NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/94/D/1506/200618 novembre 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre-vingt-quatorzième session13-31 octobre 2008

DÉCISION

Communication n o  1506/2006

Présentée par:

Sucha Singh Shergill et 21 membres de la Canadian Coloured Citizen Seniors Society (non représentés par un conseil)

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

Canada

Date de la communication:

28 juillet 2006 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 20 novembre 2006 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

30 octobre 2008

Objet: Allégation de discrimination dans l’octroi des prestations de vieillesse aux citoyens canadiens en fonction de la couleur et de l’origine

Questions de procédure: Épuisement des recours internes; abus du droit de présenter une communication; grief insuffisamment fondé aux fins de la recevabilité

Question s de fond: Discrimination fondée sur la couleur et l’origine nationale

Article s du Protocole facultatif: 2, 3 et 5 (par. 2 b))

Article s du Pacte: 2 et 26

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L ’ HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑vingt ‑quatorzième session

concernant la

Communication n o  1506/2006 *

Présentée par:

Sucha Singh Shergill et 21 membres de la Canadian Coloured Citizen Seniors Society (non représentés par un conseil)

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

Canada

Date de la communication:

28 juillet 2006 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 30 octobre 2008,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1Les auteurs de la communication, dont la lettre initiale est datée du 28 juillet 2006, sont Sucha Singh Shergill et 21 membres de la Canadian Coloured Citizen Seniors Society. Ils se disent victimes de violations par le Canada des articles 2 et 26 du Pacte. Ils ne sont pas représentés par un conseil.

1.2Le 27 avril 2007, le Comité des droits de l’homme, par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications, a décidé d’examiner la question de la recevabilité de la communication séparément de celle du fond.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur principal de la communication est Sucha Singh Shergill, né le 2 février 1929 en Inde. Il est parti pour le Canada le 26 mars 1996, à l’âge de 67 ans, en qualité d’immigrant parrainé par sa fille, qui a accepté de subvenir à ses besoins essentiels pendant une période de dix ans conformément à la réglementation relative à l’immigration en vigueur à l’époque. Il a obtenu la nationalité canadienne le 17 novembre 2000.

2.2L’auteur principal a demandé sa pension de Sécurité de la vieillesse (SV) en 1998, en 2001 et en 2006, successivement. Ses deux premières demandes ont été refusées par le Ministre des ressources humaines et développement social (Ministre) parce qu’il n’avait pas résidé au Canada pendant la période minimale requise, à savoir dix ans. L’auteur principal a commencé à recevoir une pension de Sécurité de la vieillesse en avril 2006, c’est‑à‑dire après dix ans de résidence au Canada.

2.3En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, l’auteur principal a présenté sa première demande de pension au titre de la Sécurité de la vieillesse le 13 mars 1998; cette demande a été rejetée par le Ministre des ressources humaines et développement social (Ministre). L’auteur n’a pas fait appel de cette décision. Il a présenté une nouvelle demande de pension de Sécurité de la vieillesse le 11 septembre 2001. La demande a également été rejetée par le Ministre pour la même raison. La décision du Ministre a été confirmée le 13 décembre 2001, après que l’auteur eut présenté une demande en réexamen. L’auteur principal a fait appel de la décision du Ministre auprès du tribunal de révision. Dans sa décision, datée du 6 novembre 2002, le tribunal de révision a rejeté l’appel car il a considéré que la question avait déjà été jugée dans le cadre de l’action collective Pawar, à laquelle l’auteur était partie.

