CCPR/C99/D/1377/2005

Distr. restreinte*

19 août 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Quatre-vingt-dix-neuvième session

12-30 juillet 2010

Constatations

Communication no 1377/2005

Présentée par:

Vladimir Katsora (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

7 février 2005 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 7 avril 2005 (non publiée sous forme de document)

Date de l ’ adoption des constatations:

19 juillet 2010

Objet :

Saisie et destruction de tracts appartenant à une coalition électorale

Questions de procédure :

Griefs non étayés

Questions de fond :

Égalité devant la loi; interdiction de la discrimination; droit de répandre des informations; restrictions légitimes; droit à un procès équitable devant un tribunal compétent, indépendant et impartial

Articles du Pacte :

14 (par. 1), 19 (par. 1 et 2) et 26

Article du Protocole facultatif :

2

Le 19 juillet 2010, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci-après en tant que constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif concernant la communication no 1377/2005.

[Annexe]

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (quatre-vingt-dix-neuvième session)

concernant la

Communication no 1377/2005 **

Présentée par:

Vladimir Katsora (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

7 février 2005 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réunile 19 juillet 2010,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1377/2005 présentée au nom de Vladimir Katsora en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est M. Vladimir Katsora, de nationalité bélarussienne, né en 1957, résidant à Gomel (Bélarus). Il se déclare victime d’une violation par le Bélarus des droits garantis par l’article 14 (par. 1), l’article 19 (par. 1 et 2) et l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il n’est pas représenté par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 30 décembre 1992.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est membre du Comité national d’un parti politique, le «Parti civique unifié», enregistré par le Ministère de la justice le 28 novembre 1995 et réenregistré le 30 juillet 1999. Le parti mène ses activités conformément à la législation bélarussienne et à ses propres statuts, enregistrés également par le Ministère de la justice aux mêmes dates que le parti lui-même. L’un des objectifs du parti, tels qu’ils sont énoncés dans ses statuts, est de participer aux élections en suivant les procédures établies par la législation nationale. Les élections des députés à la Chambre des représentants de l’Assemblée nationale (Parlement) devaient se tenir le 17 octobre 2004 et le même jour devait avoir lieu un référendum républicain, à l’initiative du Président du Bélarus, portant sur un amendement constitutionnel. La veille des élections à l’Assemblée nationale et du référendum, le Parti civique unifié et les autres partis politiques ont formé une coalition électorale, connue sous le nom de «V-Plus» (Cinq Plus), pour contester les propositions du Gouvernement relatives à l’amendement de la Constitution.

2.2L’auteur explique que la formation de coalitions électorales est une méthode de travail des partis politiques qui n’est pas interdite au Bélarus et qui est régie par les articles 7 et 23 de la loi du 5 octobre 1994 sur les partis politiques (modifiée le 26 juin 2003). Il fait observer en outre que le Code électoral du 11 février 2000 (modifié le 4 janvier 2003), qui régit le statut juridique des participants au processus électoral, ne prévoit pas de procédure obligatoire pour ce qui est de l’enregistrement par l’État des coalitions électorales de partis politiques et que, par conséquent, les activités de ces coalitions ne peuvent être considérées comme étant illégales. Conformément à l’article 45 (première partie) du Code électoral, les partis politiques qui font campagne pour l’élection des candidats ont le droit de débattre librement et de manière approfondie des programmes électoraux des candidats, de leurs qualités politiques, professionnelles et personnelles, et de militer pour ou contre tel ou tel candidat lors de réunions, de rassemblements, dans les médias et lors de rencontres avec les électeurs. En vertu de la quatrième partie de l’article 45, les partis politiques ont le droit de faire campagne librement pour ou contre la tenue d’un référendum et pour ou contre la proposition faisant l’objet du référendum.

2.3Dans le cadre de la campagne qu’ils ont menée pour l’élection des députés à la Chambre des représentants et pour le référendum, les partis politiques constituant la coalition électorale ont publié plusieurs tracts portant le logo de «V-Plus». Dans ces tracts était décrit le programme d’action proposé par les partis concernés pour s’attaquer aux problèmes majeurs du Bélarus. De plus, il était expressément indiqué dans ces tracts que le programme d’action servirait de base à d’autres activités, si les candidats des partis de la coalition remportaient les élections.

