Nations Unies

CRPD/C/RUS/CO/1

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

9 avril 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Observations finales concernant le rapport initial de la Fédération de Russie *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport initial de la Fédération de Russie (CRPD/C/RUS/1) à ses 379e et 380e séances (voir CRPD/C/SR.379 et 380), les 27 et 28 février 2018. Il a adopté les observations finales ci-après à sa 391e séance, le 7 mars 2018.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de la Fédération de Russie, qui a été établi conformément aux directives du Comité concernant l’établissement des rapports, et remercie l’État partie des réponses écrites (CRPD/C/RUS/Q/1/Add.1) apportées à la liste de points établie par le Comité (CRPD/C/RUS/Q/1).

3.Le Comité se félicite du dialogue fructueux qu’il a eu avec la délégation russe pendant l’examen du rapport et remercie l’État partie d’avoir dépêché une délégation de haut niveau, composée de représentants des organes chargés de l’application de la Convention.

II.Aspects positifs

4.Le Comité accueille avec satisfaction les efforts déployés par l’État partie pour garantir la réalisation des droits des personnes handicapées consacrés par la Convention, en particulier :

a)L’introduction dans la législation interne d’une disposition interdisant expressément la discrimination fondée sur le handicap ;

b)L’adoption du programme public « Un environnement accessible » pour la période 2011-2020 ;

c)La présence dans le recueil de jurisprudence de la Cour suprême pour la période 2013-2017 de renvois aux constatations du Comité concernant les communications émanant de particuliers ;

d)L’augmentation du nombre d’élèves handicapés dans l’éducation inclusive ;

e)L’adhésion de l’État partie, le 8 février 2018, au Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées (Traité de Marrakech).

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Principes généraux et obligations générales (art. 1er à 4)

5.Le Comité constate que l’État partie n’a pas ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

6. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention dans les meilleurs délais.

7.Le Comité note que la traduction officielle de l’expression « personnes handicapées » en russe est « invalid i », terme qui ne correspond pas l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme.

8. Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier la version officielle de la Convention et d ’ utiliser des termes correspondant pleinement à l ’ approche fondée sur les droits de l ’ homme.

9.Le Comité constate que l’État partie continue de miser sur les soins médicaux et la réadaptation et de mettre l’accent sur la création de services spécialisés, ce qui peut favoriser la ségrégation. Tout en prenant acte de la loi fédérale no 419 de 2014 relative aux droits des personnes handicapées, il est préoccupé par les efforts insuffisants qui ont été fournis pour harmoniser la législation interne relative aux personnes handicapées avec la Convention et par l’absence de mécanismes de mise en œuvre de la législation en vigueur.

10. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre, en collaboration pleine et effective avec les personnes handicapées et les organisations qui les représentent, toutes les mesures voulues pour garantir que la législation interne soit entièrement conforme aux principes généraux énoncés dans la Convention et aux dispositions spécifiques prévues par cet instrument, et de veiller à ce qu’elle soit efficacement appliquée. En particulier, il lui recommande d ’ adopter des mesures pour promouvoir la non-discrimination et faciliter la transition complète vers une approche du handicap fondée sur les droits de l ’ homme. Il lui recommande aussi d ’ intégrer les droits des personnes handicapées et le principe de l ’ accessibilité des services dans les systèmes en pl ace afin que ces droits soient pris en considération au plan local dans toutes les régions de l ’ État partie.

11.Le Comité relève avec préoccupation l’absence d’un cadre suffisamment transparent et complet permettant de garantir que les organisations qui représentent les personnes handicapées soient pleinement et effectivement consultées lors de l’adoption, de l’application et du suivi des lois et politiques relatives aux droits des personnes handicapées.

12. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer un cadre transparent et complet visant à garantir que les organisations qui représentent les personnes handicapées soient pleinement et effectivement consultées lors de l ’ adoption, de l ’ application et du suivi des lois et politiques relatives aux droits des personnes handicapé es, notamment en créant un mécanisme de financement permettant d ’ assurer l ’ indépendance de ces organisations.

