NATIONS UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/CR/32/6

11 juin 2004

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURETrente‑deuxième session3-21 mai 2004

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Conclusions et recommandations du Comité contre la torture

BULGARIE

1.Le Comité contre la torture a examiné le troisième rapport périodique de la Bulgarie (CAT/C/34/Add.16) à ses 612e et 614e séances (CAT/C/SR.612 et 614), tenues les 17 et 18 mai 2004, et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation du troisième rapport périodique de la Bulgarie et de pouvoir poursuivre son dialogue avec l’État partie.

3.Tout en notant que le rapport ne couvre que la période allant jusqu’en mai 2000, le Comité prend acte avec satisfaction des réponses détaillées aux questions figurant dans la liste des points à traiter ainsi qu’à celles posées par des membres du Comité pendant le dialogue qui lui ont permis d’obtenir des renseignements sur les mesures prises par l’État partie depuis 2000 pour appliquer la Convention.

B. Aspects positifs

4.Le Comité note les faits nouveaux positifs suivants:

a)Les efforts en cours de l’État partie pour réformer sa législation se rapportant à l’application de la Convention et renforcer la protection des droits de l’homme. En particulier, le Comité prend acte avec satisfaction de:

i)L’entrée en vigueur de la loi sur le médiateur, le 1er janvier 2004;

ii)L’adoption par l’Assemblée nationale, le 16 septembre 2003, de la loi sur la protection contre la discrimination et les autres mesures concrètes dans le domaine de la protection contre la discrimination, telles que le recrutement de Roms dans les forces de police;

iii)L’entrée en vigueur, le 1er décembre 2002, de la nouvelle loi sur l’asile et les réfugiés qui a notamment débouché sur la mise en place de l’Office national pour les réfugiés en tant qu’autorité centrale unique prenant les décisions en matière d’asile, et le fait qu’il est désormais possible de demander la révision judiciaire d’une décision prise dans le cadre de la procédure accélérée;

iv)L’adoption et la mise en application du Code de conduite du policier en vertu d’une ordonnance du Ministère de l’intérieur datée d’octobre 2003;

b)L’adoption de l’instruction no I-167 du Ministère de l’intérieur en date du 23 juillet 2003 qui fixe la procédure à suivre par la police pendant la détention de personnes dans des locaux relevant du Ministère de l’intérieur;

c)La création en août 2000, au sein de la Police nationale, d’une commission spécialisée dans les droits de l’homme s’appuyant sur un réseau de coordonnateurs régionaux;

d)Le transfert des services de détention pendant l’enquête au Ministère de la justice en janvier 2000;

e)L’autorisation de visiter régulièrement les prisons accordée à des organisations non gouvernementales telles que l’antenne bulgare du Comité Helsinki;

f)Les renseignements fournis par le représentant de l’État partie au cours du dialogue selon lesquels 13 centres de détention avant jugement en sous‑sol ont été fermés en avril 2004 et l’État partie s’efforce de trouver d’urgence des solutions pour les cinq centres en sous‑sol qui n’ont pas encore été fermés;

g)La coopération avec le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) et les renseignements fournis par le représentant de l’État partie indiquant que la Bulgarie avait autorisé la publication du rapport sur la visite effectuée par le CPT en avril 2002.

C. Sujets de préoccupation

5.Le Comité note avec préoccupation:

a)L’absence dans la législation interne d’une définition complète de la torture correspondant à celle qui figure à l’article premier de la Convention;

b)Les nombreuses allégations de mauvais traitements infligés à des personnes en détention − en particulier pendant les interrogatoires de police − pouvant être assimilés à des actes de torture et touchant de manière disproportionnée les Roms;

c)L’absence d’un système indépendant d’enquête sur les plaintes et le fait que les allégations de mauvais traitements ne font pas toujours l’objet d’une enquête rapide et impartiale ce qui donnerait lieu à une situation d’impunité des auteurs de tels actes;

d)Le fait que les personnes placées en détention n’auraient pas la possibilité d’accéder rapidement et de manière appropriée à l’aide judiciaire et médicale et aux membres de leur famille et que l’accès à l’aide juridictionnelle gratuite est tout à fait limité et inefficace en pratique; le fait aussi que les détenus n’obtiendraient pas systématiquement les dossiers médicaux dont ils ont besoin, ce qui les empêche de déposer plainte et de demander réparation;

e)Les mauvaises conditions dans les foyers pour personnes mentalement handicapées et les mesures insuffisantes prises jusqu’à présent par les autorités pour faire face à cette situation, y compris l’incapacité de modifier la législation relative aux placements forcés dans lesdits foyers à des fins d’évaluation et le manque de possibilités de recours judiciaire et de procédures de révision;

f)Le fait que les mesures législatives et autres visant à assurer le plein respect des dispositions de l’article 3 ne sont toujours pas suffisamment efficaces et les allégations selon lesquelles l’expulsion d’étrangers, en particulier sur ordre du Service national de sûreté pour des raisons de sécurité nationale, ne fait l’objet d’aucune révision judiciaire;

g)Le manque de données sur les mesures de réparation et de réadaptation en faveur des victimes de la torture ou de leur famille prévues à l’article 14 de la Convention;

h)Les conditions matérielles déplorables dans les centres de détention, en particulier dans les lieux de détention provisoire dont certains sont encore aménagés en sous‑sol ou ne sont pas dotés des installations de base nécessaires pour les activités en plein air et où des personnes peuvent être détenues pendant une période pouvant aller jusqu’à deux ans, et l’absence d’inspections indépendantes de ces centres;

i)Le régime particulièrement sévère imposé, en particulier au cours des cinq premières années de détention, à tous les prisonniers exécutant des peines de réclusion à perpétuité.

