Nations Unies

CCPR/C/99/D/1554/2007

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. restreinte*20 août 2010FrançaisOriginal: anglais

C omité des droits de l’homme

Quatre-vingt-dix-neuvième session

12-30 juillet 2010

Constatations

Communication no 1554/2007

Présentée par:

Mohamed El-Hichou (représenté par un conseil, M. Finn Roger Nielsen)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Danemark

Date de la communication:

18 avril 2007 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 23 avril 2007 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations :

22 juillet 2010

Objet :

Immixtion arbitraire dans la vie familiale; protection de la famille; droit de l’enfant à une protection; discrimination

Questions de procédure :

Protection de la vie familiale; droits de l’enfant

Questions de fond :

Griefs insuffisamment étayés

Article s du Pacte :

23 et 24

Article du Protocole facultatif :

2

Le 22 juillet 2010, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci-après en tant que constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif concernant la communication no 1554/2007.

[Annexe]

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (quatre-vingt-dix-neuvième session)

concernant la

Communication no 1554/2007 *

Présentée par :

Mohamed El-Hichou (représenté par un conseil, M. Finn Roger Nielsen)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Danemark

Date de la communication :

18 avril 2007 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réunile 22 juillet 2010,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1554/2007 présentée au nom de M. Mohamed El-Hichou, en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication est Mohamed El-Hichou, un Marocain né le 6 juin 1990, résidant actuellement au Danemark. Il affirme être victime de violations, par le Danemark, des articles 23 et 24 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’auteur est représenté par un conseil, M. Finn Roger Nielsen.

1.2Le 18 avril 2007, l’auteur a présenté sa communication initiale, assortie d’une demande de mesures provisoires faisant suite à une décision qui lui enjoignait de quitter le pays d’ici le 3 janvier 2007. Conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, le Comité a porté la plainte à l’attention de l’État partie le 23 avril 2007. Dans le même temps, en application de l’article 92 de son règlement intérieur, le Comité a demandé à l’État partie de ne pas exécuter la décision de renvoi tant que la plainte serait à l’examen. Le 1er mai 2007, l’État partie a suspendu le délai fixé à l’auteur pour quitter le pays jusqu’à ce que le Comité se prononce sur l’affaire.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Les parents de l’auteur ont divorcé avant sa naissance. La mère de l’auteur a obtenu sa garde et il a vécu au Maroc avec ses grands-parents maternels jusqu’à leur décès, en 2000. Après la mort de ses grands-parents, sa mère ne pouvait plus subvenir à ses besoins et il a été placé chez sa grand-mère paternelle, qui avait des difficultés à s’occuper de lui.

2.2Après le divorce, le père de l’auteur est parti vivre au Danemark, où il s’est remarié et a eu deux enfants. Depuis sa naissance, l’auteur était soutenu financièrement par son père, qui passait régulièrement les vacances d’été et entretenait des contacts épistolaires et téléphoniques réguliers avec lui. Le 9 février 2002, l’auteur a demandé à pouvoir vivre auprès de son père au Danemark. Le 27 février 2003, le Service danois de l’immigration a rejeté sa requête, au motif que la garde de l’enfant n’avait pas été attribuée au père.

2.3En 2003, la mère de l’auteur s’est remariée et a transféré la garde de l’auteur au père de ce dernier. Le 2 mars 2003, l’auteur a demandé à l’État partie de réexaminer sa demande de permis de séjour, requête dont il a été débouté le 10 mars 2003. Les autorités danoises ont approuvé le transfert de la garde de l’auteur le 10 juin 2003, en réponse à une demande présentée par son père.

2.4Le 3 juillet 2003, l’auteur a déposé une nouvelle demande de permis de séjour de façon à pouvoir rejoindre son père. Le 17 novembre 2003, le Service danois de l’immigration a rejeté la requête de l’auteur, en indiquant que le père de ce dernier n’avait pas apporté la preuve de sa capacité à subvenir aux besoins de son fils.

2.5En septembre 2004, en raison des conditions de vie difficiles chez sa grand-mère âgée, l’auteur a quitté le Maroc pour rejoindre son père au Danemark. À la même époque, il a contesté la décision du Service de l’immigration devant le Ministère des réfugiés, de l’immigration et de l’intégration qui, le 1er février 2005, l’a débouté et a confirmé le refus de permis de séjour. La décision du Ministère a été contestée devant le tribunal municipal de Copenhague. En octobre 2005, le père de l’auteur a admis que son fils se trouvait illégalement dans le pays et l’auteur a été convoqué devant le Service de l’immigration. Il a été autorisé à rester temporairement dans le pays jusqu’à la fin de la procédure judiciaire.

