Nations Unies

CMW/C/SYR/CO/2-3

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

24 octobre 2022

Français

Original : anglais

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant le rapport de la République arabe syrienne valant deuxième et troisième rapports périodiques *

1. Le Comité a examiné le rapport valant deuxième et troisième rapports périodiques de la République arabe syrienne à ses 499 e , 501 e et 503 e séances , les 22, 23 et 26 septembre 2022. À sa 512 e séance, le 30 septembre 2022, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir soumis son rapport valant deuxième et troisième rapports périodiques et ses réponses à la liste de points, et accueille avec satisfaction les renseignements complémentaires fournis par la délégation multisectorielle, dirigée par le Représentant permanent de la République arabe syrienne auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève et composée du Vice‑Ministre et de représentants du Ministère des affaires sociales et du travail, du Ministère de l’intérieur et de la Commission syrienne des affaires familiales et de la population, ainsi que de fonctionnaires de la Mission permanente de la République arabe syrienne auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

3.Le Comité se félicite du dialogue ouvert et constructif tenu avec la délégation selon des modalités hybrides.

4.Le Comité sait que la République arabe syrienne est devenue un pays d’origine de travailleurs migrants. Il note que, dans l’État partie, un grand nombre de personnes ont besoin d’une protection internationale et qu’il en va de même pour bon nombre de Syriens se trouvant à l’étranger.

B.Aspects positifs

5.Le Comité prend note avec satisfaction de la ratification par l’État partie des instruments internationaux ci-après :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en juillet 2009 ;

b)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, et le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants et le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnels à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en 2009.

6.Le Comité salue l’adoption des textes de loi ci-après :

a)La loi no 21 de 2021 sur l’enfance, qui, entre autres, prévoit une protection contre le travail des enfants et vise à protéger les enfants contre la traite des personnes ;

b)La loi no 14 de 2021 sur la lutte contre le trafic des personnes en République arabe syrienne ;

c)La loi no 2 de 2014 sur l’entrée et le séjour des étrangers en République arabe syrienne et leur sortie du territoire, telle que modifiée par la loi no 30 de 2016 et la loi no 13 de 2017, dans la mesure où elle établit un cadre juridique pour la gestion des flux migratoires sur le territoire de l’État partie (entrée, transit, sortie et rapatriement) ;

d)Le décret-loi no 65 de 2013, tel que modifié par la loi no 40 de 2017, qui réglemente l’emploi des travailleuses non syriennes, y compris des employées de maison migrantes ;

e)La loi no 17 de 2010 sur l’emploi, qui régit l’emploi des travailleurs migrants « arabes non syriens », y compris des domestiques migrants, et autorise le Premier Ministre et le Ministre des affaires sociales et du travail à réglementer les activités menées dans ce domaine par les agences de recrutement privées ;

f)La loi no 3 de 2010 visant à prévenir la traite des êtres humains, qui érige cette pratique en infraction.

7.Le Comité se félicite également de l’adoption des mesures institutionnelles et stratégiques suivantes :

a)Adoption du plan national visant à réduire le travail des enfants et à éliminer les pires formes de travail des enfants ;

b)Création de la Commission de la planification et de la coopération internationale, chargée de superviser la mise en œuvre du programme national de la République arabe syrienne d’après guerre (Stratégie 2030), dont un volet est consacré à l’emploi ;

c)Adoption du plan national de lutte contre la traite des personnes et création du Département de lutte contre la traite et du Comité national de lutte contre la traite des personnes.

8.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a voté en faveur du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, que l’Assemblée générale des Nations Unies a fait sien dans sa résolution 73/195. Il lui recommande de continuer de s’employer à le mettre en œuvre, dans le respect des obligations internationales qui lui incombent au titre de la Convention, ces instruments visant l’un et l’autre à protéger les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

C.Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

9.Le Comité a conscience des effets particulièrement délétères du conflit armé en cours, de l’instabilité politique, économique et sociale, qui résulte également des mesures coercitives unilatérales, et de la présence de groupes armés étrangers et de groupes armés non étatiques, dont certains sont qualifiés de groupes terroristes par l’Organisation des Nations Unies. Cette situation donne lieu à des violations graves des droits de l’homme qui ont de lourdes conséquences pour les travailleurs migrants et les membres de leur famille, tant en République arabe syrienne qu’à l’étranger, et qui constituent un obstacle majeur à la mise en œuvre des droits consacrés par la Convention. Le Comité constate qu’il est difficile de garantir les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille dans des territoires où le contrôle de l’État partie n’est pas effectif, y compris dans le Golan syrien occupé. Il est toutefois troublé par les allégations qu’il a reçues concernant les conditions de vie imposées aux migrants, qui sont la cause de décès, de souffrances et de lésions corporelles graves, et portent atteinte à la santé physique ou mentale de ces personnes. D’après les allégations reçues, ces traitements seraient répandus tant dans les zones contrôlées par l’État partie que dans celles où celui-ci n’exerce pas un contrôle effectif. Les actes de violence commis contre des migrants (meurtres, torture et autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, viols, esclavage sexuel et autres formes de violences sexuelles, disparitions forcées ou enlèvements, traite des personnes, privation arbitraire de liberté et conditions de travail des domestiques migrants assimilables à de l’exploitation) ne sont pas seulement des violations graves des droits de l’homme mais pourraient constituer des crimes au regard du droit international.

10.Le Comité rappelle à l’État partie que ses obligations internationales en matière de droits de l’homme ont un caractère continu, que les droits consacrés par la Convention s’appliquent à tous les migrants et aux membres de leur famille à tout moment, que c’est à lui qu’il incombe au premier chef de protéger ces personnes et qu’il devrait par conséquent prendre des mesures immédiates pour prévenir de nouvelles violences à leur égard. Il l’exhorte à prendre immédiatement les mesures nécessaires, y compris dans le cadre des efforts de reconstruction, quels qu’ils soient, pour que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille bénéficient d’une protection dans toute situation susceptible de violer les droits qui leur sont reconnus par la Convention et le droit international applicable et pour que l’intégralité des droits consacrés par la Convention leur soient garantis sur l’ensemble du territoire, sans discrimination et où qu’ils vivent, de façon à promouvoir une culture de tolérance, de paix et de réconciliation dans toutes les communautés. Il lui demande en outre instamment de faire en sorte que les lois d’amnistie, y compris celles qui ont été adoptées pour encourager les travailleurs migrants syriens et les membres de leur famille à rentrer au pays, soient conformes au droit international, à savoir qu’elles : a) n’empêchent pas de poursuivre des individus qui peuvent être pénalement responsables de crimes de guerre, d’actes de génocide, de crimes contre l’humanité ou de violations flagrantes des droits de l’homme ; b) ne portent pas atteinte au droit des victimes à un recours utile, y compris à une réparation ; c) ne restreignent pas le droit des victimes et des sociétés de connaître la vérité sur les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire.

