NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/94/D/1122/20023 novembre 2008

FRANÇAISOriginal: ESPAGNOL

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑quatorzième session13‑31 octobre 2008

CONSTATATIONS

Communication n o  1122/2002

Présentée par:

María Cristina Lagunas Castedo (représentée par un conseil, José Luis Mazón Costa)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

23 octobre 2001 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 26 septembre 2002 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

20 octobre 2008

Objet: Contestation par l’auteur des points qui lui ont été attribués à un concours de recrutement en vue de l’obtention d’un poste d’enseignant à l’université

Questions de procédure: Griefs insuffisamment étayés

Question s de fond: Droit d’être jugé par un tribunal impartial; accès à la fonction publique dans des conditions d’égalité

Article s du Pacte: 14 (par. 1) et 25 c)

Article du Protocole facultatif: 2

Le 20 octobre 2008, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci‑après en tant que constatations concernant la communication no 1122/2002 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L ’ HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L ’ ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑vingt ‑quatorzième session

concernant la

Communication n o 1122/2002*

Présentée par:

María Cristina Lagunas Castedo (représentée par un conseil, José Luis Mazón Costa)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

23 octobre 2001

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 20 octobre 2008,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1122/2002 présentée au nom de María Cristina Lagunas Castedo en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l ’ article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication en date du 23 octobre 2001 est María Cristina Lagunas Castedo, de nationalité espagnole. Elle se déclare victime d’une violation par l’Espagne du paragraphe 1 de l’article 14 et de l’article 25 c) du Pacte. Elle est représentée par Me José Luis Mazón Costa. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’Espagne le 25 avril 1985.

Rappel des faits présentés par l ’ auteur

2.1En 1994, l’auteur a passé un concours sur titres organisé par l’Université publique de Murcie en vue de pourvoir un poste d’assistant en chimie organique. Le barème établi pour le concours était extrêmement clair et précis, si bien que la seule question qui pouvait se poser était celle de savoir si les titres, dûment accompagnés de pièces justificatives, avaient été notés correctement. La Commission du recrutement de l’Université a attribué 60,49 points à l’auteur et 61,22 points à l’autre candidate, qui a obtenu le poste. L’auteur a saisi la Commission des recours de l’Université, alléguant que le barème n’avait pas été appliqué correctement. Le 6 février 1995, ce recours a été rejeté.

2.2L’auteur a alors introduit un recours administratif devant le Tribunal supérieur de justice de Murcie, estimant que l’application du barème par la Commission du recrutement de l’Université était erronée ou arbitraire. Dans une décision du 11 octobre 1997, le Tribunal a rejeté le recours. Il a toutefois rectifié les notes obtenues initialement par les candidates, donnant 60,74 points à l’auteur et 60,82 à sa concurrente. L’auteur a demandé au Tribunal des explications et la révision de la décision, invoquant des erreurs de calcul manifestes. Le 31 octobre 1997, le Tribunal a rendu une décision contenant une rectification des notes obtenues par les candidates, attribuant 60,66 points à l’auteur et 60,67 à sa concurrente. L’auteur a fait appel de cette décision. Dans une décision du 9 décembre 1997, le juge a rejeté l’appel, considérant que la décision en cause n’était pas susceptible d’appel car il s’agissait d’une question de personne. L’auteur affirme que les deux candidates n’ont pas reçu un traitement égal dans le calcul qui a abouti à ces nouvelles notes, puisque les chiffres ont été arrondis au dixième supérieur pour sa concurrente, ce qui a augmenté la note de cette dernière, alors que cela n’a pas été fait pour elle. La chose était lourde de conséquences puisque l’attribution du poste en dépendait.

2.3L’auteur dit avoir appris après le prononcé du jugement que le juge‑rapporteur chargé de l’affaire était professeur associé à la faculté de droit de l’Université mise en cause. Le fait aurait dû être porté à la connaissance des parties, et le juge en question aurait dû s’abstenir de participer à l’examen du recours.

2.4L’auteur a introduit un recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel, invoquant une violation du droit à un jugement dûment ou raisonnablement motivé, du droit d’avoir accès dans des conditions d’égalité aux fonctions publiques de son pays et du droit d’être jugé par un tribunal ordinaire conformément à la loi. Dans une décision du 1er juin 1998, le Tribunal constitutionnel a rejeté le recours comme étant manifestement dépourvu de fondement.