2.6Le 18 mai 2006, le tribunal municipal a annulé la décision du Service de l’immigration et a obligé ce service à délivrer un permis de séjour à l’auteur. Le Service de l’immigration a interjeté appel du jugement devant la Division orientale de la Haute Cour du Danemark. Devant cette juridiction, le père de l’auteur a produit des documents prouvant qu’il souffrait d’épilepsie et qu’il était de ce fait au chômage depuis longtemps, subvenant aux besoins de sa famille grâce à l’aide sociale. Le 29 novembre 2006, la Haute Cour a conclu que la première décision de refus de permis de séjour rendue par le Service de l’immigration devait être confirmée. Le 12 décembre 2006, le Ministère des réfugiés, de l’immigration et de l’intégration a rendu une décision enjoignant à l’auteur de quitter le Danemark au plus tard le 3 janvier 2007.

2.7L’auteur a cherché à obtenir un réexamen de la décision négative du Service de l’immigration au regard de considérations humanitaires, en présentant une attestation médicale montrant que son père souffrait d’épilepsie et ne pouvait pas travailler. Le Ministère a rejeté la requête par une lettre datée du 19 janvier 2007. L’auteur a également tenté de se pourvoir devant la Cour suprême, mais sa requête en ce sens a été rejetée par la Commission des requêtes le 20 mars 2007. Les 19 et 20 avril 2007, l’auteur a reçu la visite de policiers, qui l’ont informé qu’il devait quitter le pays dans un délai d’une semaine.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme avoir épuisé tous les recours internes disponibles et utiles. Il considère que le refus de lui accorder un permis de séjour au Danemark et la décision lui enjoignant de quitter le pays, si elle était exécutée, constitueraient des violations des droits qu’il tire des articles 23 et 24 du Pacte.

3.2L’auteur fait valoir que, si le Comité des droits de l’homme ne peut fonder directement sa décision sur l’appréciation du respect des droits de l’enfant tels que spécifiés dans la Convention relative aux droits de l’enfant, la teneur de ces droits peut néanmoins aider à interpréter l’article 24 du Pacte et à comprendre en quoi consiste une violation de ses dispositions. Conformément à l’article 5 de la Convention relative aux droits de l’enfant, les États qui ont ratifié cet instrument, dont l’État partie, doivent respecter les droits et les devoirs qu’a un parent. Bien que l’État partie ait reconnu en 2003 le transfert de la garde de l’auteur, il a rejeté la demande de regroupement familial avec le père, empêchant ainsi ce dernier de subvenir aux besoins et à l’éducation de son fils. L’auteur affirme être victime d’une discrimination, étant donné que n’importe quel autre enfant dans l’État partie a le droit, reconnu par la loi, de vivre avec le parent auquel sa garde a été confiée par voie judiciaire, aux termes d’un accord ou par décision administrative.

3.3L’auteur fait valoir que, conformément à l’article 9 de la Convention relative aux droits de l’enfant, l’État partie doit veiller à ce qu’un enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant. L’auteur affirme que le refus de l’État partie de l’autoriser à rester avec son père est une violation de l’article 9 de la Convention relative aux droits de l’enfant et, partant, de l’article 24 du Pacte, en particulier du fait que sa mère est dans l’incapacité de s’occuper de lui et qu’on ignore actuellement où elle se trouve.

3.4L’auteur soutient que, conformément à l’article 10 de la Convention relative aux droits de l’enfant, toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d’entrer dans un État partie ou de le quitter aux fins de regroupement familial doit être considérée par les États parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence. L’auteur affirme que l’État partie a violé cette disposition de la Convention et, partant, l’article 24 du Pacte, du fait que sa demande de regroupement familial a été en souffrance pendant plus de quatre ans, pour être finalement rejetée.

3.5L’auteur fait valoir que, conformément à l’article 18 de la Convention relative aux droits de l’enfant, les États parties doivent accorder l’aide appropriée aux parents et aux représentants légaux de l’enfant dans l’exercice de la responsabilité qui leur incombe d’élever l’enfant. Il affirme que l’État partie devrait accorder en particulier un soutien au parent qui a la garde de l’enfant, qu’en l’espèce l’État partie a manqué à cette obligation, alors même qu’il a reconnu le transfert de garde, et qu’il a ainsi violé l’article 24 du Pacte.

3.6L’auteur affirme également que l’État partie n’est pas en droit de limiter son droit à la vie familiale ni de faire obstacle à l’exercice de ce droit, étant donné qu’on ne peut prétendre que le fait de séparer l’auteur de son père et des autres enfants de ce dernier serait propice à ses intérêts et à son bien-être. L’auteur affirme aussi que son père et lui ont entretenu des contacts réguliers depuis sa naissance et jusqu’à ce qu’il rejoigne son père au Danemark. En conséquence, l’État partie ne peut prétendre que les contacts entre le père et le fils étaient si peu importants que l’auteur n’est pas en mesure d’invoquer les droits qu’il tient de l’article 24 du Pacte. L’auteur fait valoir qu’il a une vie de famille dans l’État partie et que le refus de lui accorder un permis de séjour constitue une restriction disproportionnée de sa vie familiale et de celle de son père, et une violation des articles 23 et 24 du Pacte.

