Nations Unies

CAT/C/ESP/CO/5/Add.2

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

23 avril 2012

Français

Original: espagnol

Comité contre la torture

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Espagne

Additif

Renseignements complémentaires fournis par l’Espagne suite aux observations finales du Comité contre la torture (CAT/C/ESP/CO/5) *

[16 février 2012]

1.En réponse à la lettre de la Rapporteuse spéciale pour le suivi des observations finales et des recommandations du Comité contre la torture, datée du 1er décembre 2011, relative à l’examen du cinquième rapport périodique de l’Espagne qui a eu lieu à Genève en novembre 2009, le présent rapport traite des questions à propos desquelles des renseignements ont été demandés.

A.Garanties contre la torture

2.Du fait de la convocation des élections et de la dissolution ultérieure du Parlement espagnol, un train de réformes législatives sur lesquelles le Gouvernement travaillait auparavant, dont la réforme de la loi de procédure criminelle, n’ont pas pu être approuvées. Néanmoins, le nouveau Ministre de la justice, lorsqu’il s’est adressé récemment à la Commission de la justice du Congrès des députés, a annoncé son intention de remettre en chantier la réforme de la loi de procédure criminelle dans le but, notamment, de donner effet aux engagements internationaux pris par l’Espagne et de veiller dans tous les cas au respect le plus absolu des garanties fondamentales de procédure.

3.En ce qui concerne plus spécifiquement l’habeas corpus, il convient de rappeler que la législation espagnole prévoit déjà cette procédure. Ainsi, la loi organique no 6/1984 du 24 mai, régissant la procédure d’habeas corpus , en application de l’article 17.4 de la Constitution espagnole, dispose que toute personne détenue illégalement doit être déférée immédiatement devant une autorité judiciaire.

B.Régime de mise au secret

4.En ce qui concerne le régime de mise au secret et les recommandations spécifiques du Comité relatives au droit pour le détenu de bénéficier de l’aide d’un avocat choisi par lui, d’être examiné par un médecin de son choix, de s’entretenir en privé avec son avocat et de prendre contact avec des membres de sa famille, il est nécessaire de rappeler, comme cela a déjà été fait en de précédentes occasions, les considérations suivantes:

a)La détention au secret (prévue par les articles 520 bis et 527 de la loi de procédure criminelle) s’applique uniquement dans des circonstances bien précises; elle est régie par des dispositions très restrictives et offrant toutes les garanties de procédure puisqu’elle doit être autorisée dans tous les cas par une décision judiciaire motivée et argumentée qui doit être prise dans les vingt-quatre premières heures de la détention, et exige un contrôle permanent et direct de la situation personnelle du détenu par le juge qui a décidé la mise au secret ou par le juge d’instruction de la circonscription judiciaire où se trouve le détenu. En outre, la jurisprudence du Tribunal constitutionnel (arrêts 127/2000, 7/2004 et 127/2000) insiste sur le fait que les décisions de mise au secret doivent toujours être motivées de façon très rigoureuse;

b)En conséquence, ce régime se justifie uniquement dans des cas exceptionnels et a pour finalité d’«empêcher que des personnes soupçonnées de participation dans les faits objet d’une enquête se soustraient à l’action de la justice, dissimulent, modifient ou détruisent des preuves en rapport avec la perpétration des faits ou que de nouveaux délits soient commis» (loi de procédure criminelle, art. 509.1);

c)Dans son rapport pour 2010, le Mécanisme national de prévention de la torture reconnaît que ce régime trouve sa justification dans la nécessité d’empêcher que l’organisation criminelle − susceptible de disposer de moyens d’action non négligeables par le biais des proches, des amis, des avocats, etc. − puisse faire pression sur le détenu pour qu’il rende l’investigation difficile, voire qu’elle le soumette à la contrainte s’il décide de collaborer.

5.À cet égard, et en ce qui concerne les points spécifiques soulevés par le Comité au sujet de la mise au secret, il faut avoir à l’esprit ce qui a été exposé devant le Comité ainsi que les renseignements fournis dans les rapports ultérieurs et rappeler, comme on l’a indiqué plus haut, que la réforme prévue de la loi de procédure criminelle aura pour objectif d’incorporer dans la législation espagnole les engagements internationaux souscrits par l’Espagne, de même que les dispositions relatives à cette question contenues dans le Plan pour les droits de l’homme.

