GE.08-42200 Nations UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/DZA/CO/3

16 mai 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTUREQuarantième session28 avril – 16 mai 2008

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité contre la torture

Algérie

Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de l’Algérie (CAT/C/DZA/3) à ses 815e et 818e séances, les 2 et 5 mai 2008 (CAT/C/SR. 815 et 818), et a adopté les observations finales suivantes à ses 827e et 828e séances, le 13 mai 2008 (CAT/C/SR.827 et SR. 828).

A. Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de l’Algérie, les réponses écrites (CAT/C/DZA/Q/3/Add.1) apportées à la liste des points à traiter (CAT/C/DZA/Q/3), ainsi que les renseignements complémentaires fournis oralement lors de l’examen du rapport, tout en regrettant le fait que celui-ci ait été soumis avec huit ans de retard. Enfin, le Comité se félicite de la reprise d’un dialogue constructif engagé avec la délégation de haut niveau envoyée par l’État partie et la remercie des réponses exhaustives apportées aux questions posées.

B. Aspects positifs

Le Comité prend note avec satisfaction :

a) De la criminalisation de la torture introduite dans les amendements apportés aux articles 263 bis, ter et quater du Code pénal;

b) De la publication de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après « la Convention ») dans le Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire (JORA) nº  11 en date du 26 février 1997;

c) De la signature par l’État partie de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées le 2 février 2007;

d) Du moratoire sur la peine de mort déclaré dans l’État partie depuis 1993;

e) Du non-recours par l’État partie à la pratique des assurances diplomatiques demandées à un État tiers vers lequel il est prévu qu’un individu soit extradé, refoulé ou expulsé;

f) De l’engagement exprimé par l’État partie en faveur de la réconciliation nationale, ainsi que des déclarations selon lesquelles l’État partie entend continuer d’améliorer la promotion et la protection des droits de l’homme.

C. Sujets de préoccupations et recommandations

Définition du terrorisme et état d’urgence

Le Comité se déclare préoccupé par la définition peu spécifique du terrorisme figurant à l’article 87 bis du Code pénal, tout en comprenant que l’État partie se soit employé à protéger sa sécurité et celle de ses citoyens face aux menaces que constituent les actes terroristes. Le Comité s’inquiète de ce que cette définition puisse s’étendre à des agissements ne relevant pas nécessairement du terrorisme et exposer les personnes ainsi arrêtées à d’éventuelles actions qui pourraient constituer une violation de la Convention. Par ailleurs, le Comité est également préoccupé par le maintien de l’état d’urgence, proclamé en 1992, et cela en dépit des informations données par l’État partie lui-même attestant d’une amélioration significative de la situation sécuritaire. Le maintien de l’état d’urgence se manifeste toujours, entre autres, par la délégation desfonctions de la police judiciaire aux agents du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), lesquels, selon des informations reçues, seraient à l’origine de nombreux cas de torture et de traitements cruels, inhumains et dégradants commis sur le territoire de l’État partie (art. 2)

L’État partie devrait s’assurer que les mesures adoptées dans le cadre de la lutte anti-terroriste respectent les engagements pris par l’Algérie au titre de la Convention. L’État partie devrait par ailleurs veiller à la stricte application de celle-ci, en particulier le paragraphe 2 de son article 2 prescrivant qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre ou de menace de guerre, d'instabilité politique intérieure ou de tout autre état d'exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture. En outre, la définition des actes terroristes et subversifs ne devrait pas conduire à des interprétations permettant de réprimer sous le couvert d’actes terroristes l’expression légitime des droits consacrés par le Pacte relatif aux droits civils et politiques. L’État partie devrait également examiner la nécessité du maintien de l’état d’urgence selon les critères établis par l’article 4 du Pacte relatif aux droits civils et politiques auquel l’Algérie est partie.

Garanties fondamentales de la personne détenue

Tout en prenant note des révisions du Code de procédure pénale, le Comité demeure préoccupé par des informations reçues selon lesquelles la durée légale de la garde à vue (jusqu’à 12 jours) peut être prolongée dans les faits à plusieurs reprises. Par ailleurs, le Comité note avec préoccupation que la loi ne garantit pas le droit à un avocat pendant la période de garde à vue et que, dans la pratique, le droit de la personne gardée à vue d’avoir accès à un médecin et à communiquer avec sa famille n’est pas toujours respecté. (art. 2)

L’État partie devrait s’assurer que la durée légale de la garde à vue est respectée dans la pratique et prendre les mesures nécessaires pour que le droit des personnes gardées à vue d’avoir accès à un avocat dès leur arrestation soit garanti par le Code de procédure pénale et appliqué de manière inconditionnelle.

