Nations Unies

CCPR/C/MUS/CO/5

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

11 décembre 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de Maurice *

Projet établi par le Comité

1.Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique de Maurice (CCPR/C/ MUS/5) à ses 3424e et 3425e séances (voir CCPR/C/SR.3424 et 3425), les 23 et 24 octobre 2017. À sa 3443e séance, le 6 novembre 2017, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique de Maurice, bien qu’il ait été soumis avec six années de retard, et les renseignements qu’il contient. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises depuis le dernier examen pour appliquer les dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/MUS/Q/5/Add.1) apportées à la liste de points (CCPR/C/MUS/Q/5), qui ont été complétées par les réponses orales de la délégation, et des réponses complémentaires qui lui ont été fournies par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie des mesures législatives, institutionnelles et gouvernementales ci-après :

a)La loi relative aux plaintes visant la police, en 2013 ;

b)Les modifications apportées à la loi relative à l’appel en matière pénale, en 2013 ;

c)Les modifications apportées à la loi de procédure pénale, en 2013 ;

d)La loi sur les collectivités locales, en 2012 ;

e)La loi relative à l’égalité des chances, en 2012 ;

f)La loi portant modification de la loi relative à la protection des droits de l’homme, en 2012 ;

g)La loi sur la Cour pénale internationale, en 2012 ;

h)La loi sur l’aide juridictionnelle et l’assistance judiciaire, en 2012 ;

i)La loi sur le mécanisme national de prévention, en 2012 ;

j)La loi sur l’Institut des études judiciaires et juridiques, en 2011 ;

k)La loi relative à la lutte contre la traite des personnes, en 2009.

4.Le Comité note aussi avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré :

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en juin 2011 ;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en janvier 2010 ;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en février 2009 ;

d)Le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en octobre 2008.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Applicabilité du Pacte

5.Le Comité constate avec préoccupation qu’il n’a pas encore été donné pleinement effet au Pacte dans l’ordre juridique interne et que le nombre d’affaires dans lesquelles le Pacte a été invoqué par les tribunaux est limité (art. 2).

6. L ’ État partie devrait donner pleinement effet au Pacte dans son ordre juridique interne et devrait également sensibiliser les juges, les avocats et les procureurs aux droits énoncés dans le Pacte, afin que ses lois nationales soient interprétées et appliquées conformément au Pacte.

Commission nationale des droits de l’homme

7.Le Comité constate avec préoccupation : a) que le processus de sélection et de nomination des membres de la Commission nationale des droits de l’homme et de ses divisions n’est pas suffisamment transparent et participatif ; b) que la garantie relative à l’inamovibilité des titulaires de mandat n’est pas claire ; c) qu’il existe un risque de chevauchement entre les missions assignées aux divisions de la Commission ; d) qu’il n’y a pas de garantie que les membres n’ont pas de conflit d’intérêts et ; e) que la Commission ne dispose pas d’un personnel suffisant pour pouvoir s’acquitter pleinement de son mandat (art. 2).

8.L ’ État partie devrait : a) prévoir un processus plus transparent et participatif pour la sélection et la nomination des membres de la Commission et de ses divisions, de sorte à garantir leur indépendance ; b) garantir l ’ inamovibilité des membres; c) prendre des mesures pour prévenir les conflits d ’ intérêts dans le cadre des fonctions des membres ; d) préciser les missions assignées à chaque division de la Commission ; e) doter la Commission d ’ un personnel suffisant, formé et stable, pour lui permettre de s ’ acquitter dûment de son mandat, en pleine conformité avec les principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris).

Discrimination à l’égard des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transgenres

9.Le Comité est préoccupé par les cas signalés de discours haineux et de violence, y compris des menaces de mort, des brutalités et des actes d’humiliation dirigés contre des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transgenres. Il constate aussi avec préoccupation que les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres ne sont pas autorisés à se marier ou à contracter une union civile officiellement et sont privés d’autres droits relatifs au statut personnel. Le Comité constate en outre avec préoccupation que la disposition de l’article 250 du Code pénal mauricien qui criminalise la « sodomie » et la « bestialité » n’a pas encore été abrogée (art. 2 et 23).

