Nations Unies

CCPR/C/99/D/1799/2008

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. restreinte*

14 septembre 2010

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Quatre-vingt-dix-neuvième session

12-30 juillet 2010

Constatations

Communication no 1799/2008

Présentée par:

Antonios Georgopoulos, Chrysafo Georgopoulou et leurs septenfants (représentés par un conseil, Panayote Dimitras, Greek Helsinki Monitor)

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

Grèce

Date de la communication:

22 juin 2007 et 5 février 2008 (dates des lettres initiales)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 17 juillet 2008 (non publiée sous forme de document)

Date de l ’ adoption des constatations:

29 juillet 2010

Objet:

Expulsion forcée illégale d’une famille rom et démolition de son habitation

Questions de procédure:

Épuisement des recours internes

Questions de fond:

Traitement cruel, inhumain et dégradant; droit à la protection de la vie privée, de la vie de famille et de la réputation; protection de la famille; droit à l’égalité devant la loi; protection des minorités

Articles du Pacte:

7, seul et lu conjointement avec l’article 2 (par. 1 et 3), 17 (par. 1 et 2), 23 (par. 1), 26, 27, seul et lu conjointement avec l’article 2 (par. 1 à 3)

Article du Protocole facultatif:

5 (par. 2 b))

Le 29 juillet 2010, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci-après en tant que constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif concernant la communication no 1799/2008.

[Annexe]

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (quatre-vingt-dix-neuvième session)

concernant la

Communication no 1799/2008 *

Présentée par:

Antonios Georgopoulos, Chrysafo Georgopoulou et leurs sept enfants (représentés par un conseil, Panayote Dimitras, Greek Helsinki Monitor)

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

Grèce

Date de la communication:

22 juin 2007 et 5 février 2008 (dates des lettres initiales)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réunile 29 juillet 2010,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1799/2008 présentée au nom de Mme Chrysafo Georgopoulou et leurs sept enfants en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.1Les auteurs de la communication, datée du 22 juin 2007 et du 5 février 2008, sont Antonios Georgopoulos (le premier auteur, né le 8 septembre 1983), Chrysafo Georgopoulou (le second auteur, née le 25 juin 1982) et leurs sept enfants: Asimakis (né le 13 juin 1999), Marios (né le 3 septembre 2000), Konstantinos (né le 7 septembre 2001), Christos (né le 29 octobre 2002), Giorgos (né le 21 février 2004), Tsabikos (né le 20 mai 2005) et leur dernier enfant au prénom non connu (né le 6 janvier 2007). Ils se déclarent victimes d’une violation par la Grèce de l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, seul et lu conjointement avec les paragraphes 1 et 3 de l’article 2, des paragraphes 1 et 2 de l’article 17, du paragraphe 1 de l’article 23, de l’article 26 et de l’article 27, seul et lu conjointement avec les paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 2. Ils sont représentés par un conseil, M. Panayote Dimitras, du Greek Helsinki Monitor.

1.2Le 1er décembre 2008, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires a décidé, au nom du Comité, d’examiner ensemble la recevabilité et le fond.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Les auteurs sont nés et ont grandi dans le campement rom de Riganokampos à Patras. Ils y ont vécu toute leur vie dans des logements de fortune, sans électricité ni égouts. L’évacuation des ordures ménagères est irrégulière et il n’y a que deux robinets pour tous les habitants. Lorsqu’il a visité le campement en janvier 2004, le conseiller du Premier Ministre sur la qualité de la vie a dit que c’était «le pire des 75 campements du pays et une insulte à l’humanité». Les auteurs affirment que même après cette déclaration, leurs conditions de vie ne se sont pas améliorées. Toutes les tentatives faites pour améliorer les conditions de vie de la communauté ou réinstaller les habitants dans un campement organisé ont échoué en raison de l’opposition manifestée par les Grecs qui habitent à proximité de l’endroit où les Roms vivent ou de l’endroit où ils devaient être réinstallés.

2.2En juillet et en août 2006, les auteurs et leurs enfants ont quitté temporairement Patras pour travailler comme saisonniers et rendre visite à des parents à Agrinio. Le 25 ou le 26 août 2006, une équipe de la municipalité de Patras s’est rendue dans le campement de Riganokampos et a démoli les habitations de toutes les personnes absentes à ce moment-là, dont celle des auteurs. À leur retour, les auteurs sont allés se plaindre auprès du Département de la protection sociale de la municipalité de Patras. On leur a dit qu’ils devaient commencer à chercher un appartement à louer et que la municipalité leur verserait une allocation au logement. On leur a donné une somme d’environ 200 euros pour compenser la perte de leur habitation et d’une partie de leurs affaires.