En outre, l’État partie devrait veiller au respect, dans la pratique, du droit de toute personne détenue d’avoir accès à un médecin et à communiquer avec sa famille, tel que prévu à l’article 51 du Code de procédure pénale. L’État partie devrait par ailleurs veiller à la création d’un registre national de personnes détenues, y compris celles détenues dans des établissements régis par le Département du renseignement et de la sécurité (DRS).

Enfin, dans la mesure où l’État partie a indiqué que la police judiciaire, sous le contrôle du parquet, a institué une procédure d’enregistrement à l’aide de support vidéo des interrogatoires des personnes suspectées de terrorisme, celui-ci devrait également s’assurer que ces enregistrements sont mis à la disposition des avocats de la défense.

Centres secrets de détention

Le Comité prend note des assurances données par l’État partie selon lesquelles les officiers du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) sont placés sous le contrôle du Procureur général, et que les centres de sûreté n’existent plus en Algérie depuis novembre 1996. Le Comité demeure néanmoins préoccupé par des informations reçues faisant état de l’existence de centres secrets de détention régis par le DRS qui seraient situés dans les casernes militaires du DRS à Antar, dans le district d’Hydra, et échapperaient au contrôle judiciaire. Le Comité s’inquiète également de l’absence d’information indiquant que l’autorité judiciaire compétente a pris des mesures en vue d’enquêter sur ces allégations. (art. 2 et 11)

L’État partie devrait s’assurer que tous les lieux de détention, y compris ceux régis par le Département du renseignement et de la sécurité (DRS), sont placés sans délai sous le contrôle de l’administration pénitentiaire civile et du parquet. Il devrait aussi veiller à ce que l’autorité judiciaire compétente prenne les mesures nécessaires pour enquêter sur les allégations concernant l’existence de centres secrets de détention régis par le DRS.

Mineurs en détention

Le Comité se déclare préoccupé par le fait que des mineurs âgés de 16 ans sont reconnus pénalement responsables et détenus dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Le Comité par ailleurs s’inquiète des informations reçues selon lesquelles les mineurs en détention ne seraient pas séparés des adultes. (art. 2 et 11)

L’État partie devrait envisager de relever l’âge minimum de la responsabilité pénale en ce qui concerne les affaires de terrorisme de façon à le rendre conforme aux normes internationales généralement acceptées en la matière. L’État partie devrait également s’assurer que les mineurs bénéficient d’un traitement en rapport avec leur âge, en conformité avec l'Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de Tokyo). L’État partie devrait par ailleurs garantir que les mineurs en détention sont séparés des adultes.

Indépendance de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme

Tout en notant avec satisfaction la création de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH) le 9 octobre 2001, le Comité demeure préoccupé par le manque d’informations disponibles concernant les travaux de la Commission. Le Comité s’inquiète également du fait que ses membres sont désignés par décret présidentiel et que, selon les informations données par la délégation algérienne, le Président juge de l’opportunité de la suite à donner aux recommandations de la Commission, y compris la publication de son rapport, ce qui constitue un obstacle à la transparence nécessaire à son bon fonctionnement et à son indépendance. (art. 2)

L’État partie devrait s’assurer que les rapports annuels sur les travaux de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH) sont rendus publics et largement diffusés. L’État partie devrait renforcer l’indépendance de la Commission, conformément aux Principes directeurs des institutions nationales des droits de l'homme (Principes de Paris), et faciliter son rôle de surveillance des obligations prises par l’Algérie en matière de protection des droits de l’homme sur le plan national et international, y compris la stricte application des dispositions de la Convention.

Non-refoulement et expulsions collectives

Le Comité s’inquiète des allégations reçues faisant état d’expulsions collectives de migrants ne respectant pas les garanties fondamentales de ces derniers de voir leur cas examiné de manière individuelle et de pouvoir faire appel de la décision d’expulsion. Le Comité est préoccupé par ailleurs de ce que certaines personnes expulsées pourraient l’être vers des États où elles risquent d’être soumises à la torture. (art. 3)

L’État partie devrait veiller à la pleine application des dispositions de l’article 3 de la Convention et s’assurer que les personnes sous sa juridiction voient leur situation dûment examinée par les autorités compétentes et bénéficient d’un traitement équitable à tous les stades de la procédure, notamment la possibilité de demander un examen efficace, indépendant et impartial des décisions d’expulsion ou de renvoi les concernant, et celle d’exercer un droit de recours.

