Nations Unies

CAT/C/ESP/CO/6

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

29 mai 2015

Français

Original : espagnol

Comité contre la torture

Observations finales concernant le sixième rapport périodique de l’Espagne *

Le Comité contre la torture a examiné le sixième rapport périodique de l’Espagne (CAT/C/ESP/6) à ses 1302e et 1305e séances (CAT/C/SR.1302 et 1305), les 28 et 29 avril 2015, et a adopté à sa 1328e séance, le 15 mai 2015, les observations finales ci-après.

Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir accepté la procédure facultative pour l’établissement des rapports, ce qui permet de mieux cibler le dialogue entre l’État partie et le Comité.

Le Comité se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation plurisectorielle de haut niveau de l’État partie, ainsi que des explications et renseignements complémentaires fournis par la délégation.

Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après ou qu’il y a adhéré :

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, le 3 juin 2013 ;

b)Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le 23 septembre 2010 ;

c)La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, le 1er août 2014 ;

d)La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, le 10 septembre 2010.

Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption par l’État partie des mesures d’ordre législatif ci-après portant sur des domaines qui touchent à la Convention :

a)La loi no 4/2015 du 27 avril relative au statut des victimes d’infractions ;

b)Le décret royal no 162/2014 du 14 mars portant adoption du règlement intérieur des centres d’internement administratif des étrangers.

Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour modifier ses politiques et procédures en vue d’assurer une protection accrue des droits de l’homme et d’appliquer la Convention, en particulier :

a)L’adoption de la Stratégie nationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes (2013-2016) ;

b)L’adoption de la circulaire no 2/2012 du 16 mai de la Direction générale de la police, dans le cadre d’une stratégie globale de lutte contre le racisme ;

c)L’adoption de la Stratégie de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et les autres formes d’intolérance qui y sont associées, en novembre 2011 ;

d)L’adoption du Protocole-cadre de protection des victimes de la traite des êtres humains, en octobre 2011 ;

e)L’adoption en 2010 du Protocole d’intervention dans les centres et/ou résidences pour mineurs ayant des problèmes de comportement dûment diagnostiqués  ;

f)La création de l’application informatique « Plan national des droits de l’homme » qui, depuis 2010, permet de recueillir des données actualisées sur des opérations de police susceptibles de comporter un excès de pouvoir ou des violations des droits des personnes placées en garde à vue.

Le Comité prend note aussi des informations données par l’État partie au sujet des possibilités d’appliquer directement les dispositions de la Convention et des cas dans lesquels ces dispositions ont été invoquées devant les tribunaux nationaux.

Principaux motifs de préoccupation et recommandations

Définition et incrimination de la torture

Le Comité a pris note des explications données par la délégation, mais il est préoccupé par le fait que le Code pénal continue de ne pas refléter intégralement la définition qui figure à l’article premier de la Convention. Il n’a pas non plus été apporté de modifications aux peines infligées pour les actes de torture. En vertu de l’article 174 du Code pénal, ces actes sont passibles de deux à six ans d’emprisonnement s’ils sont graves, et de un à trois ans d’emprisonnement s’ils ne le sont pas (art. 1er et 4).

Le Comité réitère ses précédentes recommandations (CAT/C/ESP/CO/5, par. 7 et 8) et exhorte l ’ État partie à envisager d ’ aligner le contenu de l ’ article 174 du Code pénal sur l ’ article premier de la Convention. De plus, l ’ État partie devrait veiller aussi à ce que les auteurs d ’ actes de torture se voient infliger des peines à la mesure de la gravité des actes commis, conformément au paragraphe 2 de l ’ article 4 de la Convention.

Imprescriptibilité de la torture

Le Comité est préoccupé par le fait que la prescription prévue à l’article 174 du Code pénal pour l’infraction de torture demeure en vigueur mais il note avec satisfaction que cette infraction est imprescriptible lorsqu’elle est constitutive d’un crime contre l’humanité (art. 1er, 4 et 12).

Le Comité réitère sa précédente recommandation (CAT/C/ESP/CO/5, par. 22) et demande instamment à l ’ État partie de faire en sorte que les actes de torture ne fassent l ’ objet d ’ aucun régime de prescription.