3.7L’auteur soutient que l’État partie n’est pas en droit d’exiger comme condition du regroupement familial que le père de l’auteur travaille, puisque les parents ou les enfants qui sont des ressortissants de l’État partie ou des étrangers au bénéfice d’un permis de séjour ne sont pas soumis à cette condition. L’auteur fait observer qu’il vit dans le pays depuis septembre 2004 et qu’il est soutenu matériellement par son père, ce qui prouve que ce dernier est en mesure de l’élever malgré ses ressources modestes.

Observations de l’État partie

4.1Dans une note verbale datée du 25 juin 2007, l’État partie a fait part de ses observations et conteste la recevabilité de la communication.

4.2L’État partie fait valoir que le 14 juillet 2006 le Service danois de l’immigration a refusé d’accorder l’asile à l’auteur, considérant que sa demande était manifestement infondée. Le 18 mai 2006, le tribunal municipal de Copenhague avait annulé la décision ministérielle du 1er février 2005 au motif que le dossier ne contenait pas d’éléments de fond tels que le père de l’auteur devait prouver sa capacité à subvenir aux besoins de son fils. Par un arrêt du 29 novembre 2006, la Haute Cour du Danemark oriental a réformé le jugement rendu par le tribunal municipal, en reprenant les motifs du Ministère et en invoquant le fait que la Commission des requêtes avait rejeté des demandes d’autorisation d’appel ultérieures. Le Ministère des réfugiés, de l’immigration et de l’intégration a ordonné à l’auteur de quitter le pays le 3 janvier 2007 au plus tard. Le 2 janvier 2007, l’auteur a déposé une demande de réexamen de la décision ministérielle, requête que le Ministère a rejetée le 19 janvier 2007.

4.3L’État partie relève que l’auteur a séjourné illégalement dans le pays de septembre 2004 au 12 octobre 2005, qu’il a bénéficié d’un permis de séjour pour la période pendant laquelle sa demande d’asile était examinée, soit du 12 octobre 2005 au 24 juillet 2006, qu’il a résidé une nouvelle fois illégalement dans le pays du 24 juillet au 20 septembre 2006, qu’une autorisation de séjour temporaire lui a été accordée jusqu’au 3 janvier 2007, dans l’attente de l’issue de la procédure judiciaire, et qu’il est resté illégalement dans le pays du 3 janvier au 1er mai 2007, date à laquelle il a bénéficié d’une prolongation du fait de la demande de mesures provisoires adressée par le Comité des droits de l’homme.

4.4L’État partie constate que selon les derniers renseignements communiqués par l’auteur le 18 avril 2007 l’adresse de la mère de l’auteur est inconnue. Il donne également des renseignements sur d’autres membres de la famille de l’auteur qui vivent au Maroc − sa grand-mère paternelle et trois autres enfants de son père.

4.5L’État partie cite la législation interne pertinente, c’est-à-dire l’article 9 de la loi sur les étrangers du 1er juillet 1998. Conformément au paragraphe 1 ii) de cet article, un permis de séjour peut être accordé, sur demande, à l’enfant mineur d’une personne résidant en permanence dans l’État partie, sous réserve que l’enfant vive avec la personne qui en a la garde. Conformément au paragraphe 10 du même article, depuis le 1er juin 2002 et à condition que des «considérations essentielles» le justifient, il peut être demandé, avant de délivrer le permis de séjour, des preuves justifiant que le résident peut subvenir aux besoins de l’enfant. L’État partie affirme que la disposition susmentionnée est appliquée en conformité avec les obligations internationales auxquelles il a souscrit, en particulier l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il ressort de la pratique actuelle que les services de l’immigration considèrent que la durée de la période qui s’est écoulée entre le moment où le requérant a pu présenter pour la première fois une demande de permis de séjour et le moment où la demande a été déposée constitue une «considération essentielle». Le fait que la demande de permis de séjour a été déposée après que le requérant a passé une grande partie de son enfance dans son pays d’origine serait une autre «considération essentielle». La question de savoir si le parent résidant dans l’État partie a choisi de vivre sa vie de famille en faisant de courts séjours dans le pays d’origine, par exemple pendant les congés annuels, et la fréquence des contacts que le parent et l’enfant entretenaient avant le dépôt de la demande sont d’autres facteurs réputés «essentiels». Enfin, les autorités évaluent également si des obstacles importants semblent s’opposer à ce que la vie de famille se poursuive de la même façon que dans le pays d’origine. Si tel est le cas, les autorités renoncent à imposer des conditions relatives à l’entretien de l’enfant.