À cet égard, l’État partie devrait veiller à ce que les autorités compétentes en matière de surveillance des étrangers, avant de prendre une décision d’expulsion, procèdent dans tous les cas à un examen approfondi de la situation de l’étranger entré ou séjournant illégalement en Algérie, afin de s’assurer que l’intéressé ne sera pas soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants dans le pays où il pourrait être renvoyé.

Formation des fonctionnaires chargés de l’application des lois

Tout en prenant note des informations apportées par la délégation de l’État partie concernant ses efforts pour former les agents de la force publique au respect des droits de l’homme, le Comité reste néanmoins préoccupé par le nombre et la gravité des allégations parvenues jusqu’à lui de cas de torture et de mauvais traitements infligés à des détenus par des agents des forces de l’ordre, notamment des officiers du Département du renseignement et de la sécurité (DRS). (art. 10)

L’État partie devrait intensifier ses efforts d’éducation et de formation relatifs à l’interdiction de la torture, plus particulièrement auprès des agents du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), et mettre en place des mécanismes d’évaluation et de surveillance pour en mesurer les effets.

Impunité des membres des groupes armés et des agents de l’État

Le Comité prend note du fait que l’ordonnancenº06-01 portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale prévoit une amnistie pour les membres des groupes armés, d’une part, et les agents de l’État, de l’autre. En ce qui concerne les membres des groupes armés qui se seraient rendus aux autorités, le Comité note qu’ils bénéficient de l’exonération des poursuites ou d’une diminution de peine s’ils n’ont pas commis de massacres, d’attentats à la bombe ou de viols (chapitre 2). Le Comité rappelle à l’État partie que d’autres crimes internationaux, tels que la torture ou la disparition forcée, ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une exonération des poursuites. Le Comité note, par ailleurs, qu’en ce qui concerne les agents de l’État, l’article 45 de l’ordonnance prévoit qu’ « aucune poursuite ne peut être engagée à titre individuel ou collectif, à l’encontre des éléments des forces de défense et de sécurité de la République, toutes composantes confondues, pour des actions menées en vue de la protection des personnes et des biens, de la sauvegarde de la Nation et de la préservation des institutions de la République algérienne », sans exclure des crimes internationaux tels que la torture ou la disparition forcée. Ces dispositions ne sont pas conformes à l’obligation de tout État partie de procéder à une enquête impartiale chaque fois qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'un acte de torture a été commis sur tout territoire sous sa juridiction, de poursuivre les auteurs de ces actes et d’indemniser les victimes. (art. 12, 13 et 14)

L’État partie devrait amender le chapitre 2 et l’article 45 de l’ordonnance nº06-01 afin de préciser que l’exonération des poursuites ne s’applique en aucun cas aux crimes tels que la torture, y compris le viol, et la disparition forcée qui sont des crimes imprescriptibles. L’État partie devrait prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour garantir que les cas de torture passés ou récents, y compris les cas de viols, et de disparitions forcées font l’objet d’enquêtes systématiques et impartiales, que les auteurs de ces actes sont poursuivis et sanctionnés de manière proportionnelle à la gravité des actes commis, et que les victimes sont indemnisées de manière adéquate. À cet effet, le Comité attire l’attention de l´ État partie sur le paragraphe 5 de son observation générale nº  2 (2007) selon laquelle il considère qu’une amnistie ou tout autre obstacle juridique qui empêcherait que les auteurs d’actes de torture ou de mauvais traitements fassent rapidement l’objet de poursuites et de sanctions équitables, ou qui exprimerait une réticence à cet égard, violerait le principe de non-dérogabilité.

Personnes disparues

Le Comité prend acte de la reconnaissance par l’État partie de la disparition forcée de milliers de personnes en Algérie depuis le début des années 1990. Il note également que les chiffres avancés par le Gouvernement dans le cadre du recensement des personnes disparues depuis les années 1990 varient entre 4 000 et 7 000 personnes. Le Comité se déclare préoccupé qu’en dépit de ces faits, les autorités judiciaires compétentes n’aient pas déclenché l’action publique dans le but d’enquêter sur le sort des personnes disparues, d’identifier, de poursuivre et de sanctionner les auteurs de disparitions forcées.Cet état de fait constitue une violation des articles 12, 13 et 14 de la Convention. Le Comité s’inquiète également de ce que le rapport de la Commission nationale ad hoc sur les disparus n’ait pas été rendu public à ce jour. La publication de ces données permettrait à quiconque détiendrait des informations pouvant aider à localiser des personnes disparues de les communiquer aux autorités compétentes. (art. 12, 13 et 14)

Les autorités judiciaires compétentes ont la responsabilité d’initier spontanément des enquêtes sans qu’il y ait besoin de dépôt de plaintes individuelles, ceci dans le but d’élucider le sort des personnes disparues, d’identifier, de poursuivre et de sanctionner les auteurs d’actes de disparitions forcées, et d’indemniser les familles de disparus de manière adéquate. L’État partie devrait s’engager à enquêter sur chaque cas de disparition forcée et fournir les résultats des enquêtes aux familles des personnes disparues, notamment en rendant public sans délai le rapport final de la Commission nationale ad hoc sur les disparus.