Détention au secret et garanties fondamentales

Le Comité prend note des déclarations de l’État partie selon lesquelles la détention au secret est un régime exceptionnel qui dans tous les cas doit être autorisé par une décision judiciaire motivée et argumentée, la situation personnelle du détenu étant sous le contrôle permanent et direct du juge. Le Comité note avec satisfaction la diminution spectaculaire de ce type de détention. Il note avec intérêt l’existence d’un projet de loi visant à modifier la loi de procédure criminelle, qui régit la détention au secret. Nonobstant tout ce qui précède, le Comité demeure profondément préoccupé par le maintien de la détention au secret pendant une durée pouvant aller jusqu’à treize jours dans le cas d’actes terroristes et d’agissements en bande armée, et par les restrictions des garanties fondamentales que cela suppose pour les personnes privées de liberté (art. 2 et 16).

Se référant à ses précédentes observations finales (CAT/C/ESP/CO/5, par. 12), le Comité recommande de nouveau à l ’ État partie de réviser le régime de détention au secret en vue de son abolition et de garantir que toutes les personnes privées de liberté, en particulier les mineurs, bénéficient des garanties fondamentales dès le moment de leur arrestation. L ’ État partie doit garantir à tous les détenus le droit à l ’ aide juridictionnelle et le droit de communiquer de manière confidentielle avec leur représentant légal, de prendre contact avec leurs proches ou d ’ autres personnes de leur choix, qui devront être informés du lieu de détention, et de bénéficier sans retard d ’ un examen médical indépendant. L ’ État partie doit également s ’ assurer que la réforme de la loi de procédure criminelle n ’ établira aucune limitation, même discrétionnaire, des droits des personnes privées de liberté.

Enregistrement par des moyens audiovisuels

Le Comité constate avec satisfaction que le juge peut ordonner l’enregistrement d’interrogatoires en tant qu’éléments de preuve dans les procédures pénales mais il se dit préoccupé par le fait qu’actuellement les locaux de la police et autres lieux de détention ne disposent pas tous de systèmes de vidéosurveillance. Il estime aussi préoccupantes les informations selon lesquelles on n’enregistre pas systématiquement le comportement de la police dans les lieux de détention déjà équipés de systèmes de vidéosurveillance (art. 2 et 16).

L ’ État partie doit assurer l ’ enregistrement par des moyens audiovisuels des activités dans les locaux de la police et autre s lieux de détention en ce qui concerne toutes les personnes privées de liberté, y compris celles qui sont détenues au secret, sauf dans les cas où cela pourrait porter atteinte au droit des détenus à l ’ intimité ou à leur droit de communiquer de manière confidentielle avec leur avocat ou un médecin. Ces enregistrements doivent être conservés en lieu sûr et mis à la disposition des enquêteurs, des détenus et de leurs avocats.

Assurances diplomatiques

Le Comité prend note du fait que, d’après l’État partie, si au moment de se prononcer sur une demande d’extradition l’autorité compétente considère qu’il existe des motifs sérieux de croire que l’intéressé risque d’être soumis à la torture en cas d’extradition, celui-ci n’est pas extradé. Le Comité est néanmoins préoccupé par les plaintes concernant l’extradition ou l’expulsion d’étrangers vers d’autres pays, qui donnent parfois des assurances diplomatiques, alors que ces personnes courent le risque réel et prévisible d’être soumises à la torture ou à de mauvais traitements. Le Comité est préoccupé en particulier par le fait que l’État partie ait accepté des assurances diplomatiques dans les cas d’Alexandr Pavlov, même si l’asile lui a finalement été accordé, et d’Ali Aarrass, remis aux autorités marocaines en 2010 alors qu’il courait le risque d’être soumis à la torture s’il était renvoyé et que le Comité des droits de l’homme avait demandé que des mesures de protection soient prises à son endroit (CCPR/C/111/D/2008/2010, par. 8.1). Dans ce dernier cas, le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a procédé au suivi de ces plaintes pendant la visite qu’il a effectuée au Maroc en 2012 (A/HRC/25/74, p. 64) (art. 3, 6 et 7).

Le Comité rappelle à l ’ État partie qu ’ il doit veiller à ce que nul ne soit expulsé, refoulé ou extradé vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu ’ une personne est exposée à un risque, personnel et prévisible, d ’ être soumise à la torture. En outre, l ’ État partie doit s ’ abstenir de demander ou d ’ accepter en pareil cas des assurances diplomatiques comme garantie contre la torture ou les mauvais traitements . Le Comité indique que les actes de torture dénoncés par Ali Aarrass pourraient constituer une violation des dispositions de la Convention, et demande instamment l ’ ouverture d ’ une enquête rapidement .