4.6L’État partie explique en outre que si une demande d’asile est déclarée manifestement dénuée de fondement, une consultation est organisée avec le Conseil danois pour les réfugiés (organisation humanitaire privée). Si le Conseil danois pour les réfugiés ne souscrit pas à l’appréciation des services de l’immigration, le dossier est transmis au Conseil de recours des réfugiés pour examen et décision finale.

4.7L’État partie fait valoir que l’auteur n’a avancé aucun argument concernant la violation présumée de l’article 23 du Pacte. Il conteste le grief de l’auteur relatif à son expulsion, affirmant qu’aucune procédure d’expulsion n’a jamais été engagée à l’égard de l’auteur mais que ce dernier a en revanche reçu l’ordre à plusieurs reprises de quitter le pays dans un délai fixé. Si l’auteur n’avait pas quitté le pays de son plein gré dans le délai qui lui était imparti, et si ce délai n’avait pas été prolongé comme suite à la demande du Comité des droits de l’homme, les autorités auraient en fin de compte engagé la procédure d’expulsion. Cette procédure ne contrevient pas aux articles 23 et 24 du Pacte, puisque les mêmes principes s’appliquent dans les affaires de regroupement familial et dans celles relatives à l’expulsion d’un étranger dont un parent proche réside dans le pays. L’État partie affirme que les griefs de l’auteur ne sont pas suffisamment étayés et que la communication devrait par conséquent être déclarée irrecevable.

4.8L’État partie reconnaît que la relation entre l’auteur et son père est assimilable à une «vie familiale» au sens du Pacte, même si l’auteur et son père n’avaient jamais vécu ensemble en permanence avant l’entrée illégale de l’auteur dans le pays, en septembre 2004. Toutefois, l’État partie ne considère pas qu’il est tenu en vertu du Pacte d’autoriser l’auteur et son père à pratiquer leur vie familiale sur son territoire.

4.9L’État partie fait valoir que les «familles» sont largement reconnues, implicitement et expressément, dans son système juridique, conformément à l’article 23 du Pacte. En outre, l’article 24 du Pacte ne précise pas quelles mesures de protection sont requises par la condition de mineur d’un enfant; au contraire, les États jouissent d’un pouvoir discrétionnaire étendu quant à la façon de s’acquitter de l’obligation positive qui leur est faite. L’État partie fait observer que son système juridique permet aux membres de la famille d’une personne résidant sur son territoire de présenter une demande de regroupement familial ou de visites de courte durée, et que, dans tous les cas, les autorités étudient l’opportunité de faire droit à la demande à la lumière, entre autres, des obligations de l’État partie découlant du droit international. Les articles 23 et 24 du Pacte n’imposent pas à l’État une obligation générale de respecter le choix des immigrants concernant leur pays de résidence ou d’autoriser le regroupement familial sur son territoire, les dispositions de l’un et l'autre article du Pacte devant être lues à la lumière du droit de l’État partie de contrôler l’entrée, la résidence et l’expulsion des étrangers.

4.10L’État partie conteste le grief de l’auteur qui fait valoir que le refus de lui accorder un permis de séjour constitue une «immixtion» dans sa vie de famille avec son père, étant donné que leur vie familiale actuelle dure depuis moins de trois ans, qu’elle a été établie et développée pendant le séjour de l’auteur dans le pays, séjour la plupart du temps illégal, et que le père et le fils n’avaient jamais vécu ensemble en permanence avant l’arrivée de l’auteur au Danemark. Dans la présente affaire il s’agit de déterminer la portée de l’obligation positive de l’État qui pourrait découler des articles 23 et 24 du Pacte, autrement dit de déterminer si l’auteur devrait être autorisé ou non à résider avec son père dans le pays.

4.11L’État partie n’ignore pas que le Comité considère généralement que le refus d’un État d’autoriser un membre d’une famille à rester sur son territoire est susceptible de constituer une immixtion dans la vie de famille de l’intéressé, mais il appelle l’attention sur le fait que dans la plupart des affaires de regroupement familial que le Comité a examinées les auteurs avaient passé beaucoup plus de temps sur le territoire de l’État en cause que ne l’a fait l’auteur de la communication (onze ans dans l’affaire Sahid c. Nouvelle-Zélande, quinze ans dans l’affaire Madafferi c. Australie et quatorze ans dans l’affaire Winata et Li c. Australie).

