NATIONS UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/CR/29/423 décembre 2002

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-neuvième session

11‑22 novembre 2002

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Conclusions et recommandations du Comité contre la torture

Égypte

1.Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de l’Égypte (CAT/C/55/Add.6) à ses 532e et 535e séances, tenues les 13 et 14 novembre 2002 (CAT/C/SR.532 et 535), et a adopté les conclusions et recommandations suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation du quatrième rapport périodique de l’Égypte, qui a été remis dans les délais impartis et rédigé conformément aux directives du Comité en matière d’établissement des rapports périodiques. Le Comité se félicite également du dialogue sincère qui s’est instauré avec les représentants de l’État partie au cours de l’examen du rapport et des renseignements supplémentaires qu’ils ont fournis. Le Comité note que le rapport contient des renseignements très utiles sur l’adoption de nouvelles lois visant à mettre en œuvre et à diffuser la Convention.

B. Aspects positifs

3. Le Comité se félicite des éléments suivants:

a)La promulgation d’une loi interdisant la flagellation en tant que sanction disciplinaire applicable aux détenus;

b)La lettre circulaire n° 11 de 1999 réglementant la procédure à suivre pour les inspections inopinées, que le parquet a l’obligation d’effectuer dans les lieux de détention, en particulier s’il lui est notifié par écrit ou oralement qu’une personne est illégalement détenue dans un commissariat de police ou dans un autre lieu de détention;

c)Les décisions des tribunaux égyptiens de refuser de retenir comme élément de preuve les aveux faits sous la contrainte;

d)Les efforts faits par l’État partie pour mettre davantage l’accent sur la formation en matière de droits de l’homme dispensée aux responsables de l’application des lois et aux agents de la fonction publique;

e)La création, en 1999, d’un comité des droits de l’homme ayant pour tâche d’étudier et de proposer des moyens d’assurer une protection plus efficace des droits de l’homme;

f)La création, en 2000, de la Direction générale des questions relatives aux droits de l’homme, qui relève du Ministère de la justice et qui a pour attributions de veiller à la mise en œuvre des aspects juridiques des obligations internationales découlant des instruments relatifs aux droits de l’homme, notamment l’établissement des réponses aux questions posées par des organismes internationaux, de sensibiliser davantage le public aux obligations internationales de l’Égypte et de dispenser une formation en la matière aux membres du pouvoir judiciaire et du parquet;

g)Les efforts faits par l’État partie pour mettre sur pied une commission nationale des droits de l’homme.

C. Facteurs et difficultés entravantla mise en œuvrede la Convention

4.Le Comité est conscient des difficultés que rencontre l’État partie dans la lutte de longue haleine qu’il mène contre le terrorisme mais rappelle qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, ne peut être invoquée pour justifier la torture et se déclare préoccupé par les éventuelles restrictions des droits de l’homme qui peuvent résulter des mesures prises à cet effet.

D. Sujets de préoccupation

5.Le Comité s’inquiète des éléments suivants:

a)La permanence de l’état d’urgence, en vigueur depuis 1981, qui entrave une véritable consolidation de l’état de droit en Égypte;

b)Les nombreuses informations concordantes faisant état de la persistance de la torture et des mauvais traitements infligés aux détenus par les responsables de l’application des lois et de l’absence de mesures visant à assurer une protection efficace et à garantir qu’il soit procédé immédiatement à une enquête impartiale. Un grand nombre de ces informations font état de nombreux cas de décès en détention;

c)Le Comité constate avec une inquiétude particulière qu’il existe des preuves que la torture et les mauvais traitements sont couramment pratiqués dans les locaux administratifs qui dépendent du Service de renseignements de la Sûreté d’État, actes d’autant plus facilement commis, selon les informations dont il dispose, qu’il n’existe aucune inspection obligatoire de ces locaux par un organe indépendant;

d)Les nombreuses informations faisant état de sévices infligés à des détenus mineurs, notamment du harcèlement sexuel dont sont victimes les jeunes filles de la part des responsables de l’application des lois, de l’absence de mécanismes de surveillance chargés d’enquêter sur ces cas et de poursuivre les auteurs de ces sévices, ainsi que le fait que les mineurs placés dans des lieux de détention côtoient des détenus adultes;

e)Les informations selon lesquelles des mauvais traitements seraient infligés aux hommes en raison de leur homosexualité réelle ou supposée, pratique apparemment encouragée par le manque de clarté de la législation pénale;

f)Le maintien de la détention administrative en Égypte;

g)Le fait que les victimes de torture et de mauvais traitements n’aient pas d’accès direct aux tribunaux afin d’y déposer plainte contre les responsables de l’application des lois;

h)La longueur excessive d’un grand nombre de procédures intentées pour actes de torture et mauvais traitements et le fait que de nombreuses décisions judiciaires remettant des détenus en liberté ne sont pas appliquées;

i)Les restrictions légales et concrètes imposées aux activités des organisations non gouvernementales actives dans la défense des droits de l’homme;

j)Les écarts importants constatés dans l’indemnisation des victimes de torture et de mauvais traitements.