2.5L’auteur a demandé au Tribunal constitutionnel plénier de destituer les juges qui avaient prononcé la décision d’irrecevabilité, estimant qu’ils avaient contrevenu aux principes d’impartialité et de dignité. Le 29 septembre 1998, le Tribunal a rejeté la demande comme étant dénuée de fondement.

2.6L’auteur a alors saisi la chambre pénale du Tribunal suprême, alléguant qu’il y avait eu prévarication de la part des juges du Tribunal constitutionnel qui avaient participé à la décision. Dans un arrêt du 28 décembre 1998, la chambre a rejeté sa demande, estimant que la décision du Tribunal constitutionnel était fondée.

2.7Le 18 janvier 1999, l’auteur a formé devant la même chambre pénale du Tribunal suprême un appel qui a été rejeté. Elle a formé en même temps un recours en révision devant cette chambre pour demander que les juges qui avaient rendu la décision en cause ne participent pas à l’examen du recours, en raison du risque de partialité. Dans un arrêt du 25 mars 1999, la chambre a rejeté le recours en révision et a décidé d’imposer une sanction disciplinaire au conseil de l’auteur pour manque de respect à l’égard du Tribunal.

2.8L’auteur a déposé plainte contre les juges qui avaient rendu l’arrêt du 25 mars 1999 auprès de la Commission disciplinaire du Conseil de la magistrature. En vertu d’une décision du 9 février 1999, la Commission a classé la plainte, considérant que l’affaire relevait de la justice et n’était donc pas de son ressort.

2.9L’auteur a introduit un recours en amparo devant la première chambre du Tribunal constitutionnel, alléguant une violation du droit d’être jugée par un tribunal impartial et contestant le rejet de son recours en appel. Le recours en amparo a été rejeté le 21 septembre 2000 comme étant manifestement infondé.

2.10L’auteur affirme que tous les recours internes ont été épuisés et que l’affaire n’a été soumise à aucune instance internationale de règlement.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que l’État partie a violé le paragraphe 1 de l’article 14 puisque, dans une affaire analogue à la sienne, le Tribunal constitutionnel avait accepté le recours en amparo, alors que le sien n’a pas été examiné au fond. Elle affirme que son droit à une décision motivée a été violé puisque la décision de rejet était arbitraire.

3.2L’auteur dénonce aussi une violation de l’article 14 au motif qu’elle a dû faire appel, en plus de son avocat, à un avoué pour la représenter devant le Tribunal constitutionnel, obligation que l’article 81.1 de la loi organique du Tribunal constitutionnel n’impose pas à l’auteur d’un recours en amparo qui a une maîtrise en droit, ce qui constitue une différence de traitement qui n’est ni objectivement ni raisonnablement fondée, puisque la fonction d’avoué n’a rien à voir avec les connaissances juridiques de l’auteur du recours.

3.3L’auteur invoque une autre violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, estimant qu’un jugement impartial lui a été refusé puisque le juge du Tribunal supérieur de justice qui faisait office de juge‑rapporteur en l’espèce était aussi professeur à l’Université mise en cause. Elle estime que le fait aurait dû être porté à la connaissance des parties, ou que ledit juge aurait dû s’abstenir ou se dessaisir de l’affaire.

3.4L’auteur affirme qu’il y a eu une atteinte à son droit d’être jugée par un tribunal compétent et impartial, en raison de la manière dont le Tribunal suprême a traité la demande qu’elle avait présentée contre les juges du Tribunal constitutionnel qui avaient rejeté son recours en amparo. Elle fait valoir que le Tribunal suprême n’a pas examiné correctement les faits et les arguments invoqués dans ce recours, que ces faits et arguments ont été déformés, et que son recours en révision a été rejeté.

3.5L’auteur affirme qu’il y a eu violation de l’article 25 c) du Pacte. Elle fait valoir que si l’on examine de près la notation établie par le Tribunal supérieur de justice de Murcie, on constate que le poste a été attribué à la candidate qui a obtenu la note la plus basse, ce qui constitue une violation du droit de l’auteur d’accéder, dans des conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques de son pays.

