NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/TCD/11er octobre 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L ’ ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Rapports initiaux des États parties devant être soumis en 1996

TCHAD

[4 septembre 2007]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Page

Introduction1 − 84

PREMIÈRE PARTIE

LE CADRE JURIDIQUE GÉNÉRAL DE L’INTERDICTION ET DE L’ÉLIMINATION DE LA TORTURE

I.CADRE JURIDIQUE GÉNÉRAL9 − 405

II.LES AUTORITÉS JUDICIAIRES ET ADMINISTRATIVESOU AUTRES COMPÉTENCES DANS LES MATIÈRESVISÉES PAR LA CONVENTION41 − 6212

A.Les autorités judiciaires41 − 4812

B.Les autorités administratives49 − 5813

C.Les autres autorités compétentes59 − 6214

III.SITUATION RÉELLE CONCERNANT L’APPLICATIONDE LA CONVENTION63 − 7815

A.La loi relative à la santé de reproduction6515

B.Le Code de déontologie de la police nationale66 − 7815

DEUXIÈME PARTIE

INFORMATIONS SE RAPPORTANT À CHAQUE ARTICLE DE FOND DE LA CONVENTION (art. 2 à 16)

ARTICLE 2: Mesures prises pour interdire la torture79 − 16717

A.Les mesures législatives80 − 11017

B.Les mesures d’ordre règlementaire ou administratif111 − 13621

C.Les mesures judiciaires137 − 16725

ARTICLE 3: Mesures prises pour interdire l’expulsion,le refoulement et l’extradition d’une personne vers un étatoù elle risque d’être soumise à la torture168 − 22229

A.Les mesures législatives174 − 17829

B.Les mesures administratives179 − 21230

C.Les mesures judiciaires213 − 22234

TABLE DES MATIÈRES (suite)

Paragraphes Page

ARTICLE 4: Répression des actes de torture en droit interne223 − 25535

A.Les mesures législatives223 − 24735

B.Les mesures administratives248 − 25438

C.Les mesures judiciaires25539

ARTICLE 5: Principes de territorialité et d’extraterritorialité256 − 26739

ARTICLE 6: Détention préventive − garde à vue268 − 29641

A.La détention préventive269 − 28241

B.La garde à vue283 − 29642

ARTICLE 7: Conditions d’extradition297 − 30444

ARTICLE 8: Obligation de coopération305 − 30745

ARTICLE 9: L’entraide judiciaire308 − 31446

ARTICLE 10: Programme de formation contre la torture315 − 33747

ARTICLE 11: Les mécanismes de surveillance des personnes détenues338 − 36150

A.Les mesures législatives338 − 34950

B.Les mesures administratives350 − 36151

ARTICLE 12: L’obligation de procéder à une enquête immédiateen cas de torture362 − 37453

A.Les mesures législatives362 − 37153

B.Les mesures administratives372 − 37455

ARTICLE 13: Le droit des victimes de porter plainte375 − 38355

ARTICLE 14: La garantie d’une réparation et d’une indemnisationéquitable et adéquate384 − 39156

ARTICLE 15: La nullité des aveux obtenus sous la contrainte392 − 39857

ARTICLE 16: L’interdiction des actes assimilables à la torture399 − 40958

Introduction

1.Le présent rapport est élaboré conformément aux dispositions de l’article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants («la Convention») qui recommande aux États parties l’élaboration des rapports sur les mesures prises pour donner effet à leurs engagements.

2.Le Tchad a adhéré à la Convention le 9 juin 1995. Il n’a formulé aucune réserve ni fait des déclarations interprétatives au moment de l’adhésion.

3.En raison de circonstances particulières l’ayant amené à solliciter la coopération technique des Nations Unies, le Gouvernement tchadien n’a pu à ce jour déposer aucun rapport, ce qui met à la charge du Tchad un rapport initial dû le 9 juillet 1996 et deux rapports périodiques dont la période de remise était fixée au 9 juillet 2000 et 2004.

4.Le présent rapport est une réponse à l’obligation prescrite aux États parties de présenter leurs rapports. La particularité de ce rapport est qu’il est cumulatif en ce sens qu’il tient lieu de rapport initial et de deuxième et troisième rapports périodiques du Tchad.

5.Le contexte d’élaboration de ce rapport est caractérisé par l’instauration de l’état d’urgence. Cet état d’urgence, institué par décret no 1014 du 13 novembre 2006, vise à juguler les graves atteintes à l’ordre public consécutives à l’insécurité qui sévit dans les six régions concernées par les troubles ainsi que dans la ville de N’Djamena.

6.Conformément à l’article 124 de la Constitution et à l’ordonnance no 44 du 27 octobre 1962, relative à l’état d’urgence qui précise les conditions de mise en application de ce régime restrictif des libertés publiques, le Conseil des ministres en sa séance du 13 novembre 2006 a décrété l’état d’urgence, et le Gouvernement en a informé le Bureau de l’Assemblée nationale.

7.L’état d’urgence relevant du domaine de la loi et sa prorogation au-delà de douze jours ne peuvent être autorisés que par l’Assemblée nationale, celle-ci a été saisie par le Gouvernement pour ainsi obtenir la prorogation pour une durée de six mois en vertu de la résolution no 004/AN/2006 du 23 novembre 2006 de l’Assemblée nationale. À cet effet, des ministres résidents ont été nommés pour régenter ces régions troublées.

8.Les termes de référence relatifs à la mission des ministres résidents précisant le contexte de ce régime restrictif des libertés publiques soulignent que l’état d’urgence a été décrété suite aux affrontements intercommunautaires qui ont occasionné de nombreuses pertes en vies humaines et en bétail. Des villages ont été causant un déplacement massif des populations. Le nombre de personnes déplacées est estimé à 120 000 par les agences humanitaires travaillant à l’est du pays dans le cadre du conflit du Darfour.

PREMIÈRE PARTIE

LE CADRE JURIDIQUE GÉNÉRAL DE L’INTERDICTIONET DE L’ÉLIMINATION DE LA TORTURE

I. CADRE JURIDIQUE GÉNÉRAL

Le cadre juridique général de protection des droits de l’homme est assez bien fourni dans la mesure où tous les instruments juridiques internationaux une fois ratifiés font partie de l’ordonnancement juridique interne. À cela il faut ajouter la Constitution, le Code pénal et les autres textes de loi que nous examinerons tout au long du rapport.

La République du Tchad a connu dès les premières années de son indépendance une longue tradition de détentions secrètes, de tortures et de disparitions alimentée par des conflits intercommunautaires et d’infernales guerres civiles meurtrières pour la conquête du pouvoir.

Si les arrestations illégales, les détentions arbitraires et les séquestrations des personnes sont prohibées et sévèrement punies par le Code pénal de 1967, la torture quant à elle ne constitue pas une infraction distincte au regard de nos instruments juridiques nationaux actuels.

Cette situation est liée à la non‑harmonisation de notre cadre juridique interne avec la Convention, objet du présent rapport. La torture est, néanmoins, retenue par le législateur de 1967 comme étant une circonstance aggravante en matière pénale.

La Constitution, loi suprême du pays, réaffirme dans son préambule, l’attachement du Tchad aux principes généraux des droits de l’homme tels que définis par la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Charte africaine des droits et des peuples; le principe de l’inviolabilité de la personne humaine est également affirmé. Aussi, est‑il énoncé à l’alinéa 1 de l’article 17 de la Constitution que «[l]a personne humaine est sacrée et inviolable».

En consacrant ainsi quelques dispositions qui interdisent la pratique de la torture à travers sa Constitution, il ne fait pas de doute que le Tchad adhère à la perception de droit international au regard duquel la torture constitue un crime et, comme tel, elle brise la personnalité de la victime et n’est rien d’autre qu’une négation de la dignité inhérente à la personne humaine.

Cependant, pour mieux cerner le contexte lié à la pratique des actes de torture considérés de nos jours comme une violation des droits de la personne humaine, il n’est pas superflu de rappeler que la colonisation française, avec l’aide des autorités traditionnelles, avait instrumentalisé les punitions corporelles pour la culture du coton, la construction des routes, des bâtiments administratifs et le portage (tipoye) et les travaux forcés.

Il convient de relever que la torture était déjà quelquefois employée dans nos sociétés traditionnelles, soit pour éduquer, soit pour punir un membre qui a enfreint la loi traditionnelle. Les formes de torture les plus fréquentes étaient la castration, la flagellation et les mutilations diverses.

À cela, il faut ajouter le fait qu’après l’indépendance le Tchad est entré dans une période d’instabilité politique ayant favorisé la pratique systématique de la torture et d’actes inhumains et dégradants à l’égard des populations civiles, des militaires prisonniers, des détenus politiques, etc.

Le régime du premier Président Ngarta Tombalbaye a été marqué par le soulèvement de la population de Mangalmé en 1965, sévèrement réprimé. La naissance de la rébellion armée en 1966 marque le point de départ d’une instabilité politique qui a pris une forme quasi institutionnelle ayant conduit à l’éclatement de la guerre civile de 1979. Cette guerre civile a finalement conduit le FRONILAT au pouvoir en novembre 1979. Un gouvernement d’union nationale et de transition a été mis en place et dirigé par le Président Goukouni Weddeye qui, malheureusement, a dû faire recours à la Cour martiale et aux exécutions publiques pour faire cesser le grand banditisme.

Cette accalmie sera de courte durée car, le 21 mars 1980, les Forces armées du Nord (FAN) de Hissène Habré et les Forces armées populaires (FAP) de Goukouni Weddeye s’affrontent à N’Djamena. La retraite de Habré a permis la découverte d’un charnier à proximité de sa résidence à N’Djamena.

Avec le retour d’Hissène Habré à N’Djamena et sa prise de pouvoir du 7 juin 1982, la violation des droits de l’homme atteindra son paroxysme au Tchad avec la création de la redoutable police politique dénommée «la Direction de la documentation et de la sécurité» (DDS), créée par le décret no 005/PR/83 du 26 janvier 1983 et rattachée directement à la présidence de la République.

Les attributions de la DDS sont:

La collecte et la centralisation de tous les renseignements émanant de l’intérieur ou de l’extérieur, relatifs aux activités étrangères ou d’inspiration étrangère susceptibles de compromettre l’unité nationale;

L’identification des agents de l’étranger;

La détection des réseaux (renseignements ou action) étrangers éventuels et leur organisation;

La recherche des buts poursuivis, immédiats ou lointains;

La préparation de mesures de contre‑espionnage, de contre‑ingérence et éventuellement de contre‑propagande;

La collaboration à la répression par l’établissement des dossiers concernant des individus, des groupements, collectivités, suspectés d’activités contraires ou seulement nuisibles à l’intérêt national;

La protection, sur le plan de la sécurité, des ambassades du Tchad à l’étranger et du courrier diplomatique.

Ces attributions telles que prévues ne diffèrent guère de celles des services semblables dans les pays où la démocratie et le respect des droits de l’homme sont assurés. L’éloquence du texte créant la DDS couvait une mission dangereuse qui consistait à terroriser les populations pour mieux les asservir. L’une des méthodes systématiquement utilisées pour l’accomplissement de cette mission macabre étant la torture.

Il ressort ainsi du rapport de la Commission d’enquête sur les crimes et détournements de l’ex‑Président Habré, créée par décret no 014/PR/P.CE/CJ/90 du 29 décembre 1990, que les agents de la DDS utilisaient différentes formes de torture qui sont:

Le ligotage dit «arbatachar»;

L’ingurgitation forcée d’eau;

La pulvérisation de gaz (dans les yeux, le nez, etc.);

Le pot d’échappement (dans la bouche, etc.);

Les brûlures au moyen de corps incandescents;

La cohabitation avec les cadavres;

Le supplice des baguettes;

La diète noire;

L’extraction des ongles;

L’empoisonnement;

La privation des soins médicaux;

Les décharges électriques.

Le même rapport a fait ressortir que le bilan de huit années (1982‑1990) de règne du Président Habré s’élève à quelque 40 000 morts et des milliers de veuves et d’orphelins. Ce chiffre ne couvre pas le nombre réel des victimes dans la mesure où les travaux de la Commission se sont heurtés à un certain nombre de difficultés et se sont limités à N’Djamena et à quelques grandes villes de l’intérieur du pays.

Au nombre des difficultés qu’ont rencontrées les membres de la Commission, on note le court délai imparti pour leur mission, l’absence de moyens logistiques conséquents et des problèmes d’ordre financier et matériel. Ce handicap n’a pas permis pendant toute la première période de six mois de dépêcher des enquêteurs à l’intérieur du pays.

Une autre difficulté, non des moindres, est la peur de témoigner de la part des victimes qui doutaient de la mission exacte de la Commission d’enquête et craignaient d’être identifiées et exécutées. Parmi les membres de la Commission, certains ont jugé la mission trop dangereuse et préféré se retirer. Tous ces obstacles n’ont pas permis à la Commission de remplir toute sa mission, malgré le travail méticuleux accompli par ses membres.

