Nations Unies

CMW/C/CHL/CO/1

Convention internationalesur la protection des droitsde tous les travailleursmigrants et des membresde leur famille

Distr. générale

19 octobre 2011

Français

Original: anglais

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Quinzième session

12-23 septembre 2011

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 74 de la Convention

Observations finales du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Chili

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Chili (CMW/C/CHL/1) à ses 169e et 170e séances (CMW/C/SR.169 et 170), les 13 et 14 septembre 2011. Il a adopté les observations finales ci-après à sa 180e séance, le 21 septembre 2011.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial complet de l’État partie et ses réponses détaillées à la liste des points à traiter ainsi que les renseignements complémentaires précis de la délégation. Il se félicite du niveau de la délégation et du dialogue constructif qui a eu lieu.

3.Le Comité note que certains des pays dans lesquels se trouvent des travailleurs migrants chiliens ne sont pas encore parties à la Convention, ce qui entrave l’exercice par ces travailleurs des droits protégés par la Convention.

4.Le Comité se réjouit des nombreuses contributions apportées par des organisations non gouvernementales à l’occasion de l’examen du rapport initial du Chili.

B.Aspects positifs

5.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi no 20.507 du 1er avril 2011 sur la traite des personnes.

6.Le Comité se félicite également de la signature d’accords relatifs aux travailleurs migrants, dont:

a)Les accords intersectoriels pour l’intégration de la population migrante;

b)Les accords internationaux relatifs à la sécurité sociale;

c)Les accords conclus par le Chili en tant que membre associé du Marché commun du Sud (MERCOSUR);

d)L’accord de coopération entre l’administration pénitentiaire chilienne et l’Organisation internationale pour les migrations.

7.Le Comité prend acte avec satisfaction de la ratification par l’État partie des instruments suivants:

a)Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (2008);

b)Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (2008);

c)Convention relative aux droits des personnes handicapées et Protocole facultatif s’y rapportant (2008);

d)Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (2009);

e)Conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) (no 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957 (1999), et (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 (2000).

C.Principaux sujets de préoccupation, suggestions et recommandations

1.Mesures générales d’application (art. 73 et 84)

Législation et mise en œuvre

8.Le Comité note qu’un projet de loi sur la migration est en cours d’élaboration dans l’État partie.

Le Comité invite l’État partie à faire en sorte que le projet de loi sur la migration soit adopté et qu’il soit pleinement conforme aux normes internationales qui protègent les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille et, en particulier, aux dispositions de la Convention.

10.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas retiré ses réserves au paragraphe 5 de l’article 22 et au paragraphe 2 de l’article 48 de la Convention et qu’il ne procède pas au réexamen de ces réserves.

Le Comité invite l’État partie à songer à retirer ses réserves au paragraphe5 de l’article 22 et au paragraphe 2 de l’article 48 de la Convention.

12.Le Comité relève que l’État partie n’a toujours pas fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention, par lesquelles il reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir des communications émanant d’États parties et de particuliers.

Le Comité encourage l’État partie à faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

14.Tout en saluant la création, en 2009, de l’institution nationale des droits de l’homme, le Comité regrette que sa conformité avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) n’ait pas encore été vérifiée, et que de ce fait elle n’a pas encore été accréditée auprès du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour:

a)Faire en sorte que l’institution nationale des droits de l’homme soit conforme aux Principes de Paris;

b)Allouer des ressources suffisantes à cette institution et lui confier un mandat spécifique concernant les travailleurs migrants;

c)Solliciter, au besoin, l’assistance du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) à cet effet.