6.Les cas dans lesquels l’autorité judiciaire compétente a requis des forces de sécurité de l’État (police nationale et Garde civile) l’enregistrement sur DVD ou vidéo − pour qu’il soit mis ensuite à la disposition du tribunal − des détenus pendant toute la durée de la mise au secret, comme moyen de vérifier l’application de cette mesure décidée par les tribunaux centraux chargés de l’instruction (TCI), concernent des personnes faisant l’objet d’investigations pour des délits de terrorisme ou des actes liés à un groupe armé.

7.Cette décision de justice relève des tribunaux de l’Audiencia Nacional, qui ordonnent une telle mesure quand ils l’estiment nécessaire, sans qu’il existe à proprement parler de critères précis sur lesquels ils se fondent pour ce faire.

8.Depuis qu’on a commencé d’appliquer ce protocole, toujours à la demande de l’autorité judiciaire compétente, il a été utilisé comme suit.

Année

Autorité judiciaire

Nombre de procédures

Nombre de détenus

2007

TCI 5

4

12

TCI 5

6

36

2008

TCI 4

1

2

TCI 1

2

9

TCI 5

5

37

2009

TCI 2

1

1

TCI 1

1

5

2010

TCI 5

1

9

2011

TCI 6

1

6

Total

22

117

C.Conditions de détention des mineurs

9.En 2011, on a travaillé à l’élaboration de certaines réformes législatives qui n’ont pu être approuvées du fait de la dissolution du Parlement espagnol. Plus précisément, le 8 juillet dernier, le Conseil des ministres avait pris connaissance de l’avant-projet de loi portant modernisation de la législation sur la protection de l’enfance et de l’avant-projet de loi organique complémentaire du précédent. Ce dernier texte modifiait la loi organique no 1/1996 relative à la protection juridique des mineurs en réglementant l’internement dans les centres de protection des mineurs ayant des problèmes de comportement et en situation sociale difficile. Le Défenseur du peuple compte qu’au cours de la présente législature on reprendra l’étude de cet avant-projet et qu’on parviendra à adopter un texte qui garantit les droits de ces mineurs.

10.Au cours de la réunion tenue le 20 mai 2010, la Commission intercommunautés des directeurs généraux de l’enfance a adopté par consensus un protocole d’intervention dans les centres et/ou résidences pour mineurs diagnostiqués comme ayant des problèmes de comportement. Ce texte n’a pas de caractère contraignant et ne constitue donc pas une norme dont la mise en œuvre est obligatoire. Néanmoins, il a été adopté avec l’accord de toutes les administrations responsables de la protection de l’enfance, ce qui lui confère un certain poids.

11.Ce protocole a pour but de réglementer la prise en charge des mineurs, notamment le diagnostic et les prestations éducatives et thérapeutiques, en accordant une attention spéciale aux aspects qui nécessitent davantage de garanties, de façon que toute procédure prenne en compte non seulement la protection des mineurs mais aussi la garantie de tous leurs droits durant l’intervention des autorités publiques. Avec cette réglementation, on entend répondre aux préoccupations formulées par les institutions compétentes telles que le Comité des droits de l’enfant, le Défenseur du peuple et le parquet général.

12.Pour répondre aux questions soulevées, il convient d’ajouter que, sur la base du rapport du Défenseur du peuple, les différents services responsables de la protection des mineurs dans les Communautés autonomes, suivant les instructions expresses du parquet général (et conformément au protocole d’inspection des centres de protection édicté par ce dernier) ont procédé en temps voulu à des visites d’inspection dans les centres. Il en est ressorti pour l’essentiel que, globalement, la légalité était respectée et que les interventions en direction des mineurs étaient appropriées. Dans un cas individuel seulement, concernant un mineur précis, on a pu relever ponctuellement une procédure incorrecte, sans que cela autorise pour autant à conclure qu’il existe d’une manière générale des irrégularités dans ces centres.

