Nations Unies

CAT/C/RUS/CO/5

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

11 décembre 2012

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de la Fédération de Russie, adoptéespar le Comité à sa quarante-neuvième session(29 octobre-23 novembre 2012)

1.Le Comité contre la torture a examiné le cinquième rapport périodique de la Fédération de Russie (CAT/C/RUS/5) à ses 1112e et 1115e séances, les 9 et 12 novembre 2012 (CAT/C/SR.1112 et CAT/C/SR.1115). À sa 1130e séance, le 22 novembre 2012 (CAT/C/SR.1130), il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique de la Fédération de Russie, présenté en réponse à la liste des points à traiter établie avant la soumission du rapport (CAT/C/RUS/Q/5). Il sait gré à l’État partie d’avoir accepté de soumettre ce rapport conformément à la nouvelle procédure facultative, car celle-ci améliore la coopération entre l’État partie et le Comité et sert de fil conducteur à l’examen du rapport ainsi qu’au dialogue avec la délégation.

3.Le Comité se félicite également du dialogue ouvert qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie et sait gré à celle-ci de lui avoir fourni des informations complémentaires lors de l’examen du rapport, mais il regrette que certaines des questions posées à l’État partie soient restées sans réponse.

B.Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie, depuis l’examen de son quatrième rapport périodique, a adhéré aux instruments internationaux et régionaux ci-après ou les a ratifiés:

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2008;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2012;

c)Le Protocole no 14 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme), ce qui a permis l’entrée en vigueur de cet instrument en 2010;

d)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et le Protocole additionnel à la Convention visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2004.

5.Le Comité accueille favorablement les informations fournies au sujet des diverses mesures législatives, administratives, institutionnelles et d’ordre pratique qui ont été prises pour améliorer la promotion et la protection des droits de l’homme dans l’État partie depuis l’examen du quatrième rapport périodique, notamment:

a)La création du Comité d’enquête, instance d’instruction distincte de la Procurature, conformément à la recommandation précédemment émise par le Comité;

b)La mise en place d’un mécanisme de contrôle des lieux de détention, par le biais des Comités de contrôle public, en vertu de la loi fédérale de 2008 sur le contrôle public du respect des droits de l’homme dans les lieux de détention et l’assistance aux détenus dans les lieux de détention forcée;

c)L’adoption, le 30 avril 2010, de la loi fédérale no 68 FZ sur l’indemnisation en cas de violation du droit d’être jugé ou de bénéficier de l’application d’une décision de justice dans un délai raisonnable;

d)Les mesures concrètes, y compris celles prises par le biais de modifications législatives, qui ont permis de diminuer la population carcérale et le nombre de personnes en détention provisoire en réduisant le nombre de peines prévues par la législation pénale, en excluant la détention provisoire pour un certain nombre d’infractions à caractère économique et en recourant à des peines de substitution, initiative qui, comme l’a expliqué le représentant de l’État partie, s’inscrit dans le cadre d’efforts visant à rendre les sanctions pénales plus humaines.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Torture et mauvais traitements

6.Le Comité est préoccupé de continuer à recevoir des renseignements selon lesquels des actes de torture et des mauvais traitements sont très souvent infligés à des détenus dans l’État partie, notamment pour leur extorquer des aveux. Il constate l’écart entre le nombre élevé de plaintes pour torture et mauvais traitements et le nombre relativement faible de poursuites pénales auxquelles elles donnent lieu. Le Comité s’inquiète également de ce que l’État partie a affirmé, dans son rapport, qu’aucun cas de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants n’a été recensé dans les centres de détention provisoire, alors que le Comité a connaissance de nombreuses informations récentes attestant que des actes de torture ont bien été commis dans de tels centres, par exemple dans les cas de Pavel Drozdov et de Sergei Nazarov, tous deux morts des suites de torture en détention en 2012 (art. 2, 4, 12 et 16).

L ’ État partie devrait prendre de toute urgence des mesures immédiates et efficaces pour prévenir tout acte de torture et tout mauvais traitement sur l ’ ensemble du territoire et mettre fin à l ’ impunité dont bénéficient les auteurs présumés de tels actes. Il devrait réaffirmer clairement le caractère absolu de l ’ interdiction de la torture et faire savoir publiquement que quiconque commettrait des actes de torture, en serait complice ou les tolé rerait en serait tenu pour responsable et ferait l ’ objet de poursuites pénales et de sanctions appropriées.

Définition et incrimination de la torture

7.Se référant à ses observations finales précédentes, le Comité demeure préoccupé par le fait que la définition du terme «torture» contenue dans l’annotation à l’article 117 du Code pénal ne reflète pas pleinement tous les éléments de la définition figurant à l’article premier de la Convention, qui assimile à la torture les souffrances infligées par un agent de la fonction publique ou par toute autre personne agissant à titre officiel, à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. De plus, la définition donnée dans l’annotation à l’article 117 ne couvre pas les actes commis dans le but de faire pression sur une tierce personne. Le Comité est également préoccupé par le fait que cet article a été rarement utilisé dans la pratique, et que les fonctionnaires soupçonnés d’actes de torture sont généralement poursuivis en vertu des articles 286 (abus de pouvoir) et 302 (extorsion d’aveux). En outre, le Comité constate avec inquiétude que la torture n’a pas été érigée en crime à part entière dans le Code pénal (art. 1).