4.12La présente affaire n’entre pas dans le champ d’application des articles 23 et 24 du Pacte et par conséquent l’État partie doit disposer d’une marge d’appréciation importante pour décider d’autoriser ou non le regroupement familial. Il affirme que dans le cas d’espèce la marge d’appréciation devrait être particulièrement grande, étant donné que l’affaire a été soumise à l’examen approfondi de deux juridictions administratives et deux juridictions de l’ordre judiciaire, qui l’ont toutes traitée spécifiquement à la lumière des obligations du Danemark en vertu du droit international. L’État partie rappelle que dans l’affaire Winata et Li c. Australie, le Comité a expressément dit que «les États parties ont une large marge de manœuvre pour appliquer leur politique en matière d’immigration et pour exiger le départ d’individus qui se trouvent illégalement sur leur territoire».

4.13L’État partie déduit de la pratique du Comité que, pour qu’un refus de regroupement familial ne soit pas incompatible avec les articles 23 et 24 du Pacte, il faut qu’il soit légal et n’ait pas un caractère arbitraire. Dans le cas d’espèce, le refus était légal puisqu’il a été opposé en application de la loi sur les étrangers, et sa légalité n’est pas contestée par l’auteur. En ce qui concerne la notion d’arbitraire, elle suppose que la mesure en cause doit être proportionnée au but légitime recherché, et l’État partie cite à l’appui de cet argument le paragraphe 7.3 des constatations du Comité dans l’affaire Winata et Li c. Australie. Contrairement à l’affaire Winata et Li c. Australie, il n’y a pas, dans le cas d’espèce, de circonstances exceptionnelles qui rendraient arbitraire l’expulsion de l’auteur.

4.14L’élément le plus important dans l’affaire à l’examen est le fait que la séparation de l’auteur et de son père depuis la naissance de l’auteur jusqu’en septembre 2004 était due uniquement au choix du père de vivre à l’étranger avec sa nouvelle famille. Rien n’empêchait le père de l’auteur de demander beaucoup plus tôt le regroupement familial, mais il ne l’a fait que le 9 février 2002, onze ans et demi après la naissance de son fils. Aucune raison légitime n’est donnée pour expliquer que le père de l’auteur ait attendu si longtemps. À aucun moment durant la période où ils ont été séparés − plus de quatorze ans − le père de l’auteur n’a déposé une demande de visa de courte durée pour que l’auteur puisse rendre visite à son père et à la nouvelle famille de ce dernier au Danemark.

4.15L’État partie renvoie à la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme en ce qui concerne l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et les affaires de regroupement familial au bénéfice des enfants. Dans les cas où la séparation de la famille est la conséquence d’une décision délibérée des parents de s’installer dans un État partie et de laisser leurs enfants dans leur pays d’origine, la Cour européenne des droits de l’homme a une conception des choses stricte, qui est plus stricte encore quand les parents ne manifestent pas une intention claire d’avoir leurs enfants auprès d’eux, par exemple lorsqu’ils attendent plusieurs années avant de déposer une demande de regroupement familial.

4.16L’État partie relève que, à l’époque où la communication a été présentée, l’auteur avait 17 ans et était capable de se prendre en charge; il n’avait pas autant besoin de ses parents qu’un petit enfant; l’auteur a vécu toute son enfance et les premières années de son adolescence sans son père; sa mère et un certain nombre de proches habitent dans sa ville d’origine et il a par conséquent des liens familiaux, culturels et linguistiques étroits avec le Maroc. Il n’a pas apporté d’éléments montrant qu’on ignorait où se trouvait sa mère, et il a fait à maintes reprises des déclarations contradictoires sur le point de savoir s’il avait vécu avec elle à partir de 2000.

4.17L’État partie note que, durant son séjour sur le territoire danois, l’auteur n’a jamais reçu d’assurance ni n’a pu légitimement espérer qu’un droit de résidence lui serait accordé, et il note aussi qu’en réalité l’auteur s’est vu refuser un permis de séjour à deux reprises, et que l’auteur et son père savaient bien que la vie de famille qu’ils avaient entrepris d’établir resterait précaire tant que le père ne satisfaisait pas à la condition de revenu minimum. L’État partie renvoie une nouvelle fois à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, selon laquelle même un séjour illégal ou précaire très long d’un requérant mineur ne peut améliorer la situation juridique de ce dernier au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

4.18Le refus de l’État partie d’accorder à l’auteur un permis de séjour n’empêche pas l’auteur et son père de conserver le même degré de vie de famille qu’avant l’arrivée illégale de l’auteur dans le pays. L’État partie considère qu’il n’est pas établi que la mère de l’auteur ou d’autres membres de la famille ne seraient pas en mesure de s’occuper de lui, avec une aide financière du père. Le fait que l’épouse du père de l’auteur et leurs deux enfants vivent au Danemark ne saurait être considéré comme un élément déterminant puisque le père de l’auteur a attendu onze ans et demi avant de demander le regroupement familial et que, pendant toute cette période, il n’a jamais manifesté l’intention ou le désir d’intégrer l’auteur dans sa nouvelle famille. En conséquence, l’État partie affirme que le préjudice que le refus de regroupement familial créera pour l’auteur et son père n’est en aucune façon comparable à celui subi par les familles dans les affaires Madafferiet Winata et Li.