À l’issue de l’enquête, plusieurs recommandations ont été formulées à l’endroit du Gouvernement parmi lesquelles figure le réexamen des attributions et des structures du tout premier service spécial appelé Direction générale du Centre de recherches et de coordination de renseignements (DGCRCR) pour que cette institution redevienne un instrument au service du peuple et de son bien-être, et non une machine d’oppression et de supplice.

Cette recommandation inscrite à l’ordre du jour de la Conférence nationale souveraine de 1993 a fait l’objet d’un examen minutieux qui a permis la création de l’Agence nationale de sécurité (ANS) par décret no 302 du 8 juin 1993. La définition de ses missions, son organisation et ses attributions ont fait l’objet de l’arrêté présidentiel no 1024/PR/96 du 12 avril 1996, conformément à l’esprit de l’article 6 du décret la créant.

L’ANS a pour mission de:

Rechercher, recueillir et exploiter les informations touchant à la sécurité de l’État;

Détecter et prévenir ou empêcher toutes activités d’espionnage, de subversion et de déstabilisation dirigées contre les intérêts de l’État et de la nation, en liaison avec les autres services ou organismes;

Effectuer dans le cadre de ses attributions et prérogatives toute mission que l’autorité politique pourrait lui confier.

Les activités de cette nouvelle structure qu’est l’ANS ne peuvent faire l’objet d’aucune évaluation, en raison du caractère secret de ses missions. Selon l’article 3 du décret la créant, «l’identité des personnels de l’Agence, les mission qui leur sont confiées, les actions qu’ils mènent dans ce cadre ainsi que l’ensemble des documents administratifs et financiers sont couverts par le secret de la défense».

Cette situation ne doit pas être forcément interprétée comme étant une volonté délibérée de violation des droits de l’homme dans la mesure où le Gouvernement veille à ce que le fonctionnement régulier de cette structure se conforme au respect des principes généraux en matière de droits de l’homme. L’arrêté présidentiel no 1024/PR/96 du 12 avril 1996, portant détermination des missions, organisation et attributions de l’ANS, intègre bien ces principes.

Ce sont les articles 3, 4 et 5 de ce texte réglementaire qui posent ces principes. Il s’agit notamment:

De la distinction de la mission de l’ANS de celle de la Police nationale et de la gendarmerie (art. 3);

Du strict respect des lois et règlements de la République ainsi que des engagements internationaux auxquels l’État a souscrit et non‑habilitation à procéder aux arrestations et détentions des personnes présumées suspectes (art. 4);

c)De la référence aux services de la police ou de la gendarmerie pour les cas d’arrestation ou de détention, et ce, dans le respect des textes en vigueur (art. 5).

33.Il convient de relever également que l’avènement de la démocratie, et notamment l’émergence des partis politiques et de la société civile (essentiellement composée des associations de défense des droits de l’homme bien structurées), a contribué à la régression des cas de torture au moyen des dénonciations régulières.

34.Cette situation est corroborée par le rapport établi en janvier 2005 par l’experte indépendante sur la situation des droits de l’homme au Tchad, Monica Pinto, qui soulignait au point relatif aux droits et à la sécurité de la personne que, depuis 2000, le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires n’a porté aucun nouveau cas à l’attention du Gouvernement (E/CN.4/2005/121).

35.En application des recommandations de la Commission d’enquête, les anciens agents de la DDS ont été démis de leurs postes de responsabilité. Le Gouvernement veille à ce qu’ils ne soient pas réemployés dans ce nouveau service, malgré que l’article 3 du texte réglementaire créant l’Agence dispose que l’identité des personnels de l’Agence (…) sont couverts par le secret de la défense.

36.Par contre, les dénonciations les plus fréquentes de la part des associations de droits de l’homme concernent la pratique de la torture dans les commissariats de police et les brigades de gendarmerie. Ces pratiques, que le Gouvernement ne cesse de réprimer, sont liées à l’insuffisance de formation des officiers de police judiciaire aux techniques d’interrogatoire.

37.L’introduction de l’enseignement des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans les programmes de formation des écoles de la Police nationale, de la Gendarmerie nationale et des officiers de l’armée ainsi que la création du Centre de référence en droit international humanitaire permettront de corriger cette insuffisance.

L’état de ratification par le Tchad des instruments internationaux susceptibles de comporter des dispositions d’application plus larges que celles prévues dans la  Convention et l’état de la législation interne

38.Membre de plusieurs organisations tant internationales que régionales, le Tchad est partie à plusieurs instruments internationaux et régionaux dont quelques‑uns comportent des dispositions d’application plus larges que la Convention contre la torture. Les instruments internationaux auxquels le Tchad est partie sont contenus dans le tableau suivant:

Tableau 1. Instruments auxquels le Tchad est partie

No ord.

Titre de l’instrument

Organisations

Date de ratification

Instruments internationaux Instruments généraux

Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

ONU

1995

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

ONU

1995

Protocole facultatif relatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques

ONU

1995

Instruments relatifs aux questions spécifiques

Convention internationale sur l’élimination de la discrimination raciale

ONU

1977

Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid

ONU

1974

Instruments relatifs au génocide, crime de guerre et crime contre l’humanité

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

ONU

1995

Instruments relatifs à la protection catégorielle

Convention relative au statut des réfugiés

ONU

1981

Protocole relatif au statut des réfugiés

ONU

1981

Convention sur la réduction des cas d’apatridie

ONU

1999

Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

ONU

1995

Convention relative aux droits de l’enfant

ONU

1990

Instruments relatifs à la lutte contre l’esclavage, la servitude, le travail forcé et institutions de pratiques analogues

Convention no 29 (1930) concernant le travail forcé ou obligatoire

OIT

1960

Convention no 105 (1957) concernant l’abolition du travail forcé

OIT

1961

Convention no 182 (1999) concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination et sa recommandation no 190

OIT

2000

Convention no 138 (1973) concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi

OIT

2005

Instruments régionaux africains Instruments généraux

Charte africaine des droits de l’homme et des peuples

OUA

1986

Instruments relatifs à la protection catégorielle

Convention de l’Organisation de l’Unité africaine régissant les aspects propres aux réfugiés en Afrique

UA

1976

Charte africaine des droits et du bien‑être de l’enfant

UA

2000

Accord multilatéral de coopération régionale de lutte contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants

CEAC/CEDEAO

2006 (signature)

39.Dans le cadre de la mise en œuvre des instruments internationaux, le Tchad a engagé un vaste chantier de réforme législative dans les domaines judiciaires, pénaux, civils et autres. Cependant, les nombreuses crises auxquelles le pays a été confronté ces dernières années, notamment les rébellions armées, les crises sociales, les conflits intercommunautaires et le conflit du Darfour, ont quelque peu ralenti le processus.

40.Malgré cette situation, la loi no 6/PR/2002 portant promotion de la santé de reproduction a été promulguée le 15 avril 2002. Ce texte de loi interdit les actes de torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants sur le corps d’une personne en général et sur ses organes de reproduction en particulier.

II. LES AUTORITÉS JUDICIAIRES ET ADMINISTRATIVES OU AUTRES COMPÉTENCES DANS LES MATIÈRES VISÉES PAR LA CONVENTION

A. Les autorités judiciaires

41.Les matières visées par la Convention relèvent par leur nature des juridictions répressives. Se référant à la loi no 004/PR/98 du 28 mai 1998, portant organisation judiciaire, les autorités judiciaires compétentes sont:

a)Le Procureur général près la Cour suprême;

b)Le Procureur général près la cour d’appel;

c)Le Procureur de la République près le tribunal de première instance;

d)Le juge d’instruction du tribunal de première instance;

e)Le juge de paix dans les justices de paix.

42.Ce sont les autorités ci-dessus (à l’exception du Procureur général près la Cour suprême) qui sont habilitées à mettre en mouvement l’action publique et en fonction de la gravité des faits reprochés et de la qualification retenue; les poursuites continuent devant la juridiction compétente qui peut être le tribunal de première instance ou la cour criminelle.

43.La cour criminelle est une juridiction non permanente de chaque cour d’appel, appelée à juger les crimes dont elle est saisie conformément aux dispositions du Code de procédure pénale (CPP). Ses sessions se déroulent deux fois par an. Des sessions supplémentaires peuvent être tenues si le nombre des affaires à juger l’exige (art. 319 du CPP).

44.Ses membres sont désignés par ordonnance du Président de la cour d’appel et répartis comme suit:

a)Le Président de la cour d’appel ou un conseiller (Président);

b)Deux conseillers de la cour d’appel (membres);

c)Quatre jurés (membres).

45.En cas de nombre insuffisant de conseillers, le Président de la cour d’appel peut désigner un ou deux magistrats du tribunal de première instance pour compléter la cour criminelle (art. 19 de la loi no 004/PR/98).

46.Il est également judicieux de préciser que la fonction de juré est incompatible avec l’exercice d’une fonction de membre du Gouvernement ou d’un mandat parlementaire et avec la qualité de fonctionnaire de police ou militaire d’une armée quelconque (art. 20 de la loi no 004/PR/98).

47.Cependant, en raison du caractère criminel de la torture et de la gravité des autres matières visées par la Convention, les justices de paix, ayant une compétence limitée en matière pénale, ne se contenteront que de transférer le dossier au Procureur de la République.

48.Par ailleurs, les chefs traditionnels peuvent, en vertu de l’ordonnance no 6 du 6 mai 1970 portant attribution aux chefs traditionnels de certaines fonctions de police judiciaire, sous le contrôle des officiers de police judiciaire et dans le cas où ils sont saisis, «rechercher en matière de police rurale les criminels, procéder à leur arrestation et les remettre ou les faire remettre aux autorités judiciaires».

B. Les autorités administratives

49.Les autorités administratives compétentes sont celles qui collaborent par le canal de leurs services techniques respectifs avec les autorités judiciaires compétentes. Ce sont:

a)Le Directeur de la police judiciaire et Interpol (Ministre de la sécurité publique);

b)Le Directeur de la gendarmerie par le biais des brigades de gendarmerie ou les services spécialisés telle la Section nationale de recherches judiciaires (SNRJ) qui relève du Ministère de la défense.

1. Les préfets

50.Les attributions des préfets sont celles définies par le décret no 267/PR/INT du 2 novembre 1972. Placé sous l’autorité directe du Président de la République et sous le contrôle général du Ministre de l’intérieur, le préfet est, dans les limites de la circonscription, le représentant du Gouvernement. À ce titre, il y est dépositaire des pouvoirs de la République. Il veille ainsi à l’application des lois, des règlements et des décisions gouvernementales (art. 1 du décret).

51.Aussi veille‑t-il à l’ordre public et à la sécurité des personnes et des biens. Il peut, à cette fin, prendre des règlements de police. Les unités chargées du maintien de l’ordre et de la sécurité implantées dans la circonscription relèvent de son autorité (art. 9 du décret no 267/PR/INT).

52.Le pouvoir du préfet s’exerce dans plusieurs domaines. Le domaine lié au présent rapport est le domaine judicaire. Ainsi, sur le plan judiciaire, les préfets font partie des fonctionnaires de l’administration auxquels les lois spéciales confèrent le pouvoir de constatations et de poursuites dans des conditions et limites fixées.

53.Ainsi, en application de l’article 189 du Code de procédure pénale, lorsqu’il y a urgence, les préfets et, à N’Djamena, le délégué du Gouvernement, peuvent requérir personnellement ou par écrit que les officiers de police judiciaire compétents accomplissent tous les actes nécessaires en vue de constater les infractions, les délits ou les crimes commis contre la sûreté intérieure ou la sûreté extérieure de l’État afin de livrer les auteurs de ces actes aux tribunaux.

54.Le préfet ou le délégué du Gouvernement est tenu d’en aviser le Procureur de la République ou le juge résident suivant les cas et de lui transmettre dans les vingt‑quatre heures les pièces et de lui faire déférer les individus appréhendés.

2. Les sous-préfets

55.Des attributions judicaires sont reconnues aux sous-préfets dans la limite de leur ressort, qui, en l’absence des juges de paix professionnels, peuvent exercer les pouvoirs de ces derniers. À ce titre, les sous-préfets sont investis d’office et prennent fonctions après avoir prêté par écrit le serment prescrit aux magistrats.

56.Les attributions judicaires des sous-préfets tirent leur légitimité de l’article 84 de la loi no 004/PR/98 du 28 mai 1998, portant organisation judiciaire aux termes duquel les fonctions de juge de paix peuvent être remplies par les sous-préfets tant que l’effectif des magistrats professionnels ne couvrira pas toutes les juridictions. Un sous-préfet d’une circonscription limitrophe, ou toute personne qualifiée, peut être également nommé aux fonctions de juge de paix.

57.À ce titre, les sous-préfets sont soumis dans l’exercice de leurs pouvoirs judiciaires à l’autorité et au contrôle du Garde des Sceaux, Ministre de la justice, qui peut leur retirer l’exercice de ces attributions en cas de carence, d’incapacité, ou de fautes professionnelles graves ou renouvelées.

58.Pour pallier le déficit du personnel jusque‑là observé, et qui touche tout le corps judiciaire composé des magistrats et des juges de paix, des efforts de formation sont entrepris aussi bien à l’École nationale d’administration et de la magistrature (ENAM) du Tchad que dans d’autres écoles étrangères.