10. L ’ État partie devrait s ’ employer fermement à prévenir toutes les formes de discrimination fondée sur l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre et à protéger les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres contre de tels actes, et faire figurer ces motifs de discrimination dans toutes les lois pertinentes, y compris dans le Code pénal. Il devrait également prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination contre les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres en ce qui concerne le mariage ou l ’ union civile et abroger l ’ article 250 du Code pénal. L ’ État partie devrait aussi veiller à ce que toutes les plaintes pour actes de violence, y compris pour menaces de mort et brutalités, liés à la discrimination à l ’ égard des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transgenres soient enregistrées par la police et donnent lieu à une enquête et à ce que les responsables soient dûment poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées. L ’ État partie devrait en outre former les policiers, les juges et les procureurs et mener des campagnes de sensibilisation du grand public aux droits des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transgenres.

Égalité des sexes

11.Le Comité est préoccupé par la discrimination à l’égard des femmes au travail, dans le secteur public comme dans le secteur privé. Il constate également avec préoccupation que les femmes ont principalement des emplois peu qualifiés et perçoivent des salaires peu élevés. Il s’inquiète en outre du très faible nombre de femmes qui occupent des postes de décision. Le Comité regrette que seul un très petit nombre de plaintes soit déposé devant la Commission de l’égalité des chances ou transmis au Tribunal de l’égalité des chances, situation qui soulève des questions quant aux difficultés que peuvent rencontrer les femmes victimes de discrimination qui tentent d’accéder à ces organes (art. 3).

12. L ’ État partie devrait : a) faciliter le dépôt de plaintes par les femmes victimes de discrimination au travail et prendre les mesures nécessaires pour protéger ces femmes contre les représailles ; b) faire appliquer la réglementation relative à l ’ égalité de rémunération pour un travail de valeur égale ; c) augmenter le nombre d ’ inspections sur le lieu de travail, mener des enquêtes et sanctionner les entreprises qui ne respectent pas la réglementation ; d) prendre des mesures pour permettre aux femmes d ’ occuper des emplois plus qualifiés et des postes de décision.

Représentation des femmes en politique et dans les affaires publiques

13.Le Comité note avec satisfaction que l’application de la loi de 2012 relative aux collectivités locales a permis d’améliorer la représentation des femmes dans les organes décisionnels aux niveaux des conseils municipaux et des conseils de village. Toutefois, il demeure préoccupé par le fait que le pourcentage de femmes élues à l’Assemblée nationale (11,4 %) et nommées au Gouvernement (12 %) reste faible (art. 3 et 25).

14. L ’ État partie devrait continuer d ’ améliorer la représentation des femmes dans les organes décisionnels au niveau national, y compris au Gouvernement. À ces fins, l ’ État partie devrait accroître de 30 % le taux de représentation des femmes en politique et dans les organes décisionnels, en application de la décision prise par la Communauté de développement de l ’ Afrique australe. L ’ État partie devrait aussi mener des campagnes de sensibilisation visant à encourager les femmes à prendre part aux affaires politiques et aux affaires publiques.

Interruption volontaire de grossesse et droits en matière de procréation

15.Le Comité prend note des modifications apportées en 2012 au Code pénal, qui autorisent l’interruption volontaire de grossesse dans des circonstances précises. Il constate toutefois avec préoccupation que les données fournies par l’État partie sur les « cas traités pour complications liées à un avortement » contrastent avec celles concernant les « interruptions de grossesse autorisées » et, partant, s’inquiète de ce qu’un grand nombre de femmes recourent à des avortements clandestins qui mettent en danger leur vie et leur santé, voire entraînent leur décès (art. 3, 6, 7, 17 et 26).

16. L ’ État partie devrait modifier sa législation afin de garantir l ’ accès légal, sûr et effectif à l ’ avortement lorsque la vie ou la santé de la femme ou de la fille enceinte est en danger et lorsque la conduite de la grossesse jusqu ’ à son terme pourrait causer une souffrance ou un préjudice grave à la femme ou à la fille enceinte, en particulier dans les cas où la grossesse est le résultat d ’ un viol ou d ’ un inceste ou lorsque la grossesse n ’ est pas viable. En outre, l ’ État partie ne devrait pas, dans tous les autres cas, réglementer la grossesse ou l ’ avortement d ’ une manière qui serait contraire à son obligation de garantir que les femmes et les filles n ’ aient pas à recourir à des avortements non médicalisés. L ’ État partie devrait revoir en conséquence sa législation relative à l ’ avortement. Il ne devrait pas appliquer de sanctions pénales aux femmes et aux filles qui avortent ni aux prestataires de services médicaux qui les assistent, car de telles mesures obligent les femmes et les filles à recourir à des avortements non médicalisés. L ’ État partie devrait assurer l ’ accès des hommes, des femmes et des adolescents de tout le pays à des contraceptifs à prix abordable et à des programmes d ’ information et d ’ éducation de qualité sur les droits en matière de sexualité et de procréation.