B.Droits particuliers (art. 5 à 30)

Égalité et non-discrimination (art. 5)

13.Le Comité note avec préoccupation que, dans la législation en vigueur, le refus d’aménagement raisonnable ne figure pas expressément au nombre des motifsde discrimination interdits dans tous les domaines. Il note également avec préoccupation que le montant des amendes prévues aux articles 5.42, 5.62, 9.13, 9.14 et 11.24 du Code des infractions administratives est faible, ce qui risque de ne pas assurer aux personnes handicapées une protection égale ou adéquate de leurs droits.

14.Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier sa législation afin que le refus d ’ aménagement raisonnable y figure expressément au nombre des motifs de discrimination interdits dans tous les domaines de la vie, conformément à l ’ article 5 de la Convention. Il lui recommande également de modifier le Code des infractions administratives afin de relever le montant des amendes prévues aux articles 5.42, 5.62, 9.13, 9.14 et 11.24 dudit c ode. Il l ’ engage en outre à tenir compte de la Convention dans le cadre de la réalisation de la cible 10.2 des objectifs de développement durable.

Femmes handicapées (art. 6)

15.Le Comité relève avec préoccupation l’absence de cadre juridique permettant de combattre la discrimination multiple et croisée à laquelle les femmes et les filles handicapées sont confrontées. Il est également préoccupé par la mise en œuvre insuffisante de politiques publiques, notamment de mécanismes d’accès à la justice et de plainte, destinées à garantir l’épanouissement, la promotion et l’autonomisation des femmes et des filles handicapées.

16.Conformément à son observation générale n o 3 (2016) sur les femmes et les filles handicapées, et compte tenu des cibles 5.1, 5.2 et 5.5 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer un cadre législatif permettant de combattre la discrimination multiple et croisée à l’égard des femmes et des filles handicapées, en étroite collaboration avec les organisations qui les représentent.

Enfants handicapés (art. 7)

17.Le Comité relève avec une profonde préoccupation que, d’après les renseignements fournis au paragraphe 65 des réponses écrites à la liste de points établie par le Comité, un nombre considérable de filles et de garçons handicapés vivent en institution.

18. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une stratégie en vue de désinstitutionnaliser les filles et les garçons handicapés dans un délai déterminé . Il lui recommande également d ’ affecter des ressources à la mise en place au sein des collectivités locales d ’ un réseau de services d’accompagnement et aux initiatives visant à autonomiser les familles des enfants handicapés et à répondre à leurs besoins, conformément à son observation générale n o 5 (2017) sur l ’ autonomie de vie et l ’ inclusion dans la société.

Accessibilité (art. 9)

19.Le Comité constate avec préoccupation que, d’après les informations fournies par l’État partie au paragraphe 25 de ses réponses à la liste de points, malgré l’adoption du Programme public « Un environnement accessible » pour la période 2011-2020, les possibilités de créer un environnement dépourvu d’obstacles dans toutes les régions de l’État partie, y compris dans les zones reculées et rurales, sont limitées par la nécessité de trouver un équilibre entre la création de conditions garantissant l’accessibilité, d’une part, et les moyens économiques de la société, d’autre part, conformément à la notion d’aménagement raisonnable. Le Comité s’inquiète en outre de ce que ce programme ne prévoie pas de garantir l’accessibilité des lieux pour tous les types de handicap.

20.Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour appliquer pleinement le Programme public « Un environnement accessible » pour la période 2011 ‑ 2020 et de prendre des mesures pour créer un environnement dépourvu d ’ obstacles dans toutes les régions, y compris dans les zones reculées et rurales, conformément à son observation générale n o 2 (2014) sur l ’ accessibilité. Il lui recommande également de veiller à ce que ce programme soit appliqué efficacement et prévoie de garantir l ’ accessibilité des lieux pour tous les types de handicap.