Non-refoulement

Le Comité se dit vivement préoccupé par les refoulements sommaires, appelés « expulsions à chaud », auxquels il est procédé à partir des villes autonomes de Ceuta et de Melilla sans évaluation préalable du risque que comporte un renvoi et qui empêchent d’accéder aux procédures de détermination du statut de réfugié. À cet égard, le Comité constate avec préoccupation que la première disposition finale de la loi sur la sécurité des citoyens, adoptée en mars 2015, modifie la loi sur les étrangers afin de donner une couverture légale à ces refoulements sommaires, au titre de la nouvelle notion juridique de « refoulement à la frontière » (art. 3).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de réviser la législation en matière d ’ immigration et d ’ asile afin d ’ assurer le respect absolu du droit au non-refoulement consacré par l ’ article 3 de la Convention, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour l ’ appliquer pleinement dans la pratique en toutes circonstances. L ’ État partie doit également faire en sorte que chaque cas soit évalué individuellement et que les victimes possibles de torture so ie nt identifiées, et garantir que toutes les personnes ayant besoin d ’ une protection internationale aient accès aux procédures d ’ asile, y compris à la procédure de détermination du statut de réfugié.

Obligation d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare)

Le Comité constate avec préoccupation le refus opposé par l’État partie aux demandes d’extradition déposées par les autorités argentines à l’encontre des responsables présumés, dont plusieurs anciens ministres, de faits de torture commis sous le régime franquiste. Selon l’État partie, les faits dont on accuse ces personnes ne sont pas constitutifs de crimes contre l’humanité et sont donc prescrits. À cet égard, le Comité craint qu’outre qu’elle constituerait une violation de la Convention (art. 5 et 7), cette situation n’aboutisse à l’impunité dans les cas où l’État partie n’ouvrirait pas d’enquête sur les infractions présumées.

Le Comité rappelle à l ’ État partie que, pour éviter l ’ impunité, il doit appliquer le principe a ut dedere aut judicare lorsque l ’ auteur présumé d ’ actes de torture est présent sur son territoire, conformément au paragraphe 2 de l ’ article 5 de la Convention. Il rappelle également que les enquêtes et les poursuites concernant des actes de torture ne doivent pas être entravées par les effets du régime de prescription.

Amnistie

Le Comité constate avec une vive préoccupation le maintien en vigueur de la loi d’amnistie de 1977. En outre, le Comité est préoccupé par le fait que la Cour suprême a établi qu’il n’y avait pas lieu d’ouvrir une enquête pénale pour violations graves des droits de l’homme commises pendant la guerre civile et sous le régime franquiste (1936-1975) au motif, entre autres choses, que ces infractions seraient prescrites, que les responsables présumés seraient décédés ou que la loi d’amnistie de 1977 leur serait applicable (art. 12, 13 et 14).

Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ adopter toutes les mesures , législatives ou autres , nécessaires pour que les actes de torture, y compris les disparitions forcées, ne puissent pas faire l ’ objet d ’ une amnistie ou d ’ une prescription, et pour que cette interdiction soit rigoureusement respectée dans la pratique. En outre, l ’ État partie devrait veiller à ce que les victimes de torture et de mauvais traitements bénéficient d ’ une réparation et d ’ une indemnisation appropriées, ainsi que d ’ une réadaptation aussi complète que possible. Le Comité rappelle que la disparition forcée constitue une infraction permanente et une violation continue des droits de l ’ homme tant que le sort réservé à la victime et le lieu où elle se trouve n ’ ont pas été établis.

Centres de séjour temporaire pour migrants

Le Comité accueille avec satisfaction l’existence d’un programme de réformes dans les centres de séjour temporaire pour migrants, qui vise à faire face au fort accroissement du nombre d’arrivées depuis la mi-2014, mais il est préoccupé par la persistance, dans ces centres, de niveaux élevés de surpopulation et de l’état déplorable de leurs installations, qui représentent, de l’avis du Comité, une menace pour la sécurité, la santé et l’intégrité physique et psychologique des personnes qui y sont logées. Le Comité prend note avec satisfaction des informations fournies par la délégation selon lesquelles, depuis 2014, les centres de séjour temporaire pour migrants ont été visités par plusieurs organisations non gouvernementales et organismes internationaux de défense des droits de l’homme. Toutefois, dans au moins un cas, une organisation non gouvernementale internationale se serait vu refuser l’accès à un centre, encore qu’il lui a été proposé de demander l’autorisation d’effectuer une nouvelle visite ultérieurement (art. 11).