2.3Pendant qu’ils recherchaient un appartement, les auteurs ont vécu dans la baraque d’un parent à Riganokampos, l’une des trois habitations qui n’avaient pas été démolies. Comme il n’y avait pas assez de place, ils ont décidé de construire un autre abri. Le 26 septembre 2006, une voiture de patrouille de la police et un bulldozer ont été envoyés sur les lieux; les auteurs ont reçu l’ordre d’arrêter la construction, sous peine d’être arrêtés. Ils ont donc décidé de ne pas s’opposer à la démolition de leur abri.

2.4Le même jour, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, s’est rendu à Patras, à l’invitation du conseil des auteurs. Les auteurs lui ont raconté ce qui s’était passé dans la matinée et lui ont montré les traces du bulldozer et les matériaux avec lesquels ils avaient commencé à construire un abri. Ils ont ajouté que des fonctionnaires de la municipalité de Patras qui étaient au courant de la visite du Commissaire leur avaient dit de ne pas se plaindre de leurs conditions de vie ou du comportement de la municipalité à leur égard. Les deux adjoints au maire de Patras arrivés plus tard sur les lieux ont expliqué qu’il ne s’agissait pas d’une opération de démolition, mais d’une opération de salubrité. La famille a dû se résoudre à vivre à l’arrière de son pick-up. Le 1er décembre 2006, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a adressé une lettre au Ministère grec de l’intérieur au sujet de la situation des Roms dans le pays. Il y disait que la famille des auteurs avait été expulsée le 26 septembre 2006, et que l’hostilité ouverte des habitants locaux à l’égard des Roms ainsi que l’inertie des autorités, qui ne faisaient rien pour lutter contre cette attitude et la condamner, entravaient grandement l’intégration des Roms dans la société.

2.5Les auteurs affirment que, bien que des allocations au logement soient occasionnellement octroyées à des Roms, eux-mêmes n’ont jamais bénéficié d’un programme de subventions. Le fonctionnaire de la municipalité à qui ils avaient demandé pourquoi ils étaient ainsi exclus leur a répondu qu’ils parlaient trop avec les gens et qu’ils avaient donné une mauvaise image de la ville.

2.6Quand la communication a été envoyée au Comité, les auteurs vivaient toujours dans la cabane de leurs parents à Riganokampos, dans les mêmes conditions inacceptables.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs font valoir que leur réinstallation forcée et la démolition de leur cabane n’avaient pas été autorisées par une décision de justice ou d’une autre autorité et ne pouvaient donc pas faire l’objet d’un contrôle juridictionnel. Leur réinstallation forcée et la démolition de leur abri avaient été qualifiées d’«opérations de salubrité». Ils affirment que l’absence de toute autorisation judiciaire ou administrative les a empêchés de contester ces actes devant les tribunaux et que par conséquent ils n’ont pas accès à un recours utile au sens du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. En outre, il n’existe aucune voie de recours qui leur aurait permis d’obtenir réparation suite à leur expulsion, car l’État partie ne reconnaît pas aux squatters un droit à une indemnisation ou à un logement de remplacement. Les auteurs vivent sur un terrain dont ils ne sont pas les propriétaires, en vertu d’une décision de la municipalité qui a estimé qu’ils ne devaient pas être expulsés tant qu’ils ne seraient pas réinstallés. De plus, les auteurs ont construit leur cabane sans autorisation, en infraction à la réglementation d’urbanisme, ce qui fait qu’ils ne disposent d’aucun recours civil qui leur permettrait de réintégrer le terrain dont ils ont été expulsés. Il ne servirait à rien d’utiliser d’autres voies de droit (par exemple une action en réparation ou des poursuites pénales contre les responsables de l’expulsion forcée), étant donné qu’elles conduiraient au mieux à l’octroi de dommages-intérêts pour la perte monétaire effective ou à la condamnation des fonctionnaires responsables pour manquement à leur devoir. Dans aucun de ces deux cas les auteurs ne seraient autorisés à retourner sur le terrain qu’ils occupaient.