21.Le Comité constate avec préoccupation que les personnes sourdes rencontrent des difficultés à accéder au numéro d’urgence 112 dans toutes les régions de l’État partie, notamment dans les zones reculées et rurales.

22.Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que le numéro d ’ urgence 112 soit accessible dans toutes les régions, y compris dans les zones reculées et rurales, en particulier aux personnes sourdes.

23.Le Comité note avec inquiétude que, dans certaines grandes villes, les personnes handicapées ont de la difficulté à accéder à des places de stationnement gratuites.

24.Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures voulues pour garantir que les personnes handicapées puissent accéder à des places de stationnement gratuites.

25. Le Comité recommande aussi à l ’ État partie de tenir compte des dispositions de l ’ article 9 de la Convention et de son observation générale n o  2 dans le cadre de la réalisation des cibles 11.2 et 11.7 des objectifs de développement durable.

Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (art. 12)

26.Le Comité note avec préoccupation que la législation de l’État partie, en particulier le Code civil et le Code de procédure civile, comportent encore des dispositions autorisant la prise de décisions substitutive et qu’il ne prévoit pas de mécanismes de prise de décisions assistée destinés aux personnes handicapées.

27. Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier sa législation, en particulier le Code c ivil et le Code de procédure civile, en introduisant la notion de prise de décisions assistée, et de l ’ harmoniser pleinement avec les dispositions de l ’ article 12 de la Convention, comme préconisé par le Comité dans son observation générale n o  1 (2014) sur la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d ’ égalité, et de reconnaître la pleine capacité juridique de toutes les personnes handicapées, quel que soit leur type de handicap.

Accès à la justice (art. 13)

28.Le Comité relève avec préoccupation la pénurie d’interprètes en langue des signes formés mis à la disposition des personnes sourdes dans le cadre d’une procédure judiciaire ou administrative ainsi que l’absence de documents fournis sous une forme accessible aux personnes aveugles et aux personnes présentant un handicap intellectuel et/ou psychosocial dans le cadre de diverses procédures.

29. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que toutes les personnes handicapées aient accès à un nombre suffisant d ’ interprètes en langue des signes et à des documents présentés sous des formes accessibles, notamment en langage facile à lire et à comprendre, en braille et d ’ autres modes, moyens et formes de communication accessibles, dans toutes les procédures judiciaires ou administratives.

30.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas élaboré de politiques permettant aux personnes handicapées d’acquérir les compétences voulues pour participer directement ou indirectement au fonctionnement du système judiciaire en tant qu’avocat, auxiliaire de justice ou agent de la force publique, entre autres professions.

31. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour aider les personnes handicapées à acquérir les compétences voulues pour participer directement ou indirectement au fonctionnement du système judiciaire en tant qu’ avocat, auxiliaire de justice ou agent de la force publique, entre autres professions .

Liberté et sécurité de la personne (art. 14)

32.Le Comité note avec préoccupation que les personnes handicapées, en particulier celles qui présentent un handicap psychosocial, peuvent encore être privées de liberté dans des hôpitaux psychiatriques ou d’autres institutions en vertu des dispositions pertinentes du Code pénal et du Code de procédure pénale.

33. Le Comité engage l ’État partie à modifier le Code pénal et le Code de procédure pénale et à en harmoniser pleinement les dispositions avec l ’ article 14 de la Convention ainsi qu’avec les directives du Comité concernant l ’ article 14 de la Convention (voir A/72/55, annexe).

Droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 15)

34.Le Comité est préoccupé par les cas signalés de mauvais traitements infligés à des personnes handicapées dans des institutions, qui peuvent être considérés comme des actes de torture ou des traitements cruels et dégradants. Il est également préoccupé par les allégations selon lesquelles des médicaments seraient utilisés pour « contrôler le comportement sexuel » des personnes handicapées, en particulier celles présentant un handicap intellectuel ou psychosocial.

35. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que les personnes handicapées exposées à de s mauvais traitements aient acc ès à des mécanismes de plainte et que les victimes d ’ actes de torture ou de mauvais traitements puissent réclamer et obtenir une réparation et une indemnisation suffisante, y compris sous forme de moyens de réadaptation. Le Comité recommande également à l ’ État partie de revoir sa législation sur l ’ administration de médicaments sans consentement dans les institutions.

Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance (art. 16)

36.Le Comité est préoccupé par les cas signalés de violence physique et psychologique infligée à des personnes handicapées, en particulier à des personnes présentant un handicap intellectuel et/ou psychosocial, dont des personnes autistes et des enfants, et par l’imposition de moyens de contention physique et chimique à ces personnes dans les institutions.

37. Le Comité recommande à l ’ État partie de recueillir des données ventilées sur les personnes handicapées, en particulier les femmes et les enfants, y compris celles placées en institution, qui sont exposées à la violence. Il l ’ exhorte à redoubler d ’ efforts pour protéger les personnes handicapées contre l ’ exploitation, la violence et la maltraitance. Il lui recommande en outre d ’ enquêter sur les cas signalés de mauvais traitements et de maltraitance dont feraient l’objet des personnes handicapées, en particulier des enfants placés en institution, et de traduire les responsables en justice.

Protection de l’intégrité de la personne (art. 17)

38.Le Comité est préoccupé par les cas signalés de stérilisation forcée de personnes handicapées, en particulier de femmes et de filles présentant un handicap intellectuel ou psychosocial ainsi que de personnes autistes, y compris lorsque le consentement est donné par le tuteur de la personne soumise à une stérilisation.

39.Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures appropriées pour prévenir la stérilisation forcée de personnes handicapées, notamment de femmes et de filles présentant un handicap intellectuel ou psychosocial, sans le consentement libre et éclairé des intéressées, et d ’ offrir des recours utiles aux personnes concernées.

Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)

40.Le Comité est profondément préoccupé par le nombre élevé de personnes handicapées vivant en institution et par les possibilités limitées offertes aux personnes handicapées, en particulier celles présentant un handicap intellectuel et/ou psychosocial, d’accéder aux services et de participer aux activités de leur collectivité. Il constate en outre avec inquiétude qu’il n’existe pas de stratégie de désinstitutionalisation et que les personnes handicapées ne sont pas toutes au courant de l’existence des services d’accompagnement mis à leur disposition ou des démarches à entreprendre pour demander une assistance dans leur collectivité.

41. Compte tenu de son observation générale n o  5, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une stratégie pour :

a) Promouvoir le droit des personnes handicapées à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société ;

b) Mettre en place des services d’accompagnement de proximité à l’intention des personnes handicapées de tous âges, quel que soit leur type de handicap ;

c) Informer systématiquement les personnes handicapées et leur famille des démarches à entreprendre pour demander des services d’accompagnement et une aide qui leur permette de vivre de manière autonome tout en faisant partie de la communauté, conformément à leur choix personnel.

Mobilité personnelle (art. 20)

42.Le Comité est préoccupé par le fait que, d’après le système de moyens techniques de réadaptation, les personnes handicapées qui vivent dans les différentes régions du pays n’ont pas accès dans des conditions d’égalité à des services techniques ou autres ou à du matériel de qualité permettant de suivre un programme de réadaptation personnalisé.

43. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de revoir la législation et les pratiques en vigueur afin de garantir l’ accès dans des conditions d’égalité à une réadaptation fondée sur des services et du matériel de qualité financés par des fonds publics et régionaux.

Liberté d’expression et d’opinion et accès à l’information (art. 21)

44.Le Comité accueille avec satisfaction la récente augmentation du nombre d’heures d’interprétation en langue des signes. Il est toutefois préoccupé par les effectifs insuffisants des interprètes en langue des signes et par l’opacité du suivi de la qualité de leurs services, en particulier en ce qui concerne les prestataires de services publics. Il est également préoccupé par le manque d’informations disponibles en langage facile à lire et à comprendre et de renseignements sur la mise en œuvre du Traité de Marrakech, que l’État partie a récemment ratifié.