Observations de l ’ État partie sur la recevabilité

4.1Dans ses observations du 15 janvier 2003, l’État partie affirme que la communication doit être déclarée irrecevable car elle est dépourvue de fondement. Il n’y a en effet aucune similitude quant au fond entre l’affaire no 5/95 jugée par le Tribunal constitutionnel, que l’auteur cite à titre de précédent, et la présente affaire. En l’espèce, l’auteur n’a pas obtenu la note la plus élevée. Dans l’affaire no 5/95, il existait une contradiction dans la décision du tribunal d’instance puisque les notes finales qu’il avait attribuées après avoir revu la notation et précisé quels titres devaient être pris en considération étaient erronées et ne correspondaient pas aux titres dont le tribunal lui‑même avait estimé qu’ils devaient être pris en considération. Dans la présente affaire, l’auteur invoque des erreurs de calcul, plus précisément des erreurs de multiplication dans l’arrondissement des centièmes. Les différences entre les deux affaires sont considérables, et si le Tribunal constitutionnel a rendu deux décisions distinctes, c’est parce qu’il s’agissait de cas objectivement différents; il n’y a donc pas eu discrimination.

4.2Le fait d’être en désaccord avec les décisions des tribunaux n’autorise pas un avocat à accuser ces derniers d’incompétence, de partialité et de discrimination si ces allégations ne sont pas étayées par les faits. En l’espèce, la violation alléguée de l’article 25 c) du Pacte n’a pas été démontrée.

4.3L’État partie affirme que la plainte relative au fait qu’un juge qui enseignait à l’Université de Murcie siégeait au Tribunal supérieur de justice aurait dû être invoquée devant l’instance compétente et être étayée de preuves. Selon le paragraphe 1 a) et c) de l’article 44 de la loi organique du Tribunal constitutionnel, une question ne peut pas être soulevée ex novo devant le Tribunal constitutionnel.

4.4L’État partie affirme que la plainte de l’auteur relative au rejet de son recours en appel n’a pas été portée devant les tribunaux nationaux et qu’il n’existe par conséquent aucune décision d’une instance nationale susceptible d’être examinée par le Comité.

4.5L’État partie affirme que l’allégation de violation du droit à l’égalité, fondée sur l’obligation de faire appel à un avoué pour former un recours en amparo, est une question qui a été souvent soulevée devant le Comité, lequel a toujours considéré que ce grief n’était pas «suffisamment étayé aux fins de la recevabilité».

Commentaires de l ’ auteur sur les observations de l ’ État partie

5.Dans sa réponse du 25 mars 2003, l’auteur réitère ses allégations et affirme que le Tribunal constitutionnel l’a privée de protection juridique en ne statuant pas sur son affaire de la même manière que dans un précédent. Si l’on vérifie les calculs effectués par le tribunal de première instance, on voit qu’il y a eu des erreurs décisives: les points obtenus par l’auteur, non arrondis, étaient de 60,6775, et de 60,6692 pour l’autre candidate. En arrondissant à la deuxième décimale lorsque la troisième est supérieure à 5, comme le tribunal l’a fait mais uniquement pour l’autre candidate, les notes finales auraient été 60,68 (pour l’auteur) et 60,67 (pour la candidate retenue).

Décision du C omité concernant la recevabilité de la communication

6.1À sa quatre-vingt-sixième session, le 8 mars 2006, le Comité a décidé que les griefs tirés de l’article 14 du Pacte, concernant la violation alléguée du droit de l’auteur à un tribunal indépendant et impartial du fait des procédures suivies devant le Tribunal constitutionnel et le Tribunal suprême (par. 3.1 et 3.4) et l’obligation de faire appel à un avoué pour que l’auteur soit représentée devant le Tribunal constitutionnel (par. 3.2), étaient irrecevables au titre de l’article 2 du Protocole facultatif, faute d’être suffisamment étayés.