Le Comité recommande à nouveau à l ’ État partie de faire le nécessaire pour que sa définition de la torture soit pleinement conforme à l ’ article premier de la Convention, que sa législation reconnaisse la torture comme un crime à part entière, que les membres de la police, les militaires et les autres agents de l ’ État puissent être poursuivis directement pour torture et que les peines prononcées contre eux soient proportionnelles à la gravité des crimes commis.

Enquêtes et poursuites pour actes de torture et mauvais traitements

8.Le Comité est profondément préoccupé par le fait que les autorités ne mènent pas rapidement des enquêtes efficaces et indépendantes sur les allégations faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements commis par des agents de l’État. S’il salue la mise en place par l’État partie d’un comité d’enquête distinct de la Procurature, et la création, au sein de ce comité, d’une sous-division chargée exclusivement d’enquêter sur les infractions imputées à des membres des forces de l’ordre, le Comité s’inquiète des informations indiquant que cette sous-division n’est pas en mesure de traiter toutes les plaintes rapidement et efficacement, faute de personnel. Le Comité est également inquiet pour l’impartialité et l’efficacité du Comité d’enquête, dont le chef, Aleksandr Bastrykin, aurait organisé l’enlèvement de Sergei Sokolov, rédacteur en chef adjoint du journal Novay a Gazeta, et l’aurait physiquement menacé en juin 2012, en représailles à la publication d’un article critique. De plus, à la suite de cet événement, l’État partie n’aurait mené aucune enquête et aucune mesure disciplinaire n’aurait été prise (art. 12 et 13).

Le Comité exhorte l ’ État partie à mener sans délai des enquêtes impartiales et efficaces sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements, en particulier celles qui concernent des décès en détention consécutif s à de tels actes , à poursuivre les auteurs présumés, à prononcer des peines appropriées contre les coupables et à rendre compte publiquement de l ’ issue de s poursuites.

Le Comité recommande que la s ous- division du Comité d ’ enquête chargée de mener des investigations sur les infractions imputées aux membres des forces de l ’ ordre soit dotée de ressources financières et humaines suffisantes pour qu ’ elle puisse enquêter sur toutes les allégations reçues. L ’ État partie devrait fournir au Comité des données sur le nombre de plaintes reçues faisant état d ’ actes de torture et de mauvais traitements imputés aux forces de l ’ ordre et à d ’ autres agents de l ’ État, le nombre de plaintes sur lesquelles l ’ État partie a enquêté, ainsi que les poursuites engagées. L ’ État partie devrait également communiquer au Comité des données sur le nombre d ’ agents de l ’ État soumis à des mesures disciplinaires pour ne pas avoir enquêté de manière appropriée sur les plaintes de torture ou de mauvais traitements et pour avoir refusé de coopérer à une enquête sur toute plainte correspondante .

Garanties juridiques fondamentales

9.Le Comité relève que la législation de l’État partie garantit le droit des personnes privées de liberté d’avoir rapidement accès à un avocat dès leur placement en détention. Il constate cependant avec une profonde préoccupation que l’État partie ne fait pas respecter ce droit dans la pratique, de nombreuses personnes privées de liberté n’ayant pas été autorisées à consulter un avocat pour des motifs fallacieux. Il s’inquiète notamment des informations indiquant que les avocats commis d’office ne remplissent pas toujours correctement leurs fonctions, privant ainsi leurs clients du bénéfice d’une défense élémentaire, et que les détenus se voient parfois dénier le droit d’être informés des faits qui leur sont reprochés. Le Comité est de plus préoccupé par les informations faisant état du cas de personnes n’ayant pas eu accès à un avocat avant leur premier interrogatoire. Il s’inquiète en outre de ce que la législation de l’État partie, au lieu de reconnaître à toutes les personnes privées de liberté le droit de communiquer sans délai avec des membres de leur famille dès le début de leur détention, autorise des fonctionnaires de l’État partie à prendre contact avec les proches des détenus en leur nom, et ne prévoit pas que les proches doivent être informés du lieu de détention dans tous les cas. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que l’État partie ne garantit pas le droit de toute personne privée de liberté d’être examinée sans délai par un médecin indépendant dès son placement en détention (art. 2, 11 et 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De veiller à ce que soit reconnu à tous les détenus, en droit comme en pratique, le droit de consulter un avocat, de contacter des membres de leur famille, d ’ être informés des faits qui leur sont reprochés et de demander et d ’ obtenir un examen médical réalisé par un médecin indépendant dans les meilleurs délais dès la priva tion effective de leur liberté;