2.4Le 6 juin 2002, l’auteur principal a présenté une requête contre Sa Majesté la Reine du chef du Canada pour contester la constitutionnalité du critère de résidence figurant dans la loi sur la Sécurité de la vieillesse. Sur ordonnance d’un protonotaire de la Cour fédérale, daté du 7 novembre 2002, la plainte a été rayée du rôle et le demandeur débouté. Le protonotaire a rejeté la requête après avoir constaté que le principe de forclusion s’appliquait aux questions soulevées et qu’«il n’y avait pas l’ombre d’un motif d’action ou d’une question susceptibles d’être portés devant la justice au moyen d’un amendement à la présente requête». Il a en outre déclaré que la requête était «une tentative pour porter de nouveau devant un juge une affaire à laquelle le plaignant était partie et qui a fait l’objet d’un jugement définitif, sur le même point exactement, et qu’il s’agissait par conséquent d’un abus de procédure». L’auteur a fait appel devant la Cour fédérale − Division de première instance, qui a également rejeté son appel le 19 décembre 2002. La Cour fédérale a noté que la décision rendue dans l’affaire Pawar avait tranché définitivement et entièrement la question, et que l’auteur principal faisait partie du groupe qui avait donné son accord exprès par écrit au plaignant dans l’affaire Pawar pour qu’il agisse en son nom. L’auteur principal a ensuite fait appel devant la Cour d’appel fédérale, en se fondant sur un arrêt récent de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Lavoie v. Canada, dans laquelle la Cour suprême avait jugé que le critère de la nationalité canadienne pour l’emploi dans la fonction publique était discriminatoire et contraire à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. La Cour d’appel fédérale a rejeté son appel le 4 décembre 2003. Le 13 mai 2004, un collège de trois juges de la Cour suprême du Canada a refusé l’autorisation de faire appel de la décision de la Cour fédérale.

2.5Les 21 autres auteurs sont membres de la Canadian Coloured Citizen Seniors Society, qui sont également nés en Inde, ont immigré au Canada et ont obtenu la nationalité canadienne. Aucune autre information n’est fournie concernant l’épuisement des recours internes dans le cas de ces auteurs.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment que l’État partie a violé les droits consacrés par les articles 2 et 26 du Pacte dans la mesure où ils ne remplissaient pas les critères requis pour recevoir une pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) avant avril 2006. Ils affirment avoir fait l’objet d’une discrimination fondée sur la couleur de leur peau et leur origine sud‑asiatique et ajoutent qu’ils auraient dû avoir droit aux prestations vieillesse sur la même base que tout autre Canadien à compter du jour où ils ont obtenu la nationalité canadienne.

3.2Les auteurs font valoir que le critère des dix ans de résidence requis par l’article 3 de la loi sur la Sécurité de la vieillesse constitue une discrimination directe car il exclut du bénéfice de ces prestations certains résidents canadiens âgés. Ils allèguent également une discrimination indirecte du fait que ce critère de résidence, tout en présentant l’apparence neutre d’un critère applicable à tous, porte en fait préjudice aux résidents canadiens âgés nés à l’étranger et n’affecte pas les résidents canadiens âgés nés au Canada. Ils notent que ce critère de résidence ne s’applique pas aux ressortissants étrangers originaires de «certains pays choisis par l’État partie», c’est‑à‑dire les pays avec lesquels le Canada a un accord de réciprocité en matière de prestations, et ils font valoir, par conséquent, que les conventions internationales en matière de sécurité sociale instaurent une discrimination directe entre résidents permanents âgés nés à l’étranger dans des pays qui ont conclu un accord de réciprocité avec le Canada, et ceux qui n’en ont pas conclu.

3.3Ils affirment également que le critère des dix ans de résidence requis pour avoir droit aux prestations prévues par la loi sur la Sécurité de la vieillesse constitue une violation des droits à l’égalité énoncés à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui se lit comme suit: «La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.».

Observations de l ’ État partie sur la recevabilité

4.1Dans une lettre du 2 avril 2007, l’État partie fait part de ses observations sur la recevabilité de la communication. Pour ce qui est des 21 auteurs, il affirme qu’il n’est pas en mesure, sur la base des informations fournies dans la communication, de déterminer si leurs revendications sont identiques à celles de l’auteur principal. Il fait valoir que, sans mentions lisibles des noms, dates de naissance et numéros de sécurité sociale, il ne peut confirmer qu’ils sont bien dans la même situation que l’auteur dans la mesure où 1) ils ont demandé des pensions au titre de la Sécurité de la vieillesse, 2) ils étaient âgés de 65 ans au moins au moment de leur demande. En outre, il ne voit pas très bien s’ils se seraient vu refuser une pension de la Sécurité de la vieillesse parce qu’ils ne comptaient pas dix ans au moins de résidence au Canada, ou parce qu’ils n’avaient pas travaillé ou résidé dans un pays avec lequel le Canada avait un accord de réciprocité. Le Canada demande, dans l’hypothèse où le Comité conclurait que la communication est recevable, que les 21 personnes apportent un complément d’information avec tous renseignements utiles personnels et des preuves établissant qu’ils sont dans la même situation que l’auteur principal, afin de pouvoir répondre de manière appropriée concernant la recevabilité et le fond de leurs allégations.