6.2Le Comité a déclaré la communication recevable pour ce qui est du grief tiré de l’article 25 c), ainsi que du grief tiré du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte concernant le défaut d’impartialité du jugement parce que le juge‑rapporteur ayant pris part à la décision de la chambre du contentieux administratif du Tribunal supérieur de justice était professeur à l’Université de Murcie. Le Comité a également demandé à l’État partie de lui faire tenir des renseignements au sujet de: a) la question de savoir si le poste d’assistant à pourvoir était un poste de fonctionnaire; b) la possibilité d’une erreur dans le calcul des points obtenus par l’auteur; et c) les allégations de l’auteur quant au manque d’impartialité du juge-rapporteur ayant pris part à la décision du Tribunal supérieur de justice de Murcie.

Observations de l ’ État partie sur le fond

7.1Dans une note du 25 septembre 2006, l’État partie a présenté ses observations sur le fond de la communication. Il précise que, conformément à la loi no 11/83 sur la réforme de l’université, les assistants n’ont pas le statut de fonctionnaires publics et sont de simples contractuels. Il ajoute que les assistants n’ont pas la qualité de personnel permanent et ne jouissent pas de l’inamovibilité qui caractérise les fonctionnaires, et que leur engagement répond à des objectifs de formation et d’initiation à la recherche et à l’enseignement universitaires.

7.2En ce qui concerne l’éventualité d’une erreur de calcul dans les décisions de la chambre du contentieux administratif du Tribunal supérieur de justice de Murcie, l’État partie déclare qu’il importe de faire une nette distinction entre les parties des décisions des tribunaux qui sont de simples obiter dicta et celles qui constituent la ratio decidendi. À ce propos, l’État partie indique que l’auteur se fonde sur la décision du 31 octobre 1997, qui contient un calcul hypothétique pour prétendre à une modification du sens du jugement. C’est dans le développement d’une hypothèse, qui n’est pas retenue dans la décision définitive, que se produit l’erreur de calcul alléguée invoquée par l’auteur. Quoi qu’il en soit, la chambre confirme à tous les stades la proposition de la commission d’évaluation et conclut, sur la base d’un raisonnement motivé, qu’elle n’est nullement arbitraire. Il n’y a pas lieu de reconsidérer la décision adoptée en invoquant des erreurs intervenues dans des calculs hypothétiques, présentés à titre d’explications.

7.3De plus, l’État partie affirme que même s’il s’était produit une erreur qui aurait eu une influence déterminante sur l’arrêt, il n’y aurait pas eu pour autant violation des dispositions du Pacte. Un jugement peut contenir des erreurs humaines sans qu’il y ait atteinte au Pacte. L’État partie rappelle que l’appréciation des faits appartient en premier lieu aux tribunaux nationaux, même si ceux‑ci sont susceptibles d’erreurs, du moment que leurs décisions ne sont pas manifestement arbitraires. Le jugement en cause ne peut pas être considéré comme étant manifestement arbitraire ou déraisonnable du seul fait qu’il contient une erreur de calcul.

7.4Pour ce qui est du défaut allégué d’impartialité du tribunal dû au fait que l’un des juges était professeur associé à l’Université de Murcie, l’État partie considère qu’il n’existe pas de lien avec les parties qui implique un manque d’impartialité de la part du juge. Sa qualité de professeur associé ne permet pas de considérer qu’il ait pu avoir un parti pris dans le litige à la fois parce que la question débattue était objectivement tout à fait étrangère à sa discipline, que l’Université de Murcie est un établissement de grande dimension et que la nature de son activité de professeur associé était compatible avec l’activité des juges et que les deux sont couramment exercées ensemble. Il est très probable que dans une région comme celle de Murcie, les avocats savent quels sont les juges qui sont également professeurs d’université. En tout état de cause, à aucun moment l’auteur n’a récusé le juge, comme l’exige la législation. L’État partie affirme qu’il n’y a aucun lien entre le juge en question et le département ou les personnes qui sont intervenues dans la procédure administrative, ni les personnes qui ont présenté le concours, ni les membres de la commission d’évaluation et de la commission des recours. Il estime improbable que le magistrat contesté ait eu le moindre intérêt dans le litige ou le moindre parti pris face à la question objet du litige: l’obtention d’un poste temporaire au Département de chimie inorganique. En ce qui concerne l’arrêt Pescador Valero invoqué par l’auteur, l’État partie estime que cette affaire n’est pas comparable à celle de l’auteur, étant donné qu’il s’agissait du licenciement notoire et controversé du directeur administratif d’un petit campus universitaire alors que la présente affaire porte sur la procédure de sélection pour l’obtention d’un poste temporaire dans un département éloigné de celui où enseigne le juge en question.