2.4Le 12 août 2004, l’auteur transportait de Minsk à Gomel, dans son véhicule privé, pour le compte de la coalition électorale «V-Plus», quelque 14 000 exemplaires du tract portant le logo de «V-Plus», intitulé «Cinq actions pour une vie meilleure», ainsi qu’un nombre non précisé d’exemplaires des journaux Time et New Newspaper. Dans le district de Zhlobin (région de Gomel), son véhicule a été arrêté par la police routière et escorté jusqu’au poste de la police routière, où il a été minutieusement fouillé par des agents du Ministère des affaires intérieures. Ensuite, l’auteur a été emmené au Département des affaires intérieures du district de Zhlobin où les tracts et journaux lui ont été confisqués.

2.5À une date non précisée, les agents du Département des affaires intérieures du district de Zhlobin ont établi un rapport administratif, dans lequel ils ont déclaré que l’auteur avait commis une infraction administrative prévue dans la première partie de l’article 167-10 (activités menées au nom de partis politiques, de syndicats ou d’associations non enregistrés ou non réenregistrés) du Code des infractions administratives de 1984. Le 31 août 2004, le tribunal du district de Zhlobin (région de Gomel) a reconnu l’auteur coupable d’une infraction administrative en vertu de la première partie de l’article 167-10 du Code des infractions administratives pour participation aux activités d’une association non enregistrée, et l’ont condamné à une amende de 570 000 roubles (30 fois le montant de base). Le tribunal a également ordonné la destruction des 14 000 tracts. Le tribunal a conclu qu’en transportant des tracts portant le logo d’une association publique (l’association «V-Plus») qui n’était pas dûment enregistrée auprès du Ministère de la justice, l’auteur avait mené des activités au nom d’une association publique non enregistrée. Cette décision était définitive et exécutoire.

2.6Par la suite, l’auteur a demandé au Président du tribunal régional de Gomel que la décision du tribunal du district de Zhlobin soit réexaminée dans le cadre d’une procédure de contrôle en révision. Il a fait valoir, entre autres arguments, que la saisie des tracts qui avait été ordonnée à titre de sanction administrative secondaire ne pouvait pas être prononcée en vertu de la première partie de l’article 167-10 du Code des infractions administratives. Le 18 octobre 2004, le Président du tribunal régional de Gomel a rejeté la requête de l’auteur au motif que la décision rendue était légale et fondée. Se référant spécifiquement aux griefs relatifs à la saisie des tracts, il a déclaré que dans la décision du tribunal du district de Zhlobin la saisie des tracts n’était pas mentionnée. Il a déclaré que le tribunal du district de Zhlobin avait pris note de la déclaration de l’auteur affirmant que les tracts ne lui appartenaient pas, et comme personne n’en avait revendiqué la propriété au cours de la procédure, il avait décidé d’en ordonner la destruction.

2.7À une date non précisée, dans le cadre d’une procédure de contrôle en révision également, l’auteur a introduit une requête devant le Président de la Cour suprême. Le 31 décembre 2004, le Vice-Président de la Cour suprême a confirmé la légalité de la décision rendue et débouté l’auteur.

2.8Le 1er octobre 2004, l’auteur a envoyé une lettre ouverte au Président de la Cour constitutionnelle, au Procureur général, au Président du Comité de la sécurité d’État, au Ministre des affaires intérieures, au chef de la police routière, au Président du Comité des douanes et au chef du Département principal des gardes frontière, dans laquelle il se plaignait de ce que son arrestation illégale le 12 août 2004 et la saisie des tracts, qui avaient été filmées par des inconnus en civil, avaient été diffusées par deux chaînes de télévision de l’État, «BT» le 25 septembre 2004, et «STV» le 26 septembre 2004.