b) De veiller à ce que tous les détenus bénéficient des services d ’ avocats qualifiés , qui leur assureront une défense en bonne et due forme, et d ’ une aide juridictionnelle indépendante;

c) De conserver des enregistrements vidéo de tous les interrogatoires et d ’ installer des dispositifs de vidéosurveillance dans tous les lieux où des détenus peuvent se trouver, sauf dans les cas où cela risquerait d ’ entraîner une violation du droit des détenus au respect de la vie privée ou à la confidentialité des communications avec leur avocat ou un médecin. Ces enregistrements devraient être conservés en lieu sûr et être mis à la disposition des enquêteurs, des détenus et de leurs avocats;

d) De prendre les mesures qui s ’ imposent pour que tous les agents de l ’ État respectent les garanties prévues pour les personnes privées de liberté, et notamment pour qu ’ ils consignent l es informations utiles dans les registres de détention, et de procéder à des contrôles réguliers pour vérifier que les agents de l ’ État se conforment bien aux obligations qui leur incombent en la matière ;

e) De faire le nécessaire afin que tout agent de l ’ État déniant des garanties juridiques fondamentales à une personne privée de liberté fasse l ’ objet de mesures disciplinaires ou de poursuites pénales, et de communiquer au Comité des données sur le nombre de cas dans lesquels des fonctionnaires ont été sanctionnés pour de tels agissements .

Aveux obtenus par la contrainte

10.Le Comité est préoccupé par les nombreuses informations indiquant que des personnes privées de liberté ont été torturées ou soumises à d’autres mauvais traitements dans le but de leur soutirer des aveux, et que ces aveux ont été considérés comme recevables à titre de preuve par la justice sans qu’aucune enquête approfondie n’ait été menée sur les allégations de torture. Le Comité s’inquiète en outre de ne pas avoir reçu de renseignements sur des cas dans lesquels les tribunaux ont ordonné une enquête sur les allégations d’un accusé affirmant avoir fait des aveux sous la contrainte, ou ont reporté une procédure pénale dans l’attente des conclusions d’une telle enquête, et/ou ont estimé que de tels aveux ou d’autres éléments de preuve étaient irrecevables (art. 2, 11, 15 et 16).

Le Comité exhorte l ’ État partie à lutter contre la pratique consistant à recourir à la torture pour obtenir des aveux, et à veiller à ce que, dans la pratique, les aveux obtenus sous la contrainte ne puissent être utilisés comme éléments de preuve dans aucune procédure. L ’ État partie devrait veiller à ce que les juges demandent systématiquement aux personnes mises en cause dans une affaire pénale si elles ont été torturées ou maltraitées en détention et à ce qu ’ ils ordonnent des examens médicaux indépendants chaque fois que nécessaire, en particulier chaque fois qu ’ il y a lieu de croire qu ’ un accusé a été torturé et que la seule preuve de culpabilité émane d ’ un aveu. Tout aveu obtenu par la torture devrait être écarté. Le Comité engage l ’ État partie à communiquer des informations sur des cas dans lesquels des aveux ont été jugés irrecevables au motif qu ’ ils avaient été extorqués par la torture, et à indiquer si des agents de l ’ État ont été poursuivis en justice et sanctionnés pour avoir obtenu des aveux de cette manière.

Surveillance des lieux de détention

11.Le Comité accueille favorablement la création des Comités de contrôle public, mais il est préoccupé par: a) l’obligation faite aux Comités d’obtenir une autorisation avant de visiter les centres de détention et l’impossibilité d’effectuer des visites inopinées; b) les informations selon lesquelles des membres de ces comités se sont vu refuser l’accès à des lieux de détention, même lorsque les visites avaient été autorisées au préalable; c) les informations faisant état de représailles contre des membres de ces comités, comme les poursuites engagées contre Alexeï Sokolov, ancien membre du Comité de contrôle public de Moscou; d) les informations indiquant que l’indépendance des membres de ces comités n’est pas suffisamment garantie; e) les renseignements selon lesquels certains de ces comités ne disposent pas de fonds suffisants pour pouvoir travailler correctement; et f) les informations indiquant que les rapports établis par les Comités à la suite des visites ne sont pas systématiquement rendus publics. Le Comité est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles les autorités n’ont pas mené d’enquête en bonne et due forme sur des allégations de torture et de mauvais traitements, contrairement à ce que les Comités avaient recommandé. À cet égard, bien que les autorités aient rouvert une enquête criminelle sur le décès en détention, en 2009, de Sergueï Magnitsky à la suite d’un rapport du Comité de contrôle public de Moscou, un seul membre de l’administration pénitentiaire, de rang relativement peu élevé, a été poursuivi dans cette affaire à ce jour, bien que le Comité de contrôle ait indiqué dans son rapport que l’enquête devrait également porter sur un certain nombre d’enquêteurs et d’agents pénitentiaires, y compris l’enquêteur principal de l’affaire pénale contre M. Magnitsky (art. 2 et 11).