D. Recommandations

6.Le Comité recommande à l’État partie:

a)D’adopter une définition de la torture intégrant tous les éléments contenus à l’article premier de la Convention et d’incorporer au Code pénal une définition du crime de torture épousant cette définition. En outre, le Comité invite l’État partie à examiner dans quelle mesure il serait judicieux d’incorporer dans la législation les dispositions de l’instruction no I-167 du Ministère de l’intérieur;

b)De renforcer les garanties prévues dans le Code de procédure pénale contre les mauvais traitements et la torture, de poursuivre ses efforts pour réduire les cas de mauvais traitements infligés par la police et d’autres agents de l’État et de concevoir des modalités pour la collecte de données ventilées et la surveillance des actes de torture et des mauvais traitements afin de s’attaquer plus efficacement au problème. L’État partie est encouragé à poursuivre ses efforts pour recruter des personnes d’origine rom dans la police;

c)De prendre des mesures pour mettre en place un système efficace, fiable et indépendant de dépôt de plaintes afin qu’il soit enquêté rapidement et de manière impartiale sur toutes les allégations de mauvais traitement ou de torture et pour punir les responsables. Le Comité demande à l’État partie de fournir des données statistiques sur les cas signalés de mauvais traitement et de torture et sur les résultats des enquêtes, ventilées, entre autres, par sexe, groupe ethnique, région géographique, ainsi que par type et lieu de détention;

d)De faire en sorte qu’aussi bien en droit qu’en pratique toutes les personnes privées de leur liberté soient dûment enregistrées dans le lieu où elles sont détenues et se voient garantir le droit d’accéder à un conseil, de contacter leurs proches, de voir un médecin et d’être informées de ce droit. À cet égard, un système d’aide juridictionnelle gratuite indépendant devrait être mis en place. En outre, des règles strictes pour la tenue des dossiers médicaux de toutes les personnes détenues devraient être établies et scrupuleusement respectées;

e)De prendre toutes les mesures nécessaires pour faire face à la situation dans les foyers et les hôpitaux pour personnes mentalement handicapées de façon que les conditions de vie, les soins et les services de réadaptation qui y sont fournis n’aillent pas à l’encontre des dispositions de la Convention. En outre, le Comité demande instamment à l’État partie de faire en sorte que le placement d’enfants à l’assistance sociale soit régulièrement examiné. Il engage l’État partie à assurer le contrôle et la réévaluation des diagnostics par des spécialistes et de prévoir les procédures d’appel requises;

f)De faire en sorte que nul ne soit expulsé, refoulé ou extradé vers un pays où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être torturé et que, conformément au paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention, aucune circonstance exceptionnelle ne soit invoquée pour justifier une telle mesure, et d’envisager à cet effet des mesures de contrôle dans les aéroports, aux frontières et autres postes par lesquels des personnes peuvent être renvoyées dans leur pays;

g)D’intensifier ses efforts pour éviter tout acte non conforme à la Convention en ce qui concerne l’accueil des demandeurs d’asile sur son territoire et de renforcer la coopération entre l’Office national pour les réfugiés et le Ministère de l’intérieur;

h)De faire en sorte que toutes les personnes qui sont victimes d’une violation de leurs droits reconnus par la Constitution aient accès, aussi bien en droit qu’en pratique, aux moyens d’obtenir réparation, et bénéficient d’un droit exécutoire à une indemnisation équitable et suffisante;

i)De prendre des mesures pour améliorer les conditions dans les centres de détention, en particulier dans les lieux de détention provisoire, notamment en fermant les cinq derniers centres de détention en sous‑sol, et de faire en sorte que tous les centres de détention assurent au moins un minimum d’activités en plein air aux détenus;

j)D’assurer une surveillance étroite de la violence entre prisonniers et d’autres formes de violence, y compris la violence sexuelle dans les centres de détention et les foyers, l’objectif étant de prévenir de tels phénomènes. L’État partie est invité à fournir des données ventilées sur ce problème dans son prochain rapport périodique;

k)De revoir le régime des détenus exécutant des peines de réclusion à perpétuité, notamment ceux d’entre eux qui n’ont pas la possibilité d’obtenir une libération conditionnelle;

7.Le Comité recommande à l’État partie de diffuser et de rendre public en Bulgarie son rapport au Comité et les présentes conclusions et recommandations, dans les langues appropriées, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

8.Le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an, des informations sur la suite donnée aux recommandations formulées au paragraphe 6 b), c), d), i) et k) ci‑dessus.

9.Le Comité recommande à l’État partie de présenter son prochain rapport périodique le 25 juin 2008, date à laquelle son cinquième rapport périodique est attendu. Ce rapport devrait regrouper en un seul document ses quatrième et cinquième rapports périodiques.

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