45. Le Comité exhorte l ’ État partie à établir à l ’ intention des services publics des obligations et des normes claires et contraignantes afin d ’ assurer la disponibilité d ’ informations et de moyens de communication accessibles à toutes les personnes quel que soit leur type de handicap, assorties de garanties pertinentes et efficaces, en consultation avec les organisations qui représentent les personnes handicapées. Compte tenu des renseignements fournis au paragraphe 141 des réponses écrites à la liste des points à traiter, le Comité recommande à l ’ État partie de créer un registre national afin de surveiller de manière transparente les établissements revêtant une importance particulière pour les personnes handicapées. Il lui recommande aussi de fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur l ’ application progressive du Traité de Marrakech, qui devra être fondée sur une feuille de route clairement définie.

Respect du domicile et de la famille (art. 23)

46.Le Comité est préoccupé par les dispositions de la décision gouvernementale no 117 du 14 février 2013 et du Code de la famille, qui n’autorisent pas les personnes présentant certaines formes de handicap intellectuel ou psychosocial à se marier et à adopter des enfants, indépendamment de l’intérêt supérieur potentiel de l’enfant concerné.

47. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de revoir la législation en vigueur et les garanties existantes et de prévoir des mesures incitatives afin que les personnes handicapées puissent jouir du droit de se marier et de fonder une famille dans des conditions d ’ égalité avec les autres.

Éducation (art. 24)

48.Le Comité est préoccupé par le fait que la ségrégation est encore de mise dans l’éducation, bien que le nombre d’enfants handicapés scolarisés dans l’enseignement ordinaire conformément au principe de l’éducation inclusive ait augmenté. Le Comité est également préoccupé par l’absence de transparence dans l’allocation des ressources financières et la mise en place de mécanismes chargés de veiller à ce que toutes les personnes quel que soit leur type de handicap bénéficient des mêmes conditions et d’un même accompagnement dans l’enseignement général, conformément à la législation fédérale. Le Comité est également préoccupé par les disparités régionales dues à la diversité des conditions et à la disponibilité variable des ressources financières selon les régions.

49. Le Comité engage l ’ État partie à continuer de promouvoir et de prôner le principe d ’ une éducation inclusive de qualité, conformément à son observation générale n o 4 (2016) sur le droit à l ’ éducation inclusive. En particulier, il lui recommande d ’ adopter une feuille de route et un plan d ’ action à long terme en faveur de l ’ éducation inclusive qui prévoie des délais, des indicateurs et un budget suffisant et transparent afin que toutes les personnes handicapées aient accès à une éducation inclusive de qualité quel que soit leur type de handicap.

50. Le Comité recommande également à l ’ État partie de tenir compte de la Convention et de son observation générale n o 4 dans le cadre de la réalisation des cibles 4.5 et 4 . a des objectifs de développement durable .

Santé (art. 25) et adaptation et réadaptation (art. 26)

51.Le Comité est préoccupé par le caractère insuffisant et inégal de l’accès à des services de santé et de réadaptation de qualité dans les régions de l’État partie, et prend note des recommandations adressées à la Fédération de Russie par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (voir E/C.12/RUS/CO/6, par. 50 et 51). Il est également préoccupé par l’absence d’informations sur la législation relative à la création du système de moyens techniques de réadaptation.

52. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour faire en sorte que, dans toutes les régions, les personnes handicapées aient accès à des services de santé et de réadaptation de qualité. Il lui recommande également de revoir sa législation et ses pratiques relatives à la politique en matière de drogue et aux mesures de prévention de la toxicomanie, compte tenu des recommandations du Comité des droits économiques, sociaux et culturels (voir E/C.12/RUS/CO/6, par. 50 et 51 en particulier). Le Comité recommande également à l ’ État partie d ’ élaborer une législation sur le système de moyens techniques de réadaptation afin de garantir la transparence du processus décisionnel en ce qui concerne les garanties pertinentes.