11.Le Comité relève avec préoccupation que, dans les situations de crise migratoire, les différents pays d’accueil n’adoptent pas la même stratégie en fonction de la nationalité des personnes touchées. Certains ont immédiatement exprimé leur solidarité avec les migrants ukrainiens qui fuyaient le conflit armé. En l’espace de sept mois, ils ont mobilisé les moyens, les médias et la population en vue d’accueillir, à juste titre et en toute légitimité, plus de 7 millions d’Ukrainiens, qui sont autorisés à séjourner et à travailler dans les pays d’accueil et à bénéficier de prestations sociales, d’un logement et d’un accès au système éducatif et aux soins de santé. Le Comité salue et encourage un tel système, qui démontre qu’une politique d’accueil et d’hospitalité est envisageable et peut être mise en pratique, mais regrette fort que les Syriens n’aient pas été traités de la même manière. Il déplore profondément cette différence de traitement et espère vivement que l’exemple ukrainien fera évoluer les mentalités et servira de modèle dans les années à venir.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générales (art. 73 et 84)

Contexte actuel

12. Le Comité recommande à l ’ État partie de protéger les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, en particulier leur droit à la santé, et d ’ atténuer les conséquences néfastes de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID ‑ 19) en s ’ appuyant sur la note conjointe d ’ orientation sur les impacts de la pandémie de COVID-19 sur les droits humains des migrants, établie par le Comité et le Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants . Il lui recommande en particulier de garantir à tous les migrants et aux membres de leur famille un accès équitable à la vaccination contre la COVID-19, indépendamment de leur nationalité, de leur statut migratoire ou de tout autre motif de discrimination interdit, conformément aux recommandations formulées dans ladite note par le Comité et d ’ autres mécanismes régionaux de protection des droits de l ’ homme.

Législation et application

13.Le Comité note que, depuis l’adoption des précédentes observations finales, en 2008, l’État partie a pris des mesures législatives visant à mettre la législation nationale en conformité avec les dispositions de la Convention. Il constate toutefois avec préoccupation que la loi no 2 de 2014 sur l’entrée et le séjour des étrangers en République arabe syrienne et leur sortie du territoire, qui érige en infraction le fait d’entrer et de séjourner irrégulièrement sur le territoire, et d’en sortir irrégulièrement, et vise à protéger les frontières et à prévenir les atteintes à la sécurité des frontières selon des critères vagues, notamment les « exigences en matière de sécurité » et celles « dictées par l’intérêt public » (art. 26), n’a pas encore été harmonisée avec les dispositions de la Convention.

14. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une législation complète en matière de migration et d ’ harmoniser l a législation nationale avec les dispositions de la Convention et s es observations générales.

Articles 76 et 77

15.Le Comité note que l’État partie n’a pas encore fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

16. Réitérant sa précédente recommandation , le Comité recommande à l ’ État partie de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention et de reconnaître ainsi s a compétence pour recevoir et examiner des communications d ’ États parties et de particuliers concernant des violations des droits consacrés par la Convention .

Ratification des instruments pertinents

17.Le Comité prend note de l’explication donnée par l’État partie, qui dit envisager la possibilité de ratifier d’autres conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) auxquelles il n’est pas encore partie, ou d’y adhérer.

18. Réitérant s a précédente recommandation , le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier les conventions suivantes ou d ’ y adhérer dès que possible  : la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées , la Convention de 1949 sur les travailleurs migrants (révisée) (n o 97) , la Convention de 1975 sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires) ( n o 143) , la Convention de 1988 sur la sécurité et la santé dans la construction ( n o 167) , la Convention de 1997 sur les agences d ’ emploi privées ( n o 181) et la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques ( n o 189) , de l ’ OIT. Il lui recommande également d ’ envisager de ratifier la Convention de 2019 sur la violence et le harcèlement ( n o 190) de l ’ OIT.

Politique et stratégie globales

19.Le Comité note que des restrictions apportées à l’emploi des travailleurs migrants dans l’État partie ont été levées en application du décret-loi no65 de 2013, modifié par la loi no40 de 2017, et de la loi no17 de 2010 sur l’emploi. Il relève toutefois avec préoccupation l’absence d’une stratégie nationale globale en matière de migration qui tienne compte des questions relatives à la migration de main-d’œuvre.

20. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une stratégie nationale en matière de migration et en outre  :

a) De veiller à ce que cette stratégie mette l ’ accent sur la mise en œuvre de la Convention et prévoie une politique migratoire globale tenant compte du genre, adaptée aux besoins des enfants et fondée sur les droits de l ’ homme, qui traite en particulier des droits des travailleurs migrants étrangers et des membres de leur famille ;

b) De prendre des mesures efficaces, assorties d ’ échéances, d ’ indicateurs et de critères de suivi et d ’ évaluation clairs aux fins de la mise en œuvre de la stratégie, d ’ affecter des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à cette mise en œuvre et de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements pertinents sur les résultats obtenus et les difficultés rencontrées, étayés par des statistiques.

Coordination

21.Le Comité prend note de l’explication de l’État partie selon laquelle le secteur de l’emploi et les questions connexes relèvent du Ministère des affaires sociales et du travail. Il constate toutefois avec préoccupation qu’aucun renseignement ne lui a été communiqué sur le ministère ou l’organisme public chargé de coordonner la mise en œuvre de la Convention et de promouvoir les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, dans l’État partie comme à l’étranger.

22. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre sur pied un organe interministériel approprié de haut niveau , qui soit investi d ’ un mandat clair et de l ’ autorité suffisante pour coordonner toutes les activités tendant à assurer l ’ exercice effectif des droits consacrés par la Convention, et de doter cet organe des ressources humaines, techniques et financières nécessaires à son fonctionnement efficace et durable.

Collecte de données

23.Le Comité note que l’État partie a pu collecter, pour les deux dernières années, des données sur les questions relatives aux migrations. Il relève toutefois avec préoccupation qu’il n’existe pas, dans l’État partie, de système de collecte et d’analyse des données relatives aux migrations permettant d’évaluer précisément dans quelle mesure et par quels moyens il est donné effet aux droits consacrés par la Convention, en particulier en ce qui concerne les travailleurs migrants vivant à l’étranger et leurs conditions d’emploi, les rapatriés, notamment ceux qui ont été renvoyés de force au pays ou refoulés aux frontières de l’État partie, les travailleuses migrantes, les enfants migrants non accompagnés, les enfants laissés au pays par leurs parents migrants, les migrants en transit et les travailleurs migrants étrangers présents dans l’État partie.

24. Renvoyant à sa précédente recommandation , le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mettre en place, conformément à la cible 17.18 des objectifs de développement durable et au premier objectif du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, un système de collecte de données sur la situation des travailleurs migrants et des membres de leur famille dans l ’ État partie, en particulier ceux en situation irrégulière, qui couvrirait tous les aspects de la Convention , et de mettre à la disposition du public de s données statistiques sur les travailleurs migrants , en situation tant régulière qu ’ irrégulière, les travailleurs migrants en transit , les membres de leur famille, les ressortissants syriens travaillant à l ’ étranger et leurs conditions d ’ emploi, les rapatriés, les enfants qui émigrent, y compris les enfants non accompagnés, et les conjoints et enfants de travailleurs migrants laissés au pays, en vue de promouvoir efficacement la mise en œuvre de politique s migratoire s fondées sur les droits de l ’ homme ;

b) D ’ adopter une méthode de collecte de données tenant compte du genre, adaptée aux besoins des enfants et fondée sur les droits de l ’ homme, de veiller à garantir le droit à la vie privée et à la protection des informations et données personnelles des travailleurs migrants et des membres de leur famille, notamment en garantissant l ’ anonymat des personnes concernées et la confidentialité des données communiquées et en limitant l ’ accès à ces données, et de faire en sorte que les informations personnelles soient effacées une fois atteint l ’ objectif de la collecte de données, afin d ’ éviter qu ’ on ne les utilise pour contrôler les migrations ou pour exercer une discrimination dans les services publics et privés ;

c) De recueillir, dans le cadre de ce système, des données sur la situation de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille pour lesquels la République arabe syrienne est un pays d ’ origine, de transit, de destination ou de retour et de compiler des données ventilées, entre autres par sexe, âge, nationalité, motif d ’ entrée et de sortie du pays, type de travail effectué, catégories de travailleurs migrants, origine ethnique, statut migratoire et handicap ;

d) D ’ assurer la coordination, l ’ intégration et la diffusion de ces données et de concevoir des indicateurs permettant de mesurer les progrès accomplis et les résultats des politiques et programmes fondés sur ces données ;

e) De faire figurer dans son prochain rapport périodique des données fondées sur des études ou des estimations lorsqu ’ il n ’ est pas possible d ’ obtenir des informations précises, s ’ agissant par exemple des travailleurs migrants en situation irrégulière.