Le Comité exhorte l’État partie à:

a) Faire le nécessaire pour que les Comités de contrôle public puissent effectuer des visites inopinées dans tous les lieux de détention, que des enquêtes soient menées sur tous les cas dans lesquels d es agents de l’État se seraient opposés à de telles visites , et que les responsables fassent l’objet de mesures disciplin aires appropriée s ;

b) Veiller à ce que les membres des Comités de contrôle public soient effectivement protégé s con tre toute mesure de représailles ;

c) Veiller à ce que les Comités de contrôle public soient dotés de fonds suffisants et soient indépendants des administrations régionales, et envisager de transférer la responsabilité de la nomination des membres de ces comités à des autorités indépendantes;

d) Veiller à ce que les conclusions et recommandations des Comités de contrôle public so ient rendues publiques en temps opportun et de manière transparent e, et à ce que toutes les allégations faisant état de déni de garanties ou de cas de torture ou de mauvais traitements soient porté e s à l ’ attention des autorités compétentes et donnent lieu dans les meilleurs délais à des enquêtes impartiales et efficaces , par exemple dans le cas de Leonid Razzvoj ayev , qui dit avoir été enlevé et torturé par des fonctionnaires de l ’ État partie dans le but de lui soutirer des aveux , avant d ’ être remis au Comité d ’ enquête, et s’être vu dénier par la suite le droit de consulter un avocat de son choix;

e) En ce qui concerne le décès en détention de Sergueï Magnitsk y , mener dans les meilleurs délais une enquête impartiale et efficace sur la responsabilité des agents de l’État , y compris celle de l ’ enquêteur principal de l ’ affaire pénale dont il a fait l’objet, conformément aux recommand ations du Comité de contrôle public de Moscou, et veiller à ce que tous les responsables des actes de torture qui lui ont été infligés et de son décès soient poursuivis et punis par des sanctions proportionnelles à la gravité du crime ;

f) Fournir, dans son prochain rapport périodique , des données statistiques sur le nombre d ’ enquêtes ouvertes sur des cas de torture, de mauvais traitements et de déni de garanties à la suite de visites des Comités de contrôle public , ainsi que des informations sur le résultat de ces enquêtes.

Actes d’intimidation, de harcèlement et de violence contre des défenseursdes droits de l’homme

12.Le Comité est vivement préoccupé par l’approche adoptée par l’État partie envers le travail des personnes et des organisations qui suivent la situation des droits de l’homme sur son territoire et qui en rendent compte. Il s’inquiète notamment de ce que, depuis 2012, les organisations recevant un soutien financier de sources extérieures à l’État partie doivent s’enregistrer et se définir publiquement comme «agents de l’étranger», expression qui a une connotation négative et menaçante pour désigner les défenseurs des droits de l’homme, y compris les organisations qui reçoivent un financement du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

Le Comité est en outre préoccupé par des modifications apportées récemment au Code pénal, qui ont étendu la définition du crime de haute trahison pour y inclure la «fourniture d’une assistance financière ou technique, de conseils ou d’une autre forme d’assistance à un État étranger ou à une organisation internationale [...] dans le but de porter atteinte à la sécurité de la Russie». Le Comité redoute que cette disposition n’affecte les personnes qui communiquent des informations au Comité contre la torture, au Sous-Comité pour la prévention de la torture ou au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture, car elle pourrait être interprétée comme interdisant le fait de transmettre des informations sur la situation des droits de l’homme en Fédération de Russie au Comité ou à d’autres organes compétents des Nations Unies.

Le Comité est profondément préoccupé par les informations nombreuses et concordantes faisant état de graves actes d’intimidation, de représailles et de menaces contre des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes, dont certains sont décédés, et indiquant que les autorités de l’État partie n’enquêtent pas correctement sur ces actes et ne demandent pas de comptes à leurs auteurs, y compris à ceux qui les ordonnent. Le Comité s’inquiète de constater que personne à ce jour n’a été condamné pour avoir ordonné le meurtre de la journaliste Anna Politkovskaya, en 2006, et celui de Natalia Estemirova, militante des droits de l’homme, en 2009, et que personne n’a eu à rendre des comptes après le supposé passage à tabac de Sapiyat Magomedova par la police au Daghestan en 2009 (art. 2, 11, 13 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) De r econnaître que les défenseurs des droits de l’homme sont en danger et sont pris pour cible en raison de leurs activités en faveur de ces droits , activités importan tes dans une société démocratique, de modifier les dispositions législatives imposant aux organisations de défense des droits de l’homme qui reçoivent des fonds de l ’ étranger de s’enregistrer comme «agents de l’étranger» , d’ abroger la définition modifiée du crime de trahison figurant dans le Code pénal , et de revoir sa pratique et sa législation. L ’ État partie devrait veiller à ce que tous les défenseurs des droits de l’homme puissent mener leurs travaux et activités conformément aux dispositions de la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et de protéger les droits de l ’ homme et les libertés fondamentales universellement reconnus ( ré solution n o  5 3/144 de l’Assemblée générale );