C. Les autres autorités compétentes

1. La Commission nationale des droits de l’homme

59.Elle est créée par la loi no 31/PR/94 du 9 septembre 1994. En sus de la faculté d’autosaisine qui lui est reconnue, la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) peut être saisie d’une requête par toute personne qui s’estime victime d’une violation d’un droit de l’homme, notamment d’un droit civil, politique, social ou culturel consécutif à une action ou une inertie de l’administration ou de toute autre personne morale ou physique.

2. Le Médiateur national

60.À la faveur de la Conférence nationale souveraine de 1993, trois postes de médiateurs ont été créés par le décret no 380/PR/93 du 24 juillet 1993. En dépit de pouvoirs et de moyens de travail conséquents reconnus par ce texte, celui-ci n’a jamais été appliqué jusqu’à son abrogation par le décret no340/P/97 du 12 août 1997 qui crée un nouvel office de Médiateur national, placé sous la tutelle du Premier Ministre. Le Médiateur national est chargé d’œuvrer pour la restauration et le maintien de la paix civile et politique.

3. Le Ministre chargé des droits de l’homme

61.Le Ministre chargé des droits de l’homme est dans la pratique une autorité à laquelle se réfèrent les victimes. Celui-ci communique à son tour les requêtes aux ministères ou autres autorités compétentes.

62.Ce nouveau département ministériel, bien que ne disposant pas de personnel suffisant et qualifié, enregistre à son actif plusieurs activités qui concourent à la protection et à la promotion des droits de l’homme. L’élaboration des rapports périodiques sur l’application des instruments juridiques en matière de droits de l’homme lui permettra de faire une analyse de situation sur les droits de l’homme et d’évaluer les progrès réalisés en la matière. Ces supports permettront en outre au Ministre de définir des orientations détaillées en vue de préciser son organigramme qui sera incessamment adopté.

III. SITUATION RÉELLE CONCERNANT L’APPLICATION DE LA CONVENTION

63.Non seulement la Constitution réaffirme sans équivoque l’attachement de la République du Tchad aux principes généraux des droits de l’homme tels que définis par les instruments internationaux, particulièrement la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, elle prévoit aussi quelles dispositions interdisent la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants.

64.Certains textes de lois et règlements ont également consacré des dispositions qui interdisent la torture ou tous traitements cruels, inhumains et dégradants. Il en est ainsi de la loi relative à la santé de la reproduction et du Code de déontologie de la Police nationale.

A. La loi relative à la santé de reproduction

65.Les pratiques traditionnelles néfastes et les leçons tirées de la pratique de la torture employée par la police politique du Président Habré qui n’épargnait aucun organe du corps humain ont inspiré la promulgation de la loi no 6/PR/2002 du 15 avril 2002, portant promotion de la santé de reproduction, qui énonce en l’article 9 que: «[t]oute personne a le droit de n’être pas soumise à la torture et à des traitement cruels, inhumains ou dégradants sur son corps en général et sur les organes de reproduction en particulier. Toutes les formes de violence telles que les mutilations génitales féminines (MGF), les mariages précoces, les violences domestiques et les sévices sexuels sur la personne humaine sont interdites.».

B. Le Code de déontologie de la Police nationale

66.Le décret no 269 du 4 avril 1995 portant Code de déontologie de la Police nationale précise en son article 10 que «[t]oute personne appréhendée et placée sous la responsabilité de la protection de la police ne doit subir, de la part des fonctionnaires de police ou de tierces personnes, aucune violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant».

67.Cette disposition impose aux officiers de police judiciaire et à leurs collaborateurs de traiter les personnes appréhendées avec humanité et respect dû à la dignité de la personne humaine, surtout que ces personnes bénéficient de la présomption d’innocence, principe constitutionnel consacré par l’article 24 de la Constitution.

68.Le non‑respect de cet article 10 du Code de déontologie entraîne pour les contrevenants les peines prévues aux articles 252 à 254 du Code pénal visant les atteintes à l’intégrité corporelle ou mentale commises par les agents des forces de l’ordre, notamment les coups et blessures volontaires simples ou aggravés, mais pas les actes de torture.

69.Ce vide juridique bien que pris en compte par loi no 6/PR/2002 du 15 avril 2002 qui pose l’interdiction des actes de torture dans le domaine de la santé de reproduction, reste une mesure de prévention sans sanction précise. En renvoyant ainsi les conditions d’incrimination et de répression des actes attentatoires aux droits de la santé de reproduction tels que définis dans ladite loi aux textes en vigueur, la loi no 6/PR/2002 ignore le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale.

70.En effet, le juge répressif ne saurait appliquer aux actes de torture une sanction prévue pour un fait autre. Au cas où il le ferait, la décision ainsi rendue ne reposerait sur aucune base légale. Le juge aurait donc violé le principe constitutionnel selon lequel: «Nul ne peut être arrêté ou inculpé qu’en vertu d’une loi promulguée antérieurement aux faits qui lui sont reprochés.» (art. 23 de la Constitution).

71.C’est pourquoi, un policier qui se serait rendu coupable de torture ne pourra être poursuivi sous cette inculpation, mais le sera seulement pour coups et blessures volontaires, car en l’état actuel de la législation interne, la torture en tant que telle n’est pas réprimée. Elle constitue seulement une circonstance aggravante. Ainsi, la peine qui sera infligée au coupable ne sera pas appropriée à la gravité de l’acte comme le prescrit le deuxième alinéa de l’article 4 de la Convention.

72.Cependant, cette insuffisance juridique sera incessamment comblée par le projet de loi modifiant et complétant certaines dispositions du Code pénal. Ce projet, élaboré dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant, et plus précisément l’application de son article 37, a criminalisé la torture en prenant le soin de la définir. Elle a en outre prévu des peines appropriées et des circonstances aggravantes.

73.La torture est définie à l’article 18 dudit projet de loi comme suit: «Est considérée comme torture, tout acte par lequel, une douleur ou des souffrances aiguës physiques, ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins d’obtenir d’elle ou d’une autre personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis, de l’intimider ou de faire pression sur une tierce personne ou tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit.».

74.Le quantum de la peine, fixé à l’article 19 du projet de loi, est un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 600 000 à 2 000 000 francs CFA.

75.Le projet de loi prévoit une peine de travaux forcés allant de dix à vingt ans, lorsque la torture aura été pratiquée sur un mineur de moins de 18 ans ou lorsque l’auteur des actes de torture est un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à tire officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite (art. 20 et 21).

76.L’article 22 quant à lui assimile aux actes de torture les traitements cruels, inhumains ou dégradants et les punit comme tels.

77.La mise en œuvre des recommandations des États généraux de la justice contribuera efficacement à renforcer le cadre juridique existant pour une meilleure application de la Convention.

78.Le programme de réforme judiciaire approuvé par le décret no 065/PR/PM/MJ/2005 du 18 février 2005, retient six principaux axes d’intervention parmi lesquels la formation du personnel judiciaire et l’harmonisation de l’arsenal juridique et judiciaire avec les traités des droits de l’homme. Ces axes sont:

La réforme et la révision des textes et de la documentation;

Le renforcement des juridictions en ressources humaines;

La promotion et la protection des droits de l’homme;

L’information, l’éducation et la communication;

Les infrastructures et les équipements;

La lutte contre la corruption et l’impunité.

DEUXIÈME PARTIE

INFORMATIONS SE RAPPORTANT À CHAQUE ARTICLE DE FONDDE LA CONVENTION (Art. 2 à 16)

ARTICLE 2Mesures prises pour interdire la torture

79.En dehors de la Constitution qui a posé le principe de l’interdiction de la torture, très peu de mesures ont été prises dans le cadre de l’application de l’article 2 de la Convention. Néanmoins, le Code pénal bien qu’antérieur à la Convention comporte quelques dispositions assez pertinentes. À celles-ci, s’ajoutent quelques mesures d’ordre réglementaire ou administratif.

A. Les mesures législatives

1. La Constitution

80.La Constitution, en son article 17, dispose que «[l]a personne humaine est sacrée et inviolable. Tout individu a droit à la vie, à l’intégrité de sa personne, à la protection de sa vie privée et de ses biens».

81.Quant à l’article 18, il est spécifié que «[n]ul ne peut être soumis à des sévices ou traitement dégradants et humiliants ni à la torture».

82.L’article 19, pour sa part, indique que «[t]out individu a droit au libre épanouissement de sa personne dans le respect des droits d’autrui, des bonnes mœurs et de l’ordre public».

83.L’article 20 ajoute que «[n]ul ne peut être tenu en esclavage ou en servitude».

84.Le principe de l’interdiction des arrestations et des détentions illégales et arbitraires est consacré à l’article 21. Ainsi, «[n]ul ne peut être détenu dans un établissement pénitentiaire s’il ne tombe pas sous le coup de la loi pénale en vigueur» (art. 22).

85.Il est en outre exigé que toute arrestation ou inculpation ne s’opère qu’en vertu d’une loi promulguée antérieurement aux faits reprochés (art. 23). À ces garanties, s’ajoute la présomption d’innocence dont doit jouir tout prévenu jusqu’à l’établissement de sa culpabilité à la suite d’un procès régulier offrant des garanties indispensables à sa défense (art. 24).

2. Le Code pénal

86.Les dispositions des articles 21 et suivants de la Constitution sont traduites en termes d’infractions dans le Code pénal, notamment en son article 149 qui prévoit l’infraction; les peines applicables sont déterminées à l’article 150; et l’article 151 en précise les circonstances aggravantes lorsque l’arrestation est exécutée avec un faux costume, sous un faux nom, ou sur un faux ordre de l’autorité publique.

87.Les peines prévues pour la séquestration arbitraire sont par ailleurs applicables à toute convention ayant pour objet d’affecter la liberté des personnes, telle que la cession, la mise en servitude et la remise en gage (art. 152).

88.Toujours au plan pénal, l’article 247 du Code pénal dispose que «[s]era puni comme coupable d’assassinat tous les malfaiteurs, quelle que soit leur dénomination, qui, pour l’exécution de leur crime, emploient des tortures ou commettent des actes de barbarie».

89.L’article 145 du même Code indique que «[l]es fonctionnaires publics chargés de la police administrative ou judiciaire qui ont refusé ou négligé de déférer à une réclamation légale tendant à constater les détentions illégales et arbitraires, soit dans les maisons destinées à la garde des détenus soit partout ailleurs, et qui ne justifieront pas les avoir dénoncées à l’autorité supérieure, seront punis d’un (1) mois à un (1) an d’emprisonnement et tenu de dommages et intérêts».

90.Les articles 252 à 254 du Code pénal règlent les atteintes à l’intégrité corporelle ou mentale.

91.Aux termes de l’article 252, «[t]out individu qui aura volontairement porté des coups ou fait des blessures ou commis toute autre violence ou voie de fait sur la personne d’autrui, sera puni d’un emprisonnement de six jours à un an et d’une amende de 500 à 50 000 francs. S’il y a eu préméditation ou guet–apens ou port d’arme, l’emprisonnement sera de six mois à cinq ans et l’amende de 5 000 à 100 000 francs».

92.L’article 253 ajoute que «s’il est résulté des coups ou autres violences ou voie de fait, une maladie ou une incapacité de travail personnel pendant plus de vingt jours, la peine sera un emprisonnement de un à cinq ans et une amende de 5 000 à 100 000 francs».

93.Suivant le même article, «[q]uand il y aura eu mutilation, amputation ou privation d’un membre, cécité, perte d’un œil ou autres infirmités ou si les coups portés ou les blessures faites volontairement mais sans intention de donner la mort, l’ont pourtant occasionnée, le coupable sera puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 10 000 à 500 000 francs».

94.La préméditation ou le guet-apens constitue les circonstances aggravantes de ces infractions et la peine est celle des travaux forcés à temps dans le deuxième cas prévu.

95.L’article 257, quant à lui, dispose que «[t]oute personne coupable du crime de castration subira la peine des travaux forcés à temps et si la mort en est résultée, le coupable subira la peine des travaux forcés à perpétuité».

96.La volonté politique du Gouvernement tchadien de respecter et de protéger les citoyens dans ce domaine s’est traduite par la ratification le 9 juin 1995 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et par la création, un an plutôt, d’une Commission nationale des droits de l’homme.

97.Cette institution, qui tire son origine d’une des recommandations de la Commission d’enquête sur les crimes et détournements de l’ex-Président Habré en 1991, a été entérinée par la Conférence nationale souveraine de 1993.

3. La Commission nationale des droits de l’homme

98.La Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), créée par la loi no 031/PR/94 du 9 septembre 1994, est composée des membres issus de quatre catégories à savoir les ministères, les associations de défense des droits de l’homme, les syndicats et des personnalités privées, conformément à l’article 7 de ladite loi. La Commission se compose comme suit:

a) Représentants des ministères:

Un représentant du Ministère chargé des communications et un suppléant;Un représentant du Ministère de la justice et un suppléant;Un représentant du Ministère de la santé publique et un suppléant;Un représentant du Ministère des affaires étrangères et un suppléant;Un représentant du Ministère chargé de la condition féminine et des affaires sociales;

b) Représentants des associations:

Huit représentants des associations œuvrant au Tchad dans le domaine des droits de l’homme et huit suppléants;

c) Représentants des confédérations syndicales:

Quatre représentants desdites confédérations et quatre suppléants;

d) Trois personnalités choisies en raison de leur intégrité et leurs compétences dans le domaine des droits de l’homme dont :

Une personnalité désignée par le Président de la République;Une personnalité désignée par le Premier Ministre;Une personnalité désignée par le pouvoir législatif.