3.2Les auteurs relèvent que l’État partie met en œuvre un programme d’action intégrée pour l’intégration sociale des Roms grecs. Dans le cadre de ce programme, la municipalité de Patras a soumis en octobre 2001 une proposition de réinstallation des Roms, qui visait aussi les auteurs. Toutefois, la proposition n’a pas été mise en œuvre car les habitants de l’endroit se sont systématiquement opposés à toute proposition de réinstallation. De plus, les autorités ne veulent pas laisser les auteurs et les autres habitants du campement de Riganokampos prendre eux-mêmes des mesures pour améliorer leurs conditions de vie. Les auteurs affirment en outre que de nombreux procureurs ont non seulement choisi de ne pas engager des poursuites pénales contre les autorités locales qui n’ont rien fait pour résoudre le problème du logement des Roms au cours des dix dernières années, mais que de plus leurs décisions étaient fondées sur des arguments manifestement racistes, ce pour quoi ils n’ont jamais été sanctionnés.

3.3Les auteurs affirment en outre qu’ils ont immédiatement signalé leur expulsion aux deux adjoints au maire, le 26 septembre 2006, ainsi qu’au haut fonctionnaire de la police qui accompagnait le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe; toutefois, aucune enquête impartiale, objective et approfondie n’a été ouverte.

3.4Les auteurs rappellent la décision rendue par le Comité contre la torture dans l’affaire Dzemajl et consorts c. Yougoslavieet affirment que le fait que leur habitation ait été démolie à deux reprises et que leur espoir de ne pas être expulsés tant qu’une solution n’aurait pas été trouvée pour leur réinstallation, conformément à la décision du tribunal de première instance en date du 15 juin 2005 et à la proposition du maire de Patras, ait été déçu constituent un traitement cruel, inhumain et dégradant, en violation de l’article 7 du Pacte. Ils affirment en outre qu’aucun recours utile ne leur est ouvert, ce qui constitue une violation de l’article 7, seul et lu conjointement avec les paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 2 du Pacte.

3.5Les auteurs affirment que les expulsions dont ils ont été victimes à deux reprises constituent une immixtion «arbitraire et illégale» dans leur famille et leur domicile. Les deux fois, des agents de l’État ont détruit leur habitation sans que les autorités ne leur offrent un hébergement d’urgence ou, à tout le moins, ne les autorisent à reconstruire leur abri avec la garantie qu’ils n’en seraient pas expulsés tant qu’ils n’auraient pas été relogés. Les auteurs font observer également que la destruction de leur logement est illégale dans la mesure où les dispositions de la législation nationale (émission et délivrance d’un avis d’expulsion) n’ont pas été respectées. Ils ajoutent que, en violation des paragraphes 1 et 2 de l’article 17, la loi ne leur offre aucune protection contre ce type d’immixtion dans leur famille et leur domicile. Ils font valoir que l’absence dans la législation nationale de recours dans les cas de démolition des maisons construites sans autorisation par des Roms constitue une violation de l’article 17, lu conjointement avec les paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 2.

3.6Les auteurs rappellent la jurisprudence du Comité européen des droits sociaux et relèvent que l’article 16 de la Charte sociale européenne porte sur les mêmes garanties que l’article 23 du Pacte. Ils font valoir que l’État partie ne leur a pas fourni un logement permanent et les a expulsés à plusieurs reprises de force, les contraignant à vivre dans des conditions inhumaines qui ont gravement nuit à leur vie de famille, ce qui constitue une violation de l’article 23 du Pacte. Ils ajoutent que l’absence de recours utiles (comme une action préventive pour empêcher leur expulsion ou des voies de recours utiles pour obtenir une indemnisation et un hébergement d’urgence) et le fait que seuls les Roms connaissent de tels problèmes constituent une violation de l’article 23, lu conjointement avec les paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 2.