Peine de mort

17.Le Comité regrette que, bien qu’il ait aboli la peine de mort en 1995, l’État partie n’ait pas encore ratifié le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. Le Comité ne considère pas que le libellé de la Constitution, qui n’interdit pas la peine de mort, soit un obstacle à la ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte (art. 6).

18. L ’ État partie devrait envisager de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

Violence familiale, y compris la violence à l’égard des femmes

19.Tout en prenant note des modifications apportées à la loi de 2007 relative à la protection contre la violence familiale pour en améliorer les dispositions et des divers mécanismes mis en place pour renforcer le cadre de protection contre la violence familiale, en particulier la violence fondée sur le genre, le Comité est préoccupé par la persistance des actes de violence à l’égard des femmes dans l’État partie, qui entraînent parfois des décès. Il constate aussi avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore criminalisé le viol conjugal. Il prend note de l’augmentation du nombre de cas signalés, mais s’inquiète de ce que les femmes ne signalent pas toujours les actes de violence à la police (art. 3, 7 et 23).

20. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour combattre la violence à l ’ égard des femmes, en particulier : a) appliquer efficacement la législation en vigueur sur la violence familiale, notamment en traduisant les auteurs en justice et en les sanctionnant ; b) poursuivre et intensifier ses campagnes de sensibilisation aux effets néfastes de la violence à l ’ égard des femmes, encourager les femmes à signaler les cas de violence familiale, faciliter le dépôt de plaintes auprès de la police et protéger les femmes contre toute forme de représailles ou de réprobation sociale ; c) continuer de former les policiers, les juges et les procureurs qui s ’ occupent des affaires de violence fondée sur le genre ; d) fournir une aide appropriée aux femmes victimes et former les personnels des refuges ou des institutions publiques.

21.S’il prend note des différentes mesures adoptées par l’État partie, le Comité s’inquiète des informations faisant état de l’augmentation des actes de violence et de maltraitance à l’égard de personnes âgées, qui ont principalement lieu dans les familles et dans les institutions (art. 2 et 23).

22. L ’ État partie devrait veiller à l ’ application effective de la loi relative à la protection des personnes âges en : a) facilitant les signalements et le dépôt de plaintes concernant les actes de violence et de maltraitance à l ’ égard de personnes âgées ; b) renforçant l ’ Unité d ’ action sociale pour les personnes âgées ; c) menant des campagnes de sensibilisation qui ciblent les personnes âgées et leur famille et ; d) formant les personnels des institutions. Il devrait en outre accélérer l ’ adoption du Document stratégique national et plan d ’ action sur le vieillissement et allouer les ressources humaines et financières nécessaires à sa mise en œuvre effective.

Châtiments corporels

23.Le Comité constate avec préoccupation que les châtiments corporels ne sont pas encore expressément interdits à la maison, dans les garderies et les structures de protection de remplacement ni dans le système pénal (art. 7 et 24).

24. L ’ État partie devrait interdire les châtiments corporels dans tous les contextes.

Traite des personnes

25.Le Comité note que l’État partie a adopté la loi de 2009 relative à la lutte contre la traite des personnes, mais il observe avec préoccupation que la traite à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation par le travail, notamment des enfants et des migrants, perdure dans l’État partie. Il regrette que le nombre de cas relatifs à la traite portés devant les tribunaux soit faible (art. 8).

26. L ’ État partie devrait veiller à faire appliquer plus efficacement la loi de 2009 relative à la lutte contre la traite des personnes et les autres dispositions législatives pertinentes. Il devrait également faciliter le dépôt de plaintes par les victimes de la traite, en particulier celles issues de l ’ immigration, les protéger contre les représailles et mettre en place des centres disposant de personnel formé pour fournir une aide matérielle et médicale et un soutien psychologique aux victimes. L ’ État partie devrait dispenser une formation plus poussée aux agents de la force publique, notamment les policiers et les fonctionnaires de la police des frontières, ainsi qu ’ aux juges et aux procureurs qui s ’ occupent des affaires relatives à la traite des personnes.

Droits de l’homme et terrorisme

27.Le Comité relève avec préoccupation qu’en vertu de l’article 3 de la loi sur la prévention du terrorisme (Refus de la libération sous caution) un détenu soupçonné d’une infraction en relation avec le terrorisme peut se voir refuser la libération sous caution dans certains cas. Le Comité est également préoccupé de voir qu’en vertu de l’article 27 de ladite loi une personne soupçonnée d’une infraction en relation avec le terrorisme peut être maintenue en garde à vue pendant trente-six heures sans pouvoir entrer en contact avec quiconque, y compris un avocat. Le Comité regrette l’absence de données statistiques sur l’application de la législation relative au terrorisme, en particulier le nombre d’arrestations, de mises en détention, d’enquêtes et de déclarations de culpabilité (art. 9).