De toute urgence, l ’ État partie doit redoubler d ’ efforts pour réduire les niveaux de surpopulation dans les centres de séjour temporaire pour migrants et adopter toutes les mesures nécessaires pour améliorer l ’ état matériel de leurs installations, en particulier celles qui sont destinées aux personnes ayant des besoins spéciaux, comme les femmes seules ou accompagnées d ’ enfants. L ’ État partie doit aussi assurer l ’ intégrité physique et psychologique de toutes les personnes qui sont logées dans ces centres. En outre, le Comité engage l ’ État partie à faciliter les activités de surveillance que mènent les organisations non gouvernementales dans les centres de séjour temporaire pour migrants .

Mise à l’isolement

Le Comité prend note des informations données par l’État partie au cours du dialogue selon lesquelles la mise à l’isolement prolongée est soumise à une autorisation judiciaire et à une surveillance étroite de la part du personnel médical. En outre, l’État partie a indiqué que la mise à l’isolement prolongé ne s’applique qu’après trois infractions disciplinaires très graves. Le Comité est néanmoins préoccupé par le fait que ce traitement peut durer jusqu’à quarante-deux jours. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur le fait qu’une application abusive de la mise à l’isolement constitue une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant, voire de la torture dans certains cas (art. 11).

Compte tenu des recommandations formulées par le Rapporteur spécial sur la torture (A/66/268, par. 88), le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ interdire de manière absolue la mise à l ’ isolement pendant plus de quinze jours. De plus, l ’ État partie devrait veiller à ce que la mise à l ’ isolement soit utilisée seulement comme mesure de dernier recours, pendant la durée la plus courte possible et dans de strictes conditions de surveillance et de contrôle judiciaire s .

Usage excessif de la force par les agents des forces de l’ordre

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de l’usage excessif de la force par les forces de l’ordre, en particulier lors de faits survenus pendant les manifestations de 2011 et 2012 contre les mesures d’austérité. Sont également préoccupants les renseignements reçus concernant des mauvais traitements infligés à des migrants par les agents chargés de surveiller les frontières des villes autonomes de Ceuta et Melilla. En particulier, le Comité déplore le décès d’au moins 14 personnes qui tentaient le 6 février 2014 de gagner la plage d’El Tarajal à la nage. Selon les informations dont le Comité dispose, pendant les faits en question les agents de la Garde civile auraient tiré des balles de caoutchouc et des fumigènes pour les repousser.

L ’ État partie devrait adopter des mesures efficaces pour prévenir et faire cesser l ’ usage disproportionné de la force par les agents des forces de l ’ ordre , en veillant à édicter des normes claires et contraignantes qui soient pleinement conformes aux Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois. L ’ État partie doit aussi garantir l ’ ouverture rapide d ’ enquêtes exhaustives et impartiales concernant tous les actes de brutalité ou d ’ usage excessif de la force commis par les agents des forces de l ’ ordre, et traduire en justice les responsables présumés de ces actes.

Impunité et absence d’enquête exhaustive et efficace

Le Comité se dit gravement préoccupé par des informations selon lesquelles les autorités espagnoles n’ouvrent pas rapidement des enquêtes efficaces, impartiales et complètes sur les plaintes déposées pour des actes de torture et mauvais traitements qui seraient commis par les forces et les organismes de sécurité, notamment les plaintes pour des actes qui auraient été commis pendant la mise au secret ou pour usage excessif de la force par la police. En outre, selon les informations reçues, les pouvoirs publics ne seraient guère enclins à traduire en justice les présumés coupables. Le Comité craint que de telles pratiques ne contribuent à créer une culture d’impunité au sein des forces de l’ordre (art. 2, 11, 12, 13 et 16). En particulier, il est préoccupé par :

a)Les difficultés éprouvées pour identifier les agents responsables, bien que le Comité note que le numéro matricule que portent les agents des unités d’intervention policière serait désormais plus grand, à la suite d’une recommandation de la Médiatrice (Defensora del Pueblo). L’absence d’identification semble avoir souvent entravé la bonne marche des enquêtes, comme dans les cas de Ángela Jaramillo en 2011 et de Consuelo Baudín en 2012, ainsi que les poursuites à l’encontre des auteurs présumés de mauvais traitements et d’usage excessif de la force ;