2.9Le 17 octobre 2004, le Procureur de la région de Gomel a répondu à l’auteur que les agents du Ministère des affaires intérieures n’avaient violé aucune loi en l’arrêtant et que ses actes relevaient bien de l’article 167-10 du Code des infractions administratives ainsi que l’avait déclaré le tribunal. Le 20 octobre 2004, le chef du Département de la police routière du Comité exécutif de Gomel a adressé une réponse écrite à la lettre ouverte, dans laquelle il déclarait que le véhicule de l’auteur avait été arrêté pour excès de vitesse. Le 5 novembre 2004, le Bureau du Procureur général a informé l’auteur qu’il pouvait intenter un recours contre les actes des agents du Ministère des affaires intérieures et des chaînes de télévision en suivant la procédure fixée par la loi. Le 7 novembre 2004, le chef du Département régional du Comité de la sécurité d’État à Gomel a répondu à l’auteur que l’objet de sa plainte ne relevait pas de la compétence du Comité de la sécurité d’État.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur fait valoir que les tribunaux de l’État partie n’ont pas tenu compte de son argument selon lequel il avait agi non pas pour le compte d’une association non enregistrée mais pour le compte d’un parti membre de la coalition électorale «V-Plus», dûment enregistré. Il fait valoir par ailleurs que la législation nationale ne rend pas obligatoire l’enregistrement d’une coalition électorale de partis politiques. Il déclare que les tribunaux n’ont rien fait pour vérifier si «V-Plus» était une association publique au sens de l’article premier de la loi sur les associations publiques et qu’ils ont traité l’affaire de manière expéditive et incompétente. Ils n’ont pas non plus tenu compte de l’argument de l’auteur qui invoquait le droit de répandre des informations garanti par l’article 34 (première partie) de la Constitution et l’article 19 du Pacte et n’ont pas expliqué en quoi la restriction de sa liberté de répandre des informations était justifiée par l’un des motifs énoncés au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte. L’auteur affirme donc que sa cause n’a pas été entendue équitablement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, ainsi que l’exige l’article 14 (par. 1) du Pacte.

3.2L’auteur affirme en outre qu’en violation de l’article 26 du Pacte, les autorités de l’État partie ne lui ont pas garanti le droit à une égale protection de la loi contre une discrimination fondée sur ses opinions politiques.

3.3L’auteur affirme également que, du fait de la saisie arbitraire et de la destruction de 14 000 tracts, son droit de ne pas être inquiété pour ses opinions, consacré par les paragraphes 1 et 2 de l’article 19 du Pacte, en particulier le droit de répandre des informations et des idées de toute espèce, a été violé. Il déclare que l’État partie n’a pas montré pourquoi il était nécessaire de restreindre son droit pour un motif prévu au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.Dans une note du 9 juin 2005, l’État partie a fait parvenir des informations fournies par la Cour suprême: le 31 août 2004, le tribunal du district de Zhlobin (région de Gomel) avait reconnu l’auteur coupable d’une infraction administrative en vertu de l’article 167-10 (première partie) du Code des infractions administratives et l’avait condamné à une amende de 57 000 roubles (30 fois le montant de base), ce qui correspondait à 25 dollars des États‑Unis environ. L’État partie a fait valoir que cette décision était fondée sur la législation nationale en vigueur à l’époque. Il se réfère aux faits de l’espèce et rappelle que le 12 août 2004 l’auteur transportait 14 000 tracts qui appartenaient à l’association non enregistrée «V-Plus». Ces faits, tels qu’ils ont été corroborés par un témoin, n’ont pas été contestés par l’auteur. Les tracts saisis portaient le logo de la coalition «V-Plus» qui, d’après les renseignements reçus du Ministère de la justice, n’a pas été dûment enregistrée en tant qu’association publique sur le Registre national centralisé.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1En date du 17 juillet 2005, l’auteur a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il indique que, contrairement aux affirmations de l’État partie, il a été condamné à une amende de 570 000 roubles, et non de 57 000 roubles, ce qui équivaut à 265 dollars des États-Unis. De plus, ainsi qu’il ressort de la décision rendue par le tribunal du district de Zhlobin (région de Gomel), la saisie et la destruction des 14 000 tracts avaient été ordonnées par le tribunal à titre de sanction secondaire.

5.2L’auteur conteste l’argument de l’État partie qui affirme que la décision du tribunal du district de Zhlobin (région de Gomel) était fondée sur la législation nationale en vigueur à l’époque. Il reconnaît que les 14 000 tracts portaient effectivement le logo «V-Plus» mais objecte que la conclusion de la Cour suprême, qui a déclaré que ce logo appartenait à une association publique non enregistrée, était dénuée de fondement. Il réaffirme que le Code électoral n’établit pas de procédure obligatoire pour ce qui est de l’enregistrement par l’État des coalitions électorales de partis politiques et que, par conséquent, les activités menées à la veille de la campagne électorale ne pouvaient pas être considérées comme illégales au Bélarus. L’auteur conclut que la Cour suprême et l’État partie n’ont pas expliqué en quoi la restriction de son droit de répandre des informations était justifiée au regard du paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. En l’absence d’objection de la part de l’État partie, il considère que les conditions énoncées au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif sont réunies.