4.2S’agissant de l’auteur principal, l’État partie conteste la recevabilité de la communication, en faisant valoir que les divers aspects de la communication sont irrecevables pour plusieurs raisons, notamment l’abus du droit de présenter des communications en raison des délais et le défaut de fondement.

4.3En ce qui concerne les faits, l’État partie explique que le régime canadien des pensions de Sécurité de la vieillesse (SV) apporte un complément de revenu aux personnes âgées qui remplissent les conditions requises par la loi. La pension de Sécurité de la vieillesse est une prestation non contributive visant à apporter une certaine sécurité de revenu partielle aux Canadiens âgés, en reconnaissance de leur contribution et de leur participation à la société canadienne. Les critères essentiels requis pour percevoir une pension de Sécurité de la vieillesse sont les suivants: 1) présenter une demande de pension de Sécurité de la vieillesse, 2) avoir 65 ans accomplis, et 3) satisfaire au critère de résidence applicable immédiatement avant l’approbation de la demande de pension SV. En vertu des critères de résidence actuels, le demandeur doit a) avoir résidé au Canada, après son dix‑huitième anniversaire, pendant une période cumulée de quarante ans pour recevoir une pension complète, ou b) avoir résidé au Canada pendant dix ans au minimum pour recevoir une pension partielle, et c) avoir le statut de résident légal ou la nationalité canadienne le jour précédant la date à laquelle la demande est approuvée. L’État partie considère qu’il est raisonnable de penser que les candidats doivent vivre au Canada pendant une période minimale avant de se voir accorder toute leur vie le droit à une prestation de l’État.

4.4Lorsque le demandeur d’une pension SV est une personne qui a émigré d’un pays avec lequel le Canada a un accord international de réciprocité en matière de sécurité sociale, les périodes de résidence et/ou contributions effectuées dans l’autre pays peuvent être ajoutées à sa période de résidence au Canada en vue de remplir les critères minimaux de dix ans de résidence pour obtenir une pension SV partielle. L’État partie explique en outre que le Canada a signé des accords de réciprocité en matière de sécurité sociale avec 50 pays et il fournit une liste détaillée des objectifs visés par le Canada lorsqu’il conclut de tels accords. L’État partie résume les objectifs visés comme suit: 1) réduire ou éliminer les restrictions, fondées sur la nationalité, susceptibles d’empêcher des Canadiens de percevoir les prestations prévues par les lois sur la sécurité sociale de l’autre pays, 2) réduire ou éliminer les restrictions au paiement de pensions à l’étranger, 3) faciliter la mise au bénéfice des prestations en additionnant les périodes d’affiliation à la sécurité sociale au titre des programmes de deux ou plusieurs pays, et 4) assurer la continuité de la couverture de sécurité sociale lorsqu’une personne travaille à titre temporaire dans un autre pays et éviter qu’une personne soit tenue de cotiser au régime de sécurité sociale des deux pays pour le même travail. L’État partie note que, outre la pension SV que l’auteur principal reçoit depuis avril 2006, il perçoit aussi un supplément de revenu garanti non imposable. Le supplément de revenu garanti est versé aux retraités économiquement faibles dont le revenu est inférieur à un certain seuil, et permet, dans le cas de l’auteur, de porter le total de ses prestations SV à un montant égal à la pension SV que percevrait un retraité à taux plein après quarante ans de résidence comptés à partir du dix-huitième anniversaire.

4.5L’État partie fait valoir que la communication constitue un abus du droit de présenter des communications au sens de l’article 3 du Protocole facultatif. Il note que, si aucun délai spécifique n’a été fixé pour la présentation d’une communication, le Comité a considéré toutefois qu’une présentation tardive peut constituer un abus du droit de plainte, en l’absence de toute justification, et l’État partie renvoie à la décision rendue dans l’affaire Gobin c. Maurice, où il a été considéré qu’un délai inexpliqué de cinq ans constituait un abus du droit de présenter une communication. En l’espèce, l’État partie fait valoir que l’auteur n’a présenté aucune explication ni justification pour le délai qui s’est écoulé entre l’arrêt dans lequel la Cour suprême du Canada a rejeté la demande d’autorisation de faire appel de l’auteur, en mai 2004, et la présentation de sa communication au Comité en juillet 2006. L’État partie fait valoir en outre que, vu les nombreux recours judiciaires formés par l’auteur, tout d’abord dans le cadre d’une action collective introduite en 1996, puis dans le cadre du procès intenté par l’auteur lui-même à partir de 2002, l’intervalle qui s’est écoulé avant la présentation de la communication au Comité doit être considéré comme excessif.