Commentaires de l ’ auteur sur les observations de l ’ État partie

8.1Dans une lettre datée du 16 janvier 2007, l’auteur a présenté ses commentaires sur le fond de la communication. Elle estime que les assistants de recherche titulaires de bourses sont des fonctionnaires, puisque l’attribution du poste était soumise à un concours sur titres; le droit qui lui est applicable est le droit administratif et non le droit du travail et elle avait saisi le Tribunal constitutionnel en invoquant le paragraphe 2 de l’article 23 de la Constitution de l’Espagne, qui n’est applicable qu’aux fonctions et charges publiques.

8.2L’auteur fait valoir que l’État partie interprète de manière erronée la décision du Tribunal supérieur de justice de Murcie et que la question essentielle est qu’il y a eu une erreur de calcul qui a profité à l’une des concurrentes, au détriment de l’autre. Elle réitère les arguments qu’elle avait déjà avancés à propos de l’arrondissement des notes qui a été fait de manière inéquitable, entraînant une atteinte au droit à l’égalité d’accès à la fonction publique.

8.3Pour ce qui est du défaut d’indépendance du juge, qui était en même temps professeur associé à l’Université de Murcie, ce dont elle a eu connaissance après le prononcé du jugement, elle estime que le juge en question aurait dû s’abstenir de participer à l’examen de l’affaire puisqu’il avait un intérêt dans le litige. Elle ajoute que le juge a favorisé l’Université de manière suspecte et a commis des erreurs répétées, toujours au détriment de la même partie. Elle fait de nouveau référence à la décision de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Pescador Valero, ainsi qu’un arrêt du Tribunal constitutionnel espagnol, qui conclut qu’il y a violation du droit à un tribunal impartial quand l’un des magistrats du tribunal est un juge qui est professeur associé à l’université mise en cause.

Examen au fond

9.1Le Comité des droits de l’homme a examiné la communication à la lumière de toutes les informations portées à sa connaissance par les parties, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif.

9.2En ce qui concerne les erreurs contenues dans les décisions du Tribunal supérieur de justice de Murcie, le Comité prend dûment note des arguments de l’auteur qui affirme que ces décisions contiennent une erreur de calcul puisque certaines notes ont été arrondies de manière inéquitable et à son détriment. Il prend également note des observations de l’État partie qui objecte que ces erreurs sont contenues dans un obiter dictum de la décision du tribunal et qui n’altèrent pas le résultat de l’examen effectué par la commission d’évaluation, qui est confirmé dans la décision définitive. Le Comité constate que la décision du 31 octobre 1997 contient, en effet, un certain nombre d’erreurs qui se sont glissées dans le calcul effectué par le tribunal pour expliquer sa décision antérieure. Cependant, il estime que ces calculs ont été effectués en outre à titre d’arguments complémentaires et d’hypothèses qui ne vident aucunement le jugement de sons sens, lequel est de confirmer la décision de la commission d’évaluation.

9.3Le Comité estime que, si ces erreurs ont pu créer un certain mécontentement chez l’auteur, elles ne permettent pas de qualifier de manifestement arbitraire une décision motivée qui analyse en détail les points accordés aux participants au concours. En conséquence, sachant qu’il n’y a pas eu iniquité dans le processus de sélection des candidats au poste d’assistant, le Comité estime qu’il n’est pas nécessaire de chercher à déterminer si le poste en question était un poste temporaire, et il considère qu’on ne peut pas conclure à une violation de l’article 25 c) du Pacte en l’espèce.

9.4En ce qui concerne le grief de violation du droit à être jugé par un tribunal impartial au sens de l’article 14 du paragraphe 1 du Pacte, le Comité prend note des arguments de l’État partie relativement aux grandes dimensions de l’Université de Murcie et à l’absence d’intérêt personnel supposée dans le litige de la part du magistrat en cause.