Travail et emploi (art. 27)

53.Le Comité est préoccupé par le fait que le refus de réaliser des aménagements raisonnables en faveur des personnes handicapées n’est toujours pas défini comme un motif de discrimination dans la législation en vigueur. Il est également préoccupé par le fait que trop peu d’informations sont disponibles sur les « postes spéciaux » et les programmes d’insertion sur le marché du travail destinés aux personnes handicapées, en particulier s’agissant des personnes présentant un handicap intellectuel ou psychosocial, et qu’il n’existe pas de mesures de formation et d’assistance transparentes et systématiques dans le domaine de la réalisation d’aménagements raisonnables en faveur des personnes handicapées sur les lieux de travail.

54. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire figurer le refus de réaliser des aménagements raisonnables en faveur des personnes handicapées parmi les motifs de discrimination couverts par sa législation, conf ormément à la Convention, et d’inverser la charge de la preuve en la faisant peser sur l ’ employeur. Il lui recommande également d ’ améliorer et de normaliser l’accompagnement disponible aux fins de la réalisation d’a ménagements raisonnables sur le lieu de travail.

55. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de tenir compte de la Convention dans le cadre de la réalisation de la cible 8.5 des objectifs de développement durable.

Niveau de vie adéquat et protection sociale (art. 28)

56.Le Comité est préoccupé par les modifications apportées au calcul de l’aide financière mensuelle accordée en cas d’accident du travail et de handicap, qui aurait été réduite en application d’une décision de la Cour suprême.

57. Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir la législation et les pratiques en vigueur relatives à l ’ allocation d ’ aides financières en cas d ’ accident du travail et de handicap, et de modifier la réglementation pertinente afin d ’ améliorer la transparence grâce à l’adoption de garanties efficaces, conformément à la Convention.

Participation à la vie politique et à la vie publique (art. 29)

58.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie ne dispose pas de législation globale et contraignante permettant de garantir l’exercice par les personnes handicapées de leurs droits électoraux. Il note en outre que la décision no 96/832-7 du 9 août 2017 rendue par la Commission électorale centrale de la Fédération ne contient que des « recommandations ».

59. Le Comité invite instamment à l ’ État partie à adopter une législation complète ou à modifier la loi en vigueur relative aux élections afin de garantir que les élections et les informations se rapportant au scrutin soient accessibles à toutes les personnes handicapées, conformément au paragraphe 26 des présentes observations finales.

Participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports (art. 30)

60.Le Comité est préoccupé par le manque d’informations transparentes sur l’application des lois mentionnées au paragraphe 191 des réponses écrites à la liste de points, s’agissant en particulier des mesures permettant aux personnes handicapées d’exercer leurs droits culturels, et par l’absence de renseignements sur la mise en œuvre de la loi fédérale no 34 relative à l’audiodescription et au sous-titrage obligatoires des films. Le Comité est également préoccupé par le fait que, même si les services touristiques, notamment les structures d’hébergement, ont été rendus plus accessibles aux personnes présentant un handicap physique, aucune disposition ne semble avoir été prise en faveur des personnes ayant un handicap sensoriel ou un autre type de handicap. Il note en outre avec inquiétude qu’il n’existe pas de normes contraignantes en matière d’accessibilité applicables aux services touristiques.

61. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ améliorer l ’ accès à la vie culturelle de toutes les personnes handicapées, y compris celles qui présentent un handicap sensoriel, en instituant des procédures transparentes, des mécanismes d ’ évaluation et des normes contraignantes applicables aux services touristiques et aux infrastructures culturelles dans la Fédération de Russie, conformé ment à son observation générale  n o 2.

C.Obligations particulières (art. 31 à 33)

Statistiques et collecte des données (art. 31)

62.Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations disponibles sur la qualité et l’accessibilité des services fournis aux personnes présentant diverses formes de handicap depuis la création du Registre fédéral des personnes handicapées. Il est également préoccupé par l’absence de renseignements sur la stratégie globale et transparente de collecte de données ventilées.

