Observations finales concernant le quatrième rapport périodique du Liechtenstein *

Le Comité contre la torture a examiné le quatrième rapport périodique du Liechtenstein (CAT/C/LIE/4) à ses 1357e et 1359eséances (voir CAT/C/SR.1357 et CAT/C/SR.1359), les 9 et 10 novembre 2015, et a adopté, à sa 1378eséance, le 24 novembre 2015, les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté la procédure simplifiée de présentation de rapports et d’avoir soumis son quatrième rapport dans les délais.

Le Comité apprécie la qualité de son dialogue constructif avec la délégation multisectorielle de haut niveau envoyée par l’État partie et les réponses détaillées apportées aux questions posées et aux préoccupations exprimées par des membres du Comité pendant l’examen du rapport.

B.Aspects positifs

Le Comité tient à féliciter l’État partie de l’absence de signalements de cas de torture au Liechtenstein depuis son adhésion à la Convention. Il le félicite aussi de sa stratégie déclarée de tolérance zéro à l’égard de la torture.

Le Comité tient à saluer le respect par l’État partie de la procédure de suivi et des recommandations du Comité.

Le Comité se félicite des mesures législatives prises par l’État partie pour donner effet à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et note en particulier avec satisfaction :

a)Les modifications apportées au Code pénal, au Code de procédure pénale, à la loi sur le casier judiciaire, à la loi sur l’effacement des condamnations judiciaires et à la loi sur l’exécution des peines, qui ont été approuvées par le Parlement en mars 2011 et sont entrées en vigueur le 1erjuin 2011;

b)La révision du Code pénal, qui rend possible l’ouverture de poursuites d’office pour presque tous les actes de violence au foyer à caractère sexuel et a notamment aboli le traitement spécial prévu pour les affaires de viol conjugal en qualifiant le viol conjugal comme infraction justifiant le déclenchement de l’action judiciaire sans que la victime n’ait à donner son consentement;

c)La révision du Code pénal par laquelle les mutilations génitales féminines ont été expressément érigées en infraction;

d)La révision du Code de procédure pénale en 2012 visant à renforcer les droits des victimes d’actes de violence au foyer dans le cadre de la procédure pénale;

e)La modification du Code de procédure pénale, entrée en vigueur le 1eroctobre 2012, qui précise que tout suspect et tout accusé peut consulter un avocat avant d’être soumis à un interrogatoire, y compris par la police, et que l’avocat peut assister à l’interrogatoire;

f)Le remplacement de la loi sur les réfugiés par la nouvelle loi sur l’asile, entrée en vigueur le 1erjuin 2012, qui reconnaît expressément les considérations relatives au genre comme motif d’octroi du statut de réfugié et la torture comme motif de non-refoulement;

g)La modification apportée à la loi sur les droits civiques concernant le droit de vote des condamnés, qui est entrée en vigueur le 1er décembre 2012;

Le Comité salue également les initiatives prises par l’État partie pour modifier ses politiques, programmes et mesures administratives afin de donner effet à la Convention, notamment la mise en place par la Chambre des avocats du Liechtenstein, à partir du 1erdécembre 2012, d’une permanence téléphonique permettant aux suspects d’exercer leur droit de contacter un avocat même en dehors des heures de bureau.

Le Comité note avec satisfaction la ratification par l’État partie, le 30 janvier 2013, du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Le Comité note également avec satisfaction que l’État partie apporte son appui au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture depuis 2008; qu’il appuie les travaux de la société civile spécialisés dans le domaine de la prévention de la torture et s’emploie à promouvoir la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et la mise en place de mécanismes nationaux de prévention dans les pays d’Amérique latine; qu’il a adressé une invitation permanente ferme à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture et prescription

Tout en notant qu’un groupe de travail examine actuellement la question de la définition de la torture et de sa prescription et qu’il fera rapport au Gouvernement en juin 2016, le Comité est préoccupé par l’absence dans le Code pénal d’une qualification distincte de la torture fondée sur la définition qui figure à l’article premier de la Convention et par le maintien d’un délai de prescription pour les infractions constitutives de torture (art. 1er et 4).