3.7Les auteurs font référence aux observations finales adoptées par le Comité à l’issue de l’examen du rapport initial de l’État partie (CCPR/CO/83/GRC); ils affirment que, ayant été expulsés sans possibilité de recours, ils ont été victimes de discrimination en raison de leur origine ethnique, en violation des articles 26 et 27 du Pacte. Ils font valoir en outre que le système juridique grec n’offre pas de recours adéquats et utiles pour répondre à leurs griefs, ce qui constitue une violation des articles 26 et 27, lus conjointement avec les paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 2.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1En date du 22 octobre 2008, l’État partie a fait part de ses observations concernant la recevabilité. Il reprend les faits présentés par les auteurs et ajoute qu’en 2005 le Service foncier de l’État, en tant que propriétaire du terrain sur lequel se situe le campement de Riganokampos, a émis un avis d’expulsion administrative concernant tous les habitants du campement. Cet avis a été contesté devant le tribunal de première instance de Patras qui a donné raison aux plaignants. Dans sa décision 312/2005, il a ainsi établi que la loi faisait à l’État obligation d’offrir une solution de remplacement aux habitants du campement avant de pouvoir procéder à leur expulsion. L’État partie souligne qu’en vertu de la décision 312/2005, les auteurs ont le droit d’occuper un bien foncier appartenant à l’État jusqu’à ce que les autorités locales trouvent un endroit où les réinstaller. Selon l’État partie, le tribunal a déclaré:

«l’expulsion [des Roms du campement de Riganokampos] de ce terrain sans qu’une solution n’ait été trouvée au problème de leur réinstallation, qui est une obligation légale de l’État, […] aura de graves conséquences pour ces personnes […] En effet nul n’ignore que les habitants des quartiers où il est prévu de réinstaller les Roms protestent, ce qui fait qu’il est extrêmement difficile pour les Roms de trouver un autre endroit où se réinstaller, si les autorités ne les y aident pas. À la lumière de ce qui précède, l’exercice par l’État de son droit d’expulser les Roms du terrain qui lui appartient est abusif; par conséquent, l’émission d’un avis d’expulsion administrative constitue une violation de l’article 281 du Code civil et est donc contraire à la loi».

4.2L’État partie fait valoir qu’en conséquence, à partir de 2005, lorsque le tribunal municipal de Patras a reconnu aux auteurs le droit d’occuper le terrain appartenant au Service foncier de l’État, les auteurs avaient légalement la jouissance du terrain de Riganokampos et qu’ils auraient dû engager une action civile contre la municipalité de Patras pour intrusion sur leur propriété (art. 997 du Code civil). L’article 997 du Code civil dispose que l’occupant est protégé contre des tiers s’il a l’autorisation du propriétaire ou s’il est le locataire ou le gardien. Les recours internes n’ayant pas été épuisés, l’État partie fait valoir que la communication devrait être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

4.3Dans une note du 19 janvier 2009, l’État partie a fait part de ses observations sur le fond; il affirme que la communication doit être déclarée irrecevable car elle est dénuée de fondement. Faisant référence à un document du commissariat de Patras en date du 25 août 2006, il affirme qu’à cette date, à la demande du maire adjoint pour l’environnement et l’image de la ville, deux policiers ont été envoyés au campement de Riganokampos où se trouvait une équipe de nettoyage de la municipalité, mais qu’aucune opération de salubrité n’a été menée ce jour-là. Le 26 août 2006, la police n’a pas été envoyée sur les lieux et aucune opération de salubrité n’a donc été entreprise avec l’assistance de la police. L’État partie conteste également que la police ait été envoyée sur les lieux le 26 septembre 2006 dans le contexte de la visite du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Il confirme que la police a été envoyée au campement de Riganokampos ce jour-là, mais affirme que l’intervention était liée à la construction d’une nouvelle cabane par des tiers, Georgios et Konstantina Georgopoulos, et non par les auteurs. Comme le Président de l’association culturelle locale leur avait expliqué que la construction de nouvelles cabanes n’était pas autorisée parce que le site allait être réaménagé, les intéressés ont accepté qu’un bulldozer enlève leurs matériaux de construction.

4.4Le 23 juin 2006, on a reconnu à la mère, Chrysafo Georgopoulou, et à ses enfants le droit à une aide au logement leur permettant de demander un prêt de 60 000 euros. Le 12 septembre 2008, le chef du Service foncier a confirmé que les auteurs vivaient toujours dans le campement de Riganokampos.

4.5En ce qui concerne le grief de violation de l’article 7, seul et lu conjointement avec les paragraphes 1 et 3 de l’article 2 du Pacte, l’État partie affirme que les allégations de démolition et d’expulsion ne sont pas confirmées par les faits, étant donné qu’aucune opération de salubrité n’a été menée ni le 25 ni le 26 août 2006, et que les auteurs n’ont pas été expulsés puisqu’ils étaient absents à ces dates. L’allégation des auteurs qui affirment que leur cabane a été démolie le 26 septembre 2006 n’est pas non plus confirmée par les faits; la démolition concernait d’autres personnes qui avaient donné leur consentement.