4.6L’État partie fait en outre valoir que l’auteur n’a pas étayé son allégation de violation de l’article 26 aux fins de la recevabilité. De plus, la jurisprudence de l’État partie concernant la définition et l’interprétation des droits à l’égalité en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés ressemble beaucoup à la protection de l’égalité énoncée à l’article 26 du Pacte. L’État partie fait en outre valoir que les demandes de l’auteur ont été examinées par les instances judiciaires dans le respect des règles de la justice naturelle, de la Constitution canadienne et du Pacte, comme en témoigne à l’évidence le fait que les différents degrés de juridiction au Canada n’ont cessé de rejeter ses demandes, présentées soit dans le cadre d’une action collective, soit dans le cadre d’une procédure individuelle. L’État partie note qu’au total, les demandes de l’auteur ont été rejetées sept fois par les instances judiciaires canadiennes.

4.7L’État partie déclare également que le critère de résidence prévu dans la loi sur la Sécurité de la vieillesse et le fait de venir d’un pays avec lequel le Canada a conclu un accord de réciprocité en matière de sécurité sociale sont des critères neutres, qui ne sont pas liés à la nationalité, à la couleur ou à l’origine nationale, et par conséquent ne sont discriminatoires ni dans l’intention ni dans leurs effets. La durée de la résidence n’est pas un motif de discrimination prohibé et n’entre pas dans la catégorie des distinctions fondées sur «toute autre situation» au sens de l’article 26 du Pacte. L’État partie ajoute que le fait d’être immigrant d’un pays avec lequel le Canada n’a pas d’accord international de réciprocité en matière de sécurité sociale n’est pas une distinction fondée sur «toute autre condition» au sens de l’article 26 du Pacte.

4.8Dans le cas contraire, si le Comité devait considérer que la durée de la résidence, ou le fait d’être immigrant d’un pays avec lequel le Canada n’a pas d’accord international de réciprocité en matière de sécurité sociale, constituent une distinction fondée sur «toute autre condition», l’État partie déclare que la différence de traitement ne constitue manifestement pas une discrimination au sens de l’article 26. Il renvoie à une décision du Comité qui a constaté que la différence de traitement est autorisée seulement si les motifs en sont raisonnables et objectifs et que tous les traitements différenciés ne constituent pas une discrimination s’ils sont fondés sur des critères objectifs et raisonnables et si le but recherché est légitime au regard du Pacte. Selon l’État partie, le traitement différencié appliqué à l’auteur du fait qu’il n’a pas émigré d’un pays avec lequel le Canada a signé un accord de réciprocité en matière de sécurité sociale est à la fois objectif et raisonnable au regard de la nature des accords en question et de l’objectif recherché par l’État partie en les concluant. En ce qui concerne le critère de résidence, l’État partie déclare qu’il est raisonnable de subordonner à une condition de résidence le bénéfice d’une pension de Sécurité de la vieillesse. Il renvoie à la décision du Comité dans l’affaire Oulajin et Kaiss c. Pays-Bas, dans laquelle le Comité a conclu à l’absence de violation dans l’octroi des allocations familiales et a considéré que «la portée de l’article 26 du Pacte ne s’étend pas aux différences résultant de l’égale application, pour l’octroi de prestations, de règles communes». En outre, l’État partie affirme que la durée de la résidence n’est pas un critère arbitraire, mais qu’elle est un critère compatible avec le rôle que joue l’État partie pour trouver un équilibre entre des considérations sociales et économiques de nature concurrente. Enfin, l’État partie renvoie aux opinions individuelles formulées dans l’affaire Oulajin et Kaiss, dans lesquelles il était déclaré que «en ce qui concerne l’application de l’article 26 du Pacte dans le domaine des droits économiques et sociaux, il est évident que la législation relative à la sécurité sociale, qui vise à atteindre des objectifs de justice sociale, doit nécessairement faire des distinctions. Il appartient au corps législatif de chaque pays, qui est le mieux à même de connaître les besoins socioéconomiques de la société intéressée, de s’efforcer de réaliser la justice sociale dans le contexte concret. À moins que les distinctions faites ne soient manifestement discriminatoires ou arbitraires, il n’appartient pas au Comité de réévaluer des données socioéconomiques complexes et de substituer son jugement à celui du corps législatif des États parties.».