Le Comité réaffirme sa précédente recommandation incitant l’État partie à ériger en infraction pénale distincte le crime de torture dans son Code pénal, conformément à l’article premier de la Convention, et à faire en sorte que les infractions constitutives d’actes de torture emportent des peines à la mesure de la gravité de ce crime. L’État partie devrait en outre veiller à ce que, dans sa prochaine révision du Code pénal, les actes constitutifs de torture ne soient soumis à aucun délai de prescription. Le Comité attire l’attention de l’État partie sur le paragraphe 11 de son observation générale n o  2 (2007) relative à la mise en œuvre de l’article 2 par les États parties, dans lequel il souligne que le fait d’incriminer la torture en tant qu’infraction spécifique a un effet préventif.

Garanties juridiques fondamentales

Le Comité est préoccupé par le fait que l’enregistrement audio et vidéo des interrogatoires menés par la police après une arrestation n’est pas systématique, mais qu’il n’intervient que dans des cas particuliers prévus par la loi, par exemple lors de l’interrogatoire de mineurs victimes d’atteintes sexuelles, ou lorsque la personne placée en garde à vue ne coopère pas ou montre des signes d’agitation, ainsi qu’à la demande expresse de la personne placée en garde à vue (art. 2, 12, 13 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de songer à modifier le Code de procédure pénale afin d’y introduire, en tant que garantie fondamentale, l’obligation de procéder à un enregistrement audio et vidéo de tous les interrogatoires et entretiens menés par la police, dans le cadre des efforts pour prévenir la torture et les mauvais traitements.

Séparation entre les autorités d’enquête et les autorités pénitentiaires

Le Comité demeure préoccupé par l’absence persistante de séparation entre les fonctions relevant du Ministère de la justice et du Ministère de l’intérieur dans le système pénitentiaire et par le fait que les établissements pénitentiaires relevant du Ministère de la justice ne sont pas séparés des lieux de détention et d’interrogatoire relevant de la Police nationale (art. 2).

Le Comité recommande à nouveau à l’État partie de songer à modifier sa législation pour assurer une séparation complète entre les fonctions d’enquête et de détention et de faire en sorte que le système pénitentiaire relève entièrement et exclusivement du Ministère de la justice, comme l’a recommandé la Commission pénitentiaire, de façon à mettre ce système en conformité avec les normes européennes et internationales. Les locaux pénitentiaires doivent être officiellement et effectivement séparés de ceux qui relèvent de la Police nationale.

Traitement des personnes privées de liberté

Tout en prenant note de la taille et de la capacité d’accueil de la prison nationale de Vaduz, le Comité constate avec préoccupation qu’il n’y a toujours pas de personnel infirmier ou médical employé à plein temps dans la prison. Il note également avec préoccupation que le personnel pénitentiaire continue de distribuer les médicaments aux détenus. En outre, le Comité est préoccupé par l’exiguïté de la prison, qui a un effet néfaste sur le travail et les activités récréatives des détenus (art. 2, 11, 12, 13 et 16).

Le Comité recommande à nouveau à l’État partie de revoir sa politique des services de santé à la prison nationale de Vaduz et de songer à recruter du personnel infirmier ou médical afin de préserver le secret médical, de transmettre les demandes des détenus souhaitant être examinés par un médecin, de contrôler les stocks et de veiller à ce que les médicaments soient fournis uniquement par un personnel médical qualifié, conformément aux normes internationales. Toutes les personnes arrivant dans un établissement pénitentiaire devraient être examinées par un médecin indépendant dans les vingt-quatre heures. L’État partie devrait en outre trouver une solution pour que les prisonniers puissent travailler et avoir des activités récréatives afin de faciliter leur réinsertion sociale.

Séparation des différentes catégories de détenus

Tout en prenant acte des dispositions prises pour séparer les hommes des femmes et les mineurs des adultes, le Comité demeure préoccupé par l’absence de séparation entre les condamnés et les prévenus dans la Prison nationale de Vaduz (art. 2 et 11).

Le Comité recommande à nouveau à l’État partie d’intensifier ses efforts pour assurer une séparation effective entre les différentes catégories de détenus dans la Prison nationale de Vaduz.