9.5Le Comité rappelle cependant son Observation générale no 32 dans laquelle il est dit que l’exigence d’impartialité comprend deux aspects. Premièrement, les juges ne doivent pas laisser des partis pris ou des préjugés personnels influencer leur jugement, ni nourrir d’idées préconçues au sujet de l’affaire dont ils sont saisis, ni agir de manière à favoriser indûment les intérêts de l’une des parties au détriment de l’autre. Deuxièmement, le Comité doit aussi donner une impression d’impartialité à un observateur raisonnable. Ces deux aspects portent sur l’élément subjectif et l’élément objectif de l’impartialité.

9.6Pour ce qui est de l’élément subjectif, l’impartialité du juge doit se présumer jusqu’à preuve du contraire. À ce propos, le Comité prend note de l’argument de l’auteur qui invoque un préjudice causé par le juge qui a commis des erreurs dans le jugement qui l’ont défavorisée. Le Comité, toutefois, ne peut pas conclure que ces erreurs mettent en évidence l’absence d’impartialité subjective du juge en l’espèce.

9.7Il faut en outre déterminer s’il existe, à côté de l’opinion personnelle du juge, des faits objectivement identifiables qui permettent de mettre en question son impartialité. Les juges ne doivent pas seulement être impartiaux, mais ils doivent aussi le paraître. Pour se prononcer sur l’existence d’une raison légitime de craindre qu’un juge manque d’impartialité, le point de vue de ceux qui allèguent l’existence d’une suspicion légitime quant à l’impartialité est important mais ne joue pas un rôle décisif. L’élément déterminant est de savoir si les appréhensions peuvent être considérées comme objectivement justifiées.

9.8Le Comité estime qu’étant donné que le juge‑rapporteur était employé à l’Université (l’une des parties au procès devant le Tribunal supérieur de justice de Murcie), où il exerçait en qualité de professeur associé, l’auteur pouvait raisonnablement avoir des doutes sur l’impartialité du tribunal. Dans ces conditions, le Comité estime que les craintes de l’auteur touchant l’impartialité du juge sont objectivement justifiées et, en conséquence, qu’on ne peut pas parler de tribunal impartial au sens du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

10.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il est saisi font apparaître une violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

11.En vertu des dispositions du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours effectif. L’État partie est tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’Espagne a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, elle s’est engagée à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à leur assurer un recours utile lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaiterait recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre‑vingt jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations.

[Adopté en anglais, en espagnol (version originale) et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

APPENDICE

Opinion dissidente de M. Edwin Johnson López et M. Rafael Rivas Posada

En ce qui concerne la communication no 1122/2002, nous souhaitons faire part de notre opinion dissidente à l’égard de l’opinion majoritaire.

La deuxième chambre du contentieux administratif du Tribunal supérieur de justice de Murcie était composée de trois magistrats, dont l’un avait été juge‑rapporteur pour le jugement que l’auteur conteste. À notre avis, on ne peut conclure du simple fait que le juge‑rapporteur était professeur associé à l’Université de Murcie que le tribunal qui a examiné les notes attribuées à l’auteur pour obtenir un contrat dans cette même université a manqué d’impartialité. Il n’y a pas lieu de supposer que le magistrat, qui enseignait à la faculté de droit (département de droit procédural) de l’Université ait pu nourrir des préjugés ou avoir un quelconque intérêt personnel dans l’octroi à une candidate plutôt qu’à une autre d’un poste d’assistant au département de chimie organique. Le rapport est si éloigné et si improbable que le magistrat, qui connaissait assurément les causes de récusation établies par la loi espagnole, n’a pas jugé opportun de s’excuser, parce qu’il n’avait aucun intérêt ni direct ni indirect dans cette affaire. En outre, il est courant que les juges enseignent à l’université, où ils font partager leurs connaissances et les expériences acquises dans l’exercice de leurs fonctions.

Faute d’autres éléments, les circonstances que l’auteur décrit ne justifient pas entièrement et objectivement ses craintes au sujet de l’impartialité du juge. Même si l’on reconnaît que dans certaines circonstances l’apparence de partialité peut être telle qu’il y a atteinte au droit à un jugement impartial par un tribunal indépendant et impartial, dans la présente affaire, les faits ne constituent pas une violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

(S igné) Edwin Johnson López

(S igné) Rafael Rivas Posada

[Fait en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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