Suivi indépendant

25.Le Comité note avec satisfaction qu’en 2022, dans le cadre du troisième cycle de l’Examen périodique universel, l’État partie s’est engagé à mettre en place une institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). Il regrette toutefois que l’institution en question n’ait pas encore été créée et prend note des explications données par l’État partie pendant le dialogue, selon lesquelles : a) la mise en place de cette institution a débuté il y a quelques années, mais les priorités nationales ont dû être redéfinies, l’accent étant mis sur la lutte contre le terrorisme, le maintien de la sécurité et de la stabilité, la résistance aux effets néfastes des mesures coercitives unilatérales sur les conditions de vie, la prise en compte des besoins humanitaires de la population et la lutte contre les conséquences économiques et sociales de la pandémie de COVID-19 ; b) l’Assemblée du peuple compte actuellement trois commissions parlementaires chargées de la protection des droits de l’homme ; c) l’État partie examine actuellement l’expérience acquise par d’autres pays qui se sont dotés d’une institution nationale des droits de l’homme.

26. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place sans plus tarder , malgré les difficultés institutionnel le s et les problèmes de sécurité , une institution nationale des droits de l ’ homme pleinement conforme aux Principes de Paris et de se prévaloir de l ’ assistance technique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme (HCDH) dans ce processus.

Formation et diffusion de l’information sur la Convention

27.Le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie concernant les mesures prises à l’intention des parties prenantes en matière de formation et de diffusion d’informations relatives aux droits consacrés par la Convention. Il est toutefois préoccupé par :

a)L’absence de renseignements précis sur cette question et le fait que ces efforts pourraient donc avoir été insuffisants ;

b)Le fait que les travailleurs migrants et les membres de leur famille qui ne parlent pas l’arabe risquent de ne pas avoir accès aux informations relatives aux droits que leur confère la Convention.

28. À la lumière de son observation générale n o 1 (2011) et réitérant sa précédente recommandation , le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ élaborer des programmes de sensibilisation et de formation aux droits que la Convention confère aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille et de renforcer les programmes existants, et de mettre ces programmes à la disposition de l ’ ensemble des fonctionnaires et du personnel s ’ occupant de questions relatives aux migrations, en particulier des membres des forces de l ’ ordre et des services chargés de la surveillance des frontières, des juges, des procureurs, des agents consulaires concernés, ainsi que des fonctionnaires nationaux, régionaux et locaux, des travailleurs sociaux et des organisations de la société civile, y compris des organisations de migrants  ;

b) De prendre des mesures supplémentaires pour que les travailleurs migrants aient accès, dans toutes les langues communément utilisées dans l ’ État partie et sans discrimination, à des informations et des conseils sur les droits que leur confère la Convention, en particulier dans le cadre des programmes d ’ orientation préalables à l ’ emploi et au départ qui permettent d ’ informer les travailleurs migrants des conditions d ’ admission et d ’ emploi auxquelles ils seront soumis et de leurs droits et obligations au regard du droit et de la pratique de l ’ État d ’ emploi ;

c) De renforcer l ’ action qu ’ il mène avec les organisations de la société civile et les médias pour diffuser des informations sur la Convention et promouvoir cet instrument dans tout le pays ;

d) De mettre en place un mécanisme global chargé de l ’ application et du suivi des présentes observations finales, conformément à l ’ engagement pris dans le cadre de l ’ Examen périodique universel , et d ’ associer l ’ institution nationale des droits de l ’ homme, une fois celle-ci créée, et les organisations non gouvernementales, en particulier les associations de migrants, aux travaux du mécanisme, en tenant compte des quatre capacités essentielles d ’ un mécanisme national d ’ établissement de rapports et de suivi, à savoir la capacité de collaborer, la capacité d ’ assurer une coordination, la capacité de mener des consultations et la capacité de gérer l ’ information.

Participation de la société civile

29.Le Comité note que la Fédération générale des syndicats, la Fédération des chambres de commerce, le barreau, des représentants des milieux universitaires et des organisations non gouvernementales ont participé à l’établissement du rapport de l’État partie. Il est toutefois profondément préoccupé par les allégations selon lesquelles un certain nombre d’organisations de la société civile qui défendent les droits de l’homme auraient fait l’objet d’actes d’intimidation et de représailles de la part d’agents de l’État, notamment lors de recherches visant à retrouver des personnes disparues ou à établir ce qu’il était advenu de personnes détenues, et s’inquiète vivement d’apprendre que ces organisations auraient un accès limité aux centres de détention.

30. Le Comité rappelle à l ’ État partie que les défenseurs et défenseuses des droits de l ’ homme ont besoin d ’ une protection particulière, car leur travail est essentiel à la promotion des droits humains de tous, y compris des travailleurs migrants et des membres de leur famille, et le prie instamment de faire en sorte :

a) Que l es défenseurs et défenseuses des droits de l ’ homme et les organisations non gouvernementales exercent leur droit à la liberté d ’ expression, d ’ opinion et d ’ association sans craindre de faire l ’ objet d ’ actes d ’ intimidation ou de représailles  ;

b) Que les signalements d ’ actes d ’ intimidation ou de représailles à l ’ égard de défenseurs et défenseuses des droits de l ’ homme ou de membres d ’ organisations non gouvernementales fassent rapidement l ’ objet d ’ enquêtes indépendantes, et que les responsables des exactions en question répondent de leurs actes ;

c) Que l es organisations non gouvernementales soient encouragées à aider les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux qui sont en situation irrégulière ;

d) Que les organisations non gouvernementales, y compris les organisations qui œuvrent au service de la diaspora syrienne, et les milieux universitaires soient systématiquement associés à la mise en œuvre de la Convention, y compris à l ’ élaboration des rapports périodiques ;

e) Que les organisations non gouvernementales soient autorisées à accéder librement aux centres de détention afin qu ’ elles puissent aider efficacement les travailleurs migrants et les membres de leur famille placés en détention .

Corruption

31.Le Comité regrette de n’avoir pas reçu d’informations sur les mesures prises pour prévenir la corruption des fonctionnaires qui ont des responsabilités liées à la Convention et s’inquiète des informations dénonçant des cas de corruption impliquant des agents de l’immigration, des garde-frontières et des policiers.