99.Les ministères ayant des représentants à la CNDH sont ceux dont l’une des attributions concourt, dans son domaine respectif, à la protection et promotion des droits de l’homme. Quelques‑uns de ces départements ministériels ont aujourd’hui changé d’appellation, mais cela n’a pas eu d’incidence sur leur représentation au sein de la Commission.

100.Les représentants des deux centrales syndicales, notamment l’Union des syndicats du Tchad (UST) et la Confédération libre des travailleurs du Tchad (CLTT), n’ont jamais été désignés pour siéger faute de consensus entre les deux centrales.

101.La CNDH a pour mission de procéder aux enquêtes, études et publications et d’émettre des avis au Gouvernement sur toutes les questions concernant les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Ces avis concernent:

a)L’existence et les agissements d’une police politique;

b)La pratique de la torture, des traitements inhumains et dégradants;

c)L’existence des lieux où se pratiquerait la détention secrète;

d)Les disparitions forcées et les transferts secrets.

102.La CNDH est autonome quant au choix des questions qu’elle examine sans sélectivité par autosaisine. Elle est entièrement libre de ses avis qu’elle transmet au Gouvernement et dont elle assure la diffusion auprès de l’opinion publique.

103.Le décret no 163/PR/96 du 2 avril 1996 fixant les modalités de fonctionnement de la Commission a élargi ses attributions en lui reconnaissant le droit d’être saisie par toute personne qui s’estime victime de la violation de ses droits.

104.Malgré les actions positives à l’actif de cette institution, quelques insuffisances entravent son bon fonctionnement. Ces difficultés sont liées à la non‑adaptation de la Commission aux Principes directeurs relatifs au statut des institutions nationales en matière des droits de l’homme («les Principes de Paris»).

Critiques adressées à la Commission nationale des droits de l’homme en raison de sa composition et des garanties d’indépendance et de pluralisme

105.Instrument au service des droits de l’homme, la CNDH présente malheureusement quelques faiblesses que les associations de défense des droits de l’homme ne cessent de relever.

106.D’abord en ce qui concerne sa composition actuelle, la CNDH donne la priorité aux représentants de l’administration publique en violation des Principes de Paris. Ce qui a fait que cette institution ne jouit que d’un statut d’observateur à l’Association internationale des institutions nationales des droits de l’homme. Cette composition ne prend pas non plus en compte les universitaires, les experts qualifiés et les courants religieux, lorsque l’on sait que l’intolérance religieuse est l’une des causes d’affrontements interreligieux ayant quelquefois pour conséquence de graves violations des droits de l’homme. Ceci amoindrit considérablement les garanties d’un pluralisme dont doit faire preuve cette institution.

107.Par ailleurs, la possibilité offerte aux représentants de l’administration de participer aux délibérations est en violation avec ces principes directeurs qui n’autorisent cette participation qu’à titre consultatif.

108.Ensuite, une autre faiblesse est à relever au niveau de l’infrastructure qui n’est pas adaptée au bon fonctionnement d’une institution d’une telle envergure. Une seule salle louée sert de bibliothèque, de secrétariat et de salle de réunion. L’état du bâtiment abritant la CNDH comparativement à sa mission lui ôte toute autorité et plaide pour la construction des locaux propres à la hauteur de cette mission. Une allocation conséquente d’une ligne budgétaire pour lui permettre de se doter d’un personnel performant afin d’assurer son autonomie est plus que pressante.

109.Quant au mandat des membres enfin, son renouvellement n’a pas respecté la procédure édictée. L’absence prolongée de certains membres et la non‑tenue des sessions fait aujourd’hui de la CNDH, une organisation réduite à son secrétaire général.

110.En définitive, il convient de relever toutefois que la CNDH avait eu un début impressionnant, et que les faiblesses relevées ci-dessus sont liées en partie à l’insuffisance de moyens financiers, au relâchement des membres et à la faiblesse d’expertise de gestion de telles institutions.

B. Les mesures d’ordre règlementaire ou administratif

111.Les mesures d’ordre administratif se sont traduites par la mise en place de structures décrites ci-dessous.

1. La Commission d’enquête du Ministère de la justice sur les crimes et détournements de  l’ e x ‑Président Habré et de ses complices

112.La volonté du peuple tchadien est de tourner définitivement la page de la torture et le fondement des actions du Gouvernement en ce sens s’est manifesté à travers le rapport de la Commission susmentionnée dont le maître mot était: «plus jamais ça». Bien que la création de cette commission soit antérieure à la ratification de la Convention par le Tchad, son rapport est plus que d’actualité. Elle constitue en effet le support principal du procès Habré et de ses complices ainsi que des actions de lutte contre la torture. Les faits reprochés à Habré et à ses complices sont ceux visés à l’article 4 de la Convention, objet du présent rapport.

113.Créé par décret no 014/P.CE/CJ/90 du 29 décembre 1990 au sortir du régime dictatorial de Hissène Habré, la Commission d’enquête a été chargée de dresser le bilan de l’horrible règne qui a coûté très cher en vies humaines.

114.Placée sous l’autorité du Ministère de la justice, la Commission d’enquête avait pour mission de:

Enquêter sur les séquestrations, les détentions, les assassinats, les disparitions, les tortures et actes de barbarie, les mauvais traitements, les autres atteintes à l’intégrité physique ou morale et toutes les violations des droits de l’homme ainsi que le trafic illicite de stupéfiants;

Rassembler la documentation, les archives et les exploiter;

Saisir et placer sous scellés les biens meubles et immeubles nécessaires à la manifestation de la vérité;

Conserver en l’état les lieux de tortures et les matériels utilisés;

Entendre toutes les victimes et les inviter à produire les pièces attestant leur état physique et mental à la suite de leur détention;

Procéder à l’audition des ayants droit et les convier à fournir toute pièce justificative et nécessaire;

Entendre toute personne dont la déposition peut être utile à la manifestation de la vérité;

Déterminer le montant de la contribution à l’effort de guerre et son utilisation à partir de 1986;

Vérifier les opérations financières et les comptes bancaires de l’ex‑Président et des complices;

Recenser tous les biens immeubles se trouvant tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, appartenant ou ayant appartenu à l’ex‑Président et/ou complices.

115.Ce rapport, publié aux éditions l’Harmattan en 1993, constitue l’une des pièces maîtresses à la poursuite de l’ex‑Président Habré et de ses complices. Il convient en outre de relever la disponibilité du Gouvernement tchadien à collaborer avec les instances judiciaires étrangères, notamment celles de la Belgique, et avec les associations de défense des droits de l’homme en permettant l’accès aux archives de la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS) et à ses locaux.

2. La Médiature nationale

116.Conformément aux recommandations de la Conférence nationale souveraine (CNS) de 1993, la Médiature nationale créée par décret no 340/PR/PM/97 du 12 août 1997, est placée sous l’autorité du Premier Ministre et chargée d’œuvrer pour la restauration et le maintien de la paix civile et politique sans précision aucune.

117.L’imprécision de la mission du Médiateur et sa dépendance à la Primature constituent autant de handicaps relevés à travers la communication de ce dernier aux États généraux des armées.

118.L’absence de collaboration entre les services publics et le Médiateur national est également à relever. Les nombreuses correspondances de l’institution, relatives aux requêtes de citoyens pour préjudices subis en raison du dysfonctionnement des services publics, sont demeurées sans réponse des ministères dont dépendent les services incriminés.

119.L’absence de collaboration entre les ministères en charge de la défense et de la sécurité est regrettable dans la mesure où la réinsertion des combattants d’organisation politico‑militaires, signataires d’accords de paix, nécessite un suivi tout comme le maintien de la paix civile et politique au sein de la communauté nationale exige une concertation permanente entre les services du Médiateur national et les services de sécurité chargés du maintien de l’ordre.

120.Pour redynamiser la Médiature et renforcer les pouvoirs du Médiateur, un projet de loi est en cours d’adoption. Les innovations apportées par ce projet concernent:

a)Le passage de la tutelle de la Médiature à un statut d’autonomie;

b)La définition du profil du Médiateur et des incompatibilités liées à l’exercice de ses fonctions;

c)La redéfinition de la mission assignée au Médiateur;

d)La possibilité d’autosaisine;

e)La gratuité de la saisine du Médiateur.

121.Ces innovations visent à garantir l’indépendance de l’institution, à renforcer les pouvoirs du Médiateur; elles règlent en partie la difficulté d’application des dispositions relatives à l’assistance judiciaire dans la mesure où le décret qui doit fixer les conditions de l’admission au bénéfice de ladite assistance n’a jamais été adopté par le Gouvernement.

3. Le décret portant Code de déontologie de la police nationale

122.Le décret no 269 du 4 avril 1995 portant Code de déontologie de la police nationale n’a pas perdu de vue les débordements dont peuvent faire preuve les fonctionnaires de la police nationale. C’est pourquoi des garanties ont été posées à travers certaines dispositions dudit décret.

123.Aussi, aux termes de l’article 9, lorsqu’il est autorisé par la loi à utiliser la force et en particulier se servir de ses armes, le fonctionnaire de police ne peut en faire qu’un usage strictement nécessaire et proportionné au but à atteindre.

124.En outre, l’article 10 du même décret précise que «[t]oute personne appréhendée et placée sous la responsabilité de la protection de la police ne doit subir, de la part des fonctionnaires de police ou des tiers, aucune violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant».

125.«Le fonctionnaire qui serait témoin d’agissements prohibés par le présent article engage sa responsabilité disciplinaire s’il n’entreprend rien pour les faire cesser ou néglige de les porter à la connaissance de l’autorité compétente.».

126.«Le fonctionnaire de police ayant la garde d’une personne dont l’état nécessite des soins spéciaux doit faire appel au personnel médical et le cas échéant prendre des mesures pour la vie et la santé de cette personne.».

127.Le Code de déontologie de la gendarmerie, jugé déphasé et non adapté aux exigences de l’heure par les autorités de cette institution, fait en ce moment l’objet d’une révision. Une commission est mise en place à cet effet.

128.Pour se conformer à la devise de l’École de la gendarmerie qui est la suivante: «Ils s’instruisent pour la justice, le droit et la patrie.», une nouvelle politique de recrutement est mise en place. Désormais, les gendarmes doivent passer par l’école où ils recevront une formation adéquate aux missions à assumer. Pour toutes les missions qu’ils auront à assumer, ils doivent toujours garder à l’esprit les trois règles ci après:

La protection des personnes et des biens;

Le secours aux personnes en danger;

Le secret professionnel.

129.Les recrutements complaisants, longtemps entretenus par les différents responsables qui se sont succédé à la tête de l’institution, sont révolus.

130.Toujours au chapitre des mesures administratives, il convient de relever également que le Gouvernement a autorisé le fonctionnement de deux associations en lien direct avec la torture (voir les paragraphes 131 à 136 ci‑dessous).

4. L’Association des victimes des crimes et répressions politiques (AVCRP)

131.Créée essentiellement par les victimes des crimes perpétrés sous l’ancien Président Hissène Habré, cette association vise, au‑delà de la réparation qu’elle sollicite du Gouvernement pour les actes de torture subis, à épargner aux Tchadiens une répétition d’une telle bavure par l’institutionnalisation d’une Journée des victimes et la construction d’un monument en leur mémoire.

5. L’Association des chrétiens pour l’abolition de la torture − Tchad (ACAT)

132.Cette association, créée en 1994 et autorisée à fonctionner le 15 mars 1995, se fixe entre autres comme objectifs de:

Sensibiliser les Tchadiens sur le caractère intolérable de la torture;

Aider toute personne, sans distinction de race, de religion, de sexe, victime de torture et autres traitements inhumains afin d’obtenir réparation;

Collaborer avec le Gouvernement dans la recherche de résolutions des conflits.

133.Les moyens d’action de l’Association sont le plaidoyer, la sensibilisation, la formation, les émissions radiodiffusées, l’appel urgent, etc.

134.La participation de l’ACAT en décembre 2006 au premier de trois séminaires internationaux sur le thème «Les Lignes directrices de Robben Island et la lutte contre la torture» organisés à Bujumbura par la Fédération internationale de l’action des chrétiens pour l’abolition de la torture (FIACAT), en coopération avec l’Association pour la prévention de la torture (APT), a été suivie par l’élaboration d’un plan d’action ayant pour objet de traduire au plan national les recommandations formulées à cette occasion.

135.Ces lignes directrices visent en fait à aider les États à accomplir leurs obligations nationales, régionales et internationales pour un renforcement effectif et une mise en œuvre de la prohibition et de la prévention de la torture, reconnue universellement comme un crime portant gravement atteinte à la dignité et à la personnalité humaine.