63. Compte tenu de la cible 17.18 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ améliorer le registre des personnes handicapées conformément à la Convention, en respectant le droit à la vie privée et en recueillant, analysant et diffusant des données ventilées sur les caractéristiques de la population handicapée du pays, notamment le sexe, l ’ âge, l ’ appartenance ethnique, le type de handicap, la situation socioéconomique, l ’ emploi et le lieu de résidence, ainsi que les obstacles auxquels ces personnes se heurtent dans la société. Le Comité recommande également à l ’ État partie d ’ appliquer la méthode du Groupe de Washington sur les statistiques des incapacités.

Coopération internationale (art. 32)

64.Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que la participation à la coopération internationale des organisations russes qui représentent les personnes handicapées est insuffisante.

65. Le Comité invite l ’ État partie à associer les organisations r uss es qui représentent les personnes handicapées à la coopération internationale et de veiller à ce que tous les efforts déployés en vue de la réalisation des objectifs de développement durable tiennent compte de l ’ approche fondée sur les droits des personnes handicapées, conformément aux dispositions de la Convention.

Application et suivi au niveau national (art. 33)

66.Le Comité est préoccupé par le fait qu’il n’existe pas de dispositif de coordination tel que prévu au paragraphe 1 de l’article 33 de la Convention. Il note en outre avec inquiétude que les organisations qui représentent les personnes handicapées ne sont pas suffisamment associées au suivi de la mise en œuvre de la Convention. Le Comité relève en outre l’insuffisance et l’inefficacité du suivi à l’échelon régional.

67. Compte tenu des lignes directrices sur les cadres indépendants de surveillance et leur participation aux travaux du Comité (2016), le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures ci-après :

a) Nommer un ou plusieurs coordonnateurs afin améliorer la mise en œuvre harmonisée de la Convention dans l ’ État partie, compte tenu en particulier des compétences existant au plan régional ;

b) Faire en sorte que les personnes handicapées soient pleinement et effectivement associées à la procédure de suivi par l ’ intermédiaire des organisations qui les représentent, notamment en leur allouant les ressources nécessaires.

IV.Suivi

Diffusion de l’information

68. Le Comité demande à l ’ État partie de mettre en œuvre ses recommandations figurant dans les présentes observations finales.

69. Il lui recommande de transmettre les présentes observations finales, pour examen et suite à donner, aux membres du Gouvernement et du Parlement, aux responsables des différents ministères, au système judiciaire et aux membres des professions concernées, tels les professionnels de l ’ éducation, de la santé et du droit, ainsi qu ’ aux autorités locales, au secteur privé et aux médias, en utilisant pour ce faire les stratégies de communication sociale modernes.

70. Le Comité encourage vivement l ’ État partie à associer les organisations de la société civile, en particulier les organisations de personnes handicapées, à l ’ élaboration de ses rapports périodiques.

71. Le Comité prie l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales, notamment auprès des organisations non gouvernementales et des organisations de personnes handicapées, ainsi qu ’ auprès des personnes handicapées elles-mêmes et de leurs proches, dans les langues nationales et minoritaires, notamment en langue des signes, et sous des formes accessibles, notamment le langage facile à lire et à comprendre. Il lui demande aussi de les diffuser sur le site Web public consacré aux droits de l ’ homme.

Prochain rapport périodique

72. Le Comité prie l’État partie de soumettre son rapport valant deuxième et troisième rapports périodiques au plus tard le 25 octobre 2022 et d’y faire figurer des renseignements sur la mise en œuvre des recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il invite également l’État partie à envisager de soumettre ce rapport selon la procédure simplifiée de présentation des rapports, dans le cadre de laquelle le Comité établit une liste de points au moins un an avant la date prévue pour la soumission du rapport. Les réponses de l’État partie à cette liste de points constituent son rapport périodique.