32. Le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) D ’ enquêter de manière approfondie sur tous les faits de corruption, y compris tous les cas de collusion et de complicité liées au trafic, à la traite et à l ’ extorsion, et d ’ adopter des mesures préventives et répressives appropriées, notamment de licencier des fonctionnaires, le cas échéant ;

b) De créer des espaces ou des mécanismes sûrs et tenant compte des différences entre les sexes pour protéger les plaignants des actes de représailles ;

c) De mener des campagnes de sensibilisation visant à encourager les travailleurs migrants et les membres de leur famille qui s ’ estiment victimes de corruption à le signaler ;

d) De fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures prises pour prévenir la corruption d es fonctionnaires qui ont des responsabilités liées à la Convention, en incluant des données statistiques sur les enquêtes et les sanctions.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Non-discrimination

33.Le Comité prend note des motifs de discrimination proscrits par les articles 8 (par. 4) et 33 (par. 3) de la Constitution et par la loi no 17 de 2010 sur l’emploi. Il est néanmoins préoccupé par les points suivants :

a)La loi no 2 de 2014 sur l’entrée et le séjour des étrangers en République arabe syrienne et leur sortie du territoire ne contient aucune disposition sur la non-discrimination, et la Constitution et la loi no 17 de 2010 ne visent pas tous les motifs de discrimination proscrits par les articles 1er (par. 1) et 7 de la Convention ;

b)Les hommes peuvent empêcher leurs femmes de quitter le pays en déposant une demande auprès du Ministère de l’intérieur, ce qui a de lourdes répercussions sur le droit des travailleuses migrantes de chercher un emploi à l’étranger.

34. Réitérant sa précédente recommandation , le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De renforcer ses mesures législatives et stratégiques pour garantir à tous les travailleurs migrants et aux membres de leur famille se trouvant sur son territoire ou relevant de sa juridiction, quel que soit leur statut, l ’ exercice des droits qu ’ ils tiennent de la Convention, sans aucune discrimination, conformément aux articles 1 er (par. 1) et 7 de cet instrument, et d ’ adopter une loi générale contre toutes les formes de discrimination ;

b) De fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures qu ’ il aura prises pour améliorer et appliquer son cadre législatif relatif à la non-discrimination en ce qui concerne les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, quel que soit leur statut migratoire.

Droit à un recours utile

35.Le Comité constate que la loi no 17 de 2010 sur l’emploi prévoit des mécanismes de règlement des conflits du travail et proscrit certains motifs de discrimination. Il est néanmoins profondément préoccupé par l’impunité généralisée des violations des droits reconnus par la Convention et par le fait que les travailleurs migrants, y compris ceux qui sont exploités au travail, les travailleurs migrants en situation irrégulière et les victimes de la traite des êtres humains, pourraient ne pas être en mesure de demander justice pour les violations de leurs droits en raison du manque d’indépendance du pouvoir judiciaire ou du risque de détention arbitraire, ou encore parce qu’ils craignent d’être détenus ou expulsés pour entrée et séjour irréguliers.

36. Réitérant sa précédente recommandation , le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que, en droit et dans la pratique, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, quel que soit leur statut migratoire, aient les mêmes possibilités que les nationaux de l ’ État partie de porter plainte et d ’ obtenir une réparation effective par les voies judiciaires, notamment en révisant ses lois pour garantir le principe de la séparation des pouvoirs et l ’ indépendance des juges et des avocats, et d ’ enquêter efficacement sur les crimes et les violations des droits lorsqu ’ ils sont portés à son attention ;

b) De veiller à ce que les victimes puissent bénéficier d ’ un accompagnement juridique et de services d ’ interprétation, jouissent du droit à un examen de leur situation, soient interrogées selon des méthodes adaptées à leur sexe, et puissent jouir d ’ un droit de recours et obtenir réparation, notamment sous la forme d ’ une indemnisation ;

c) De veiller à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille puissent saisir la justice et faire appel aux forces de l ’ ordre sans crainte d ’ être arrêtés, placés en détention ou expulsés.

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Protection contre la violence, les menaces et les actes d’intimidation

37.Le Comité constate que les actes de torture et autres formes de mauvais traitements sont interdits par l’article 53 de la Constitution et réprimés par l’article 391 du Code pénal et l’article 216 du Code militaire, et que l’article 53 de la Constitution, le Code de procédure pénale et d’autres lois pertinentes contiennent certaines garanties contre les disparitions forcées, qui sont définies comme des enlèvements dans la législation nationale. Il est néanmoins vivement préoccupé par les informations selon lesquelles :

a)Les travailleurs migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile sont soumis à la torture, y compris à des violences sexuelles, ou à des disparitions forcées à leur retour dans l’État partie, notamment depuis l’adoption de lois d’amnistie visant à encourager le retour au pays ;

b)Les agents de l’État qui se sont livrés à des meurtres, à des actes de torture, à de mauvais traitements et à des disparitions forcées jouissent d’une impunité généralisée.

38. Le Comité exhorte l ’ État partie à :

a) Faire strictement appliquer le Code pénal en ce qui concerne les infractions commises contre des travailleurs migrants et des membres de leur famille, veiller à ce que ces infractions fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies et imposer des sanctions à la mesure de la gravité des faits commis ;

b) Prendre d ’ urgence des mesures concrètes pour empêcher les agents de l ’ État de commettre des crimes contre les migrants et pour protéger ceux-ci contre les actes de torture et toutes les formes de mauvais traitements et de disparition forcée ;

c) Veiller à ce que les victimes soient repérées et orientées vers des services adaptés à leur sexe et aux besoins des enfants, y compris des services médicaux et psychosociaux  ;

d) Adopter des mesures globales d ’ assistance, de protection et de réadaptation au bénéfice des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui sont victimes d ’ infractions graves, notamment de viols et d ’ autres formes de violence sexuelle, rechercher, localiser et libérer les migrants disparus et, s ’ ils sont décédés, exhumer et identifier leur dépouille et organiser la restitution de celle-ci dans la dignité ;

e) Ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Exploitation par le travail et autres formes de mauvais traitements

39.Le Comité salue l’adoption de la loi no 21 de 2021 sur l’enfance et d’un plan national visant à réduire le travail des enfants et à éliminer les pires formes de travail des enfants, qui prévoient une protection contre le travail des enfants, y compris pour les enfants migrants, par exemple en fixant l’âge minimum du travail à 15 ans. Il est néanmoins vivement préoccupé :

a)Par l’ampleur du travail des enfants, et par le fait que ceux-ci travaillent, dans bien des cas, dans des conditions dangereuses et dans des conditions de vulnérabilité, et par les cas d’exploitation sexuelle, qui se sont multipliés en raison du conflit armé et touchent tant les enfants migrants dans l’État partie que les enfants syriens dans les pays voisins ;

b)Les informations selon lesquelles des migrants travailleraient dans l’État partie sans avoir signé de contrat, ce qui les expose à des pratiques d’exploitation, en particulier dans le secteur de la sécurité.