13.En ce qui concerne les moyens de porter plainte pour mauvais traitements dans les centres, le protocole prévoit que chaque centre mette en place un dispositif simple et efficace pour que les mineurs puissent formuler leurs plaintes et leurs griefs. Les administrations disposent de mécanismes pour le contrôle et l’inspection périodique de ces centres. Le parquet a lui aussi l’obligation de mener des investigations en cas de plaintes pour sévices ou traitements inappropriés à l’encontre des mineurs internés.

D.Données relatives à la torture et aux mauvais traitements

14.Le système de collecte des données relatives aux accusations de mauvais traitements à l’encontre de personnes sous la garde des forces de sécurité de l’État est une application informatique développée sous l’intitulé «Plan national pour les droits de l’homme», qui permet le suivi systématique des actes des forces de police susceptibles d’être contraires aux dispositions de ce Plan et, partant, à la Mesure 102 qui y figure.

15.Cette application a été mise en service en 2010 et intègre les actes qui se sont produits depuis janvier 2008. Elle est utilisée exclusivement par les unités chargées du régime disciplinaire des forces de sécurité de l’État (Police nationale et Garde civile). Elle enregistre les informations statistiques (et non les données personnelles) concernant les actes de la police (nature de l’acte, lieu où il s’est produit, mode de signalement), le droit auquel il a été porté atteinte, le nombre de personnes visées par des procédures pénales et disciplinaires, leur statut et les sanctions imposées.

E.Violence à l’égard des femmes

16.En réponse à la demande de renseignements complémentaires concernant la violence à l’égard des femmes, en particulier des étrangères en situation irrégulière en Espagne qui sont victimes de violence sexiste, il convient d’indiquer que ces dernières années ont été introduites successivement plusieurs réformes de la réglementation relative aux étrangers ayant pour objectif primordial d’améliorer la protection et les conditions de séjour en Espagne des étrangères victimes de violence sexiste, grâce à des dispositions qui favorisent le dépôt de plaintes pour des faits constitutifs de violence sexiste.

17.La situation des femmes étrangères victimes de violence sexiste qui se trouvent en situation irrégulière en Espagne a évolué avec la loi organique 10/2011 du 27 juillet, portant modification de la loi organique no 4/2000 du 11 janvier relative aux étrangers. Cette modification introduit l’article 31 bis, qui prévoit un traitement plus favorable pour les personnes dans une telle situation. Plus précisément, l’alinéa 2 de l’article 31 bis dispose: «Si, lorsqu’une plainte est déposée concernant un cas de violence à l’encontre d’une femme étrangère, il apparaît que cette dernière se trouve en situation irrégulière, la procédure administrative prévue en cas d’ infraction à l’article 53, paragraphe 1 a), n’est pas engagée et, dans le cas où une telle procédure aurait été engagée pour commission de ladite infraction avant le dépôt de plaintes, elle est suspendue, ainsi que, le cas échéant, l’exécution de la décision d’expulsion ou de renvoi éventuellement prononcée.».

18.En conséquence, cette disposition garantit que le séjour irrégulier sur le plan administratif ne va pas entraîner d’obstacle lors du dépôt de plaintes puisqu’elle permet à l’intéressée de rester en Espagne en interdisant l’application d’une mesure d’expulsion ou, dans le cas où une procédure était en cours avant le dépôt de plaintes, en suspendant ladite procédure ainsi que toute mesure impliquant la sortie obligatoire d’Espagne.

19.De même, l’article en question prévoit la possibilité pour la victime de rester en Espagne pendant toute la durée de la procédure pénale grâce à l’octroi d’une autorisation provisoire de séjour et de travail, qui sera accordée à titre définitif si, à l’issue de la procédure, la situation de violence sexiste est établie.

20.En outre, afin de mieux protéger la victime, le permis de séjour peut être accordé également à ses enfants mineurs ou handicapés qui ne sont pas en mesure de subvenir à leurs propres besoins, conformément aux articles 131 et suivants du décret royal 557/2011 du 20 avril.

21.En définitive, concrètement, le séjour en Espagne des victimes de violence sexiste fait l’objet d’une protection appropriée dès le commencement de la procédure engagée suite au dépôt de plaintes.