Collecte de données

16.Tout en constatant que des données sur les travailleurs migrants ventilées par nationalité et par sexe ont été rassemblées, le Comité note l’absence de séries chronologiques de données et d’estimations concernant le nombre de travailleurs migrants et de membres de leur famille en situation irrégulière dans le pays.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un système national d’information sur la migration. Il lui recommande également de veiller à ce que cette base de données centralisée porte sur tous les aspects de la Convention et contienne des renseignements détaillés sur les travailleurs migrants présents dans l’État partie, les travailleurs migrants en transit et les travailleurs migrants chiliens qui se trouvent à l’étranger, et l’encourage à recueillir des informations et des statistiques ventilées par sexe, âge et activité professionnelle. Lorsqu’il n’est pas possible d’obtenir des renseignements précis, par exemple au sujet des travailleurs migrants en situation irrégulière, le Comité souhaiterait recevoir des données fondées sur des études ou des estimations.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Non-discrimination

18.Tout en saluant les différentes initiatives prises pour combattre la discrimination à l’égard des travailleurs migrants, le Comité s’inquiète des informations indiquant que les travailleurs migrants et les membres de leur famille sont victimes d’attitudes discriminatoires et de stigmatisation sociale dans l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures palliatives et de renforcer les dispositions qu’il a déjà prises pour lutter contre les attitudes discriminatoires et la stigmatisation sociale, notamment en organisant des campagnes de sensibilisation à l’intention du grand public, des enseignants, des fonctionnaires des services d’immigration et des professionnels des médias.

20.Le Comité note avec préoccupation que, conformément à la loi sur les étrangers, lorsqu’un travailleur migrant enfreint la législation relative à l’immigration, ses documents d’identité sont confisqués et remplacés par une carte de contrevenant étranger jusqu’à ce que le Ministère de l’intérieur ait statué sur l’infraction.

Le Comité encourage l’État partie à abolir la pratique consistant à remplacer les documents d’identité des travailleurs migrants par une carte de contrevenant étranger en cas d’infraction à la législation relative à l’immigration.

22.Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que certains agents de la police chargés de la surveillance des frontières refusent arbitrairement d’apposer un cachet sur les passeports au moment de l’entrée dans l’État partie, ce qui cause souvent à l’émigré des problèmes par la suite lorsqu’il souhaite régulariser sa situation.

Le Comité engage instamment l’État partie à veiller à ce que les pratiques auxquelles recourent les fonctionnaires de la police des frontières soient conformes aux dispositions de la Convention.

3.Droits fondamentaux de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

24.Le Comité relève avec préoccupation que les travailleurs migrants ont besoin d’une autorisation pour quitter le pays s’ils ont été sanctionnés par les autorités administratives pour avoir enfreint le décret-loi no 1.094 sur les étrangers de 1975.

Le Comité demande instamment à l’État partie de revoir ses dispositions législatives afin d’assurer que les travailleurs migrants, notamment ceux qui ont été sanctionnés par les autorités administratives pour avoir enfreint le décret-loi no 1.094,soient libres de quitter l’État partie, à moins que les restrictionsdont ils font l’objet ne soient nécessaires conformément à l’article 8 de la Convention,pour la protection de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques, ou des droits et libertés d’autrui.

26.Le Comité note que les travailleurs migrants arrêtés pour infraction à la législation relative à l’immigration sont placés en rétention administrative et s’inquiète de n’avoir reçu aucune information concernant la durée et les conditions de la rétention.

Le Comité recommande à l’État partie:

a)De faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations détaillées concernant le nombre de migrants placés en rétention pour infraction à la législation relative à l’immigration ainsi que les conditions et la durée de la rétention;

b)De veiller à ce que les conditions de détention dans les centres de rétention pour migrants soient conformes aux normes internationales.

28.Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que la procédure de recours contre les décisions d’expulsion n’est pas suffisamment accessible en raison notamment de la brièveté du délai de recours contre les décisions d’expulsion.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que la procédure de recours contre les décisions d’expulsion soit accessible aux travailleurs migrants, notamment en rallongeant le délai de recours, et que le cadre juridique régissant les procédures d’expulsion et de renvoi soit dûment respecté.

30.Tout en saluant la publication par le Ministère de la santé de l’instruction officielle no 3229 du 11 juin 2008 sur l’accès des migrants en situation irrégulière aux soins médicaux d’urgence et l’accès des femmes enceintes et des enfants en situation irrégulière à des soins de santé, le Comité demeure préoccupé par les informations indiquant que cette instruction n’est pas appliquée et que les professionnels de la santé ne connaissent pas les droits des travailleurs migrants en ce qui concerne l’accès aux soins de santé.