6.3L’auteur affirme que le droit à une égale protection de la loi qu’il tient de l’article 26 du Pacte a été violé parce qu’il a été victime de discrimination en raison de ses opinions politiques. Le Comité note toutefois que l’auteur n’a pas apporté d’informations ni de preuves à l’appui de ce grief. De plus, on ignore si ces questions ont été soulevées devant les juridictions nationales. Dans ces conditions, le Comité considère que cette partie de la communication n’est pas étayée aux fins de la recevabilité et la déclare donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.4En ce qui concerne le grief tiré du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, le Comité note qu’il porte essentiellement sur des questions liées directement à celles qui relèvent de l’article 19 du Pacte et concerne le droit de répandre des informations. Il note également qu’aucun élément ne s’oppose à la recevabilité des allégations de violation du paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte et les déclare recevables. Ayant conclu ce qui précède, le Comité décide qu’il n’est pas nécessaire d’examiner séparément les allégations de violation du paragraphe 1 de l’article 14 et du paragraphe 1 de l’article 19 du Pacte.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

7.2En premier lieu, le Comité doit déterminer si le fait de déclarer l’auteur coupable d’une infraction visée à l’article 167-10 (première partie) du Code des infractions administratives, ce qui a entraîné la confiscation de 14 000 tracts portant le logo de la coalition électorale «V-Plus» et l’imposition d’une amende, a constitué une restriction du droit de répandre des informations au sens du paragraphe 3 de l’article 19. Le Comité note que l’article 167-10 (première partie) du Code des infractions administratives établit la responsabilité administrative encourue par des personnes qui se livrent à des activités pour le compte de partis politiques, de syndicats ou d’autres associations publiques non enregistrées ou non réenregistrées. Il note également qu’en rendant obligatoire l’enregistrement des partis politiques (y compris des coalitions électorales de partis politiques enregistrés), syndicats et autres associations publiques, l’État partie mettrait effectivement des obstacles à l’exercice de la liberté de répandre des informations, garanti par le paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte.

7.3En deuxième lieu, le Comité doit donc déterminer si, dans le cas à l’examen, ce type d’obstacle est justifié au regard du paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte, qui admet certaines restrictions, à condition qu’elles soient expressément fixées par la loi et nécessaires a) au respect des droits et de la réputation d’autrui et b) à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. Le droit à la liberté d’expression revêt une importance essentielle et toute restriction apportée à son exercice doit être rigoureusement justifiée.

7.4Le Comité note que l’auteur a fait valoir que l’article 167-10 (première partie) du Code des infractions administratives ne s’appliquait pas à son cas parce qu’il n’avait pas pris part aux activités d’une association non enregistrée, et que les sanctions étaient de ce fait illégales et constituaient une violation de l’article 19 du Pacte. À ce propos, le Comité note en premier lieu que l’auteur et l’État partie ne sont pas du même avis sur la question du statut de la coalition électorale «V-Plus» et le point de savoir s’il s’agit d’une association publique devant faire l’objet d’une inscription séparée auprès du Ministère de la justice. Il note en outre que rien dans les éléments dont il a été saisi ne permet de penser que les décisions des tribunaux de l’État partie reposaient sur un autre motif que l’absence d’enregistrement de la coalition électorale «V-Plus» auprès du Ministère de la justice. Toutefois, le Comité n’est pas en mesure de procéder à une nouvelle appréciation des conclusions des tribunaux de l’État partie au sujet du statut juridique de la coalition électorale en question au Bélarus.

7.5Quoi qu’il en soit, même si les sanctions prises contre l’auteur étaient licites en vertu de la législation nationale, l’État partie n’a pas apporté d’arguments montrant en quoi elles étaient nécessaires aux fins de l’un des objectifs légitimes énoncés au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte ni pourquoi l’inobservation de l’obligation d’enregistrement de la coalition électorale «V-Plus» auprès du Ministère de la justice a entraîné non seulement des sanctions pécuniaires mais aussi la saisie et la destruction des tracts. Le Comité conclut qu’en l’absence d’explications utiles de la part de l’État partie, les restrictions à l’exercice du droit de l’auteur de répandre des informations ne peuvent pas être réputées nécessaires à la sauvegarde de la sécurité nationale ou de l’ordre public ou au respect des droits ou de la réputation d’autrui. Le Comité estime donc qu’en l’espèce les droits que l’auteur tient du paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte ont été violés.

8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est d’avis que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par le Bélarus du paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte.

9.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile, sous la forme d’une réparation complète et d’une indemnisation appropriée. L’État partie est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus par le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]