136.Aussi, le plan d’action de l’ACAT inscrit en priorité le plaidoyer en vue d’accélérer la prise de mesures législatives visant à criminaliser la torture. En outre, le Gouvernement n’a pas non plus perdu de vue la question de la torture qu’il a inscrite à l’ordre du jour aussi bien des États généraux de la justice que de l’armée.

C. Les mesures judiciaires

137.Au Tchad, la justice est rendue par un seul ordre de juridiction qui comprend:

La Cour suprême;

Les cours d’appel;

Les cours criminelles;

Les tribunaux de première instance;

Les tribunaux du travail et de la sécurité sociale;

Les tribunaux de commerce;

Les justices de paix.

138.Le domaine de compétence de ces juridictions est civil, commercial, administratif social et pénal (art. 1 de la loi no 04/PR/98 du 28 mai 1998 portant organisation judiciaire).

1. La Cour suprême

139.La Cour suprême est la plus haute juridiction du Tchad en matière judiciaire, administrative et des comptes. Son ressort s’entend sur l’ensemble du territoire national. Elle statue sur les pourvois en cassation en toutes matières conformément à la loi organique no 006/PR/98 du 7 juillet 1998, portant organisation et fonctionnement de celle‑ci.

140.Elle statue seule sur les recours pour excès de pouvoir. Elle donne son avis sur les projets de loi avant leur délibération en Conseil des ministres. En outre, la Cour suprême connaît seule du contentieux des élections locales.

141.Elle comprend trois chambres:

La Chambre judiciaire;

La Chambre administrative;

La Chambre des comptes (art. 7 de la loi portant organisation judiciaire).

2. Les cours d’appel

142.Chaque cour d’appel comprend au moins six chambres à savoir:

Une chambre civile et coutumière;

Une chambre administrative et financière;

Une chambre commerciale;

Une chambre sociale;

Une chambre correctionnelle et de simple police;

Une chambre d’accusation.

143.La cour d’appel connaît des appels des décisions rendues en premier ressort par toutes les juridictions de son ressort (art. 14 de la loi portant organisation judiciaire). Ses arrêts sont rendus en collégialité et le ministère public est représenté devant la cour d’appel par le Procureur général assisté de ses substituts (art. 16 de la même loi).

3. Les cours criminelles

144.Pour le fonctionnement de cette juridiction, l’État partie renvoie le Comité au développement relatif aux autorités judicaires compétences dans les matières visées par la Convention.

4. Les tribunaux de première instance

145.Le tribunal de première instance est juge de droit commun quels que soient la loi applicable et le statut des parties en cause (art. 28 de la loi portant organisation judiciaire). Il comprend une chambre civile et coutumière, une chambre administrative, une chambre correctionnelle et de simple police, une chambre pour enfants et des cabinets d’instruction (art. 24 de la loi organisation judiciaire).

146.Le tribunal de première instance se compose d’un président, des juges, des juges d’instruction, des juges pour enfants. La répartition des juges au siège dans les différentes chambres se fait par ordonnance du Président du tribunal.

147.Le ministère public est représenté devant le tribunal de première instance par le Procureur de la République assisté de substituts. Celui‑ci est placé sous l’autorité du Procureur général (art. 25 de la loi portant organisation judiciaire).

148.La formation du tribunal est collégiale sauf à titre transitoire si l’effectif des juges qui lui est affecté est inférieur à trois magistrats, non compris les juges d’instruction (art. 26 de la loi portant organisation judiciaire).

5. Le tribunal du travail et de la sécurité sociale

149.Le tribunal du travail et de la sécurité sociale connaît des différends entre les travailleurs et leurs employeurs à l’occasion du contrat de travail, du contrat d’apprentissage, des conventions collectives, des conditions de travail, d’hygiène et de sécurité, des contestations en matière d’élection de délégués de personnel et régime de protection sociale (art. 35 de la loi portant organisation judiciaire).

150.Il est composé d’un magistrat président, d’un assesseur travailleur et d’un assesseur employeur et d’un greffier (art. 36 de la loi portant organisation judiciaire).

151.Les assesseurs sont nommés par décret conjoint du Ministre chargé du travail et de la sécurité sociale et du Ministre de la justice après consultation des organisations professionnelles représentatives, prêtent serment devant le Président du tribunal (art. 38 de la loi portant organisation judiciaire).

6. Le tribunal de commerce

152.Le tribunal de commerce est une juridiction compétente pour juger, en première instance les affaires relatives aux actes de commerce, aux litiges concernant les sociétés commerciales et surtout aux incidents relatifs à la cessation de paiement (art. 40 de la loi portant organisation judiciaire).

7. Les justices de paix

153.La justice de paix est établie dans chaque arrondissement de la ville de N’Djamena et dans chaque sous-préfecture où n’a pas été créé un tribunal de première instance. Des justices de paix peuvent être également créées dans les postes administratifs (art. 42 de la loi portant organisation judiciaire).

154.Le juge de paix siège seul avec l’assistance d’un secrétaire greffier. Il exerce les fonctions conférées par la loi au Président du tribunal de première instance. Le Procureur de la République près le tribunal de première instance peut, en toutes matières, occuper le siège du ministère public devant les justices de paix.

155.Le juge de paix n’est compétent qu’en matière civile et correctionnelle et de simple police dans les limites des conditions fixées par les textes (art. 47 et 49 de la loi portant organisation judiciaire).

156.La suppression de la Cour martiale au Tchad constitue une avancée majeure dans la protection contre les actes de torture.

157.Cependant, après un moratoire de douze années (1991‑2003), les exécutions ont repris suite à une décision de la cour criminelle du 6 novembre 2003, la grâce présidentielle ayant été refusée.

158.L’Assemblée nationale a interpellé le Gouvernement suite aux dénonciations des associations œuvrant dans le domaine des droits de l’homme. La question reste pour le moment entière dans la mesure où le Code pénal, base légale de la peine de mort, n’est toujours pas révisé dans le sens de son abolition. Aux termes de l’article 5 du Code pénal, les condamnés à mort seront fusillés.

159.Le Programme de réforme de la justice n’a pas perdu de vue la question de la peine de mort, prise en compte au volet relatif à «La promotion et la protection des droits de l’homme».

160.En raison de la ratification par le Tchad du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et du Protocole portant création de la Cour africaine des droits de l’homme, il est donc envisagé que la peine fasse l’objet d’une étude au regard des dispositions de la Constitution et des conventions internationales auxquelles le Tchad est partie. L’étude doit dégager une vision de l’opinion tchadienne sur le sujet.

8. Autres mesures exceptionnelles

161.Il est prévu à l’article 87 de la Constitution que: «[l]orsque les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité du territoire ou l’exécution des engagements internationaux sont menacées d’une manière grave ou immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est interrompu, le Président de la République, après consultation du Président de l’Assemblée nationale et du Président du Conseil constitutionnel, prend en Conseil des ministres, pour une durée n’excédant pas quinze jours, les mesures exceptionnelles exigées par les circonstances».

162.Cette période ne peut être prorogée qu’après avis conforme de l’Assemblée nationale. Le Président de la République en informe la nation par un message. L’Assemblée nationale se réunit de plein droit si elle n’est pas en session.

163.Ces mesures exceptionnelles ne sauraient justifier les atteintes au droit à la vie, à l’intégrité physique et morale et aux garanties juridictionnelles accordées aux individus.

164.Et l’article 88 d’ajouter que «[l]es mesures prises en vertu de l’article précédant doivent être inspirées par la volonté d’assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission».

165.«L’Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels.».

166.Les différentes mesures exceptionnelles s’exercent en principe dans le cadre du respect de la légalité administrative et du respect des droits de l’homme. Malheureusement, dans la pratique, de nombreux abus sont commis par ignorance ou par méconnaissance des règles par certaines autorités administratives, militaires ou certains membres des forces de l’ordre.

167.La voie offerte aux citoyens qui auraient été brutalisés est le recours juridictionnel, car aucun texte législatif ou réglementaire n’autorise une autorité publique à pratiquer les actes de torture sur un citoyen. Malheureusement, on retrouve aussi la même ignorance du côté des victimes.

ARTICLE 3Mesures prises pour interdire l’expulsion, le refoulement et l’extradition d’une personne vers un État où elle risque d’être soumise à la torture

168.Comme la première partie du rapport l’indique, le Tchad est partie à plusieurs instruments internationaux dont ceux protégeant les réfugiés, notamment la Convention relative au statut des réfugiés, le Protocole relatif au statut des réfugiés, la Convention de l’OUA relative aux aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique.

169.Aux termes de l’article 15 de la Constitution, «[s]ous réserve des droits politiques, les étrangers régulièrement admis sur le territoire de la République du Tchad bénéficient des mêmes droits et libertés que les nationaux dans les limites de la loi. Ils sont tenus de se conformer à la Constitution, aux lois et règlements de la République.».

170.Sur la question spécifique des réfugiés, la Constitution dispose en son article 46 que «[l]e droit d’asile est accordé aux ressortissants étrangers dans les conditions déterminées par la loi. L’extradition des réfugiés politiques est interdite.».

171.Au Tchad, la question des réfugiés est gérée par la Commission nationale d’accueil des réfugiés (CNAR) mise en place par le décret du 31 décembre 1996. La Commission a en son sein une sous‑commission d’éligibilité, chargée d’attribuer le statut de réfugié en application de l’article premier des Conventions de Genève et de l’OUA relatives au statut des réfugiés.

172.Lié en outre par la Charte africaine des droits de l’homme et de peuples qui dispose en son article 12, alinéa 5 que «[l]’expulsion collective d’étrangers est interdite. L’expulsion collective est celle qui vise globalement des groupe nationaux, raciaux, ethniques ou religieux», le Gouvernement n’a finalement pas mis en exécution la menace d’expulsion des réfugiés de son territoire suite aux agressions répétées du Gouvernement soudanais à l’est du pays.

173.Dans le respect des engagements internationaux du Tchad, la loi no 14 du 14 novembre 1959 réglementant l’expulsion, le refoulement et l’internement administratif a été promulguée.

A. Les mesures législatives

1. La loi réglementant l’expulsion, le refoulement et l’internement administratif

174.En application de l’article 12, alinéa 4 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui énonce que «[l]’étranger légalement admis sur le territoire d’un État partie à la présente Charte ne pourra en être expulsé qu’en vertu d’une décision conforme à la loi», le Gouvernement n’est autorisé à prendre des mesures administratives d’éloignement, d’internement ou d’expulsion qu’à l’encontre des personnes dont les agissements sont dangereux pour l’ordre public et la sûreté intérieure du territoire conformément à la loi no 14 du 14 novembre 1959.

175.Lorsque les faits visés seront établis, les auteurs, indépendamment des poursuites judiciaires, feront par un arrêté du Premier Ministre l’objet soit d’éloignement des lieux où ils résident, soit d’astreinte à résider dans une circonscription ou localité spécialement désignée à cet effet, soit d’internement administratif dans un établissement spécial, soit s’il s’agit des personnes non originaires du Tchad, d’expulsion du territoire de la République, sous réserve dans ce dernier cas de la compétence, réservée aux autorités de la communauté (art. 1 de la loi no 14).

176.L’alinéa 2 de la loi no 14 précise que la durée de l’éloignement, de la résidence obligatoire ou l’internement sera fixée par un arrêté du Premier Ministre qui pourra éventuellement la prolonger ou l’abréger.

2. La loi relative au contrôle des drogues

177.L’article 142 de la loi no 22/PR/95 du 28 septembre 1995, relative au contrôle des drogues, dispose par ailleurs que l’interdiction du territoire prononcée à l’encontre d’un étranger entraîne de plein droit la reconduction à la frontière du condamné à l’expiration de la peine d’emprisonnement.

178.Cette mesure est une peine complémentaire que la loi fait obligation au juge répressif de prononcer.

B. Les mesures administratives

1. Le refoulement

179.La réglementation relative aux conditions d’admission et de séjour des étrangers sur le territoire de la République du Tchad fait l’objet du décret no 211/INT-SUR du 4 décembre 1961 et de ses textes d’application.

180.Lorsque les conditions exigées par ces textes ne sont pas remplies des mesures de rapatriement ou de refoulement seront prises à l’encontre de tout contrevenant.

181.Le refoulement est aussi régi par le même texte de loi de 1959. Cependant compte tenu de la méconnaissance et de l’impression de cette loi, la Direction de l’immigration et de l’émigration qui est le service responsable du contrôle du séjour des étrangers a des difficultés à asseoir la base légale du refoulement sur le décret de 1961 précité et l’arrêté no 3109/INT-SUR du 4 décembre 1961, fixant les modalités d’application dudit décret.

182.La décision de refoulement s’apprécie en fonction du régime dont jouit l’étranger qui peut être un régime privilégié ou non.

183.Cette mesure ne s’applique pas aux réfugiés. S’il s’avère que la présence d’un réfugié pourrait avoir des conséquences négatives pour le Tchad, le Gouvernement saisit la Commission nationale d’accueil des réfugiés (CNAR), qui en liaison avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, lui trouveront un autre pays d’accueil qu’il aura choisi lui‑même.

