NATIONS UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/CR/30/7

27 mai 2003

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURETrentième session28 avril‑16 mai 2003

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Conclusions et recommandations du Comité contre la torture

République de Moldova

1.Le Comité contre la torture a examiné le rapport initial de la République de Moldova (CAT/C/32/Add.4) à ses 563e et 565e séances (CAT/C/SR.563 et 565), tenues les 8 et 9 mai 2003, et a adopté les conclusions et recommandations ci-après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de la République de Moldova mais déplore qu’il ait été présenté avec un retard de près de cinq ans et qu’il contienne peu de renseignements sur l’exercice effectif dans l’État partie des droits garantis par la Convention.

3.Bien qu’il tienne compte du fait que la délégation de l’État partie n’a pu arriver à temps pour l’examen du rapport pour raison de force majeure, le Comité note avec déception que la plupart de ses questions sont restées sans réponse et rappelle à l’État partie qu’il lui a demandé de fournir des renseignements complémentaires par écrit.

B. Aspects positifs

4.Le Comité prend note des aspects positifs ci‑après:

Les indications fournies par la délégation de l’État partie selon lesquelles le nouveau Code pénal fournira un cadre juridique en vue d’un traitement des détenus plus humain;

Le fait que l’État partie ait décidé de rendre publics les rapports et réponses relatifs aux visites du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). En outre, l’État partie a créé un comité de coordination permanent spécialisé pour les questions examinées par le CPT;

Les efforts accomplis par les autorités moldoves en vue d’améliorer les conditions de détention, notamment en retirant 89 % des rideaux de fer qui recouvraient les fenêtres des cellules dans les centres de détention provisoire; l’intensification des efforts en vue d’améliorer le traitement des personnes atteintes de tuberculose; et l’augmentation des possibilités de travail pour les détenus;

L’acceptation de l’article 20 de la Convention.

C. Sujets de préoccupation

5.Le Comité est préoccupé par:

La persistance de nombreuses allégations d’actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants à l’encontre de personnes placées en garde à vue;

Le fait que les personnes placées en garde à vue ne bénéficient pas d’un accès rapide et approprié à un conseil et à un médecin ainsi qu’aux membres de leur famille;

La suppression, dans le nouveau Code pénal, de la définition de la torture, qui était conforme à celle figurant dans la Convention;

Le fait que des personnes soient mises en rétention administrative sous le contrôle de la police dans des centres de détention provisoire placés sous l’autorité du Ministère de l’intérieur;

Le fait que, selon les informations reçues, les nombreuses allégations de torture et de mauvais traitements ne donneraient pas lieu sans délai de la part de l’État partie à une enquête impartiale et approfondie, ce qui contribuerait à instaurer une culture de l’impunité parmi les responsables de l’application des lois;

L’absence de mécanisme de contrôle indépendant chargé d’examiner les plaintes déposées contre la police;

Le fait que les autorités judiciaires ne supervisent pas les centres de détention provisoire placés sous l’autorité du Ministère de l’intérieur;

Les allégations selon lesquelles le système de justice pénale ne fonctionnerait pas correctement, ce qui semble dû en partie au fait que les services du procureur et la magistrature ne sont pas indépendants;

Les allégations selon lesquelles, lors des procédures pénales, une importance excessive est accordée aux aveux en tant que principale source d’éléments de preuve;

Le fait que, selon les informations reçues, des immigrants sont apparemment détenus dans des conditions médiocres dans des centres de détention provisoire;

Les allégations concernant l’expulsion d’étrangers, qui semble avoir lieu sans que soient appliquées les garanties énoncées à l’article 3 de la Convention;

Les mauvaises conditions matérielles qui règnent dans les cellules de garde à vue et les prisons et le fait que ces locaux ne fassent pas l’objet d’inspections indépendantes. Le Comité est particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles les mineurs sont parfois détenus avec des adultes et n’ont accès ni à l’éducation ni à des activités intéressantes;

Le fait que les responsables de l’application des lois, y compris les médecins qui s’occupent de personnes privées de liberté, ne soient pas formés à la prévention de la torture.

D. Recommandations

6. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De veiller à ce que les garanties fondamentales contre la torture et les mauvais traitements des détenus, y compris ceux qui sont emprisonnés pour des infractions administratives, soient effectivement appliquées, notamment celles qui concernent le droit des détenus d’avoir accès à un médecin et à un conseil ainsi qu’aux membres de leurs familles, dès le début de leur détention;

b) D’intégrer dans le nouveau Code pénal une définition de la torture en tant que crime distinct qui soit conforme à l’article premier de la Convention;

c) De veiller à ce que les nombreuses allégations de torture adressées aux autorités fassent l’objet sans délai d’enquêtes impartiales et approfondies, à ce que les auteurs soient poursuivis et punis comme il convient et à ce que les victimes reçoivent une indemnisation appropriée;

d) De mettre fin à toute détention administrative par la police;

e) De créer un organe administratif indépendant chargé d’examiner les plaintes contre la police et les responsables de l’application des lois;

f) De prendre des mesures efficaces en vue d’assurer la totale indépendance des services du procureur et l’indépendance de la magistrature, conformément aux Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature de l’Organisation des Nations Unies, en faisant appel, si nécessaire, à la coopération internationale;

g) De prendre des mesures en vue de garantir que les preuves obtenues sous la torture ne puissent être utilisées devant les tribunaux;

h) De prendre des mesures afin de s’assurer que la condition énoncée à l’article 3 de la Convention est prise en considération dans toute décision relative à l’expulsion, au refoulement ou à l’extradition d’étrangers;

i) De transférer au Ministère de la justice la responsabilité des personnes détenues dans les centres de détention provisoire du Ministère de l’intérieur;

j) De publier les directives sur le bon déroulement des interrogatoires durant la garde à vue, notamment en vue d’interdire totalement la torture et les mauvais traitements;

k) De fournir une fiche de renseignements, dans des langues appropriées, à tous les commissariats afin que ceux ‑ci informent tous les détenus de tous leurs droits dès leur arrestation;

l) D’améliorer les conditions de détention dans les commissariats et les prisons en vue de les mettre en conformité avec l’article 16 de la Convention, et de créer un mécanisme indépendant chargé de superviser systématiquement la façon dont les personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées sont traitées dans les faits;

m) De renforcer les activités d’éducation et de plaidoyer dans le domaine des droits de l’homme concernant l’interdiction de la torture, à l’intention notamment des responsables de l’application des lois et du personnel médical, et d’intégrer une formation à ce sujet dans les programmes d’enseignement officiels;

n) De fournir dans le prochain rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par type d’infraction, région, groupe ethnique et sexe, sur les plaintes pour torture ou mauvais traitement contre des responsables de l’application des lois ainsi que sur les enquêtes, poursuites, sanctions disciplinaires et réparations auxquelles elles ont donné lieu;

o) De diffuser largement dans le pays, dans des langues appropriées, les conclusions et recommandations du Comité.

7.Le Comité demande à l’État partie de répondre aux questions que ses membres lui ont posées, avant le 31 août 2003.

8.L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera considéré comme le deuxième, avant le 27 décembre 2004.

-----