b) De veiller à ce qu’ aucun individu ou groupe ne fasse l’objet de poursuites pour avoir communiqué avec le Comité contre la torture, le Sous-Comité pour la prévention de la torture ou le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture ou d ’ autres organes des droits de homme de l’ONU, ou pour avoir fourni des informations à ces organes, dans l’exercice de leurs mandats respectifs ;

c) De mener dans les meilleurs délais des enquêtes approfondie s et impartiale s sur toutes les allégations faisant état d ’actes d’ intimidation, de menaces, d ’ agressions et d ’ assassinats visant des défenseurs des droits de l ’ homme et de traduire en justice ceux qui ont ordonné l ’ assassinat d’Anna Politkovskay a et de Natalia Estemirova ainsi que le passage à tabac de Sapiyat Magomedova .

Caucase du Nord

13.Le Comité est préoccupé par les informations nombreuses, persistantes et concordantes faisant état de graves violations des droits de l’homme commises par des agents de l’État ou d’autres personnes agissant à titre officiel dans le Caucase du Nord, notamment en République tchétchène, ou à leur instigation, ou avec leur consentement exprès ou tacite; il s’agirait notamment d’actes de torture et de mauvais traitements, d’enlèvements, de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires. Le Comité constate en outre avec inquiétude que l’État partie n’enquête pas sur les auteurs de ces violations et ne les sanctionne pas, bien que l’Agence no 2 de la Direction de l’instruction de la République tchétchène ait été créée pour enquêter sur les affaires particulièrement importantes. Il est préoccupé, en particulier, par les informations communiquées par l’État partie indiquant que sur les 427 plaintes pour disparition en République tchétchène reçues par l’État partie entre 2007 et 2009, aucune n’a été portée devant les tribunaux. Le Comité prend note avec une très grande inquiétude des observations faites par un fonctionnaire de l’État partie en mars 2011, selon lesquelles ni le Bureau du Procureur ni le Comité d’enquête ne sont en mesure d’obliger les autorités tchétchènes à mener des enquêtes en bonne et due forme sur les allégations faisant état de disparitions et d’autres violations, de sorte que les auteurs n’ont pas à rendre de comptes. Le Comité contre la torture regrette également que des personnes reconnues coupables d’infractions constituant des violations de la Convention aient bénéficié de mesures d’amnistie. Il est aussi préoccupé par les informations persistantes faisant état d’actes de violence à l’égard des femmes dans le Caucase du Nord, notamment des meurtres, des «crimes d’honneur» et des enlèvements suivis de mariages forcés, qui constituent des violations de la Convention. Renvoyant à ses précédentes recommandations, le Comité se déclare à nouveau préoccupé de constater qu’aucun rapport n’a été publié à la suite des visites effectuées par le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) dans l’État partie, y compris dans le Caucase du Nord, et qu’aucune date n’a été fixée pour la publication de ces rapports (art. 2, 4, 11, 12 et 16).

Le Comité prie instamment l ’ État partie de veiller à ce que toute mesure antiterroriste prise dans la région du Caucase du Nord s oit conforme à l’interdiction de la torture et d es mauvais traitements consacrée par la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie:

a) De veiller à ce que toutes les plaintes pour déni de garanties , torture, mauvais traitements, enlèvement, disparition forcée et exécution extrajudiciaire , y compris les plaintes pour des actes de violence à l’égard des femmes commis dans le Caucase du Nord , donnent lieu dans les meilleurs délais à une enquête impartiale et efficace, que tous les auteurs de ces violations soient tenus de rendre des comptes , poursuivis et sanctionnés, et que l es victimes obtiennent réparation;

b) De veiller à ce qu e nulle personne reconnue coupable d ’un crime constitutif de torture en vertu de la Convention ne puisse bénéficier d’une mesure d ’ amnistie;

c) De v eiller à ce que les enquêteurs puissent obliger l es autorités locales à coopérer aux enquêtes et à ce que tout agent de l’État refusant de coopérer soit soumis à des sanctions;

d) D e rendre publiques des informations sur le nombre de cas non élucidés de disparition forcée dans la région, de tenir les membres de la famille des personnes disparues au courant de l ’ état d ’ avancement des enquêtes et de les informer lors de l ’ exhumation et de l ’ identification de dépouilles .

Se référant à ses précédentes recommandations et aux propos tenus par le représentant de l ’ État partie lors de l ’ examen du rapport , selon lesquels les autorités approuvent le principe consistant à rendre publics les rapports sur les visites du CPT dans l ’ État partie , le Comité exhorte l ’ État partie à publier ces rapports, y compris ceux consacrés aux visites effectuées dans le Caucase du Nord. Le Comité demande en outre à l ’ État partie de l ’ informer des dates fixées pour leur publication.