28. L ’ État partie devrait veiller à ce que sa législation antiterroriste soit pleinement conforme aux dispositions de l ’ article 9 du Pacte et que les personnes arrêtées et détenues bénéficient de toutes les garanties légales contre un traitement arbitraire et abusif, notamment la possibilité d ’ entrer en contact avec un avocat dans les plus brefs délais. L ’ État partie devrait en outre garantir que les juges soient autorisés à décider si un suspect peut être libéré sous caution. Il devrait recueillir et publier des données statistiques sur l ’ application de la loi relative à la prévention du terrorisme, en particulier le nombre d ’ arrestations, de mises en détention, de libérations, d ’ enquêtes, de déclarations de culpabilité et de condamnations.

Détention avant jugement

29.Le Comité est préoccupé par le nombre élevé de personnes qui se trouvent en détention avant jugement pour une période dont la durée s’avère excessive dans de nombreux cas, en particulier dans les affaires de drogues (art. 9).

30. Dans le contexte de son plan stratégique décennal sur la détention avant jugement, l ’ État partie devrait s ’ attaquer résolument à ce problème et envisager d ’ appliquer plus fréquemment des mesures de substitution à la privation de liberté. Il devrait également accélérer l ’ examen des affaires en instance devant les tribunaux et les cours. L ’ État partie devrait modifier sa législation de façon que le temps déjà passé en détention avant jugement soit déduit de la peine finale et que le versement d ’ une caution soit à la portée d ’ un plus grand nombre de détenus.

Chefs d’accusation provisoires

31.Le Comité note que l’État partie annonce son intention d’abolir le système des chefs d’accusation provisoires, mais il constate avec préoccupation que le système qui permet de placer en détention une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction grave risque d’engendrer l’arbitraire et les abus. Il réaffirme également sa préoccupation (voir CCPR/CO/83/MUS, par. 14) quant au fait que le paragraphe 1 k) de l’article 5 et l’article 4 de la Constitution de l’État partie ne sont pas conformes au Pacte (art. 9).

32. L ’ État partie devrait modifier sa législation pour supprimer la règle relative aux chefs d ’ accusation provisoires ; il devrait également modifier le paragraphe 1 k) de l ’ article 5 et l ’ article 4 de sa Constitution pour qu ’ ils soient pleinement conformes au Pacte. Il devrait accélérer l ’ adoption de la nouvelle loi sur les preuves en matière pénale et en aligner les dispositions sur celles du Pacte.

Plaintes contre les forces de sécurité

33.Le Comité s’inquiète des informations faisant état de mauvais traitements infligés par les forces de sécurité à des personnes privées de liberté. Il regrette l’absence de renseignements précis sur le nombre global de plaintes déposées, la nature des actes allégués et leurs auteurs, les enquêtes menées, les déclarations de culpabilité, les peines imposées aux coupables et les réparations accordées aux victimes. Le Comité note la création, au sein de la Commission nationale des droits de l’homme, d’une nouvelle division des plaintes contre la police, chargée d’instruire les plaintes visant les forces de l’ordre, mais regrette l’absence de détails sur les moyens humains et financiers dont dispose cette entité (art. 7 et 14).

34. L ’ État partie devrait veiller à ce que dans toutes les affaires de mauvais traitements infligés par les forces de sécurité (policiers et personnels pénitentiaires) : a)  les victimes puissent porter plainte ; b) que les allégations donnent lieu à des enquêtes impartiales, approfondies et efficaces ; c) que les auteurs des actes en question soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, qu ’ ils reçoivent des sanctions appropriées et que les victimes aient accès à des recours utiles. L ’ État partie devrait doter la Division des plaintes contre la police de moyens humains et financiers adéquats et suffisants pour qu ’ elle puisse s ’ acquitter correctement de son mandat, et devrait étendre l ’ utilisation des enregistrements vidéo dans toutes les structures de police et de détention afin d ’ empêcher les mauvais traitements.

Conditions de détention dans les prisons

35.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état des mauvaises conditions de détention dans les prisons de l’État partie, ainsi que par les informations faisant état de suicides survenus en prison. Le Comité relève en outre avec préoccupation que les détenus ne sont pas toujours séparés en fonction du régime de leur détention (art. 6 et 10).