40. Conformément aux cibles 8.7 et 16.2 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De procéder plus fréquemment à des inspections du travail spontanées et inopinées, en particulier dans le secteur informel et dans celui de la sécurité, et de poursuivre et sanctionner les personnes ou les groupes qui exploitent des travailleurs migrants, en particulier des enfants, ou les soumettent au travail forcé, à des pratiques abusives, en particulier dans l ’ économie informelle et le secteur de la sécurité, ou à l ’ exploitation sexuelle ;

b) De bien mettre en œuvre le plan national visant à réduire le travail des enfants et à éliminer les pires formes de travail des enfants, en faisant appel à l ’ assistance technique de l ’ OIT et du Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance, et de fournir l ’ aide nécessaire aux travailleurs migrants, en particulier aux enfants, qui ont été victimes d ’ exploitation par le travail et d ’ autres formes d ’ exploitation , d ’ assurer leur protection et de les faire bénéficier des mesures de réadaptation, notamment de réadaptation psychosociale , dont ils ont besoin ;

c) De recueillir des informations sur l ’ ampleur du travail des enfants, y compris des enfants migrants dans l ’ État partie et des enfants syriens à l ’ étranger, afin de vérifier dans quelle mesure la situation en la matière est conforme à son cadre législatif, à ses politiques et aux obligations mises à sa charge par la Convention de 1930 sur le travail forcé ( n o 29) , la Convention de 1957 sur l ’ abolition du travail forcé ( n o 105) et la Convention de 1999 sur les pires formes de travail des enfants ( n o 182) , de l ’ OIT.

Procédure régulière, détention, égalité devant les tribunaux et conditions de détention

41.Le Comité constate que l’article 53 de la Constitution, le Code de procédure pénale et d’autres lois pertinentes contiennent certaines garanties contre les arrestations et détentions arbitraires et les disparitions forcées ou les enlèvements, et que des organismes d’aide humanitaire ont pu effectuer des visites dans des centres de détention. Il est toutefois vivement préoccupé par :

a)Les informations concernant la détention arbitraire de travailleurs migrants, de réfugiés et de demandeurs d’asile à leur retour de l’étranger, ainsi que de membres de leur famille restés sur place, y compris depuis l’adoption de lois d’amnistie visant à encourager le retour au pays ;

b)Les informations qu’il a reçues concernant des décès et des violences survenus dans des centres de détention pour migrants ;

c)Le chapitre VIII de la loi no 2 de 2014 sur l’entrée et le séjour des étrangers en République arabe syrienne et leur sortie du territoire, en application duquel quiconque entre sur le territoire syrien, y séjourne ou en sort irrégulièrement est passible de sanctions pénales, y compris d’emprisonnement, de détention et d’expulsion ;

d)L’article 26 de la loi no 2 de 2014, qui laisse à la libre appréciation du Ministre de l’intérieur le placement en détention des étrangers avant leur expulsion, sachant que la loi n’énonce pas de critère relatif aux circonstances dans lesquelles la détention des migrants peut être ordonnée, si ce n’est les critères vagues que sont les « exigences en matière de sécurité » et celles « dictées par l’intérêt public » ;

e)Le fait que la loi no 2 de 2014 ne prévoit pas le droit pour les migrants d’introduire un recours contre une décision d’internement administratif ;

f)Le fait que la loi no 2 de 2014 n’interdit pas que des enfants ou des personnes appartenant à d’autres groupes de migrants vulnérables soient placés en détention pour des motifs liés à l’immigration ;

g)Les informations concernant les conditions de vie déplorables qui ont été observées dans les prisons, les centres de détention et les camps d’internement et qui peuvent s’apparenter à des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

42. Conformément à son observation générale n o  5 (2021) et aux observations générales conjointes n o s  3 et 4 du Comité et n o s  22 et 23 du Comité des droits de l ’ enfant (2017) sur les droits humains des enfants dans le contexte des migrations internationales, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De libérer tous les migrants détenus arbitrairement, d ’ enquêter efficacement sur tous les cas de détention arbitraire, de violence, d ’ autres atteintes aux droits de l ’ homme et de décès de migrants détenus et de poursuivre comme il se doit les auteurs de telles violations, et de dispenser de manière systématique une formation obligatoire sur les droits de l ’ homme, l ’ égalité des sexes, l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant et la non ‑discrimination à tous les agents de l ’ État en contact avec des migrants, afin de prévenir de telles violations ;

b) De dépénaliser la migration irrégulière, d ’ adopter des mesures visant à éliminer progressivement la détention des migrants et, à terme, à y mettre fin et d ’ instaurer une présomption légale contre la détention et donc en faveur de la liberté ;

c) De cesser immédiatement de placer en détention des enfants migrants, qu ’ ils soient non accompagnés, séparés de leurs parents ou en compagnie de leur famille, et des personnes appartenant à d ’ autres groupes vulnérables de travailleurs migrants et des membres de leur famille, ainsi que des demandeurs d ’ asile, des réfugiés et des apatrides ;

d) De faire en sorte :

i) Que, dans tous les autres cas, la détention des migrants soit une mesure exceptionnelle de dernier recours poursuivant un but légitime et qu ’ elle soit autorisée par la loi, nécessaire et proportionnée, et appliquée pour la période la plus courte possible ;

ii) Que, dans chaque cas, le motif de la détention soit précisé, ainsi que les raisons exactes pour lesquelles des mesures de substitution ne peuvent être appliquées ;

iii) Que la mesure de placement en détention soit examinée dans les vingt ‑ quatre heures par une autorité judiciaire indépendante et impartiale ;

iv) Que l ’ on envisage des mesures de substitution à la détention et que l ’ on y ait recours avant d ’ imposer le placement en détention, conformément aux obligations de l ’ État partie en matière de droits de l ’ homme. Le Comité considère comme des solutions de substitution à la détention toutes les mesures de prise en charge communautaire ou les solutions d ’ hébergement non privatives de liberté −  prévues par la législation ou les politiques ou auxquelles les autorités ont recours dans la pratique  − qui sont moins restrictives que la détention et qui doivent être envisagées dans le cadre de procédures légales de prise de décisions relatives au placement en détention de façon à garantir que la détention est nécessaire et proportionnée dans tous les cas, le but étant de respecter les droits de l ’ homme des migrants, des demandeurs d ’ asile, des réfugiés et des apatrides et d ’ éviter que ceux-ci soient détenus arbitrairement ;

e) De veiller à ce que des mesures de substitution à la détention soient appliquées aux demandeurs d ’ asile, aux réfugiés et dans tous les cas de retour volontaire, et à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille soient informés, dans une langue qu ’ ils comprennent, de leurs droits et des procédures dans le contexte de la détention et aient accès à l ’ aide juridictionnelle, à des recours utiles, à la justice et à des services consulaires ;

f) De veiller à ce que, dans les procédures administratives et judiciaires, y compris lorsque les faits reprochés ne sont pas liés au statut migratoire, les migrants bénéficient des garanties d ’ une procédure régulière et jouissent du droit à un procès équitable, dans des conditions d ’ égalité avec les ressortissants de l ’ État partie, devant les tribunaux et les cours de justice ;

g) Dans les circonstances exceptionnelles où la détention ne peut être évitée, de veiller à ce que tous les lieux de détention pour migrants soient officiellement désignés à cette fin, d ’ assurer des conditions de détention convenables et appropriées, notamment des services de santé adaptés aux besoins des hommes comme des femmes, y compris des services de santé sexuelle et procréative, et un soutien psychologique, ainsi que l ’ accès à l ’ eau, à l ’ hygiène et à l ’ alimentation, de mettre à disposition des locaux suffisamment spacieux et aérés, équipés d ’ installations sanitaires, et d ’ assurer l ’ accès à des activités de loisir et de détente, ainsi qu ’ à des espaces extérieurs ;

h) De veiller à ce que les femmes détenues soient séparées des hommes et surveillées uniquement par des agents de sexe féminin dûment qualifiés, à ce qu ’ elles soient protégées contre la violence, en particulier la violence sexuelle, et à ce que des dispositions spéciales soient prises pour les femmes enceintes et les femmes allaitantes ;

i) De renforcer les mécanismes qui permettent de contrôler régulièrement les conditions de vie dans les centres de détention pour migrants et d ’ accorder aux observateurs des droits de l ’ homme, y compris aux organismes d ’ aide humanitaire et aux organisations non gouvernementales, toutes facilités d ’ accès à tous les centres de détention pour migrants et de les autoriser à y effectuer des visites sans préavis.

