saurait présumer de bonne foi qu’il s’agit d’un faux. La requérante déclare qu’elle n’a pas soumis ce document plus tôt car elle ignorait qu’elle pouvait l’utiliser comme élément de preuve en l’espèce. Ce n’est qu’en 2011, après avoir été informée par son conseil, qu’elle a compris l’importance de ce document pour sa demande de visa de protection.

5.3En ce qui concerne l’allégation de l’État partie, selon qui rien n’indique que la blessure au doigt de la requérante ait été infligée de façon intentionnelle, l’intéressée déclare que l’État partie n’a jamais essayé d’obtenir des précisions directement auprès d’elle. L’État partie n’a pas non plus interrogé L. D. Z. au sujet de sa déclaration en faveur de la requérante; c’est également à tort qu’il conclut que la requérante ne risque pas d’être torturée si elle est renvoyée en Chine parce que L. D. Z., qui occupe une position importante au sein de l’organisation Tien Tao à Sydney, n’a pas été torturée lors de sa visite en Chine. La requérante déclare que lorsque L. D. Z. s’est rendue en Chine, les autorités chinoises ignoraient ses liens avec le Tien Tao.

5.4La requérante a joint à ses commentaires une déclaration de L. D. Z. datée du 31 janvier 2013. Dans cette déclaration, L. D. Z. affirme qu’elle connaît la requérante depuis août 2005, en tant que membre de l’Association Tien Ci Holy Dao. Elle indique que, à la demande de la requérante, elle a rendu visite à ses enfants lors d’un voyage qu’elle a effectué en Chine en janvier 2011. Elle affirme que peu après cette visite, elle a été interrogée par la police chinoise au sujet de sa relation avec la requérante, qualifiée d’ennemie de la Chine en raison de ses croyances religieuses. On l’a avertie qu’elle ne devait plus s’approcher de la famille de la requérante. L. D. Z. déclare en outre que les autorités chinoises ignoraient ses liens avec la religion Tien Tao.

5.5Enfin, la requérante déclare que la décision du Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés reflète le manque de connaissances sur le traitement réservé aux adeptes du Tien Tao en Chine. Si la déclaration de L. D. Z. est considérée comme exacte, il est logique de conclure que la requérante court un risque, qui ne se limite pas à de simples supputations, d’être torturée si elle est renvoyée en Chine. L’État partie n’a pas dûment examiné la demande de visa de protection de la requérante et a violé l’article 3 de la Convention en ne menant pas une enquête efficace, indépendante et impartiale sur le bien‑fondé de sa demande de visa de protection.

Réponses complémentaires de l’État partie et de la requérante

6.1Dans une note verbale datée du 11 octobre 2013, l’État partie a rejeté le grief de la requérante, selon qui il n’a pas enquêté dûment sur ses affirmations ou vérifié les éléments de preuve qu’elle avait présentés. Il rappelle que c’est à elle qu’il incombe de prouver qu’elle court personnellement un risque réel et prévisible d’être soumise à la torture. En outre, la requérante a bénéficié de l’assistance d’un conseil pour élaborer sa demande de visa de protection et sa dernière demande d’intervention ministérielle.

6.2L’État partie indique qu’il a bien pris des mesures pour vérifier le certificat de l’hôpital en engageant un agent parlant le mandarin. Cependant, même si le certificat de l’hôpital est authentique, il ne prouve pas que la blessure à l’index gauche de la requérante était liée à des tortures subies par suite de ses activités en tant qu’adepte du Tien Tao, ce qui relèverait de la définition de la torture au sens de l’article premier de la Convention. De plus, les faits n’indiquaient pas que la requérante risquait d’être torturée si elle était renvoyée en Chine.

6.3En ce qui concerne la déclaration de L. D. Z., l’État partie fait valoir que la véracité de son contenu n’a pas été attestée ni affirmée devant une personne assermentée (comme un avocat ou un juge de paix). Les mêmes renseignements ont été fournis dans une déclaration signée par L. D. Z. qui a été jointe aux demandes d’intervention ministérielle présentées par la requérante en 2010 et 2011. Ces informations n’ont pas été jugées crédibles et ne constituaient pas une preuve que les autorités chinoises s’intéressaient à la requérante ou l’avaient harcelée en raison de ses croyances religieuses. En outre, le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés n’était pas convaincu que la requérante était adepte du Tien Tao en Chine. Pour tous ces motifs, l’État partie fait valoir que la déclaration de L. D. Z. n’étaye pas l’affirmation de la requérante qui prétend qu’elle risquerait d’être torturée si elle était renvoyée en Chine.