Le Comité recommande à l’État partie d’assurer l’application effective de l’instruction officielle no 3229 du 11 juin 2008 sur l’accès des travailleurs migrants aux soins de santé, notamment en diffusant les dispositions de ce texte auprès des professionnels de la santé et en mettant en place un mécanisme pour en surveiller l’application.

32.Le Comité note que les enfants de parents en situation irrégulière sont inscrits dans le registre officiel sous la mention «Enfants de parents étrangers en transit» et qu’ils disposent d’une année pour demander la nationalité chilienne immédiatement après leur vingt et unième anniversaire. Toutefois, le Comité est préoccupé par le cas des enfants de parents en situation irrégulière qui se retrouvent sur le territoire chilien sans nationalité.

Le Comité encourage l’État partie à accorder la nationalité aux enfants nés au Chili de parents en situation irrégulière lorsque leurs parents ne peuvent pas leur transmettre leur nationalité. Il l’encourage également à adhérer à la Convention relative au statut des apatrides de 1954 et à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie de 1961.

34.Tout en se félicitant de la publication par le Ministère de l’éducation de l’instruction officielle no 07/1008 (1531) de 2005 sur l’inscription et la présence dans les écoles des enfants migrants en situation irrégulière, le Comité demeure préoccupé par les informations qu’il a reçues indiquant que, dans certains cas, ces enfants ne reçoivent pas de diplôme du fait qu’ils ne peuvent pas produire les documents requis, que leurs résultats scolaires et leurs diplômes ne sont pas inscrits sur le registre national et que certaines écoles refusent de réinscrire des enfants migrants dont la situation n’a pas été régularisée.

Le Comité recommande à l’État partie de garantir la mise en œuvre effective de l’institution officielle no 07/1008 (1531) de 2005 sur l’admission et la présence dans les écoles des enfants migrants, notamment en veillant à ce qu’elle soit diffusée dans tous les établissements d’enseignement et en mettant en place un mécanisme pour en surveiller l’application.

36.Le Comité est préoccupé par les informations qu’il a reçues concernant la vulnérabilité des migrantes employées comme domestiques, en particulier celles qui sont en situation irrégulière, qui sont souvent victimes de mauvais traitements, d’exploitation ou de conditions de travail abusives.

Le Comité recommande à l’État partie de protéger les femmes employées comme domestiques, en faisant en sorte que l’inspection du travail contrôle davantage et plus systématiquement leurs conditions de travail, conformément à l’Observation générale no 1 (2010) du Comité sur les travailleurs domestiques migrants. Le Comité engage aussi l’État partie à veiller à ce que ces travailleuses migrantes aient réellement accès à des mécanismes pour porter plainte contre un employeur et à ce que tous les abus, y compris les mauvais traitements, fassent l’objet d’une enquête et, le cas échéant, de sanctions.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui sont pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

38.Le Comité est préoccupé par le fait que, selon certaines informations qu’il a reçues, dans la pratique, certains travailleurs migrants rencontrent des obstacles au regroupement familial ainsi que par l’absence de cadre juridique pour régir le regroupement familial.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à incorporer dans la loi sur la migration des dispositions sur le regroupement familial, conformément à l’article 44 de la Convention.

40.Le Comité relève l’absence d’informations sur les mesures prises pour faciliter le virement des revenus et de l’épargne des travailleurs migrants.

Le Comité encourage l’État partie à faire le nécessaire pour que les travailleurs migrants aient le droit de virer leurs revenus et leur épargne du Chili vers leur pays d’origine ou tout autre pays.

42.Tout en prenant note des explications données par la délégation au sujet de l’aide apportée aux proches en cas de décès d’un travailleur migrant ou de dissolution de son mariage, le Comité demeure préoccupé par l’absence de dispositions législatives garantissant la délivrance d’un permis de séjour temporaire aux proches des travailleurs migrants dans ces situations.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter un cadre législatif pour garantir l’octroi de permis de séjour temporaires aux proches, en cas de décès d’un travailleur migrant ou de dissolution du mariage, conformément à l’article 50 de la Convention.