4.6L’État partie objecte que les allégations de violation de l’article 17, seul et lu conjointement avec les paragraphes 1, 2 et 3de l’article 2 du Pacte, sont également manifestement dénuées de fondement car la municipalité de Patras n’avait entrepris aucuns travaux de nettoyage ni le 25 ni le 26 août 2006. Il affirme donc que les auteurs n’ayant pas été expulsés ils n’ont subi aucune immixtion dans leur vie privée ou leur famille. Selon les informations du Service foncier, en 2008 les auteurs vivaient toujours dans une cabane à Riganokampos. L’État partie souligne en outre qu’une possibilité de relogement leur a été offerte puisque le second auteur, la mère, a eu la possibilité de demander un prêt au logement.

4.7Concernant les griefs de violation de l’article 23, seul et lu conjointement avec les paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 2 du Pacte, l’État partie réaffirme que puisqu’il n’y a eu ni démolition ni expulsion et que le second auteur a eu la possibilité de demander un prêt au logement, il s’est acquitté de son obligation de protéger la famille concernée.

4.8Enfin, l’État partie renvoie à la jurisprudence du Comité concernant l’article 26 et souligne que toutes les différences de traitement ne sont pas interdites, mais que toute différence doit être fondée sur des critères raisonnables et objectifs. L’État partie affirme que les auteurs n’ont pas été traités différemment d’un autre groupe de citoyens; au contraire, ils ont reçu un traitement plus favorable du fait qu’ils appartiennent au groupe vulnérable des Roms. Il fait donc valoir que les griefs de violation des articles 26 et 27, seuls et lus conjointement avec les paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 2, sont dénués de fondement.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie

5.1Dans une réponse du 3 mars 2009, les auteurs ont présenté leurs commentaires concernant les observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond. En ce qui concerne l’argument de l’État partie qui affirme qu’ils n’ont pas épuisé les recours internes, ils font valoir que dans sa décision de 2005 le tribunal municipal de Patras ne leur a pas octroyé de titre de propriété et que le terrain appartient toujours à l’État partie. Ils soulignent que l’État partie n’a apporté aucune preuve concrète montrant qu’il existait des recours internes utiles qui leur étaient ouverts et qu’il n’avait donné aucun exemple concret d’affaire similaire dans laquelle les plaignants avaient eu gain de cause. Les auteurs citent l’exemple d’une action administrative en réparation relative à l’expulsion de Roms dans la commune d’Aspropyrgos qui est pendante depuis juillet 2002 et soulignent que toutes les actions engagées devant les tribunaux administratifs durent des années. Ils répètent que leur plainte porte sur le fait qu’aucun avis d’expulsion administrative n’a été émis, ce qui les a empêchés de former des recours et d’épuiser toutes les voies ouvertes. Ils ajoutent qu’aucun recours ne leur aurait permis d’obtenir un logement de remplacement. Les auteurs font en outre valoir qu’on ne pouvait attendre d’eux qu’ils prennent des mesures pour se protéger d’actes contraires à la loi, étant donné que l’État partie a l’obligation de respecter les décisions rendues par les tribunaux et de les appliquer.

5.2Les auteurs informent le Comité qu’une enquête pénale a été ouverte en décembre 2006 pour donner suite à la plainte qu’ils avaient déposée auprès du parquet de Patras; toutefois, cette enquête n’est toujours pas achevée, bien que la législation de l’État partie dispose que les enquêtes de ce type doivent être closes dans un délai de quatre mois au maximum. Les auteurs ont également déposé une plainte auprès du médiateur, qui semble avoir enquêté sur leurs griefs mais ne leur a pas communiqué les résultats bien que les auteurs le lui aient demandé.

5.3En ce qui concerne les observations de l’État partie relatives à l’expulsion le 25 ou le 26 août 2006, les auteurs citent un document de la police soumis par l’État partie dans lequel il est indiqué que «l’assistance de la police a été requise pendant les opérations de salubrité dans le camp de Riganokampos où des Roms nomades s’étaient installés». Les auteurs soulignent qu’ils trouvent cette phrase insultante, étant donné qu’ils ne sont pas nomades et sont nés dans le campement, et que la protection de la police a été requise pour surveiller l’évacuation des ordures ménagères, probablement parce que la municipalité s’attendait à ce que les habitants du campement opposent une résistance à la démolition de leurs habitations. Ils notent en outre qu’il avait été demandé que «des forces de police soient présentes sur les lieux pour empêcher la réinstallation de Roms nomades». Les auteurs affirment que, selon le rapport de police, après être restés brièvement dans le campement le 25 août 2006, les policiers ont été rappelés par la municipalité, qu’ils n’y sont pas retournés le 26 août 2006, et qu’ils ne sont donc pas en mesure de donner des informations sur ce qui s’est passé ces deux jours.

