NATIONS UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/CR/28/6

6 juin 2002

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTUREVingt‑huitième session29 avril‑17 mai 2002

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESEN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Conclusions et recommandations du Comité contre la torture

Suède

1.Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de la Suède (CAT/C/55/Add.3) à ses 504e et 507e séances, tenues le 30 avril et le 1er mai 2002 (CAT/C/SR.504 et 507), et a adopté les conclusions et recommandations suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de la Suède, qui a été remis au Comité dans les délais impartis et a été rédigé conformément aux directives du Comité en matière d’établissement des rapports.

3.Le Comité se félicite des renseignements supplémentaires apportés par la délégation suédoise, tant oralement que par écrit, ce qui démontre la volonté de l’État partie de poursuivre un dialogue franc et ouvert avec le Comité. Le Comité souligne par ailleurs les efforts déployés par la délégation pour répondre de façon exhaustive à ses questions.

B. Aspects positifs

4.Le Comité souligne avec satisfaction l’engagement ferme et constant en faveur des droits de l’homme dont fait preuve la Suède et la suite positive qu’elle a donnée à ses recommandations précédentes. Il se félicite en particulier des éléments suivants:

a)L’adoption, dans le cadre du suivi de la Conférence mondiale pour les droits de l’homme de 1993, d’un Plan national d’action pour les droits de l’homme pour les années 2002‑2004, comportant comme sujet prioritaire la question de la protection internationale contre la persécution et la torture. Le Comité accueille avec satisfaction le projet des autorités suédoises de traduire les conclusions et recommandations des six organes onusiens de suivi des traités, et de les distribuer dans les municipalités;

b)La création, en décembre 2000, d’une commission spéciale chargée d’étudier la façon dont a été conduite la procédure d’enquête criminelle relative au décès en détention, en 1995, d’Osmo Vallo. Le Comité relève tout particulièrement que la «Commission Osmo Vallo» a publiquement rendu ses conclusions et recommandations en avril 2002, et que celles‑ci ont été remises au Ministère de la justice;

c)La création, en décembre 2000, d’une commission parlementaire officielle chargée de déterminer si le cadre existant en matière de traitement des allégations d’actions criminelles commises par la police est satisfaisant;

d)La création d’un comité officiel ayant pour mandat d’enquêter sur les actions de la police lors des événements de Göteborg, et chargé de déterminer quelles mesures, visant à protéger l’ordre public de même que le droit fondamental de manifester, devraient être prises par la police lors des manifestations publiques;

e)La création d’une commission spéciale chargée de revoir la législation et la jurisprudence en matière de mise en œuvre des décisions d’expulsion du territoire suédois, en particulier en relation avec les allégations d’expulsion de personnes vers des pays avec lesquels elles n’ont aucune attache particulière;

f)Les nombreuses études et projets en cours, visant à un meilleur aménagement du système juridique national en matière de protection des droits de l’homme, en particulier pour ce qui concerne la compétence des tribunaux suédois pour les crimes internationaux commis à l’étranger, et l’amélioration de la procédure en matière de demande d’asile;

g)Le fait que les autorités suédoises assurent s’être conformées aux observations du Comité relatives à des plaintes individuelles et à l’obligation de l’État partie de ne pas renvoyer certaines personnes vers des pays où elles risquaient d’être torturées. Le Comité se félicite par ailleurs de ce que le projet de loi sur les étrangers contienne une disposition qui permettra aux autorités suédoises de l’immigration de fonder directement leur décision sur les observations rendues par les organes internationaux.

C. Sujets de préoccupation

5.Si les modalités concrètes d’application de la Convention dans l’ordre juridique national sont laissées à l’appréciation de chaque État partie, les moyens utilisés doivent être appropriés, c’est‑à‑dire qu’ils doivent produire des résultats attestant que l’État partie s’est acquitté intégralement de ses obligations. La Suède a opté pour le système dualiste en matière d’incorporation des traités internationaux en droit interne, et doit donc adopter une législation appropriée pour incorporer la Convention contre la torture. Le Comité constate que le droit interne suédois ne comporte pas de définition de la torture conforme à l’article premier de la Convention. Surtout, il constate que ni la torture ni les traitements cruels, inhumains et dégradants n’apparaissent en tant que crimes et délits distincts en droit pénal interne.

6.Le Comité se déclare en outre préoccupé par ce qui suit:

a)Selon certaines allégations, plusieurs personnes étrangères auraient été expulsées ou renvoyées vers un pays avec lequel elles n’ont aucun lien substantiel sur la base, notamment, de critères linguistiques (parfois aléatoires et peu fiables), ce qui pourrait entraîner une violation de l’article 3 de la Convention;

b)La loi spéciale sur la police des étrangers, dite loi antiterroriste, permet l’expulsion d’étrangers soupçonnés de terrorisme selon une procédure qui n’est peut‑être pas conforme à la Convention, car il n’existe aucune possibilité d’appel;

c)Plusieurs cas d’utilisation excessive de la force par des policiers et des gardiens de prison, ayant conduit à la mort des personnes concernées, ont eu lieu au cours des dernières années en Suède. En outre, l’année 2001 a été marquée par les émeutes de Göteborg, à la suite desquelles de nombreuses plaintes pour mauvais traitements ont été déposées;

d)Selon certaines allégations, les directives données aux policiers et gardiens de prison en matière d’utilisation de la force sont souvent de caractère subjectif et manquent de précision. La formation est inexistante;

e)Bien qu’il soit affirmé dans le rapport périodique que les déclarations obtenues sous la contrainte ne peuvent être retenues comme élément de preuve dans une procédure, aucune règle législative énonçant clairement une telle interdiction ne semble exister.

D. Recommandations

7.Le Comité recommande à l’État partie:

a)D’incorporer dans son droit interne la définition de la torture énoncée à l’article premier de la Convention et d’ériger les actes de torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants en crimes spécifiques en droit pénal interne, passibles de sanctions appropriées;

b)De s’assurer que l’expulsion de personnes étrangères soit effectuée vers un pays de leur choix ou, en tout état de cause, vers des pays avec lesquels elles ont des liens effectifs et où il n’y a pas de motifs sérieux de croire qu’elles risquent d’être soumises à la torture;

c)De mettre la loi spéciale sur la police des étrangers en conformité avec la Convention;

d)De renforcer les mécanismes de suivi des garanties de respect données par les États vers lesquels les personnes étrangères sont expulsées;

e)De procéder à des enquêtes plus complètes et détaillées sur la situation en matière de droits de l’homme dans les pays d’origine des demandeurs d’asile;

f)De s’assurer que toutes les allégations de violations commises par les policiers et les gardiens de prison, et en particulier tout décès en détention, fassent l’objet d’enquêtes promptes et impartiales. Les conclusions et recommandations de la «Commission Osmo Vallo» devraient être dûment prises en considération;

g)De renforcer les programmes d’éducation dans le domaine des droits de l’homme destinés aux policiers, gardiens de prison et autres responsables de l’application des lois, de même que les programmes de formation relatifs à la mise en œuvre du Manuel sur les procédures de police et actions d’autodéfense;

h)De s’assurer que l’interdiction d’invoquer des déclarations obtenues sous la contrainte comme élément de preuve dans une procédure soit clairement énoncée en droit interne.

8.Le Comité recommande à l’État partie d’inclure dans son cinquième rapport périodique un résumé des conclusions et recommandations des commissions et comités nationaux précités, et d’indiquer quelles suites leur ont été données.

9.Le Comité recommande aussi à l’État partie de diffuser largement ses conclusions et recommandations dans le pays, dans toutes les langues appropriées.

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