4.19L’État partie convient que les dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant peuvent être prises en considération pour interpréter l’article 24 du Pacte, mais il fait observer que la base juridique sur laquelle il faut s’appuyer est le Pacte, et que le Comité n’a en outre pas compétence pour décider si un État a violé la Convention relative aux droits de l’enfant. De plus, rien dans les textes ne permet d’affirmer que la Convention relative aux droits de l’enfant offre à l’auteur une protection plus étendue ou meilleure que les articles 23 et 24 du Pacte en matière de regroupement familial. Seul l’article 9 de la Convention porte directement sur la question du regroupement familial et les conditions énoncées dans cet article ont été remplies dans le cas d’espèce.

4.20Dans tous les cas où une demande de regroupement familial est présentée, les parties concernées doivent satisfaire à l’ensemble des conditions fixées dans la loi sur les étrangers. L’auteur n’a d’aucune façon fait l’objet d’un traitement différent et il n’a donc pas subi de discrimination de la part des autorités. La condition imposant de pouvoir subvenir aux besoins de l’enfant s’applique dans tous les cas, y compris aux nationaux, lorsqu’il s’est écoulé longtemps entre le moment où le parent était en mesure de présenter une demande de regroupement familial et la date à laquelle il l’a effectivement déposée. L’État partie est en désaccord avec l’auteur qui affirme que l’article 24 du Pacte, lu à la lumière de l’article 10 de la Convention relative aux droits de l’enfant, impose à l’État partie l’obligation de faciliter le regroupement familial entre un parent résidant légalement au Danemark et son enfant dans tous les cas où le parent a la garde de l’enfant.

4.21L’État partie considère qu’il est parfaitement raisonnable d’exiger de la personne qui réside dans le pays qu’elle apporte la preuve qu’elle peut subvenir aux besoins essentiels des membres de sa famille auxquels elle demande à être réunie. Il maintient que cette condition est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et renvoie à deux affaires dans lesquelles cette dernière a conclu à l’absence de violation au motif que rien ne permettait d’établir que les requérants s’étaient véritablement efforcés de satisfaire à la condition de revenu minimum, pas plus qu’ils n’avaient apporté la preuve de leur incapacité à y satisfaire.

4.22L’État partie cite les informations données par l’auteur concernant la santé de son père (des dossiers médicaux montrant que le père souffre d’épilepsie depuis 1986 et a été hospitalisé deux fois, en 2003 et 2006) et note que cette situation n’empêche pas l’auteur de conserver la même vie de famille qu’avant son arrivée dans le pays.

4.23L’État partie note enfin que l’auteur n’invoque pas le paragraphe 1 de l’article 17 du Pacte, qui interdit toute immixtion arbitraire ou illégale dans la vie de famille. Pour le cas où l’auteur invoquerait ultérieurement cette disposition, l’État partie fait valoir que l’immixtion dans la vie de famille de l’auteur ne serait pas arbitraire et serait proportionnée au but légitime recherché.

4.24L’État partie conclut que la communication devrait être déclarée irrecevable faute d’être suffisamment étayée, et que la demande de mesures provisoires devrait être retirée.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre datée du 14 janvier 2008, l’auteur réitère ses griefs. Il fait observer qu’il a appris à parler, à lire et à écrire en danois, bien que les autorités ne l’aient pas autorisé à être scolarisé au Danemark. Malgré sa maladie, son père a été employé pendant des périodes plus ou moins longues et, contrairement à ce qu’affirme l’État partie, il ne subvient pas aux besoins de sa famille depuis 2003 uniquement grâce à l’aide sociale. À ce sujet, l’auteur fournit copie de contrats de travail de courte durée de son père datés du 12 décembre 2005, du 23 mai 2006 et du 14 novembre 2006.