Expulsion

43.Le Comité prend note de l’explication donnée par l’État partie selon laquelle les arrêtés, y compris les décisions d’expulsion, peuvent faire l’objet d’un recours devant les tribunaux administratifs. Il est néanmoins préoccupé par ce qui suit :

a)L’article 26 de la loi no 2 de 2014 laisse à la libre appréciation du Ministre de l’intérieur la décision d’expulser des étrangers et la réglementation de la procédure d’expulsion, y compris le droit de recours, sachant que la loi n’énonce pas de critère relatif aux circonstances dans lesquelles l’éloignement peut être ordonné, si ce n’est les critères vagues que sont les « exigences en matière de sécurité » et celles « dictées par l’intérêt public » ;

b)L’État partie n’a pas précisé si les recours administratifs avaient un effet suspensif automatique, ni dans quelle mesure les travailleurs migrants faisant l’objet d’une procédure d’expulsion faisaient usage de leur droit de recours, et n’a pas davantage donné d’informations sur les politiques prévoyant des solutions de substitution à l’expulsion ou au renvoi.

44. Conformément aux principes et directives recommandés sur les droits de l ’ homme aux frontières internationales , le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre les mesures législatives nécessaires pour conférer un effet suspensif automatique aux recours en justice contre les décisions d ’ expulsion, de garantir la régularité de la procédure et d ’ assurer le respect des garanties procédurales, et de veiller à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille visés par une procédure d ’ expulsion puissent exercer leur droit de demander un sursis à l ’ exécution de la décision d ’ expulsion en attendant l ’ examen de leur cas par une autorité compétente, conformément à l ’ article 22 (par. 4) de la Convention ;

b) D ’ assurer le respect du principe de non-refoulement à tout moment et dans toutes les situations, ainsi qu ’ une coordination efficace avec l ’ État d ’ origine ou l ’ État d ’ accueil ;

c) D ’ élaborer des politiques et des mécanismes qui permettent d ’ appliquer des mesures de substitution à l ’ expulsion ou au renvoi (procédures d ’ asile et de protection internationale, octroi de permis de séjour pour raisons humanitaires et mécanismes ordinaires de régularisation prévus par la loi, conformément à l ’ article 69 de la Convention), au bénéfice de tous les migrants, quel que soit leur statut migratoire.

Rémunération, conditions de travail et liberté de circulation

45.Le Comité salue l’adoption du décret-loi no 65 de 2013, qui établit un cadre juridique régissant notamment l’emploi des domestiques migrantes, dont les modalités étaient jusqu’alors uniquement définies par les contrats que celles-ci concluaient avec leurs employeurs, ce qui les exposait vraisemblablement à des conditions de vie et de travail relevant de l’exploitation, voire de l’esclavage. Il est toutefois préoccupé par :

a)Le manque d’informations sur les effets concrets des textes de loi réglementant le travail domestique ;

b)Le fait que les femmes ne jouissent pas des mêmes droits que les hommes à la liberté de circulation sur le territoire de l’État partie et au choix de leur lieu de résidence, ce qui a de lourdes répercussions sur l’exercice par les domestiques migrants, qui sont en majorité des femmes, des droits que leur reconnaît la Convention ;

c)Le fait que l’État partie n’a pas encore ratifié la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189) de l’OIT.

46. À la lumière de son observation générale n o  1 (2011) sur les travailleurs domestiques migrants, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que la législation réglementant le travail domestique soit effectivement appliquée dans la pratique afin que les domestiques migrants bénéficient du même niveau de protection que les travailleurs nationaux en ce qui concerne le salaire minimum, les heures de travail, les jours de repos, la liberté d ’ association et autres conditions de travail, et en particulier :

i) De protéger les droits des domestiques migrants à la liberté de circulation et de résidence et leur droit de conserver avec eux leurs documents de voyage et d ’ identité ;

ii) De veiller à ce que les domestiques migrants disposent d ’ un contrat de travail écrit et explicite, obtenu gratuitement et conclu en pleine connaissance de cause, définissant, de manière juste et dans une langue qu ’ ils comprennent, leurs tâches, leurs horaires, leur rémunération, leurs jours de repos et autres conditions de travail  ;

iii) De garantir l ’ accès des domestiques migrants à la justice et de renforcer ses services d ’ inspection du travail pour être mieux à même de contrôler efficacement les conditions d ’ exécution du travail domestique et de recevoir, d ’ instruire et de traiter les plaintes relatives à des violations présumées des droits des domestiques migrants ;

b) De ratifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques ( n o 189) de l ’ OIT ;

c) De communiquer des informations utiles, étayées par des données et des analyses statistiques , dans son prochain rapport périodique.

Sécurité sociale

47Le Comité prend note des informations dont il dispose, selon lesquelles tous les travailleurs migrants ont droit à la sécurité sociale. Il regrette toutefois le manque d’informations sur certains aspects de la réalisation pratique de ce droit, tels que les conditions que les travailleurs migrants en situation irrégulière doivent remplir, conformément à la loi, pour avoir accès à la sécurité sociale au même titre que les nationaux, et le fait que l’État partie n’a conclu que quelques accords bilatéraux et multilatéraux de sécurité sociale.

48. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille, quel que soit leur statut, soient en mesure d ’ adhérer à un régime de sécurité sociale et de retraite, et à ce qu ’ ils soient informés de leurs droits à cet égard ;

b) De conclure avec tous les pays de destination des accords bilatéraux et multilatéraux de sécurité sociale qui soient adaptés aux besoins de chaque sexe et ne soient pas discriminatoires, afin de garantir une protection sociale aux travailleurs migrants.

Enregistrement des naissances et nationalité

49.Le Comité constate que l’État partie s’est efforcé de faciliter les procédures d’état civil, notamment en modifiant la loi sur l’état civil en 2021 et en supprimant les frais pour enregistrement tardif, afin de régulariser la situation des ressortissants syriens qui n’avaient pas été enregistrés jusqu’alors (maktoumeen) ou des Syriens qui étaient de retour au pays après avoir quitté le territoire de manière irrégulière. Il est néanmoins préoccupé par les points suivants :

a)En l’absence de services consulaires, les Syriens dont les enfants sont nés à l’étranger, y compris les travailleurs migrants syriens et les membres de leur famille, n’ont peut-être pas pu obtenir les actes de naissance voulus ;

b)Les mères, y compris les travailleuses migrantes et les femmes de leur famille, ne peuvent pas transmettre leur nationalité à leurs enfants nés dans l’État partie ; le Comité note qu’une réforme est à l’étude dans ce domaine, selon les explications données par l’État partie ;

c)L’État partie n’est pas partie à la Convention relative au statut des apatrides ni à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie.