184.Les sanctions prévues à l’article 8 du décret de 1961 contenues dans l’article 463 du Code pénal sont celles du droit français qui étaient en vigueur dans les colonies françaises. Le Code pénal tchadien actuel, promulgué en 1967 et qui a abrogé celui de la France, ne prévoit pas de sanctions en la matière.

185.Ce vide juridique doit être comblé dans le cadre de la révision du Code de même que la révision de la loi no 14 du 14 novembre 1959 s’impose. Le décret no 72/PRPCSM/SGG du 20 juillet 1976 pris en application de loi no 14 du 14 novembre 1950 ne s’est contenté de ne déterminer que les effets des mesures prises sur la rémunération.

2. L’extradition

186.L’extradition est régie au Tchad par plusieurs textes. Il s’agit du Code de procédure pénale, de la Convention générale de coopération en matière de justice du 12 septembre 1961 et l’Accord franco-tchadien no 138/CSM du 6 mars 1976 relatif à l’entraide judiciaire.

187.Ces différents textes régissent les conditions, les effets et la procédure d’extradition et, dans l’ensemble, ils prévoient des cas où l’extradition n’est pas autorisée.

188.L’article 447 du Code pénal refuse toute extradition:

a)Lorsque l’individu, objet de la demande, est de nationalité tchadienne;

b)Lorsque le crime ou délit a un caractère politique ou lorsqu’il résulte des circonstances que l’extradition est demandée dans un but politique;

c)Lorsque le crime ou délit est commis sur le territoire tchadien;

d)Lorsque le crime ou délit, quoique commis hors du territoire tchadien, y a été poursuivi et jugé définitivement;

e)Lorsque, d’après les lois de l’État requérant ou celle de l’État requis, la prescription de l’action s’est trouvée acquise antérieurement à la demande d’extradition;

f)Si une amnistie est dans l’État requérant ou si une amnistie est dans l’État requis.

189.De même l’article 44 de la Convention générale de 1961 n’autorise pas l’extradition si l’État requis considère l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée comme une infraction politique ou comme une infraction connexe à une telle infraction.

190.L’Accord franco‑tchadien a repris parmi les causes de non-recevoir d’une demande d’extradition le caractère politique de l’infraction ou la connexité avec toute infraction.

191.En spécifiant clairement aussi bien dans sa législation qu’à travers les deux accords, multilatéral et bilatéral, que les réfugiés politiques ne peuvent faire l’objet d’extradition, le Tchad préserve ces derniers d’un procès qui ne serait pas équitable et qui les exposerait aux risques de torture étant entendu que les répressions politiques sont des plus sévères.

192.Cette protection s’étend même à un extradé dont l’itinéraire transite par le Tchad en vertu de l’article 467 du Code de procédure pénale qui énonce que «[l]’extradition par voie de transit à travers le territoire tchadien ou par les bâtiments des services maritimes tchadiens d’un individu de nationalité quelconque livré par un autre gouvernement, est autorisée, sur demande par voie diplomatique, appuyée des pièces nécessaires pour établir qu’il ne s’agit pas d’un délit politique».

193.Hormis les cas expressément ciblés pour refuser l’extradition, cette mesure est possible en application de l’article 445 du Code de procédure pénale qui dispose que «[l]e Gouvernement tchadien peut livrer, sur leur demande, aux gouvernements étrangers, tout individu non tchadien qui, étant l’objet d’une poursuite intentée au nom de l’État requérant ou d’une condamnation prononcée par ses tribunaux, est trouvé sur le territoire de la République».

194.Le parquet général ne dispose malheureusement pas de statistiques, du fait de la mauvaise tenue des archives. Néanmoins, selon des sources de la Direction de l’administration pénitentiaire, le Gouvernement sous le régime Habré a procédé à une demande d’extradition d’un couple français, poursuivi et condamné pour escroquerie par les tribunaux tchadiens.

195.Cette extradition accordée par décret du Président de la République a donc été prononcée en violation des dispositions de l’article 450 du Code de procédure pénale qui n’autorise l’extradition d’un étranger poursuivi et condamné qu’après que la peine a été exécutée.

196.Il ressort du rapport de la Commission d’enquête nationale du Ministère de la justice que les droits des réfugiés politiques tchadiens exilés dans des pays étrangers étaient allègrement violés sous le règne de Habré. Ces derniers faisaient l’objet d’enlèvement par les agents de sa redoutable police politique constituant le fameux service dénommé Mission terroriste ayant pour attache dans ces pays les conseillers culturels des ambassades du Tchad pour les liquider physiquement.

197.Aujourd’hui, partie à la Convention contre la torture, le Tchad ne pourra procéder à une extradition sans tenir compte de toutes les considérations pertinentes y compris, le cas échéant, de l’existence dans l’État requérant d’un ensemble des violations systématiques, graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. Il s’agit là d’un devoir moral et sécuritaire.

3. Le décret fixant les conditions d’admission et de séjour des étrangers sur le territoire de la République du Tchad

198.Le décret no 211/PR/61 du 4 décembre 1961 fixe les conditions d’admission et de séjour des étrangers sur le territoire de la République du Tchad, selon qu’il est un étranger jouissant d’un régime privilégié ou non. Il existe des formalités communes aux deux régimes comme il existe des formalités spécifiques à chacun.

199.Dans tous les cas, l’accès du territoire de la République du Tchad est subordonné à la justification de moyens d’existence suffisants ou d’un engagement légal au service d’un particulier ou d’une société installée dans le pays (art. 3).

200.Il est en outre exigé à tout voyageur entrant sur le territoire de la République du Tchad de justifier du versement du cautionnement réglementaire de rapatriement en son pays d’origine ou de provenance, dont le taux et les modalités de versement sont fixés par arrêté no 3109 du 4 décembre 1961 (art. 4).

201.Un transporteur ne doit accepter comme passagers à destination de la République du Tchad que ceux qui ont observé les formalités prescrites à l’article premier concernant les pièces à fournir selon le régime dont ils jouissent.

202.En cas d’inobservation des prescriptions des articles 1er et 4, les personnes non autorisées à débarquer sont, de ce fait, consignées sous la responsabilité du transporteur pour être réembarquées d’office vers leur lieu de provenance.

203.En accord avec le transporteur intéressé, elles peuvent être autorisées à séjourner au point d’arrivée jusqu’à ce qu’elles soient rapatriées. La prise en charge de leur séjour incombe au transporteur ainsi que leur rapatriement (art. 5).

204.Toute entrée frauduleuse, ou par tout autre moyen, suite à un refus d’autorisation d’entrée sur le territoire de la République du Tchad et au mépris des prescriptions faites aux articles 1er et 4, exposera son auteur à une peine d’amende de 18 000 à 360 000 francs CFA et à un emprisonnement de un mois à un an ou à l’une de ces peines seulement. Les complices encourront les mêmes sanctions (art. 7).

205.Ce texte, assez souple, adopté au lendemain de l’indépendance permet l’accès facile au Tchad. Cependant, sans porter atteinte à la liberté d’aller et venir reconnue à tout être humain, il mérite d’être révisé en vue d’accroître le contrôle aux frontières et protéger les populations des conséquences néfastes des conflits, mais aussi en raison du trafic des stupéfiants, de la prolifération des armes légères aux frontières et du phénomène de la traite des personnes, et particulièrement celle des enfants qui prend des proportions inquiétantes.

206.Dans le souci de protéger les femmes et les enfants, victimes de la traite des personnes, le Tchad vient de signer l’Accord multilatéral de coopération régionale et d’adopter le Plan d’action régional de lutte contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le 7 juillet 2006 à Abuja au Nigéria.

207.L’Accord multilatéral vise la prévention de la traite, la poursuite des auteurs de la traite, l’assistance et la protection des victimes, la réhabilitation et la réinsertion sociales des victimes et la coordination des investigations, de l’arrestation et de la condamnation des trafiquants et de leurs complices.

208.Dans le cadre du Plan d’action, plusieurs activités sont prévues notamment le refus d’entrée sur le territoire et/ou la révocation des visas des personnes recherchées pour des crimes liés à la traite des personnes, ainsi que l’entraide judiciaire pouvant conduire à l’extradition des coupables.

4. Le décret déterminant les conditions d’application d’interdiction de séjour

209.Le décret no 46/PR/INT du 18 février 1971, déterminant les conditions d’application d’interdiction de séjour s’applique à toute personne condamnée. Les étrangers ne sont pas exclus de son champ d’application.

210.L’article premier, alinéa 2 de ce texte réglementaire dispose que «[t]oute commutation ou remise des peines principales assortie d’interdiction de séjour, toute libération conditionnelle d’un condamné à l’interdiction de séjour, est notifiée par le parquet chargé de l’exécution des mesures gracieuses au Ministère de l’intérieur».

211.L’article 3, alinéa 3 du même décret dit que «[à] tout moment de la durée d’interdiction de séjour, Le Ministre de l’intérieur peut modifier la liste de lieux interdits».

212.L’article 5 précise que «[l]orsque l’interdiction de séjour constitue la peine principale, la notification de l’arrêté et la remise de carnet ont lieu à la diligence des autorités administratives».

C. Les mesures judiciaires

213.En application de l’article 71 de la loi organique no 006/PR/98 du 7 août 1998, portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême, la section contentieuse de la chambre est compétente pour connaître en premier et dernier ressort:

a)Des recours pour excès de pouvoir contre les actes réglementaires de portée générale ou individuelle;

b)De litiges relatifs aux avantages pécuniaires ou statutaires des fonctionnaires;

c)Des recours en interprétation et recours en appréciation de la légalité des actes dont le contentieux relève de la section.

214.Les procédures d’urgence devant la section contentieuse de la chambre administrative sont le référé administratif et le sursis à exécution (art. 90 et suiv. de la loi organique, portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême).

215.C’est pourquoi, la section contentieuse de la chambre administrative de la Cour suprême du Tchad a été saisie aux fins de sursis à exécution de l’arrêté du Ministre de la sécurité publique et de l’immigration.

Affaire Tchanguiz Vatankhah c. Ministère de la sécurité publique et de l’immigration(Arrêt no 026/CS/CA/SC/05 du 15 décembre 2005)

216.Le sieur Tchanguiz Vatankhah, réfugié de nationalité iranienne a reçu en 1976 l’agrément pour s’installer au Tchad. Ayant fait l’objet d’un arrêté d’expulsion du territoire par le Ministre de la sécurité publique et de l’immigration en date du 14 novembre 2005, sous l’impulsion de l’Association des droits de l’homme sans frontières et son conseil ont saisi la section contentieuse de la chambre administrative de la Cour suprême du Tchad aux fins de sursis à exécution dudit arrêté.

217.Le conseil invoque à l’appui de sa requête les dispositions de l’article 32 de la Convention relative au statut des réfugiés du 22 avril 1954, ratifiée par le Tchad et qui dispose que «[l]es États contractants n’expulseront un étranger se trouvant régulièrement sur son territoire que pour des raisons de sécurité nationale ou d’ordre public».

218.Que l’ordre public suppose pour rendre l’expulsion légale une atteinte aux libertés individuelles ou un trouble à la quiétude de chaque citoyen; qu’en espèce aucun citoyen ne s’est plaint de la présence de Tchanguiz Vatankhah aussi bien à Moissala, ville dans laquelle il réside ou nulle part ailleurs.

219.Qu’en outre, contrairement à l’alinéa 2 de l’article 32 de la même Convention qui précise que le réfugié contre qui la mesure d’expulsion est entreprise «doit être admis à fournir des preuves tendant à le disculper à cet effet devant une autorité compétente devant une ou plusieurs personnes désignées spécialement par l’autorité compétente. Malheureusement, depuis l’arrestation aucun acte n’a été posé dans ce sens alors que la Constitution tchadienne en son article 15 reconnaît aux étrangers régulièrement admis sur le territoire de la République du Tchad les mêmes droits et libertés que les nationaux sous réserve des droits politiques».

220.C’est pourquoi, la réplique du Service du suivi judiciaire et contentieux administratif du Secrétariat général du Gouvernement qui soutenait l’acte incriminé en invoquant les dispositions de l’article 91 de la loi organique no 006/PR/98 du 7 août 98, portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême qui dispose que «le recours devant la Chambre administrative n’est pas suspensif, sauf en cas de circonstances exceptionnelles».

221.«Toutefois, la Chambre administrative peut prescrire qu’il soit sursis à l’exécution d’une décision lorsqu’elle n’intéresse ni le maintien de l’ordre public, ni la sécurité, ni la tranquillité publique et si une requête expresse aux fins de sursis lui est présentée», n’a pas retenu l’attention du juge administratif qui, au regard du statut du requérant et des droits qui lui sont reconnus aussi bien par la Convention relative au statut des réfugiés que par la Constitution, considère que les motifs de l’expulsion n’ont pas été suffisamment rapportés pour justifier de la décision du Ministre.

222.Aussi, au regard de tout ce qui précède, la Chambre administrative a‑t‑elle considéré que la décision d’expulser Tchanguiz Vatankhah entraînera pour ce dernier un préjudice grave et qu’en conséquence déclare qu’il y a urgence, et s’est prononcée pour son maintien au Tchad jusqu’à l’épuisement de la procédure au fond qui tarde à venir.