5.2En ce qui concerne sa mère, l’auteur précise qu’après le décès de ses grands-parents maternels, en 2000, sa mère a été obligée de vivre avec ses frères et sœurs, qu’elle n’a plus été en mesure de l’aider financièrement et que pour cette raison il a été placé chez sa grand-mère paternelle et a bénéficié alors du soutien financier de son père. La dernière adresse connue de sa mère est celle qu’elle a indiquée sur les documents relatifs au transfert de la garde au père; sa mère a ensuite déménagé avec son nouveau mari et il ignore actuellement où elle se trouve. L’auteur rejette catégoriquement les affirmations de l’État partie qui cherche à montrer que les indications qu’il a données à propos du lieu où se trouverait sa mère ne seraient pas dignes de foi, et il renvoie à un rapport de la police de l’immigration daté du 18 octobre 2005 ainsi qu’à la décision du tribunal municipal de Copenhague datée du 18 mai 2006, qui montrent qu’il n’a pas fait de déclarations contradictoires à ce sujet. L’auteur affirme également que, selon le droit marocain, l’enfant doit avoir au moins 12 ans pour que le père ait une possibilité raisonnable d’obtenir la garde, et c’est la raison pour laquelle son père n’a pas cherché à l’obtenir plus tôt. L’auteur affirme également que, selon la tradition islamique, les enfants d’une femme qui se remarie ne peuvent vivre avec la nouvelle famille que si le nouveau mari le permet et que, en règle générale, au Maroc les hommes ne s’engagent pas à subvenir aux besoins des enfants nés d’un précédent mariage de leur épouse.

5.3L’auteur affirme une nouvelle fois que les obligations de l’État partie au titre de l’article 24 du Pacte sont déterminées par la teneur des articles 5, 9 et 10 de la Convention relative aux droits de l’enfant. Il fait valoir que l’État partie a ratifié cet instrument et qu’il a de ce fait des obligations positives, en particulier il est tenu de veiller à ce que le bien-être de l’enfant ne soit pas compromis par les décisions de ses autorités.

5.4L’auteur fait observer que son cas est différent des affaires Winata et Li et Sahid, dans lesquelles les enfants étaient au bénéfice d’un permis de séjour et qui portaient sur le droit des parents de rester dans le pays. Lorsqu’un enfant et son parent ont établi des liens étroits, l’État partie doit justifier l’expulsion de l’enfant en présentant d’autres éléments que la simple mise en œuvre de sa politique d’immigration pour empêcher que sa décision ne soit qualifiée d’arbitraire.

5.5L’auteur affirme également que la décision du Ministère des réfugiés, de l’immigration et de l’intégration n’est pas compatible avec les paragraphes 1 ii) et 10 de l’article 9 de la loi sur les étrangers et est par conséquent illégale, puisque les dispositions en question ne prévoient pas que les autorités peuvent imposer au père de l’auteur d’avoir un emploi fixe comme condition de la délivrance d’un permis de séjour. L’auteur conteste l’interprétation que le Ministère fait des travaux préparatoires de la loi eu égard aux dispositions susmentionnées, et il estime qu’il découle de ces travaux préparatoires qu’on ne peut exiger d’un parent qu’il fasse la preuve de sa capacité à entretenir l’enfant que dans le cas où le parent et l’enfant n’ont eu aucun contact pendant une longue période précédant le dépôt de la demande de regroupement familial. L’auteur souligne que son père est venu le voir pendant un mois tous les ans et que depuis sa naissance il honore avec constance son obligation alimentaire à son égard, prouvant ainsi qu’il est en mesure d’assurer sa subsistance. L’auteur note également que le tribunal municipal de Copenhague a considéré que le père de l’auteur n’avait pas à prouver sa capacité à subvenir aux besoins de son fils.

5.6L’auteur estime de surcroît que la décision de l’État partie de ne pas lui accorder un permis de séjour n’est pas compatible avec l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. L’auteur reconnaît que la jurisprudence sur laquelle l’État partie s’appuie concerne des affaires dans lesquelles des parents ayant décidé de s’installer à l’étranger ont délibérément choisi une vie familiale déterminée par cette situation, et que les États parties disposent d’un pouvoir discrétionnaire étendu pour mettre en œuvre leur politique d’immigration. Il fait toutefois observer que, dans le cas d’espèce, son père a deux autres enfants qui ont passé toute leur vie dans l’État partie et dont les intérêts dans leur pays de résidence doivent également être pris en considération. L’auteur appelle l’attention du Comité sur l’affaire Sen c. Pays-Bas (par. 38 à 41), dans laquelle la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à une violation de l’article 8 de la Convention au motif que le Gouvernement n’avait pas ménagé un juste équilibre entre les intérêts des enfants et son propre intérêt à maintenir sa politique d’immigration.

5.7En ce qui concerne l’âge de l’auteur et ses liens avec le Maroc, l’auteur rappelle qu’il avait 11 ans lorsqu’il a demandé pour la première fois à pouvoir rejoindre son père, et 14 ans lorsqu’il l’a effectivement rejoint. Le fait que l’examen du dossier par les autorités de l’État partie ait duré plusieurs années ne devrait pas avoir d’incidence sur l’appréciation des faits. De surcroît, le fait que le père ait trois frères et sœurs au Maroc est de moindre importance dans son cas, puisqu’il demande à bénéficier du regroupement familial pour rejoindre le parent à qui sa garde a été officiellement confiée.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 87 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité constate que tous les recours disponibles et utiles ont été épuisés.