Commentaires de l ’ auteur sur les réponses de l ’ État partie

5.1Dans des lettres du 12 juin 2007, du 25 août 2007, du 21 novembre 2007, du 8 janvier 2008, du 8 février 2008, du 7 mars 2008, du 10 mars 2008 et du 7 avril 2008, l’auteur conteste les réponses de l’État partie.

5.2En ce qui concerne les 21 autres auteurs, l’auteur principal fait valoir qu’ils appartiennent tous à la même catégorie et que, afin d’apporter la preuve qu’ils ont tous fait l’objet de la même discrimination, il a fait le récit de sa propre histoire à titre d’exemple. Il ajoute que présenter un récit détaillé pour chaque plaignant aurait entraîné un travail supplémentaire injustifié et que les signatures des 19 auteurs au nom desquels l’auteur présentait la plainte étaient jointes à la lettre initiale.

5.3En ce qui concerne l’allégation de l’État partie selon laquelle les griefs ne sont pas fondés, l’auteur principal réaffirme que le critère de dix ans de résidence figurant dans la loi sur la Sécurité de la vieillesse, s’ajoutant à l’obligation d’avoir la nationalité canadienne, est discriminatoire et que les accords internationaux relatifs à la sécurité sociale créent une situation de discrimination à l’égard des Canadiens originaires de pays qui ne sont pas liés par ce type d’accord. Il réaffirme aussi que le régime canadien de Sécurité de la vieillesse établit des distinctions discriminatoires fondées sur l’origine sociale et le lieu de naissance et ne prend pas en compte l’état de santé pour octroyer les prestations sociales.

5.4L’auteur principal conteste l’affirmation de l’État partie selon laquelle la question soulevée est identique à celle qui a déjà été jugée dans l’affaire Pawar. Il prétend s’être opposé à toute participation à l’action collective Pawar et, par conséquent, avoir été radié de la première liste des parties à cette action.

5.5L’auteur principal conteste également l’interprétation que fait l’État partie de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale le 4 décembre 2003. Selon lui, il était dit dans cette décision que refuser les prestations de la Sécurité de la vieillesse aux Canadiens âgés était illégal et injustifié. Il réitère ses déclarations antérieures selon lesquelles le critère de résidence, même si son application semble neutre, porte préjudice aux résidents canadiens âgés nés à l’étranger et ne s’applique pas aux résidents canadiens âgés nés au Canada. Il maintient par conséquent que le motif de distinction − né à l’étranger − n’est pas un motif énoncé à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés et n’entre pas dans la catégorie du motif «autre situation» figurant à l’article 26 du Pacte. Quant à la raison avancée par l’État partie pour légitimer les accords internationaux relatifs à la sécurité sociale, l’auteur prétend que le motif de distinction − acquisition de points dans le cadre de plans qui existent dans les pays où ont résidé les personnes avant de venir au Canada − n’est pas un motif énoncé à l’article 26 du Pacte et ne relève pas de la notion d’une «autre situation» au sens de cet article.

5.6Pour répondre au commentaire dans lequel l’État partie fait valoir que la plainte de l’auteur principal a été rejetée par sept instances différentes, l’auteur principal déclare qu’il y a eu «fraude et connivence des organes judiciaires» et qu’il a présenté plusieurs requêtes datées des 30 juin 2004, 8 février 2005 et 15 décembre 2005 pour «fraude, corruption, racisme, partialité, inefficacité, incompétence, intentions frauduleuses, manipulation des procès-verbaux et méconnaissance du système judiciaire». Il ajoute que la loi sur l’allocation au conjoint et la loi sur l’incapacité sont discriminatoires car elles imposent des critères de résidence différents pour les Canadiens et les non-Canadiens.