5.4En ce qui concerne la démolition d’une baraque le 26 septembre 2006, les auteurs notent que l’État partie affirme qu’il ne s’agissait pas de la leur mais de celle de Georgios Georgopoulos. Ils rappellent les faits et indiquent qu’après la démolition de leur logement en août 2006, ils ont vécu chez des membres de leur famille, plus précisément le père du premier auteur, Georgios Georgopoulos. Le 26 septembre 2006, celui-ci aidait son fils à construire une nouvelle habitation; il a décidé d’endosser la responsabilité pour protéger son fils. Les auteurs, faisant référence au document de la police soumis par l’État partie, précisent que ce n’est pas le père du premier auteur qui a accepté que leur abri soit démoli, mais «les Roms», c’est-à-dire tous ceux qui avaient participé à sa construction. Les auteurs apportent d’autres preuves concernant la démolition de leur abri le 26 septembre 2006. Au cours de l’enquête pénale menée par le Procureur de Patras, un membre du Parlement de Patras qui accompagnait le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ce jour-là a déclaré que l’adjoint au maire présent pendant la visite n’avait pas répondu à la question des auteurs qui souhaitaient savoir où ils pourraient se réinstaller après la démolition, pour la seconde fois, de leur habitation. Dans le cadre de la même enquête, un responsable politique local a confirmé qu’il avait assisté à la démolition de six ou sept baraques dans le campement de Riganokampos pendant cette visite.

5.5Concernant les griefs invoqués, les auteurs disent qu’ils ont démontré par des éléments probants qu’ils avaient été victimes d’expulsions illégales. En réponse à l’argument de l’État partie qui affirme qu’ils peuvent bénéficier d’un prêt au logement, les auteurs déclarent qu’ils n’ont pas contracté un tel prêt. Ils soulignent qu’ils ne savent pas lire, qu’ils n’ont pas de ressources, qu’ils ont une nombreuse famille et que l’on ne peut donc attendre d’eux qu’ils se lancent dans la procédure bureaucratique compliquée nécessaire à l’obtention d’un prêt au logement. De plus ils ne seraient jamais en mesure de rembourser le prêt, qui de toute façon ne serait pas suffisant pour trouver un logement pour leur famille. Ils relèvent également qu’en raison de leur origine, ils sont souvent victimes de discrimination, notamment sous la forme d’expulsions forcées, qu’aucun recours ne leur est ouvert et qu’ils sont en butte aux préjugés des fonctionnaires de l’État partie. Ils réitèrent donc les griefs de violation de l’article 7 du Pacte, seul et lu conjointement avec les paragraphes 1 et 3 de l’article 2, ainsi que des articles 17, 23, 26 et 27, seuls et lus conjointement avec les paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 2.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son Règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité prend note de l’objection de l’État partie qui affirme que la communication est irrecevable parce que les auteurs n’ont pas épuisé les recours internes. Il note que l’État partie fait valoir que la décision no 312/2005 du tribunal municipal de Patras a reconnu aux auteurs le droit d’occuper un bien appartenant à l’État en attendant leur réinstallation et que les auteurs auraient dû contester l’intrusion faite sur leur propriété en se prévalant de l’article 997 du Code civil. Le Comité prend également note de l’argument des auteurs qui affirment qu’en l’absence de toute décision judiciaire ou administrative concernant leur expulsion et la démolition de leur abri, aucun recours interne ne leur était ouvert. Il prend note de l’explication des auteurs qui font valoir qu’ils vivaient sur un terrain qu’ils ne possédaient pas et que la décision rendue en 2005 par le tribunal municipal de Patras ne leur octroyait pas un droit de propriété, mais uniquement le droit de ne pas être expulsé tant qu’ils ne seraient pas réinstallés ailleurs. Il prend également note de l’argument des auteurs qui objectent que l’État partie n’a donné aucune information concrète sur les recours utiles qui leur auraient été ouverts et qui auraient pu leur permettre d’obtenir un logement de remplacement. Le Comité relève également que les auteurs ont porté plainte auprès du parquet de Patras et qu’une enquête pénale, ouverte en décembre 2006, n’est toujours pas achevée.