E. Recommandations

6.Le Comité recommande à l’État partie:

a)De réexaminer la question du maintien de l’état d’urgence;

b)D’adopter une définition de la torture qui recouvre exactement celle qui en est donnée au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention;

c)De garantir que toutes les plaintes se rapportant à des cas de torture ou de mauvais traitements, y compris celles ayant trait à des décès en détention, fassent l’objet d’enquêtes promptes, impartiales et indépendantes;

d)De s’assurer du caractère effectif et régulier de l’inspection obligatoire de tous les lieux de détention par des procureurs, des juges ou un autre organe indépendant;

e)De s’assurer que toutes les personnes détenues peuvent sans délai consulter un médecin et un avocat et se mettre en rapport avec leur famille;

f)D’éliminer toutes les formes de détention administrative. De plus, les locaux qui dépendent du Service de renseignements de la Sûreté d’État devraient être soumis à inspection obligatoire et les allégations de torture ou de mauvais traitements qui y seraient commis faire l’objet d’enquêtes promptes et impartiales;

g)De s’assurer que la législation donne leur plein effet aux droits reconnus par la Convention et d’instituer des voies de recours utiles pour permettre l’exercice de ces droits; de veiller en particulier à ce qu’il soit donné suite dans un délai raisonnable aux plaintes déposées et que toute décision judiciaire remettant des détenus en liberté soit effectivement appliquée;

h)D’abolir la détention au secret;

i)De s’assurer que toute personne déclarée coupable par décision des tribunaux militaires dans des affaires de terrorisme a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi;

j)De mettre un terme à toutes les pratiques impliquant des sévices infligés à des mineurs dans les lieux de détention et d’en punir les auteurs, ainsi que d’interdire la détention de mineurs au contact de détenus adultes;

k)De lever toute ambiguïté dans la loi qui pourrait être cause que des individus soient persécutés en raison de leurs préférences sexuelles. Il conviendrait également d’adopter des mesures visant à prévenir tout traitement dégradant lors des fouilles corporelles;

l)D’établir la compétence de l’État à l’égard de tout auteur présumé d’actes de torture qui se trouve dans le pays et n’est pas extradé vers un autre État pour y être jugé, conformément aux dispositions des articles 5 à 8 de la Convention;

m)De s’assurer que les organisations non gouvernementales actives dans la défense des droits de l’homme peuvent exercer leurs activités sans entrave, et en particulier qu’elles sont autorisées à se rendre dans tous les lieux de détention, notamment les prisons, afin de garantir un meilleur respect de l’interdiction de la torture et des mauvais traitements;

n)De fixer des règles et des normes précises pour permettre aux victimes de torture et de mauvais traitements d’obtenir pleinement réparation tout en évitant que ne se produisent des écarts injustifiés dans l’indemnisation qui leur est accordée;

o)De poursuivre dans la voie de la formation des responsables de l’application des lois, notamment en ce qui concerne les obligations qu’impose la Convention et le droit de tout détenu de bénéficier d’une aide médicale et juridique et de se mettre en rapport avec sa famille;

p)D’envisager d’adopter les déclarations visées aux articles 21 et 22 de la Convention;

q)De diffuser largement les conclusions et recommandations du Comité dans l’État partie, dans toutes les langues appropriées.

7.Le Comité réitère à l’État partie les recommandations qu’il lui a adressées en mai 1996 compte tenu des conclusions auxquelles il était parvenu dans le cadre de la procédure prévue à l’article 20 de la Convention, et lui demande de l’informer des mesures qu’il aura prises pour s’y conformer.

8.Prenant acte de la volonté déclarée de l’État partie de coopérer avec les organes conventionnels et mécanismes de l’ONU relatifs aux droits de l’homme, le Comité lui recommande d’autoriser une visite du Rapporteur spécial sur la question de la torture de la Commission des droits de l’homme.

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