36. L ’ État partie devrait améliorer les conditions de détention dans les prisons, notamment en veillant à ce que les personnes en détention provisoire soient séparées des condamnés purgeant une peine. Il devrait prendre des mesures concrètes pour prévenir les suicides de détenus. Il devrait en outre continuer d ’ appliquer des mesures de substitution à la détention lorsque cela est possible.

Réfugiés, demandeurs d’asile et apatrides

37.Le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie mais il demeure préoccupé par l’absence de cadre juridique national pour la détermination du statut de réfugié et la protection des droits des personnes qui ont besoin d’une protection internationale. Il juge également préoccupante l’absence de mécanisme national relatif aux cas d’apatridie. Il regrette le manque d’information sur le nombre de demandeurs d’asile, de réfugiés et d’apatrides résidant sur le territoire de l’État partie (art. 2, 6, 7 et 13).

38. L ’ État partie devrait envisager de mettre en place un cadre national sur l ’ asile, notamment un mécanisme d ’ évaluation aux fins de la détermination du statut de réfugié, de façon à garantir également le respect du principe de non-refoulement. Il devrait aussi prendre les mesures nécessaires pour éviter les cas d ’ apatridie, et recueillir et publier des informations sur le nombre de demandeurs d ’ asile, de réfugiés et d ’ apatrides résidant sur son territoire.

Justice pour mineurs

39.Le Comité est préoccupé par : a) l’absence de disposition légale indiquant clairement l’âge minimum de la responsabilité pénale et l’absence de tribunaux pour mineurs dotés de juges spécialisés ; b) les informations selon lesquelles les enfants ayant affaire à la justice ne sont pas toujours assistés d’un avocat et n’ont pas toujours accès à l’aide juridictionnelle ; c) les informations selon lesquelles les enfants sont souvent jugés en l’absence de leur tuteur ou de leur représentant légal. Le Comité prend note des renseignements fournis mais il est en outre préoccupé par le fait que, en vertu de la loi sur la délinquance juvénile, les mineurs considérés comme « incontrôlables » sont placés dans des établissements fermés à la demande de leurs parents (art. 14 et 24).

40. L ’ État partie devrait : a) fixer l ’ âge minimum de la responsabilité pénale dans sa législation conformément aux normes internationales ; b) achever la mise en place des tribunaux pour mineurs, définir leurs procédures et les doter de moyens humains, techniques et financiers adéquats, et notamment nommer des juges pour enfants ayant reçu une formation spécialisée ; c) former les personnels de police appelés à traiter les affaires relevant de la justice pour mineurs ; d) veiller à ce que les enfants en conflit avec la loi soient systématiquement assistés par un avocat ou un conseil et comparaissent au procès avec leur représentant légal.

Participation aux affaires publiques et à la vie politique

41.Le Comité note que l’État partie a créé une commission ministérielle chargée de travailler à la réforme du système électoral en tenant compte des constatations du Comité dans l’affaire Narrain et consorts c. Maurice (CCPR/C/105/D/1744/2007) mais il constate avec préoccupation que les différentes composantes de la population de l’État partie ne sont pas représentées de façon équitable dans les affaires publiques et la vie politique (art. 25).

42. L ’ État partie devrait faire en sorte que le nouveau système électoral permette de supprimer les obstacles qui empêchent que toutes les composantes de sa population participent à la vie politique et soient adéquatement représentées.

D.Diffusion et suivi

43.L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, de son cinquième rapport périodique, des réponses écrites à la liste des points établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public afin de les sensibiliser aux droits consacrés par le Pacte. L’État partie devrait faire en sorte que le rapport périodique et les présentes observations finales soient traduits dans ses langues officielles.

44.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, le 10 novembre 2019 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 8 (Commission nationale des droits de l’homme), 38 (Réfugiés, demandeurs d’asile et apatrides) et 40 (Justice pour mineurs) ci-dessus.

45.Le Comité demande à l’État partie de lui soumettre son prochain rapport périodique le 10 novembre 2022 au plus tard et d’y faire figurer des renseignements précis et à jour sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations formulées dans les présentes observations finales et sur l’application du Pacte dans son ensemble. Il demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays ainsi que les groupes minoritaires ou marginalisés. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, ce document ne devra pas compter plus de 21 200 mots. L’État partie peut aussi indiquer au Comité, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, qu’il accepte d’établir son rapport en suivant la procédure simplifiée. En pareil cas, le Comité transmet une liste de points à l’État partie avant que celui-ci ne soumette son rapport. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront son prochain rapport périodique à soumettre en application de l’article 40 du Pacte.