6.4Le Comité note que l’article 997 du Code civil de l’État partie dispose qu’un occupant est en droit de contester toute intrusion de tiers sur une propriété s’il a l’autorisation du propriétaire ou s’il est le locataire ou le gardien, et note aussi que dans la décision rendue en 2005 le tribunal municipal de Patras a estimé que l’expulsion des auteurs par le Service foncier (le propriétaire) était abusive du fait qu’aucune solution n’avait été prévue pour la réinstallation de la communauté; le Comité considère toutefois que l’État partie n’a donné aucune information détaillée sur les recours disponibles et utiles en l’espèce prévus par le Code civil. Le Comité relève que l’expulsion des auteurs et la démolition de leur habitation contestées ont été effectuées par la municipalité de l’État partie, qui avait reçu copie de la décision rendue en 2005 par le tribunal municipal de Patras. Par conséquent, il considère que l’on ne pouvait attendre des auteurs qu’ils entreprennent d’autres actions en justice pour obtenir que l’État partie applique la décision rendue par l’un de ses tribunaux. Il note que, saisi d’une plainte des auteurs, le parquet a ouvert en décembre 2006 une enquête, qui est toujours en cours. Dans ces conditions, le Comité estime qu’en déposant une plainte auprès du parquet de Patras, les auteurs ont épuisé les recours internes, conformément au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

6.5Le Comité estime que les faits présentés par les auteurs semblent suffisamment graves pour que ne soit pas mise en cause la recevabilité de la plainte en vertu de l’article 7, seul et lu conjointement avec les paragraphes 1 et 3 de l’article 2 du Pacte. Il estime en outre que les griefs de violation des articles 17, 23, 26 et 27, lus seuls et conjointement avec les paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 2, sont suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et procède donc à leur examen quant au fond.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées.

7.2Le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui affirme que ni la police ni la municipalité n’ont procédé à des expulsions ou à des opérations de salubrité le 25 ou le 26 août 2006 et que, étant donné que la démolition d’une baraque le 26 septembre 2006 dans le campement rom de Riganokampos ne concernait pas les auteurs mais un tiers qui avait accepté qu’elle soit démolie, la communication est manifestement dénuée de fondement. Il prend également note de l’affirmation des auteurs qui font valoir que le rapport de police communiqué par l’État partie ne fait que confirmer que la police a été envoyée sur le campement de Riganokampos le 25 août 2006 et qu’elle n’y est pas retournée le 26 août 2006, mais qu’il n’apporte aucune preuve sur ce qui s’y est passé à ces deux dates. Il prend également note de l’argument des auteurs qui affirment que la démolition d’un abri le 26 septembre 2006 concernait les auteurs eux-mêmes et non un tiers puisque le père du premier auteur, qui était venu aider à la construction de la cabane, avait endossé toute responsabilité pour protéger son fils. Il note en outre que si l’État partie conteste les allégations des auteurs, il reconnaît néanmoins leur origine rom. Le Comité prend note par ailleurs de l’argument des auteurs, selon lequel c’est en raison de leur origine qu’ils ont subi les violations décrites.

7.3Les faits, quant à la question de savoir si et quand il y a eu démolition d’une habitation dans le campement rom de Riganokampos, sont contestés. Toutefois, le Comité prend note des renseignements donnés par les auteurs indiquant que le Procureur de Patras a ouvert une enquête en décembre 2006 qui est toujours en cours. Le Comité relève que l’État partie a réfuté les allégations des auteurs en se fondant sur deux rapports de police mais qu’il n’a néanmoins apporté aucune autre preuve concernant «l’opération de salubrité» prévue par la municipalité dans le campement rom de Riganokampos le 25 ou le 26 août 2006. Il note également que l’État partie n’a pas expliqué pourquoi l’enquête pénale ouverte suite au dépôt d’une plainte par les auteurs auprès du Procureur de Patras avait traîné en longueur et n’avait toujours pas abouti à une décision. Le Comité estime que les allégations, corroborées par des photographies, des auteurs qui font valoir que leur expulsion et la démolition de leur habitation sont arbitraires et illégales, qu’elles ont gravement nui à leur vie de famille et porté atteinte à leur droit de jouir de leur mode de vie en tant que minorité, ont été suffisamment étayées. Aussi, il conclut que la démolition de l’abri des auteurs et le fait qu’ils aient été empêchés de construire une nouvelle habitation dans le campement rom de Riganokampos constituent une violation des articles 17, 23 et 27, seuls et lus conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte.