50. Conformément aux observations générales conjointes n o s  3 et 4 du Comité et n o s  22 et 23 du Comité des droits de l ’ enfant (2017) sur les droits fondamentaux des enfants dans le contexte des migrations internationales, et conformément à la cible 16.9 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller, aux fins, également, de la réduction des risques d ’ apatridie, à ce que :

i) Tous les enfants de travailleurs migrants syriens à l ’ étranger et les enfants nés sur le territoire de l ’ État partie, en particulier les enfants nés de migrants en situation irrégulière et de demandeurs d ’ asile, soient enregistrés à la naissance et reçoivent des documents d ’ identité personnels ;

ii) Des procédures simplifiées de détermination de l ’ identité soient systématiquement proposées aux personnes, y compris aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille, qui ont des difficultés à obtenir leurs documents d ’ état civil, comme l ’ État partie s ’ y est engagé pendant le dialogue et l ’ Examen périodique universel  ;

iii) Les migrants, quel que soit leur statut migratoire, soient sensibilisés à l ’ importance que revêt l ’ enregistrement des naissances et des autres faits d ’ état civil ;

b) De modifier les dispositions discriminatoires de la législation sur la nationalité de sorte que les travailleuses migrantes et les femmes membres de la famille d ’ un travailleur migrant puissent acquérir la nationalité, transmettre leur nationalité à leurs enfants, et conserver ou changer leur nationalité, dans des conditions d ’ égalité avec les hommes ;

c) De mettre en place une procédure efficace de détermination du statut d ’ apatride, assortie de considérations et de garanties procédurales spécifiques, compte tenu du rôle essentiel de la nationalité pour tous, et de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations, notamment des statistiques, sur l ’ ampleur du phénomène ;

d) De ratifier la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d ’ apatridie ou d ’ y adhérer.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille en situation régulière (art. 36 à 56)

Permis de travail et de séjour

51.Le Comité note que quelque 2 350 permis de travail pour travailleurs migrants ont été délivrés ou prolongés en 2020 et 2021 et que les migrants et les réfugiés qui sont enregistrés dans l’État partie auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés sont autorisés à travailler après l’obtention d’un permis de séjour et de travail. Il est toutefois préoccupé par les points suivants :

a)Les travailleurs migrants qui ne s’acquittent pas des frais de délivrance ou de renouvellement de leur permis de travail sont susceptibles d’être expulsés ;

b)L’article 12 de la loi no 50 de 2004 sur l’agriculture prévoit que seuls sont exemptés de l’obligation d’obtenir un permis de résidence pour travailler dans le secteur agricole les travailleurs migrants provenant de pays arabes, alors que l’État partie a expliqué, au cours du dialogue, que sa législation accordait les mêmes droits à tous les travailleurs migrants.

52. Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir et d ’ améliorer son système de délivrance de permis de travail en vue de prévenir l ’ imposition de conditions de travail abusives et l ’ exploitation par le travail, notamment :

a) En abrogeant les dispositions qui sanctionnent les travailleurs migrants et les rendent passibles d ’ expulsion s ’ ils ne s ’ acquittent pas des frais liés à leur permis de travail ;

b) En prenant les mesures nécessaires pour que tous les travailleurs migrants puissent exercer sans discrimination les droits que leur reconnaît la Convention.

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

Migrants dans des pays en crise

53.Le Comité est profondément préoccupé par les allégations selon lesquelles des civils et des biens de caractère civil, y compris des structures médicales, seraient la cible de tirs aveugles, voire délibérés, et par celles concernant les meurtres, les actes de torture, les mauvais traitements, les disparitions forcées ou les enlèvements et les arrestations arbitraires dont feraient l’objet des membres du personnel médical, autant d’actes à l’origine de décès, qui contraignent de nombreux professionnels de santé à émigrer et peuvent constituer des crimes au regard du droit international.

54. Le Comité exhorte l ’ État partie à :

a) Faire cesser les attaques aveugles et délibérées menées par l ’ armée contre des civils, y compris des travailleurs migrants et des membres de leur famille, ou visant les installations civiles dans lesquelles ces personnes travaillent, conformément aux principes de distinction, de proportionnalité, de nécessité et d ’ humanité ;

b) Protéger les migrants, en particulier les enfants, contre les violations flagrantes et systématiques du droit international des droits de l ’ homme ;

c) Faire en sorte que les migrants puissent plus facilement se déplacer pour s ’ installer dans une zone où ils seront en sécurité , les réinstaller et les évacuer en cas de nécessité , leur fournir une aide humanitaire sans discrimination et associer les migrants et les organisations qui les représentent à l ’ effort de reconstruction, conformément aux Lignes directrices relatives à la protection des migrants dans les pays touchés par un conflit ou une catastrophe naturelle.

Coopération internationale avec les pays de transit et de destination

55.Le Comité prend note de la conclusion de plusieurs accords bilatéraux de coopération sur les travailleurs migrants et de l’explication donnée pendant le dialogue selon laquelle l’État partie s’emploiera à en conclure d’autres. Il regrette toutefois que l’État partie n’ait pas encore signé d’accords bilatéraux ou multilatéraux avec tous les pays où vivent un grand nombre de Syriens ou par lesquels de nombreux Syriens transitent.

56. Réitérant s a précédente recommandation , le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De continuer de conclure des accords bilatéraux et multilatéraux sur la liberté de circulation des travailleurs migrants et des membres de leur famille, en particulier avec les pays de transit et de destination où se trouvent un grand nombre de Syriens, afin de mieux protéger les droits de ces personnes et de faciliter la fourniture de services consulaires et d ’ autres services appropriés, de manière à garantir aux travailleurs migrants syriens et aux membres de leur famille des conditions saines, équitables et dignes ;

b) De garantir, dans le cadre de l ’ application de tout accord bilatéral ou multilatéral, la vie et l ’ intégrité physique des migrants, notamment des travailleurs migrants et des membres de leur famille, au regard de la situation actuelle dans l ’ État partie, et de veiller à ce que ces accords bilatéraux ou multilatéraux soient pleinement conform es à la Convention et aux observations générales du Comité ;

c) De dialoguer avec le HCDH et de solliciter une assistance technique pour l ’ application desdits accords et la négociation de futurs accords afin d ’ en assurer la compatibilité avec la Convention.

Agences de recrutement

57.Le Comité prend note des informations communiquées concernant le cadre réglementaire régissant les activités des agences de recrutement privées dans l’État partie et le système d’agrément de ces agences en vigueur depuis l’adoption de la loi no17 de 2010 sur l’emploi et de son règlement d’application. Il est toutefois préoccupé par les informations qu’il a reçues dont il ressort : que des agences de recrutement prélèveraient des commissions de placement élevées pour l’établissement d’un contrat de travail à l’étranger, ce qui représente un obstacle supplémentaire pour les travailleurs migrants syriens qui cherchent un emploi à l’étranger ; que les organismes de contrôle compétents n’interviendraient qu’après avoir été saisis d’une plainte pour violation des droits des travailleurs migrants.