Le Comité considère par ailleurs que la publication des noms des personnes disparues recensées depuis les années 1990 pourrait se révéler fort utile lors de la collecte d’informations auprès de personnes qui pourraient apporter des éléments susceptibles de faire avancer l’enquête. Le Comité souhaite, en outre, que l’État partie lui communique dans les meilleurs délais la liste des personnes disparues recensées depuis les années 1990.

Le Comité se déclare préoccupé par les dispositions de l’ordonnance nº06-01 portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale qui obligent les familles de personnes disparues à attester de la mort du membre de leur famille afin de pouvoir bénéficier d’une indemnisation, ce qui pourrait constituer une forme de traitement inhumain et dégradant pour ces personnes en les exposant à un phénomène de survictimisation. Le Comité s’inquiète de ce que les critères établis visant à l’indemnisation des familles de disparus n’aient pas été rendus publics. (art. 14)

L’État partie devrait abolir l’obligation pour les familles d’attester la mort de la personne disparue afin de pouvoir bénéficier d’une indemnisation. Le Comité rappelle à l’État partie que la disparition forcée ou involontaire de personnes peut constituer un traitement inhumain pour les membres des familles des disparus. L’État partie devrait par ailleurs garantir le droit de ces familles d'obtenir réparation et d'être indemnisées équitablement et de manière adéquate, y compris en leur offrant les moyens nécessaires à leur réadaptation la plus complète possible, tant sur le plan psychologique, social que financier. Le Comité souhaite que l’État partie lui communique dans les meilleurs délais les critères établis en vue de l’indemnisation des familles de disparus.

Enquête impartiale

Tout en prenant acte des explications de la délégation algérienne concernant le décès de Mounir Hammouche lors de sa garde à vue et des résultats de l’autopsie ayant conclu au suicide, le Comité demeure préoccupé par les informations selon lesquelles la famille du défunt n’aurait pas eu accès au rapport d’autopsie. Selon les informations reçues par le Comité, la famille aurait également noté que le corps présentait une blessure à la tête ainsi que des hématomes aux mains et aux pieds. (art. 12)

L’État partie devrait déclencher spontanément et systématiquement des enquêtes promptes et impartiales dans tous les cas où existent des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis, y compris en cas de décès de la personne détenue. L’État partie devrait par ailleurs veiller à ce que les résultats de l’enquête soient communiqués aux familles des victimes.

Violence à l’égard des femmes

Le Comité se déclare préoccupé par les informations reçues faisant état de plusieurs milliers de cas de femmes victimes de viols par des membres des groupes armés durant le conflit interne qui a sévi dans l’État partie. Le Comité s’inquiète par ailleurs de l’absence d’enquêtes, de poursuites et de condamnations des membres des groupes armés pour motif de viol ainsi que de l’absence d’indemnisation et de réadaptation médicale, psychologique et sociale des victimes de ces actes. (art. 12 et 14)

L’État partie devrait s’assurer que les auteurs identifiés de violences sexuelles sont poursuivis et dûment sanctionnés. Il devrait également désigner une commission indépendante chargée d’enquêter sur les violences sexuelles commises pendant le conflit interne et rendre publics les résultats de l’enquête. L’État partie devrait aussi

veiller à ce que toutes les victimes de violences sexuelles commises pendant le conflit interne obtiennent une indemnisation rapide et appropriée et une réadaptation médicale, psychologique et sociale . Ces recommandations concordent avec celles de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences contenues dans son rapport au Conseil des droits de l’homme (A/HRC/7/6/Add.2).

Actes collectifs de violence populaire

Le Comité est préoccupé par les informations reçues faisant état de nombreux actes collectifs de violence populaire contre les minorités religieuses et les personnes qui, tout en respectant la loi, recherchent des modes alternatifs d’expression et de conduite. Le Comité est alarmé, entre autres, par les informations concernant les actes répétés de violence et les viols collectifs dont ont été victimes des femmes, y compris des femmes seules, soupçonnées de prostitution par leur voisinage, notamment à Hassi Messaoud et Tebessa. Le Comité s’inquiète par ailleurs de l’incapacité de l’État partie à enquêter pour poursuivre les auteurs de tels agissements. (art. 12 et 16)

L’État partie devrait veiller à ce que toutes les mesures nécessaires soient prises pour enquêter sur les cas de violence populaire, notamment les actes collectifs de violence ciblant les minorités religieuses et les personnes recherchant des modes alternatifs d’expression et de conduite, afin de poursuivre et de sanctionner les auteurs de ces actes de violence.