44.Le Comité note avec préoccupation que le Code du travail dispose que, dans les entreprises employant plus de 25 personnes, au moins 85 % des travailleurs doivent être de nationalité chilienne.

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que les restrictions relatives à l’emploi de travailleurs migrants en situation régulière ne soient appliquées: a) qu’à l’égard des travailleurs migrants dont le permis de travail est d’une durée inférieure à cinq ans; ou b) qu’à des catégories limitées d’emplois, fonctions, services ou activités, lorsque l’intérêt de l’État partie l’exige, conformément à l’article 52 de la Convention.

5.Promotion de conditions saines, équitables, humaines et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

46.Tout en saluant l’adoption de la loi no 20.507 sur la traite des êtres humains du 1er avril 2011 et les autres mesures prises pour combattre ce phénomène, le Comité note qu’il existe encore des cas de traite dans l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie:

a)De rassembler systématiquement des données ventilées sur la traite des êtres humains;

b)D’assurer l’application de la loi sur la traite, notamment en affectant des ressources financières et humaines suffisantes et en mettant en place un mécanisme pour surveiller l’application de la loi;

c)De poursuivre ses campagnes de prévention de la traite;

d)De continuer à assurer la formation systématique des membres de la police et des organes chargés d’appliquer la loi, des juges, des procureurs, des inspecteurs du travail, des enseignants, des professionnels de la santé et des fonctionnaires des ambassades et consulats chiliens;

e)De faire en sorte que les responsables de la traite soient traduits en justice et dûment punis;

f)De continuer à apporter une protection et à garantir l’assistance d’un avocat et d’un médecin à toutes les victimes de la traite, notamment en leur délivrant des permis de séjour temporaires, en leur trouvant des refuges et en élaborant des programmes pour les aider à refaire leur vie.

6.Travailleurs migrants chiliens vivant à l’étranger

48.Tout en prenant note des difficultés auxquelles doit faire face l’État partie en ce qui concerne la participation des travailleurs migrants chiliens vivant à l’étranger aux élections, le Comité est préoccupé par le fait que ces migrants ne peuvent pas exercer leur droit de vote aux élections organisées dans l’État partie.

Le Comité encourage l’État partie à redoubler d’efforts pour permettre aux travailleurs migrants chiliens vivant à l’étranger d’exercer leur droit de vote aux élections dans l’État partie.

50.Tout en accueillant avec intérêt les mesures prises par le passé pour aider au retour les ressortissants chiliens, le Comité note les informations reçues par les travailleurs migrants qui se sont plaints de l’absence de politique spécifique sur la question.

Le Comité encourage l’État partie à redynamiser ses mesures pour faciliter le retour volontaire des travailleurs migrants et des membres de leur famille ainsi que leur réintégration sociale et culturelle dans la durée.

7.Suivi et diffusion

Suivi

52.Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son deuxième rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il lui recommande également de prendre toutes les mesures voulues pour assurer la mise en œuvre des présentes recommandations, notamment en les transmettant aux membres du Gouvernement et du Parlement, au corps judiciaire et aux autorités locales, pour examen et suite à donner.

Diffusion

53.Le Comité prie également l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales, notamment auprès des organismes publics et du corps judiciaire, des universités, des organisations non gouvernementales et des autres membres de la société civile. Il lui recommande également de mettre sur pied un mécanisme officiel pour informer les travailleurs migrants étrangers en transit ou résidant au Chili, les travailleurs migrants chiliens et les agents diplomatiques et consulaires chiliens des droits que la Convention reconnaît aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille.

8.Prochain rapport périodique

54.Le Comité prie l’État partie de soumettre son deuxième rapport périodique le 1er octobre 2016 au plus tard et d’y faire figurer les renseignements relatifs à la suite qui aura été donnée aux présentes observations finales.