b)Les informations qui font état de difficultés dans l’obtention de soins médicaux pendant la garde à vue et de carences dans la qualité et la précision des expertises médico-légales ;

c)L’absence de mesures concrètes visant à garantir la protection du plaignant contre tout mauvais traitement ou intimidation suivant le dépôt d’une plainte ;

d)Le fait que, selon les informations reçues, on impose aux accusés des peines légères qui ne sont pas proportionnelles à la gravité des actes commis ou qu’on leur accorde la grâce, comme dans le cas de trois agents des Mossos d’Esquadra qui avaient été condamnés en 2012 pour des faits de torture ;

e)Le peu de statistiques ventilées et complètes sur les plaintes, enquêtes, poursuites, procès et condamnations pour faits de torture, mauvais traitements et usage abusif de la force par la police, et sur les peines prononcées, malgré la création de l’application informatique « Plan national des droits de l’homme », qui est entrée en service en 2010.

Le Comité invite instamment l ’ État partie à lutter contre l ’ impunité en faisant en sorte qu ’ un mécanisme indépendant mène rapidement des enquêtes impartiales et exhaustives concernant toutes les plaintes déposées pour actes de torture et mauvais traitements commis par des agents des forces de l ’ ordre. En particulier, il recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que à tout moment, les agents des forces de l ’ ordre puissent être facilement identifiés dans l ’ exercice de leurs fonctions de protection de l ’ ordre public  ;

b) D ’ adopter toutes les mesures voulues pour que des examens médicaux exhaustifs et impartiaux soient réalisés sur tous les détenus, que les expertises médico-légales soient précises et de qualité, et que les victimes obtiennent aisément d es rapports médicaux à l ’ appui de leurs accusations  ;

c) De veiller à ce que, dans la pratique, les personnes ayant dénoncé des cas de torture et de mauvais traitements soient protégées contre les représailles  ;

d) De faire en sorte que les coupables soient traduits en justice et condamnés à des peines qui soient à la mesure de la gravité des infractions commises, et que l ’ ordre juridique interne prévoie l ’ interdiction de gracier les personnes déclarées coupables d ’ avoir commis des actes de torture, ce qui constitue une violation de la Convention  ;

e) De réunir des données statistiques détaillées, ventilées par sexe, ethnie ou nationalité, âge et région géographique, sur les plaintes pour faits de torture, mauvais traitements ou usage abusif de la force par la police, et sur les enquêtes, poursuites et procès (en précisant l ’ infraction) ainsi que sur les sanctions disciplinaires ou pénales correspondantes.

Réparation et réadaptation en faveur des victimes de la torture

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi relative au Statut des victimes d’infractions, qui établit une nomenclature générale des droits procéduraux et extraprocéduraux de toutes les victimes d’infractions, mais il est préoccupé par les difficultés auxquelles se heurtent les victimes qui veulent obtenir réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation suffisante, faute d’enquête appropriée sur les tortures et les mauvais traitements infligés. Par ailleurs, le Comité regrette l’absence de données statistiques ou d’exemples d’affaires dans lesquelles les victimes ont reçu réparation, notamment sous forme d’indemnisation et de réadaptation (art. 14).

L ’ État partie devrait s ’ employer davantage à ce que les victimes de torture et de mauvais traitements obtiennent une indemnisation équitable et suffisante , ainsi qu ’ un traitement de réadaptation le plus compl et possible. En outre , l ’ État partie devrait collecter des données et fournir des informations, dans son prochain rapport périodique, sur les affaires et la nature des indemnisations et réadaptations qui ont été accordées .

Violence contre la femme

Le Comité prend note avec satisfaction des mesures prises par l’État partie pour traiter de manière complète les diverses formes de violence infligées aux femmes, conformément à la Stratégie nationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes (2013‑2016) et par l’intermédiaire des unités d’évaluation médico-légale. Le Comité est néanmoins préoccupé par la persistance de ce type de violence qui débouche parfois sur le meurtre de la victime, et par le fait que, selon certaines informations, les victimes se heurtent souvent à des obstacles pour porter plainte, accéder aux moyens de protection nécessaires et obtenir réparation (art. 2 et 16).