Accès à un recours effectif

Tout en prenant note des assurances données par la délégation algérienne selon lesquelles l’article 46 de l’ordonnance nº 06-01 portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale ne saurait constituer un obstacle à l’accès à un recours effectif, le Comité demeure néanmoins préoccupé du fait que cette disposition prévoit un emprisonnement pouvant aller de trois à cinq ans et une amende pour quiconque porte atteinte aux institutions de l’État partie, nuit à l’honorabilité de ses agents ou terni l’image de l’État partie sur le plan international. Le Comité s’inquiète de ce que cette disposition puisse limiter le droit de toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture sur le territoire de l’État partie de porter plaintedevant les autorités judiciaires compétentes, ou de saisir le Comité au titre de l’article 22 de la Convention. (art. 13)

L’État partie devrait amender l’article 46 de l’ordonnance nº 06-01 portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et de réconciliation nationale afin de garantir à toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture l’accès à un recours effectif, tant au niveau national qu’international, conformément à l’article 13 de la Convention. L’État partie devrait également informer le public du droit de saisir le Comité au titre de l’article 22 de la Convention.

Utilisation des aveux dans les procédures judiciaires

Tout en prenant note des assurances de la délégation algérienne selon lesquelles les aveux sont utilisés uniquement à titre de renseignements dans une procédure judiciaire, en vertu de l’article 215 du Code de procédure pénale, le Comité demeure préoccupé par l’absence d’une disposition

dans la législation de l’État partie précisant clairement que toute déclaration dont il est établi qu'elle a été obtenue par la torture ne peut être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure, conformément à l’article 15 de la Convention. Par ailleurs, le Comité est préoccupé par le fait que l’article 213 du Code de procédure pénale établit que « l’aveu, comme tout élément de preuve, est laissé à la libre appréciation du juge », ainsi que par des informations reçues selon lesquelles des aveux obtenus sous la torture auraient été admis dans le cadre de procédures judiciaires. (art. 15)

L’État partie devrait réviser son Code de procédure pénale afin de le rendre pleinement conforme à l’article 15 de la Convention. L’État partie devrait par ailleurs fournir au Comité des informations relatives au nombre de cas d’aveux faits sous la torture, la contrainte ou la menace qui n’ont pas été admis comme éléments de preuve.

Châtiments corporels et violence au sein de la famille

Tout en notant avec satisfaction que les châtiments corporels à l’égard des enfants sont interdits à l’école, le Comité demeure préoccupé par l’absence de disposition dans la législation de l’État partie prohibant le recours à cette pratique dans le cadre de la famille. Le Comité note par ailleurs avec préoccupation l’absence de disposition dans sa législation interne prohibant la violence domestique à l’égard des femmes. (art. 16)

L’État partie devrait incorporer dans sa législation interne une disposition interdisant le recours aux châtiments corporels à l’égard des enfants dans le cadre familial et prohibant la violence domestique à l’égard des femmes.

Le Comité encourage vivement l’État partie à collaborer avec les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et à autoriser la visite du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, celle du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, celle du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, et celle du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, dans le plein respect du mandat des missions d’enquête dépêchées au titre des procédures spéciales de l’ONU.

Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux traités des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auquel il n’est pas encore partie, notamment, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, le Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort et le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

L’État partie est invité à ratifier dans les meilleurs délais le Protocole facultatif à la Convention et à instituer un mécanisme national chargé de conduire des visites périodiques dans

tous les lieux de détention afin de prévenir la torture ou tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant.

L’État partie est encouragé à ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

L’État partie est invité à diffuser largement les rapports présentés par l’Algérie au Comité, ainsi que les conclusions et recommandations de celui-ci, dans les langues nationales, au moyen des sites Internet officiels, des médias et des organisations non gouvernementales. L’État partie est également encouragé à faire circuler ses rapports aux organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme au niveau national avant de les soumettre au Comité.

Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base conformément aux exigences concernant le document de base commun contenues dans les directives harmonisées pour l’établissement de rapports, adoptées par les organes de traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, et contenues dans le document HRI/GEN/2/Rev.4.

Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur les suites qu’il aura données aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 4, 6, 12 et 15 ci-dessus.

L’État partie devra soumettre au Comité son quatrième rapport périodique au plus tard le 20 juin 2012.

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