ARTICLE 4Répression des actes de torture en droit interne

A. Les mesures législatives

223.Contrairement aux dispositions de l’article 4 de la Convention qui fait obligation à la République du Tchad en tant qu’État partie de veiller à ce que les actes de torture constituent des infractions au regard de son droit pénal, ceux‑ci n’ont pas encore fait l’objet de mesure spécifique applicable.

224.Cette faiblesse de la législation interne contribue en partie à l’impunité. Car en l’état actuel de notre législation, la question des actes de torture reste une notion plus large et diluée dans les atteintes physiques aux personnes, atteintes à la vie et à l’intégrité corporelle ou mentale et la torture en constitue seulement une circonstance aggravante soumise à l’appréciation du juge répressif. On retrouve dans le Code pénal quelques dispositions réprimant certaines atteintes physiques aux personnes.

1. Le Code pénal

Les atteintes à la liberté prévues et punies par le Code pénal

225.L’article 143 dispose que «[l]orsqu’un fonctionnaire public, un agent ou un préposé du Gouvernement aura ordonné ou fait quelque acte arbitraire ou attentatoire, soit à la liberté individuelle, soit à la Constitution, il sera condamné à la peine de six mois à cinq ans d’emprisonnement et de 5 000 à 5 000 000 de francs d’amende».

226.«Si néanmoins, il est justifié qu’il a agi par ordre de ses supérieurs pour des objets du ressort de ceux‑ci, sur lesquels il leur était dû obéissance hiérarchique, il sera exempt de la peine, laquelle sera, dans ce cas, appliquée seulement aux supérieurs qui auront donné l’ordre.».

227.Aux termes de l’article 144 «Si les ministres prévenus d’avoir ordonné ou autorisé l’acte contraire à la Constitution prétendent que la signature à eux imputée leur a été surprise, ils seront tenus, en faisant cesser l’acte, de dénoncer celui qu’ils déclareront auteur de la surprise, sinon ils seront poursuivis personnellement.».

228.S’agissant des agents des forces de l’ordre, l’article 145 prévoit que «[l]es fonctionnaires publics chargés de la police administrative ou judiciaire qui auront refusé ou négligé de déférer à une réclamation légale tendant à constater les détentions illégales et arbitraires, soit dans les maisons destinées à la garde des détenus, soit partout ailleurs, et qui ne justifieront pas les avoir dénoncées à l’autorité supérieure, seront punis d’un mois à un an d’emprisonnement et tenus des dommages‑intérêts».

229.Les indélicatesses des agents de l’administration pénitentiaire sont également prises en compte par l’article 146 qui énonce que «[l]es gardiens des établissements pénitentiaires qui auront reçu un prisonnier sans mandat ou jugement ou, quand il s’agira d’une expulsion ou d’une extradition, sans ordre provisoire du Gouvernement, ceux qui l’auront retenu ou auront refusé de le présenter à l’officier de police ou au porteur de ces ordres, sans justifier de la défense du Procureur de la République ou du juge, ceux qui auront refusé d’exhiber leurs registres à l’officier de police seront comme coupables de la détention arbitraire, punis de six mois à deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 5 000 à 100 000 francs».

230.Le Procureur général ou de la République, le substitut, le juge ou l’officier public qui aura retenu ou fait retenir un individu hors des lieux déterminés par le Gouvernement ou l’administration publique sera puni des peines prévues à l’article 146 (art. 148).

Les arrestations illégales et séquestrations de personnes

231.Les peines prévues contre ceux qui, sans ordre des autorités constituées et hors les cas où la loi ordonne de saisir des prévenus, auront arrêté, détenu ou séquestré des personnes quelconques sont les travaux forcés à temps. Il en est de même pour celui qui aura prêté un lieu pour exécuter la détention ou la séquestration (art. 149).

232.Toute convention affectant la liberté des personnes, telle que la cession, la mise en servitude ou la remise en gage, sera punie des peines prévues pour la séquestration arbitraire qui sont les travaux forcés à temps (art. 152, al. 1).

Les atteintes à la vie

233.En application de l’article 245, «[e]st qualifié empoisonnement tout attentat à la vie d’une personne par effet de substances qui peuvent donner la mort, plus ou moins promptement, de quelque manière que ces substances aient été employées ou administrées et quelles qu’en aient été les suites».

234.Tous malfaiteurs qui, quelle que soit leur dénomination, emploient des tortures pour l’exécution de leurs crimes ou commettent des actes de barbarie seront punis comme coupables d’assassinat (art. 247).

Les atteintes à l’intégrité corporelle ou mentale

235.Les atteintes à l’intégrité corporelle ou mentale font l’objet des articles 252 et 253 et sont traitées dans la section portant sur l’article 2 (le Comité est prié de se référer aux paragraphes 80 à 110 ci-dessus).

236.La vulnérabilité de l’enfant constitue une circonstance aggravante liée à ces atteintes prévues aux articles 252 et 253. C’est pourquoi «Lorsque les coups auront été portés et les blessures faites à un enfant au-dessous de l’âge de 13 ans, la peine sera portée au double. De même que le défaut d’aliments ou de soins au point de compromettre la santé de l’enfant fera encourir les mêmes peines.» (art. 254).

La castration

237.Aux termes de l’article 257, «[t]oute personne coupable du crime de castration subira la peine des travaux forcés à temps. Si la mort en est résultée, le coupable subira la peine des travaux forcés à perpétuité».

L’administration de substances nuisibles

238.L’article 258 dispose que «[c]elui qui aura occasionné à autrui une maladie ou une incapacité de travail, en lui administrant volontairement, de quelque manière que ce soit, des substances qui, sans être de nature à donner la mort, sont nuisibles à la santé, sera puni de cinq à dix ans d’emprisonnement et d’une amende de 10 000 à 500 000 francs».

2. Le Code de justice militaire

239.Le Code de justice militaire, en son article 106, énonce qu’«[e]st puni de six mois à trois ans d’emprisonnement tout militaire qui frappe son inférieur hors le cas de légitime défense de soi-même ou d’autrui ou des ralliements des fuyards en présence de l’ennemi.

240.«Lorsque les violences ont entraîné une maladie ou une incapacité de travail de plus de six jours, une infirmité grave ou la mort, les pénalités édictées par le Code pénal sont applicables aux coupables.» Toutefois, il n’existe pas de tribunaux militaires au Tchad.

241.En droit pénal tchadien, la tentative de crime est toujours punissable. Elle est punie comme le crime alors que la tentative de délit n’est punissable que dans les cas déterminés par la loi.

242.Par rapport aux événements occasionnés par des rébellions, le rapport d’Amnesty international publié le 4 octobre 2006 qualifie d’acte de tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la pratique de détention dans des lieux secrets sans aucun contact avec l’extérieur et le refus d’indiquer ces lieux de détention, de disparitions forcées et constitue de ce fait une violation du droit international des droits de l’homme.

243.Le Code pénal tchadien étant antérieur à la Convention contre la torture, seule l’harmonisation du Code pénal à la Convention aidera à une possible application de celle-ci et à plus de protection.

244.Comme signalé dans la première partie (par. 72 et suiv.), la révision du Code pénal qui intègre cet aspect de la torture constituera une solution si le projet venait à être promulgué.

245.En plus de la définition figurant à l’article 18, l’article 19 de cet avant-projet dispose que «[t]oute personne qui sera coupable de torture sera punie d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 600 000 à 2 000 000 francs CFA».

246.L’article 21 ajoute que «[l]orsque l’auteur des actes de torture est un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement expresse ou tacite, les peines prévues sont les travaux forcés de dix à vingt ans».

247.Enfin, l’article 22 assimile aux actes de torture, les traitements cruels, inhumains ou dégradants et punis comme tels.

B. Les mesures administratives

248.Le Programmes de réforme de la justice (PROREJ), approuvé par le décret no 065/P/PM/MJ/2005 du 18 février 2005 dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations des États généraux de la justice, a inscrit parmi les principaux axes stratégiques de la réforme:

a)La révision ou l’adoption des textes;

b)La promotion et la protection des droits de l’homme;

c)L’information, l’éducation et la communication.

249.S’agissant du volet «révision ou adoption des textes», le PROREJ appuie la nécessité de la révision du Code pénal et du Code de procédure pénale pour une mise en conformité avec les nombreuses conventions ratifiées par le Tchad. Car, non seulement, ces textes adoptés dans les premières années de l’indépendance ne s’adaptent plus à l’évolution du temps, mais en plus, aucune politique pénale cohérente n’a été développée.

250.Tirant les leçons des longues années de guerres civiles qui ont eu des répercussions très négatives sur la question des droits de l’homme, le volet «promotion et protection des droits de l’homme» envisage, pour l’amélioration de la situation des droits de l’homme, de faire connaître à la population les lois et conventions y afférentes en vue de lui permettre de s’en approprier. Cette vulgarisation et cette publicité des instruments juridiques telles que recommandées aux États parties aux conventions doivent se faire en partenariat avec la société civile.

251.Il est en outre programmé le renforcement des capacités des associations de défense de droits humains afin de favoriser le fonctionnement des cliniques juridiques par la mise en place d’un environnement institutionnel propice à la promotion des droits de la personne.

252.Le volet «information, éducation et communication» du PROREJ préconise pour pallier les difficultés d’orientation auxquelles sont confrontés les justiciables, en raison de la méconnaissance de l’institution judiciaire et de l’absence d’une structure officielle d’accueil et un personnel qualifié formé à cette fin, de mieux faire connaître aux populations leurs droits et devoirs.

253.Il faut pour cela renforcer les capacités des journalistes pour qu’ils se familiarisent avec le langage juridique taxé souvent d’abscons.

254.Une évaluation faite par le Comité de suivi de recommandations et résolutions des États généraux de la justice, responsable de la mise en œuvre du PROREJ, fait ressortir que le processus de réforme déclenché en 2005 reste encore très timide au regard des réalisations faites jusqu’à nos jours.

C. Les mesures judiciaires

255.En matière pénale, toute décision de justice doit reposer sur une base légale. En l’absence d’une telle base, il ne peut y avoir de jugements rendus pour sanctionner la torture en tant qu’infraction distincte.

ARTICLE 5 Principes de territorialité et d’extraterritorialité

256.En matière pénale, la compétence territoriale des juridictions répressives tchadiennes est déterminée en principe par le lieu de la commission de l’infraction, par la résidence de l’une des personnes soupçonnées d’avoir participé à l’infraction, inculpées ou accusées ou par le lieu d’arrestation ou de détention de ces personnes, même pour un autre.

257.Cette compétence peut être élargie dans les cas prévus par la loi. Ainsi aux termes de l’article 438 du Code de procédure pénale, «[t]out Tchadien qui, en dehors du territoire, s’est rendu coupable d’un fait qualifié de crime puni par la loi tchadienne, peut être poursuivi et jugé par les juridictions tchadiennes».

258.«Tout Tchadien qui, en dehors du territoire, s’est rendu coupable d’un fait qualifié de délit par la loi tchadienne peut être poursuivi et jugé par les juridictions tchadiennes si le fait est puni par la législation du pays où il a été commis…»

259.Il est reconnu aux juridictions tchadiennes une compétence extraterritoriale en cas de crime ou de délit attentatoire à la sûreté de l’État et de contrefaçon du sceau de l’État ou de monnaie nationale ayant cours au Tchad commis par un étranger en dehors du territoire tchadien. Cet étranger peut être poursuivi et jugé conformément aux lois tchadiennes, s’il est arrêté au Tchad ou si le Gouvernement obtient son extradition.

260.Ces dispositions du présent article sont applicables aux délinquants qui n’ont acquis la nationalité tchadienne que postérieurement aux faits qui leur sont imputés.

261.Mais l’article 439 ajoute que «[q]uiconque s’est, sur le territoire de la République, rendu complice d’un crime ou d’un délit commis à l’étranger peut être poursuivi et jugé par les juridictions tchadiennes si le fait est puni à la fois par la loi tchadienne et par la loi étrangère, à condition que le fait principal ait été constaté par une décision définitive de la juridiction étrangère».

262.En ce qui concerne les infractions commises par les étrangers en dehors du territoire tchadien, l’article 440 du Code de procédure pénale précise que «[t]out étranger qui, en dehors du territoire tchadien, s’est rendu coupable soit comme auteur, soit comme complice d’un crime ou d’un délit attentatoire à la sûreté de l’État, ou de contrefaçon de sceau de l’État, de la monnaie nationale ayant cours au Tchad, des papier nationaux ou des billets de banque tchadiens peut être poursuivi et jugé conformément aux lois tchadiennes s’il est arrêté au Tchad ou si le Gouvernement obtient son extradition».

263.Le principe de la territorialité des lois pénales connaît quelques exceptions admises par les conventions internationales en ce qui concerne les souverains étrangers, les membres de missions diplomatiques et des postes consulaires. Les fonctionnaires des organisations internationales bénéficient de l’immunité diplomatique conformément à la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques.