Le Comité exhorte l ’ État partie à faire plus d ’ efforts pour prévenir, combattre et sanctionner la violence contre les femmes, à poursuivre les campagnes de sensibilisation et à dispenser les programmes de formation à l ’ intention de s fonctionnaires. L ’ État partie devrait prendre des mesures pour faciliter le dépôt de plaintes par les victimes, informer celles-ci sur les voies de recours possibles et veiller à ce que toutes les plaintes fassent rapidement l ’ objet d ’ une enquête impartiale et efficace et à ce que les victimes aient un accès effectif à des moyens de protection et à une indemnisation. De même, malgré la crise économique, l ’ État partie devrait affecter d es ressources financières suffisantes au bon fonctionnement des services de prise en charge complète des victimes de la violence sexiste.

Migrantes sans papiers

Le Comité accueille avec satisfaction le fait que la loi organique no 4/2000 relative aux droits et libertés des étrangers en Espagne et à leur intégration sociale a été modifiée par la loi organique no 10/2011, du 27 juillet, qui a pour but de favoriser la présentation, par des étrangères, de plaintes pour faits constitutifs de violence sexiste. Néanmoins, le Comité juge préoccupant le fait que les migrantes sans papiers ne peuvent échapper aux sanctions pour situation irrégulière que si elles prouvent, devant la justice, qu’elles sont victimes, ce qui peut les dissuader de déposer plainte pour violence sexiste par peur d’être expulsées du territoire de l’État partie (art. 2, 13 et 16).

L ’ État partie devrait revoir les dispositions législatives relatives aux migrantes en situation irrégulière afin de garantir leur protection en cas de violence sexiste lorsqu ’ une procédure administrative est engagée contre elles pour séjour irrégulier ou qu ’ une procédure initialement suspendue est rouverte après la présentation par elles d ’ une plainte pour violence sexiste.

Formation des agents des forces de l’ordre et du personnel médical

Le Comité prend note des programmes de formation initiale et continue aux droits de l’homme destinés à la Police nationale et à la Garde civile. Néanmoins, il est préoccupé par des informations selon lesquelles on n’insiste pas assez dans les programmes de formation des forces de l’ordre sur l’interdiction de la torture et sur l’utilisation légitime de la force. Il est également préoccupé par le fait que, selon certaines informations, la formation relative au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) n’est pas dispensée à l’ensemble du personnel médical qui s’occupe des personnes privées de liberté. De même, le Comité regrette l’absence d’information sur l’évaluation des effets des programmes de formation sur la réduction du nombre de cas de torture et de mauvais traitements (art. 10).

L ’ État partie doit continuer de renforcer et d ’ étoffer ses programmes de formation afin que l ’ ensemble des fonctionnaires, y compris les agents des forces de l ’ ordre, le personnel pénitentiaire et les gardes frontière, connaissent bien les dispositions de la Convention et l ’ interdiction absolue de la torture. Ces fonctionnaires devraient recevoir une formation spécifique concernant la détection d ’ indices de torture et de mauvais traitements, l ’ utilisation du matériel de police et du matériel anti-émeutes et l ’ usage adéquat de la force, uniquement à titre exceptionnel et de façon appropriée . Le Comité recommande aussi que le Protocole d ’ Istanbul figure dans le programme de formation des médecins. L ’ État partie doit aussi élaborer et appliquer une méthode d ’ évaluation de l ’ efficacité de ces programmes de formation et rendre compte au Comité des résultats obtenus.

Procédure de suivi

Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, au plus tard le 15 mai 2016, des informations sur la suite donnée à ses recommandations concernant : a) la détention au secret et les garanties fondamentales ; b) les centres de séjour temporaire pour migrants ; c) la mise à l’isolement ; et d) l’usage excessif de la force par les agents des forces de l’ordre ; ces recommandations figurent respectivement aux paragraphes 10, 16, 17 et 18 du présent document.

Autres questions

Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier d’autres traités sur les droits de l’homme de l’ONU auxquels il n’est pas encore partie, par exemple la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

L’État partie est prié de diffuser largement le rapport présenté au Comité, ainsi que les observations finales de ce dernier, dans les langues voulues, au moyen de sites Web officiels et par l’intermédiaire de médias et d’organisations non gouvernementales.

Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique, qui sera le septième, le 15 mai 2019 au plus tard. À cette fin, le Comité présentera en temps utile à l’État partie une liste préalable de points à traiter dans le rapport, compte tenu du fait que l’État partie a accepté la procédure facultative pour l’établissement des rapports.