58. À la lumière de son observation générale n o 1 (2011) et conformément aux Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l ’ homme, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De renforcer le cadre réglementaire applicable aux agences de recrutement privées et d ’ améliorer le système d ’ agrément de ces agences, afin de protéger les droits des travailleurs migrants conformément à la Convention ;

b) De renforcer le contrôle des recrutements et les inspections afin d ’ éviter que les agences de recrutement privées ne facturent des frais excessifs pour leurs services et servent d ’ intermédiaires à des recruteurs étrangers imposant des conditions d ’ emploi abusives ;

c) De veiller à ce que les agences de recrutement privées fournissent des renseignements complets aux personnes qui cherchent un emploi à l ’ étranger et garantissent le bénéfice effectif de toutes les prestations liées à l ’ emploi qui ont été convenues, en particulier le salaire ;

d) D ’ enquêter sur les pratiques illégales des recruteurs et de sanctionner de telles pratiques, l ’ objectif étant de prévenir les pratiques d ’ exploitation ;

e) D ’ adopter une politique relative aux agences de recrutement qui soit favorable aux personnes qui souhaitent travailler à l ’ étranger.

Retour et réintégration

59.Le Comité note qu’au cours du dialogue, l’État partie a évoqué les mesures prises en vue d’aider ses ressortissants à rentrer au pays de leur propre gré et dans des conditions dignes et d’améliorer le niveau de vie, notamment grâce à des programmes visant à renforcer les moyens d’action des populations rurales, en particulier à autonomiser les migrantes, et a fait part de son intention de mettre en application les accords bilatéraux conclus dans ce domaine avec des pays d’origine et des pays de destination. Il est toutefois profondément préoccupé par les informations concernant le renvoi forcé de réfugiés syriens vers l’État partie et les refoulements aux frontières de l’État partie.

60. Conformément aux principes et directives recommandés sur les droits de l ’ homme aux frontières internationale s, le Comité exhorte l ’ État partie à :

a) Prendre les mesures nécessaires pour prévenir le retour forcé de réfugiés syriens et de travailleurs migrants vers l ’ État partie et pour garantir que les retours s ’ effectuent systématiquement de manière volontaire et conformément au droit international, notamment à la Convention, en particulier dans le respect des garanties d ’ une procédure régulière et des principes de non-refoulement et de protection contre les expulsions arbitraires et collectives ;

b) Faire en sorte que les accords bilatéraux de coopération et de réadmission conclus et mis en application avec d ’ autres pays protègent les droits et les garanties énoncés dans la Convention, favorisent le retour volontaire et interdisent le renvoi forcé de s réfugiés et de s travailleurs migrants vers leur pays d ’ origine ;

c) Continuer de prévoir dans les politiques et les programmes publics destinés aux rapatriés, y compris aux personnes qui ont été forcées de rentrer au pays ou refoulées, les conditions sociales, économiques, juridiques et autres voulues pour faciliter leur retour et leur réintégration durable, notamment la récupération de biens immobiliers  ;

d) V eiller à ce que le retour et la réin tégrat ion des travailleurs migrants , des membres de leur famille et des réfugiés, en particulier des victimes de la traite , s ’ accompagnent de mesures de soutien adaptées à chaque sexe , en vue de répondre aux besoins spécifiques en matière de santé physique et mentale des victimes de violence, y compris de maltraitance et d ’ exploitation sexuelle .

Traite des personnes et trafic de migrants

61.Le Comité prend note de l’adoption de la loi no3 de 2010 visant à prévenir la traite des êtres humains, de la loi no 14 de 2021 sur la lutte contre le trafic des personnes en République arabe syrienne, de la loi no 21 de 2021 sur l’enfance, qui vise également à protéger les enfants migrants contre la traite, et d’un plan national de lutte contre la traite des personnes, de la création du Département de lutte contre la traite et du Comité national de lutte contre la traite des êtres humains, ainsi que de la participation de l’État partie, en 2021, à l’opération Liberterra visant à lutter contre le trafic de migrants et la traite des personnes et des migrants vulnérables. Il note également que des mesures destinées à combattre la migration irrégulière, en particulier le trafic des migrants, ont été adoptées, ce que l’État partie a souligné au cours du dialogue. Il relève toutefois avec une profonde préoccupation que le nombre de cas de traite et de trafic de migrants, en particulier de femmes et d’enfants, notamment à des fins d’exploitation sexuelle, a augmenté, ce que l’État partie a confirmé au cours du dialogue.

62. Le Comité recommande à l ’ État partie , conformément aux Principes et directives concernant les droits de l ’ homme et la traite des êtres humains , de redoubler d ’ efforts pour lutter contre la traite des personnes , le trafic de migrants et les violences infligées par les passeurs, et en particulier :

a) De prendre davantage de mesures pour détecter, prévenir et freiner les flux de travailleurs migrants en situation irrégulière, notamment en coopérant plus étroitement avec d ’ autres pays, et de faire en sorte que les mesures de lutte contre les migrations irrégulières et le trafic de migrants ne nuisent pas aux droits humains des travailleurs migrants et des membres de leur famille ;

b) D ’ intensifier ses campagnes de prévention de la traite des travailleurs migrants et des membres de leur famille, en particulier des femmes et des enfants, et de redoubler d ’ efforts pour mettre pleinement en œuvre le plan national de lutte contre la traite des personnes ;

c) D ’ allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à la mise en œuvre effective des lois et stratégies visant à prévenir et à éliminer la traite des personnes et le trafic de migrants, et de mettre en place un mécanisme national d ’ orientation chargé de repérer les victimes de la traite et les personnes qui ont subi des mauvais traitements de la part de passeurs et de leur offrir protection et assistance  ;

d) De mener dans les meilleurs délais des enquêtes efficaces et impartiales sur tous le s cas de traite de personnes, de trafic de migrants et de mauvais traitements infligés par des passeurs, et de poursuivre et punir les auteurs de ces actes et leurs complices, y compris lorsqu ’ il s ’ agit d ’ agents de l ’ État.

6.Diffusion et suivi

Diffusion

63. Le Comité demande à l ’ État partie de veiller à ce que les présentes observations finales soient diffusées rapidement, dans sa langue officielle, auprès des institutions d ’ État compétentes , à tous les niveaux , notamment les ministères, le Parlement, l ’ appareil judiciaire et les autorités locales, ainsi qu ’ auprès des organisations non gouvernementales et des autres membres de la société civile.

Assistance technique

64. Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer de faire appel à l ’ assistance internationale et intergouvernementale pour la mise en œuvre des recommandations contenues dans les présentes observations finales conformément au Programme de développement durable à l ’ horizon 2030. Il lui recommande également de poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et programmes des Nations Unies .

Suivi des observations finales

65. Le Comité invite l ’ État partie à lui fournir par écrit, dans un délai de deux ans (c ’ est-à-dire le 1 er octobre 2024 au plus tard), des informations sur la mise en œuvre des recommandations figurant aux paragraphes 18 (ratification des instruments pertinents), 26 (suivi indépendant), 42 (p rocédure régulière, détention, égalité devant les tribunaux et conditions de détention ) et 46 (r émunération, conditions de travail et liberté de circulation ) ci-dessus.

Prochain rapport périodique

66. Le quatrième rapport périodique de l ’ État partie est attendu le 1 er octobre 2027 au plus tard. À une session antérieure à cette date, le Comité adoptera une liste de points établie avant la soumission du rapport au titre de la procédure simplifiée, à moins que l ’ État partie ne décide expressément de soumettre son quatrième rapport périodique au titre de la procédure ordinaire de présentation des rapports. Il appelle l ’ attention de l ’ État partie sur ses directives harmonisée s .