Réponses supplémentaires de l ’ État partie

6.1Le 28 mai 2008, l’État partie a répondu aux commentaires de l’auteur. Il note que l’auteur envoie des lettres en série, avec de nombreuses affirmations répétitives et souvent obscures, et parfois des revendications et accusations manifestement fallacieuses. Il note en outre que l’auteur a fait preuve de tendances querelleuses analogues dans les nombreuses procédures internes qu’il a engagées.

6.2L’État partie déclare que les diverses allégations infondées de l’auteur faisant état de fraude et corruption judiciaires ainsi que toutes autres allégations concernant l’engagement de parrainage de sa fille et le fait qu’il n’a pas droit à une pension d’invalidité ni à l’allocation au conjoint doivent être considérées comme irrecevables par le Comité car l’auteur n’a pas épuisé les recours internes à leur sujet, et, en tout état de cause, n’a pas suffisamment étayé ses prétentions.

6.3L’État partie réaffirme que la plainte de l’auteur est irrecevable, en particulier parce qu’elle n’est pas suffisamment fondée. Dans la mesure où l’auteur a clarifié les arguments qu’il avance pour invoquer une discrimination à l’égard de citoyens canadiens ou une obligation positive incombant à l’État partie d’accorder un traitement préférentiel en matière de pension de Sécurité de la vieillesse à des citoyens canadiens, l’État partie déclare que ces prétentions sont essentiellement fondées sur des interprétations ineptes du droit et de la jurisprudence internes qui ne sauraient établir une violation du Pacte et, en tout état de cause, sont de simples variations sur la plainte initiale, insuffisamment fondées pour les mêmes raisons.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son Règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré tout d’abord, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité note qu’outre l’auteur principal les 21 autres auteurs n’ont fourni aucune information sur l’épuisement des recours internes. Il rappelle que, conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, il examine les communications reçues «en tenant compte de toutes les informations écrites qui lui sont soumises par le particulier et par l’État intéressé». Il rappelle aussi l’article 96 1) f) de son Règlement intérieur, aux termes duquel les auteurs de communications doivent apporter des éléments suffisants démontrant qu’ils ont épuisé tous les recours internes. Le Comité constate qu’il n’est pas en mesure de s’assurer que les 21 auteurs ont épuisé tous les recours internes disponibles et déclare la communication irrecevable dans la mesure où elle les concerne.

7.4Le Comité note aussi l’argument de l’État partie selon lequel la communication doit être considérée comme irrecevable car elle constitue un abus du droit de présenter des communications en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif, en raison du délai qui s’est écoulé avant la présentation de la communication au Comité. L’État partie rappelle que l’auteur principal a attendu environ deux ans et trois mois après l’arrêt de la Cour suprême du Canada avant de présenter sa plainte au Comité. En l’espèce, et compte tenu des raisons données par l’auteur, le Comité ne considère pas que ce délai constitue un abus du droit de plainte.

7.5Le Comité note que l’auteur ne fournit aucune information à l’appui de son allégation de violation de l’article 2. Le Comité rappelle que les dispositions de l’article 2 du Pacte, qui énonce les obligations générales des États parties, ne sauraient, à elles seules, faire l’objet d’une plainte dans une communication présentée au titre du Protocole facultatif. Le Comité considère que les affirmations de l’auteur à cet égard sont irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.6Quant au grief de l’auteur qui affirme que le fait que l’État partie impose une durée de dix ans de résidence comme condition pour avoir droit aux prestations de pension de vieillesse aux citoyens canadiens originaires d’Asie méridionale, alors que les ressortissants étrangers originaires de pays avec lesquels le Canada a conclu un accord bilatéral perçoivent les prestations de vieillesse à compter du jour de leur arrivée, constitue une violation de l’article 26, le Comité note que l’auteur n’a pas montré en quoi cette différence de traitement est fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation de cette catégorie de personnes. Le Comité conclut par conséquent que les faits présentés par l’auteur ne soulèvent aucune question au regard de l’article 26 du Pacte et déclare par conséquent la communication irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

8.En conséquence, le Comité décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif en ce qui concerne les 21 autres auteurs;

b)Que la communication est irrecevable en vertu des articles 2 et 3 du Protocole facultatif s’agissant de l’auteur principal;

c)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et aux auteurs de la communication.

[Adoptée en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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