Violence à l’égard des femmes

14.Compte tenu des informations persistantes faisant état d’allégations de nombreuses formes de violence à l’égard des femmes sur tout le territoire de l’État partie, le Comité s’inquiète du faible nombre de plaintes, d’enquêtes et de poursuites pour actes de violence familiale et de violence à l’égard des femmes, y compris pour viol conjugal. Il est également préoccupé par les renseignements indiquant que les membres des forces de l’ordre sont peu disposés à enregistrer les plaintes pour violence familiale et que des femmes cherchant à obtenir qu’une enquête pénale soit menée sur leurs allégations de violence familiale sont contraintes de participer à des procédures de réconciliation. Le Comité s’inquiète aussi de l’absence de définition de la violence familiale dans la législation de l’État partie (art. 1er, 2, 11, 13 et 16).

Le Comité exhorte l ’ État partie à inclure une définition de la violence familiale dans sa législation et à faire le nécessaire pour que tous les cas de violence à l’égard des femmes, y compris les cas de violence familiale , so ie nt enregistrés par la police, que toutes les allégations de violence à l’égard d es femmes donnent lieu sans délai à une enquête impartiale et efficace , et que les auteurs soient poursuivis en justice. L ’ État partie devrait prendre des mesures pour que des sanctions adaptées soient prononcées contre les policiers qui refusent d ’ enregistrer de telles plaintes .

Actes de violence motivés par la race, l’origine ethnique ou l’identité des victimes

15.Le Comité est préoccupé par les informations persistantes faisant état de discrimination et de mauvais traitements, notamment d’actes de violence et de violations visant des Roms et des membres d’autres minorités ethniques, des travailleurs migrants, des étrangers et d’autres personnes prises pour cible en raison de leur identité ou de leur marginalisation sociale; il s’inquiète notamment des renseignements concernant le décès en détention d’un certain nombre de Roms à Kazan et à Pskov entre 2005 et 2011. Le Comité est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles la police ne réagit pas avec diligence aux actes de violence envers les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres (LGBT), ou ne procède pas systématiquement à une enquête efficace sur les auteurs de tels actes et à leur inculpation, comme cela a été dit au sujet des actes de violence récemment perpétrés contre le «Club des 7 jours gratuits» à Moscou et le «Club de la vie parisienne» à Tioumen (art. 2, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait :

a) Prendre des mesures efficaces pour assurer la protection de toutes les personnes en danger , notamment les Roms, les membres de minorités ethniques, les travailleurs migrants, les LGBT et les étrangers, notamment en renforçant la surveillance . Tous les actes de violence et de discrimination dirigés contre d es membres de ces groupes devraient donner lieu dans les meilleurs délais à une enquête impartiale et efficace; le urs auteurs devraient être traduits en justice et les victimes devraient obtenir réparation. Le Comité recommande que des statistiques soient établies sur tou te s les infractions commises contre d es membres de ces groupes vulnérables, ainsi que sur les résultats des enquêtes et des poursuites menées et sur l es mesures de réparation qui ont été prises ;

b) Condamner publiquement les attaques contre les Roms, les minorités ethniques et les autres minorités, les travailleurs migrants, l es LGBT et les autres personnes en danger, et organiser des campagnes de sensibilisation, y compris au sein de la police, pour promouvoir la tolérance et le respect de la diversité.

Bizutage («dedovchtchina») et mauvais traitements dans les forces armées

16.Le Comité demeure préoccupé par les allégations faisant état d’actes de violence et de décès dans l’armée qui seraient liés à des pratiques de bizutage des conscrits imputables à leurs camarades et à des officiers, commises par ou avec le consentement exprès ou tacite, ou avec l’approbation des supérieurs ou d’autres militaires. Il prend acte des renseignements communiqués par la délégation selon lesquels ces pratiques ont diminué ces dernières années, mais il demeure préoccupé par les nombreuses informations reçues sur des cas de bizutage et par les allégations indiquant que, dans plusieurs de ces cas, il n’y a pas eu d’enquête en bonne et due forme, voire pas d’enquête du tout. Le Comité s’inquiète en outre des informations selon lesquelles les personnes responsables de tels actes ne sont pas dûment sanctionnées (art. 2, 4, 12, 13 et 16).

L ’ État partie devrait renforcer les mesures prises pour interdire et éliminer le bizutage dans les forces armées et faire en sorte que des enquête s impartiale s soient menées sans délai sur toutes les allégations faisant état de bizutage et de décès dans l ’ armée afin de parvenir à une tolérance zéro en ce qui concerne les mauvais traitements et la torture sur des militaires , comme le Comité le lui a précédemment recommandé. Lorsque les faits de bizutage sont prouvés, l ’ État partie devrait veiller à ce que des poursuite s soient systématiquement engagées et à ce que les auteurs soient dûment sanctionnés, notamment par leur exclusion des forces armées, devrait rendre publics les résu ltats des enquêtes menées et devrait accorder réparation aux victimes, notamment sous la forme d’une aide médic ale et psychologique appropriée .