6.3Le Comité prend note du grief de l’auteur qui affirme que le refus de l’État partie de lui délivrer un permis de séjour constitue une discrimination à son égard au titre de l’article 24 du Pacte, lu conjointement avec l’article 2. Le Comité considère toutefois que l’auteur n’a pas étayé ce grief et il déclare donc irrecevable cette partie de la communication.

6.4Le Comité note que l’État partie fait valoir que l’auteur n’a pas étayé les griefs de violation des droits qu’il tient des articles 23 et 24 du Pacte. Le Comité est toutefois d’avis que les considérations dont il est saisi soulèvent des questions importantes qu’il convient d’examiner quant au fond. Le Comité déclare donc la communication recevable et procède à son examen au fond.

Examen au fond

7.1Le Comité a examiné la présente communication à la lumière de toutes les informations qui lui ont été communiquées, conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.2Le Comité doit se prononcer sur le point de savoir si le refus de l’État partie d’accorder à l’auteur un permis de séjour aux fins du regroupement familial avec son père et la décision intimée à l’auteur de quitter le pays constituent une violation du droit à la protection de la vie de famille au sens des articles 23 et 24 du Pacte.

7.3Dans le cas d’espèce, l’État partie ne conteste pas que l’auteur et son père ont une vie de famille, qui a commencé avant que l’auteur ne rejoigne son père sur le territoire de l’État partie et s’est poursuivie par la suite. Que l’auteur soit resté illégalement sur le territoire de l’État partie ne change rien au fait qu’il a développé des liens familiaux non seulement avec son père, mais aussi avec les autres enfants de celui-ci et leur mère. L’État partie ne conteste pas non plus que l’auteur a appris la langue du pays et a tissé des liens avec la culture et la société danoises. Le Comité note l’affirmation de l’État partie qui indique que si l’auteur était renvoyé dans son pays d’origine rien n’empêcherait son père et lui de conserver une vie familiale au même niveau qu’avant l’arrivée de l’auteur dans l’État partie. Le Comité constate toutefois qu’il s’est produit deux changements importants. Premièrement, en 2000 déjà, les grands-parents maternels de l’auteur, qui ont subvenu de facto à ses besoins durant ses dix premières années, étaient décédés. Deuxièmement, en 2003 la mère de l’auteur a transféré la garde de l’enfant à son père, transfert qui a été reconnu par les autorités de l’État partie, et la responsabilité d’assurer la subsistance et l’éducation de l’auteur a ainsi incombé depuis lors à son père. Compte tenu de ces deux circonstances, le Comité n’est pas persuadé qu’il aurait été dans l’intérêt supérieur de l’auteur, à l’époque où il a demandé pour la première fois à pouvoir rejoindre son père, que l’enfant continue une vie familiale avec son père qui aurait été limitée à des visites annuelles et à une aide financière.

7.4Le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui indique que la séparation initiale de l’auteur et de son père était due uniquement à la décision du père de venir s’installer dans l’État partie et de laisser son fils dans son pays d’origine, et que le père n’a cherché à ce que son fils puisse rejoindre sa nouvelle famille que lorsqu’il a eu 11 ans et demi. Le Comité constate que les parents de l’auteur étaient divorcés, que sa mère avait obtenu la garde de l’enfant après sa naissance et que pendant ses dix premières années ses grands-parents se sont bien occupés de lui. Le Comité relève également que quand cette situation a changé le père de l’auteur a entrepris des démarches pour que son fils puisse le rejoindre et que lui-même subvienne à ses besoins. Le Comité relève également que l’affaire à l’examen porte sur les droits de l’auteur, en sa qualité de mineur, de conserver une vie familiale avec son père et les autres enfants de son père, et de bénéficier des mesures de protection requises par sa condition de mineur. Le Comité fait observer que l’auteur ne saurait être tenu responsable d’aucune décision prise par ses parents en matière de garde, d’éducation et de résidence.

7.5Dans ces circonstances très particulières, le Comité considère que le refus d’autoriser l’auteur à rejoindre son père sur le territoire de l’État partie et la décision lui enjoignant de quitter l’État partie, dans le cas où elle serait exécutée, constituerait une immixtion dans la famille incompatible avec l’article 23 et une violation du paragraphe 1 de l’article 24 du Pacte, pour manquement à l’obligation d’assurer à l’auteur les mesures de protection exigées par sa condition de mineur.

8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, constate que la décision de ne pas autoriser la réunification de l’auteur et de son père dans l’État partie et l’ordre de quitter le pays entraîneraient, s’ils étaient exécutés, une violation des articles 23 et 24 du Pacte.

9.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie a l’obligation de prendre des mesures pour protéger le droit de l’auteur à la réunification effective avec son père, et de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

10.Conformément à l’article 2 du Pacte, l’État partie s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte. Le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]