6.4L’État partie rejette en outre l’allégation de la requérante, selon qui les décisions sur le fond ne peuvent pas faire l’objet d’un contrôle en Australie, et il rappelle que le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés a examiné et rejeté la demande de la requérante sur le fond, y compris ses nouvelles allégations indiquant qu’elle risquait d’être torturée si elle était renvoyée en Chine parce qu’elle était adepte du Tien Tao. De plus, les griefs de la requérante ont été examinés par le Ministère de l’immigration à trois reprises dans le cadre des demandes d’intervention ministérielle qu’elle a soumises.

6.5L’État partie rejette l’affirmation de la requérante qui prétend qu’on sait peu de choses sur le traitement réservé en Chine aux adeptes du Tien Tao. Le Ministère de l’immigration et le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés se sont tous les deux appuyés sur différentes sources d’information pour évaluer la crédibilité des allégations de la requérante. Compte tenu de ces informations et de l’appréciation des éléments soumis par la requérante, ils ont conclu que celle- ci n’était pas adepte du Tien Tao en Chine et n’avait pas été harcelée ni blessée par les autorités chinoises en raison de ses croyances religieuses.

7.1Par lettre du 18 février 2014, la requérante a rejeté l’assertion de l’État partie qui affirme que c’est à elle qu’incombe la charge de la preuve. Elle rappelle que le requérant doit fournir des motifs sérieux pour démontrer qu’il court personnellement un risque d’être soumis à la torture. À cet égard, elle déclare qu’elle a soumis au Comité une déclaration signée par L. D. Z., datée du 31 janvier 2013, et l’original du certificat médical ainsi qu’une traduction certifiée. Ces documents constituent des preuves suffisantes qu’elle risquerait d’être soumise à la torture si elle était renvoyée en Chine. En conséquence, la condition susmentionnée a été satisfaite.

7.2La requérante souligne en outre que l’État partie n’a pas pris en compte son grief selon lequel elle a été induite en erreur par l’agent de l’immigration, avant de bénéficier de l’assistance d’un conseil pour élaborer sa demande de visa de protection.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.2Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, il n’examine aucune requête d’un particulier sans s’être assuré que le particulier a épuisé tous les recours internes disponibles. Il note que, en l’espèce, l’État partie a reconnu que la requérante a épuisé tous les recours internes disponibles. Ne voyant aucun autre obstacle à la recevabilité, le Comité déclare la requête recevable.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, le Comité a examiné la requête en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

9.2Le Comité doit déterminer si le renvoi de la requérante vers la Chine constituerait une violation de l’obligation, qui incombe à l’État partie en vertu de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture. Le Comité doit déterminer s’il existe des motifs sérieux de croire que la requérante courrait personnellement le risque d’être torturée à son retour en Chine. Pour évaluer ce risque, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, y compris de l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Il rappelle cependant que l’objectif est de déterminer si l’individu concerné courrait personnellement un risque prévisible et réel d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé.

9.3Le Comité rappelle son Observation générale no 1 (1997) sur l’application de l’article 3 de la Convention, dans laquelle il a indiqué que l’existence [du] risque [de torture] doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est «hautement probable», mais le Comité note que la charge de la preuve incombe généralement au requérant, qui doit présenter des arguments défendables démontrant qu’il court un risque «prévisible, réel et personnel». Il rappelle en outre que, aux termes de son Observation générale no 1, il accorde un poids considérable aux constatations de faits des organes de l’État partie intéressé; toutefois, il n’est pas lié par de telles constatations et est, au contraire, habilité, en vertu du paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, à apprécier librement les faits en se fondant sur l’ensemble des circonstances de chaque affaire.

9.4En ce qui concerne le risque que la requérante soit soumise à la torture aux mains d’agents du Gouvernement à son retour en Chine, le Comité prend note l’affirmation de la requérante qui soutient avoir été arrêtée et battue par la police parce qu’elle est adepte du Tien Tao. Toutefois, le Comité prend note également des observations de l’État partie selon lesquelles le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés n’a pas pu vérifier l’identité de la requérante car celle-ci avait utilisé des noms et des documents d’identité différents dans sa demande de visa de protection et dans sa requête auprès du Tribunal; en outre, la requérante avait soutenu être adepte du Tien Tao uniquement après être revenue sur son affirmation selon laquelle elle était adepte du Falun Gong. Le Comité rappelle que conformément à son Observation générale no 1 (par. 5), c’est au requérant qu’il incombe de présenter des arguments défendables. À cet égard, indépendamment de la question concernant l’affiliation de la requérante avec la religion Tien Tao, le Comité estime qu’elle n’a pas fourni de preuve convaincante pour étayer son affirmation selon laquelle elle risquerait d’être soumise à la torture si elle était renvoyée en Chine.

10.En conséquence, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que le renvoi de la requérante en Chine par l’État partie ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]