Non-refoulement et assurances diplomatiques

17.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de l’extradition et de l’expulsion d’étrangers par l’État partie vers des États d’Asie centrale membres de la Communauté des États indépendants, lorsque ces extraditions ou expulsions exposent les personnes concernées à un risque important d’être torturées dans leur pays d’origine. Le Comité s’inquiète également de constater que l’État partie s’appuie sur des assurances diplomatiques en pareil cas (art. 3, 6 et 7).

Le Comité recommande à l ’ État partie de cesser de s ’ en remettre aux assurances diplomatiques lorsqu’il extrade ou expulse de s personnes de son territoire vers des États où elles risquent d’être torturées . Il demande également à l ’ État partie de lui communiquer des informations sur le nombre et la nature d es assurances diplomatiques reçues au cours de la période considérée et l es pays concernés, ainsi que sur les mécanismes en place pour l’obtention de ces assurances, leur contenu, le nombre et l ’ issue des recours engagés devant les tribunaux dans de tels cas, et l ’ existence de mécanismes permettant de suivre la situation des personnes concernées lors de leur renvoi et après celui-ci .

Conditions de détention

18.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a cherché à réduire la population carcérale en recourant à des solutions autres que la détention et en renonçant à la détention provisoire pour un certain nombre d’infractions à caractère économique. Cependant, il reste préoccupé par les informations concernant: a) la persistance de la surpopulation carcérale; b) le nombre élevé de suicides dans les lieux de détention; c) le manque de médecins indépendants disponibles pour examiner les personnes incarcérées qui se disent victimes de violations; d) les délais d’attente auxquels sont confrontées les personnes qui se disent victimes d’actes de torture et souhaitent passer un examen médico-légal; e) l’absence de services psychiatriques adaptés dans le système pénitentiaire; et f) le manque d’informations sur le système actuellement en place pour protéger les plaignants contre la censure de leurs plaintes et les représailles (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie de recourir davantage aux mesures de substitution à la privation de liberté (Règles de Tokyo). Il recommande également: a)  que tous les cas de suicide donnent effec tivement lieu à une enquête; b)  qu ’ une étude soit menée sur les causes des suicides en détention ; et c)  que le Service fédéral de l ’ exécution des peines améliore la surveillance et la détection des détenus à risque et prenne des mesures pour prévenir les suicides et la violence entre détenus, notamment en installant des dispositifs de vidéosurveillance , en renforçant les effectifs du personnel pénitentiaire et en veillant à ce que les détenus aient accès à des services psychiatriques adaptés et suffisants. Il recommande que les règles régissant l ’ examen médical des détenus soient modifiées de façon à ce que les examens soient réalisés par des professionnels entièrement indépendants, que les plaignants soient protégés contre d ’ éventuelles représailles et que leurs plaintes pour mauvais traitements en détention ne soient pas censurées par les autorités.

Violence à l’égard de détenues

19.Le Comité s’inquiète de constater que, malgré les informations reçues par le Comité sur la violence à l’égard de détenues, l’État partie a recensé un très faible nombre de plaintes relatives à ce type de violence. Il est également préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas communiqué d’informations sur les moyens à la disposition des personnes privées de liberté pour déposer des plaintes confidentielles auprès d’enquêteurs indépendants, ni sur l’existence de garanties efficaces pour protéger les auteurs de telles plaintes contre des représailles, par exemple le transfèrement dans un autre établissement en attendant les résultats de l’enquête sur leurs plaintes. Le Comité relève avec inquiétude que les personnes reconnues coupables de violence à l’égard de détenues ne font pas l’objet de sanctions appropriées (art. 2, 11, 12, 13, 14 et 16).

L ’ État partie doit garantir à toutes les plaignantes la possibilité d ’ avoir des entretiens confidentiels, en prenant des mesures efficaces pour assurer la sécurité des personnes interrogées, et veiller à ce que les auteurs présumés des actes de violence, leurs éventuels complices et les agents de l ’ État qui ont toléré ou facilité ces actes soient identifiés et amenés à rendre des comptes. L ’ État partie est également prié de communiquer des renseignements sur les cas signalés, les enquêtes menées (en précisant notamment si des examens médicaux ont été effectués en temps opportun), les inculpations, les poursuites abandonnées et les condamnations prononcées, en précisant, le cas échéant, le nombre de personnes concernées qui ont continué à travailler dans le même établissement pénitentiaire ou dans d ’ autres établissements de ce type. Le Comité engage aussi l ’ État partie à donner des informations sur les mesures prises pour prévenir les mauvais traitements dans le s lieux de détention concernés et les mesures de réadaptation prévues pour les plaignantes dont les allégations ont été vérifiées . L ’ État partie est invité à communiquer des renseignements sur les résultats de l ’ enquête qui doit être menée, conformément aux engagements pris par l ’ État partie, sur les informations faisant état de violence à l ’ égard de femmes détenues dans la colonie pénitentiaire IK-13 en Mordovie.