7.4À la lumière des conclusions du Comité, il ne semble pas nécessaire d’examiner l’allégation de violation des articles 7 et 26, seuls et lus conjointement avec les paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 2 du Pacte.

8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des articles 17, 23 et 27 lus séparément et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte.

9.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer aux auteurs un recours utile et des réparations, y compris une indemnisation. Il est tenu également de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent plus.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent-quatre-vingts jours, des informations sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations.

[Adoptée en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

Appendice

Opinion individuelle de M. Fabián Omar Salvioli

1.J’approuve la décision concernant la communication no 1799/2008 (Georgopoulos et consorts c. Grèce) et j’adhère sans réserve au raisonnement et aux conclusions du Comité. Je souhaiterais toutefois ajouter quelques réflexions au sujet de deux questions qui mériteraient, me semble-t-il, d’être développées plus avant dans la jurisprudence future du Comité des droits de l’homme: la notion de traitement dégradant et l’interdépendance entre les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels.

2.Dans l’affaire Georgopoulos, le Comité a à juste titre déclaré la communication recevable en ce qu’il pouvait y avoir une violation de l’article 7 du Pacte, qui consacre le droit de tout individu à l’intégrité de sa personne, interdisant la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants. La jurisprudence du Comité a établi clairement que cet article protège aussi bien l’intégrité physique que l’intégrité psychique.

3.Les auteurs de la communication font valoir que le fait que leur habitation ait été démolie à deux reprises et que leur espoir de ne pas être expulsés tant qu’une solution n’aurait pas été trouvée pour leur réinstallation, conformément à la décision du tribunal de première instance en date du 15 juin 2005 et à la proposition du maire de Patras, ait été déçu constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant. Bien que, au vu des éléments dont il disposait, le Comité n’ait pas jugé nécessaire d’examiner cette violation potentielle sur le fond, en déclarant la plainte recevable il a montré qu’il était disposé à étudier des argumentations dans ce sens et a signifié que dans le droit international des droits de l’homme contemporain la séparation fictive et artificielle des droits en «catégories» cède le pas à l’universalité et à l’interdépendance de tous les droits fondamentaux.

4.En effet, des privations d’ordre économique ou social qui découlent de faits (actes ou omissions) de l’État peuvent, dans certains cas, constituer des violations du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le principe de non-discrimination (art. 2.1), l’égalité devant la loi (art. 26), l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 7), l’interdiction de l’esclavage ou de la servitude (art. 8), l’interdiction de toute immixtion arbitraire dans la vie privée, la famille, le domicile ou la correspondance (art. 17), la liberté d’association (art. 22), la protection de la famille (art. 23), les droits de l’enfant (art. 24) et les droits des minorités (art. 27) sont quelques‑unes des normes juridiques consacrées par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui permettent un développement des droits protégés «dans l’ordre social».

5.L’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants est absolue; elle constitue une norme du droit public international (jus cogens) et a unanimement été confirmée comme telle par la jurisprudence internationale des droits de l’homme. Il reste encore à approfondir la jurisprudence portant spécifiquement sur les «traitements dégradants», notion qui comporte des perspectives considérables et une arme précieuse pour la jurisprudence future des organes de protection des droits de l’homme.

6.Les droits de l’homme sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés, comme la communauté internationale l’a reconnu en 1993 en adoptant par consensus la Déclaration de Vienne (art. 5) lors de l’historique Conférence mondiale sur les droits de l’homme. Ces principes directeurs du droit international des droits de l’homme ne peuvent pas être ignorés; ils doivent guider tout le travail d’interprétation des organes internationaux de protection.

7.Le Comité des droits de l’homme a pour mandat d’appliquer le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et, pour s’en acquitter efficacement, il doit être guidé par le principe de l’universalité, de l’interdépendance et de l’indivisibilité de tous les droits inhérents à l’être humain. Le fait d’avoir déclaré recevable la communication Georgopoulos et consorts c. Grèce à raison d’une violation possible de l’article 7 constitue un précédent marquant.

(Signé) Fabián Salvioli

[Fait en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]