Violences faites aux femmes

Tout en prenant note avec satisfaction des modifications apportées récemment au Code pénal et à la législation relative aux infractions sexuelles, ainsi que de la diminution des cas de violence au foyer, le Comité constate avec préoccupation qu’aucun plan n’a encore été élaboré pour faire suite au Plan national de lutte contre la violence à l’égard des femmes adopté en 2006. Il note également avec préoccupation que, dans la pratique, les victimes de violence sexuelle ou d’autres types de violence fondée sur le genre ne reçoivent peut-être pas l’attention requise dans les procédures de détermination du statut de réfugié (art. 2, 3, 12, 13, 14 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures en vue d’adopter un nouveau plan pour donner suite au Plan national de lutte contre la violence à l’égard des femmes mis en œuvre en 2009. Il devrait en outre veiller à ce qu’une démarche différenciée en fonction du sexe soit appliquée, dans le cadre de la procédure de détermination du statut de réfugié, de façon à pouvoir identifier les victimes de violence sexuelle ou sexiste.

Traite

Le Comité note que le Code pénal du Liechtenstein érige la traite en infraction distincte et salue les efforts faits par l’État partie pour prévenir et combattre ce phénomène, notamment en organisant depuis 2006 une table ronde sur les droits de l’homme présidée par la Police nationale; toutefois, le Comité craint que la vulnérabilité des demandeuses d’asile et des migrantes ne reçoive pas toute l’attention voulue et que ces femmes et ces filles ne soient victimes de la traite (art. 2, 3, 12, 13, 14 et 16).

L’État partie devrait veiller à ce qu’une démarche différenciée en fonction du sexe soit adoptée dans le cadre de la procédure d’asile, de façon à répondre aux besoins particuliers de protection des femmes et des filles qui sont victimes de la traite ou risquent de l’être. Il devrait former les policiers et les personnels des services d’immigration à repérer et prendre en charge les victimes de la traite et de violences liées au genre.

Institution nationale de défense des droits de l’homme

Le Comité est préoccupé par l’absence d’institution nationale des droits de l’homme dans l’État partie (art. 2).

L’État partie devrait mettre en place une institution nationale indépendante chargée de la promotion et de la protection des droits de l’homme dotée d’un vaste mandat et pleinement conforme aux principes relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et de la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Formation

Le Comité note avec préoccupation qu’aucune formation spécifique concernant l’interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants n’est dispensée aux membres des forces de l’ordre et aux autres agents de l’État travaillant au contact des détenus, des demandeurs d’asile et des migrants. Il est également préoccupé par le fait que les médecins et les autres personnels médicaux ne reçoivent pas de formation à l’utilisation du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) et par l’absence de méthodes spécifiques visant évaluer l’efficacité et l’incidence de la formation dispensée (art. 10).

L’État partie devrait veiller à ce que les membres des forces de l’ordre et les autres agents de l’État travaillant au contact des personnes privées de leur liberté, des demandeurs d’asile et des migrants reçoivent une formation sur l’interdiction de la torture, et faire en sorte que le Protocole d’Istanbul soit un élément essentiel dans la formation dispensée, en particulier à l’ensemble du personnel médical. L’État partie devrait élaborer et appliquer des méthodes spécifiques pour mesurer l’efficacité et l’incidence d’une telle formation.

Procédure de suivi

Le Comité demande à l’État partie de lui fournir d’ici au 9 décembre 2016, des informations sur la suite donnée aux recommandations relatives à la définition de la torture, au traitement réservé aux personnes privées de liberté, à la violence à l’égard des femmes et à la formation figurant respectivement aux paragraphes 11, 17, 21 et 27 du présent document. Dans ce contexte l’État partie est invité à informer le Comité de ses plans pour mettre en œuvre, au cours de la période que couvrira le prochain rapport, tout ou partie du reste des recommandations faites dans les présentes observations finales.

Questions diverses

Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier les autres instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, à savoir le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues appropriées, au moyen des sites Internet officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, son cinquième, d’ici au 9 décembre 2019. À cette fin, comme l’État partie a accepté de rendre compte au Comité selon la procédure simplifiée de présentation de rapports, ce dernier lui soumettra en temps voulu une liste préalable de points à traiter. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront son cinquième rapport périodique soumis en application de l’article 19 de la Convention.