Réparation

20.Le Comité accueille favorablement les informations communiquées par l’État partie sur les indemnités versées aux victimes de torture ou de mauvais traitements en application des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, mais il regrette l’insuffisance des précisions données par l’État partie sur le montant des indemnités versées aux victimes, notamment aux personnes privées de garanties fondamentales ou soumises à des actes de torture ou à des mauvais traitements en détention. Rappelant ses recommandations antérieures, le Comité exprime de nouveau sa préoccupation face au fait que le versement d’indemnités est la seule forme de réparation prévue par la loi pour les victimes de torture; le Comité regrette l’absence d’informations sur les services de traitement et de réadaptation sociale, notamment de réadaptation médicale et psychosociale, mis à la disposition des victimes (art. 14 et 16).

L ’ État partie devrait intensifier s es efforts pour permettre aux victimes de torture et de mauvais traitements d ’ obtenir réparation, notamment sous la forme d ’ une indemnisation équitable et adéquate, et de bénéficier d ’ une réadaptation aussi complète que possible. L ’ État partie devrait modifier sa législation afin qu ’ elle garantisse le droit des victimes de torture à réparation, conformément à l ’ article  14 de la Convention. Il devrait donner au Comité des informations sur les mesures prises dans ce domaine, notamment sur les ressources allouées en vue du bon fonctionnement des programmes de réadaptation.

Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État part ie sur l’Observation générale n o 3 (2012), récemment adoptée, qui explique le contenu et la portée des obligations des États parties, tenus en vertu de l ’ article  14 de la Convention d ’ assurer une réparation intégrale aux victimes de torture.

Formation

21.Rappelant ses recommandations précédentes, le Comité exprime à nouveau son inquiétude face à l’absence de système de réadaptation des victimes de torture dans l’État partie et de formation adaptée du personnel médical aux traumatismes physiques et psychologiques causés par la torture (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place un système permettant la réadaptation des victimes de torture et la formation du personnel infirmier, médical et paramédical et des autres professionnels qui participent à la collecte d ’ informations et aux enquêtes sur les allégations de torture et de mauvais traitements afin qu ’ ils puissent déceler les signes de torture et de mauvais traitements et soigner les séquelles physiques et psychologiques laissées par de tels actes , conformément aux normes énoncées dans le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul).

Établissements psychiatriques

22.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles il arrive fréquemment que des personnes soient placées en établissement psychiatrique contre leur gré, et par l’absence de renseignements sur la possibilité de faire appel d’un tel placement. Le Comité s’inquiète également de l’absence d’enquête sur les allégations faisant état de mauvais traitements à l’égard de personnes placées dans ces établissements et de décès (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De faire le nécessaire pour que les organes judiciaires assurent un contrôle et un suivi effectifs de tout placement en institution de personne s présentant un handicap mental;

b) De veiller à ce que les personnes placées dans ces institutions bénéficient de garanties effectives, et notamment que le droit à un recours utile soit respecté, en prenant des mesures pour que leurs conditions de vie fassent l ’ objet d ’ un contrôle indépendant, qu ’ un mécanisme de dépôt de plaintes soit mis en place et que des services de conseil soient assurés. L ’ État partie devrait également former le personnel médical et non médical à l ’ administration de soins sans violence ni contrainte;

c) D ’ enquêter effectivement sur toutes les allégations faisant état de violations de la Convention, notamment en cas de décès, de poursuivre les auteurs et d ’ accorder réparation aux victimes.

Collecte de données

23.Le Comité prend note des données statistiques communiquées par l’État partie dans son rapport, mais il regrette l’absence des données complètes et ventilées qu’il avait demandées (art. 2, 3, 12, 13, 14 et 16).

L ’ État partie devrait compiler et fournir au Comité des informations sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements, les expulsions, la durée des procès d ’ auteurs présumés d ’ actes de torture et de mauvais traitements, la violence à l ’ égard des femmes et la suite donnée à toutes les plaintes et affaires concernant de tels actes, y compris les réparations accordées. À cette fin, les données statistiques devraient être ventilées par sexe, âge, origine ethnique, situation, nationalité, type et emplacement du lieu de détention ou date de fin de la détention provisoire, de façon à être exploitables pour le suivi de la Convention.

24.Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

25.Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie: la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, signé en 2012. L’État partie est également invité à ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

26.Tout en prenant note de l’existence d’un moratoire de fait sur la peine de mort, le Comité invite l’État partie à abolir cette peine en droit et à ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

27.L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

28.Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, le 23 novembre 2013 au plus tard, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 11, 12 et 16 du présent document et concernant: a) la surveillance des lieux de détention; b) les actes d’intimidation, de harcèlement et de violence contre les défenseurs des droits de l’homme; c) le bizutage («dedovchtchina») et les mauvais traitements dans l’armée.

29.L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le sixième, le 23 novembre 2016 au plus tard. À cette fin, le Comité lui soumettra en temps voulu une liste préalable de points à traiter, puisque l’État partie a accepté d’établir son rapport conformément à la procédure facultative.