264.Conformément au Code de procédure pénale tchadien, toute personne qui, hors du territoire national, s’est rendue coupable d’une infraction pour laquelle le Tchad prévoit une peine peut être poursuivie et jugée suivant l’accord d’extradition.

265.Toutefois, en application de l’article 441 du même Code, aucune procédure n’a lieu si l’inculpé justifie qu’il a été définitivement jugé à l’étranger et, en cas de condamnation, qu’il a subi ou prescrit sa peine ou obtenu sa grâce. Ainsi l’article 497 du Code de procédure pénale dispose que «[l]es peines portées par un arrêt rendu en matière criminelle se prescrivent par vingt années révolues à compter de la date où cet arrêt est devenu définitif…».

266.Aussi, l’article 500 du même Code indique-t-il qu’«[e]n aucun cas les condamnés par défaut dont la peine est prescrite ne peuvent être admis à se présenter pour purger le défaut».

267.L’article 95 du Code de justice militaire dispose que «[l]a prescription des peines prononcées en vertu des articles 87 et 90 inclus qui précèdent, de même que la prescription de l’acte résultant de l’insoumission ou de la désertion, ne commence à courir qu’à partir du jour où l’insoumis ou le déserteur aura atteint l’âge de 50 ans».

ARTICLE 6 Détention préventive − Garde à vue

268.En l’absence de toute harmonisation de la législation nationale en vertu de la Convention, les obligations nées des articles 1er et 4 de celle-ci ne peuvent être appliquées. Néanmoins, la détention préventive et la garde à vue ont fait l’objet de mesures législatives, car ce sont des mesures qui touchent à la liberté des personnes, donc ne relèvent que du domaine de la loi.

A. La détention préventive

1. La Constitution

269.L’article 22 de la Constitution énonce que «[n]ul ne peut être détenu dans un établissement pénitentiaire s’il ne tombe sous le coup d’une loi pénale».

270.L’article 23 ajoute que «[n]ul ne peut être arrêté ni inculpé qu’en vertu d’une loi promulguée antérieurement aux faits qui lui sont reprochés».

271.De même, l’article 24 indique que «[t]out prévenu est présumé innocent jusqu’à l’établissement de sa culpabilité à la suite d’un procès régulier offrant des garanties indispensables à sa défense».

272.Le principe de toute arrestation doit reposer sur une base légale tout comme la détention de toute personne. C’est à ce titre que des dispositions du Code de procédure pénale en précisent les conditions.

2. Le Code de procédure pénale

273.Les dispositions relatives à la détention préventive sont contenues dans les articles 241, 243, 246, 228 et 247 du Code de procédure pénale.

274.L’article 241 définit la détention préventive et cible les individus pouvant en faire l’objet en indiquant, en ces termes: «[l]a détention préventive est une mesure qui tend à assurer la représentation en justice d’un inculpé ou à prévenir une activité de nature à nuire à la manifestation de la vérité».

275.Elle n’est applicable qu’aux individus poursuivis pour faits qualifiés de crimes ou faits qualifiés de délits punis d’une peine d’emprisonnement.

276.«En matière correctionnelle, lorsque le maximum de la peine prévue par la loi est inférieur à deux ans d’emprisonnement, l’inculpé domicilié au Tchad ne peut être détenu plus de quinze jours après sa première comparution devant le juge d’instruction, s’il n’a pas été condamné pour un délit de droit commun.»

277.L’article 242 précise en outre que le juge d’instruction ne peut décerner le mandat de dépôt contre un inculpé qui encourt une peine d’emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave qu’au terme de l’interrogatoire de première comparution.

278.L’article 243 du même Code précise que: «[l]a détention préventive doit être subie dans une prison et dans un quartier séparé de ceux des condamnés».

279.Malgré les dispositions de l’article 246 selon lesquelles «[t]oute personne ayant connaissance d’une détention préventive irrégulière ou abusive ne peut s’adresser au Procureur général ou au Président de la chambre d’accusation à l’effet de la faire cesser. La chambre d’accusation peut dans tous les cas prononcer d’office la mise en liberté d’un inculpé préventivement détenu.». Les détentions préventives abusives font légion dans tous les établissements pénitentiaires faute de dénonciation ou par ignorance des textes permettant la saisine des autorités compétentes pour y mettre fin. Cependant, le Code de procédure pénale n’a pas spécifié le délai de la détention préventive et cela peut donner libre cours à l’arbitraire.

3. Les mesures administratives

280.Les détentions préventives abusives constituent l’une des raisons pour lesquelles le Garde des Sceaux a ordonné, en septembre 2006, une mission à la maison d’arrêt de N’Djamena en raison de l’importance de sa population carcérale.

281.En effet, la maison d’arrêt de N’Djamena accueille en son sein, en sus des détenus déférés du parquet d’instance de N’Djamena, les détenus transférés des provinces vers N’Djamena suite aux appels interjetés. Les détenus de provinces ne sont pas systématiquement répertoriés à leur arrivée dans les différents registres rendant leur suivi difficile. Des personnes peuvent facilement répondre en lieu et place d’autres sans que les responsables de la régie ne puissent s’en rendre compte.

282.C’est dans ce contexte que cette mission, conduite par une équipe composée d’un substitut général, d’un substitut du Procureur de la République, d’un représentant de la Direction de l’administration pénitentiaire et de deux greffiers du parquet d’instance avait eu lieu afin de:

a)Vérifier la situation générale des prévenus, inculpés, accusés et éventuellement des condamnés;

b)Régulariser les cas de détention préventive prolongée;

c)Mettre à jour les différents registres.

B.  La garde à vue

1. Les mesures législatives

283.La garde à vue est essentiellement réglementée par le Code de procédure pénale. Aussi, l’article 221 du Code de procédure pénale indique qu’«[u]n officier de police ne peut retenir une personne à sa disposition pour les nécessités de l’enquête préliminaire pendant plus de quarante‑huit heures. Passé ce délai, la personne doit être relaxée ou conduite au Parquet.

284.Le magistrat du ministère public peut autoriser la prolongation de la garde à vue pendant un nouveau délai de quarante‑huit heures s’il l’estime indispensable à la bonne fin de l’enquête. L’autorisation doit être donnée par écrit après que le magistrat se soit assuré au besoin personnellement que la personne retenue n’ait fait l’objet d’aucun sévice.

285.Le délai de quarante‑huit heures fixé à l’alinéa est augmenté des délais nécessaires à la conduite lorsque l’arrestation n’a pas lieu au siège du magistrat. Ce délai est fonction de la nature des communications. L’officier de police judiciaire devra justifier qu’il a usé du maximum de diligence compatible avec les exigences de son service et l’état de communication.

286.Tandis que l’article 222 du Code de procédure pénale fait obligation aux officiers de police judiciaire de dresser procès-verbaux de leurs opérations et de les adresser au parquet et l’article 223 d’ajouter que «[l]orsqu’une arrestation en dehors d’un rayon de 100 km autour du siège du ministère public et aussi dans le cas où l’état de communication ne permet pas d’opérer la conduite devant le magistrat compétent, l’officier de police a l’obligation de donner à celui‑ci avis de l’arrestation dans le délai prescrit à l’article 221, alinéa 1 et par voie télégraphique. Les procès-verbaux doivent être dès leur clôture transmis au parquet.».

287.«À condition que ces avis et transmissions soient opérés, la garde à vue peut être prolongée jusqu’à réception d’un mandat régulier et de toute instruction tendant soit à l’incarcération sur place, soit au transfèrement, à moins qu’il ne lui soit enjoint de remettre le prévenu en liberté…»

288.L’article 20 du Code de justice militaire dispose, pour sa part, que sous réserve des prescriptions particulières énoncées par le présent Code et notamment en ce qu’ils relèvent, dans l’exercice de leurs fonctions, de l’autorité du commandant en chef des forces armées, les officiers de police judiciaire militaire procèdent aux investigations, perquisitions et saisies et établissent des procès-verbaux, conformément aux prescriptions édictées à ce sujet par le Code de procédure pénale pour les officiers de police judiciaire ordinaire.

289.Ils sont tenus d’informer sans délai le Commandant en chef des forces armées des infractions relevant de la compétence des juridictions militaires dont ils ont connaissance.

290.Ils doivent conduire dans les vingt‑quatre heures devant cette autorité toute personne étrangère à l’armée qu’ils auront estimé devoir retenir pour les besoins de leur enquête ou l’exécution d’une commission rogatoire. Le Commandant en chef des forces armées peut permettre de retenir cette personne pendant un nouveau délai de vingt‑quatre heures.

291.Les officiers de police judiciaire militaire sont dessaisis de plein droit dès qu’une information judiciaire a été ordonnée.

292.Dans la pratique, le délai de garde à vue n’est pas respecté. Des citoyens sont souvent détenus au-delà du délai légal dans les locaux de la police et de la gendarmerie. Les officiers de police judiciaire invoquent la vétusté et l’insuffisance de moyens de travail mis à leur disposition pour justifier ces irrégularités.

2. Les mesures judiciaires

Affaire Tchanguiz Vatankhak c. Ministère de la sécurité publique et de l’immigration(arrêt no 022/CS/CA/5 du 9 novembre 2005)

293.La chambre administrative de la Cour suprême a eu à se prononcer sur un recours formulé par le sieur Tchanguiz Vatankhak, un réfugié d’origine iranienne, admis régulièrement au Tchad comme réfugié depuis 1976 suite à un agrément de la République du Tchad, qui a été arrêté le 25 septembre 2005 et détenu au commissariat central de la police de N’Djamena, et menacé d’expulsion.

294.Par requête en date du 21 octobre 2005, l’Association droits de l’homme sans frontières, représentant Tchanguiz Vatankhak assisté d’un conseil, a saisi en référé la section contentieuse de la chambre administrative de la Cour suprême afin de lui faire enjoindre le Ministère de la sécurité publique et de l’immigration de suspendre la mesure d’expulsion et de faire ordonner la libération de Tchanguiz Vatankhak.

295.La Cour a constaté dans son arrêt l’inexistence de la mesure d’expulsion prise par le Ministère de la sécurité publique et de l’immigration à faire cesser l’atteinte grave et manifestement illégale portée à la liberté fondamentale de Tchanguiz Vatankhak.

296.Dans sa motivation, la chambre a relevé que la détention de Tchanguiz Vatankhak, datant du 25 septembre 2005, soit plus d’un mois à la date où elle statuait, outrepasse largement le délai légal de garde à vue et devient en conséquence une détention arbitraire; et que, dès lors, sa détention est contraire aux dispositions constitutionnelles de la République.

ARTICLE 7Conditions d’extradition

297.La législation pénale tchadienne n’ayant pas prévu et puni la torture comme acte criminel, la découverte au Tchad d’un présumé auteur d’un acte de torture commis en dehors du territoire ne peut ni faire l’objet d’extradition ni de poursuite devant les juridictions tchadiennes, quand bien même un accord de coopération ou d’entraide judiciaire lierait la République du Tchad à l’État requérant.

298.En application de l’article 445 du Code de procédure pénale, le Gouvernement tchadien peut livrer, sur leur demande, aux gouvernements étrangers, tout individu non tchadien, faisant l’objet d’une poursuite intentée au nom de l’État requérant ou d’une condamnation par ses tribunaux, se trouvant sur le territoire de la République. Néanmoins, l’extradition n’est accordée que si l’infraction, cause de la demande, a été commise en dehors de son territoire par un individu étranger à cet État, quand l’infraction est au nombre de celles dont la loi tchadienne autorise la poursuite au Tchad, alors même qu’elle a été commise à l’étranger.

299.Le dernier alinéa de l’article 445 renchérit en édictant que, «[e]n aucun cas, l’extradition n’est accordée si le fait n’est pas puni par la loi tchadienne d’une peine criminelle ou délictuelle». La torture ne constituant ni un crime ni un délit au regard de la loi pénale tchadienne, non seulement aucune demande d’extradition ne pourrait être satisfaite, mais il ne sera pas non plus possible d’engager quelque procédure que se soit. Ainsi, donc, il est nécessaire de procéder à l’incorporation des dispositions de la Convention contre la tortue dans l’ordonnancement juridique interne aux fins de juger ou extrader les auteurs d’actes de torture.

300.Cependant, si un acte précis de torture pour lequel l’extradition est demandée, est considéré comme fait passible d’une peine criminelle ou délictuelle par les dispositions des textes nationaux tel que l’administration d’une substance nuisible au cours d’un interrogatoire par un agent de la fonction publique, l’extradition serait accordée, car cet acte est puni à l’article 245 du Code pénal tchadien.

301.Cette demande d’extradition n’aura plus qu’à obéir aux conditions posées par le Code pénal et aux exigences de la réciprocité. Le Code de procédure pénale tchadien autorise le juge face à de tels cas à se déclarer compétent ou à permettre l’extradition vers un autre pays pour le jugement de l’auteur de l’acte incriminé.

302.Les articles 451 à 460 du Code de procédure pénale déterminent la procédure qui est la voie diplomatique et les pièces à fournir qui doivent accompagner la demande d’extradition. Ces pièces sont soit un jugement ou un arrêt de condamnation, même par défaut ou par contumace, soit un acte de procédure criminelle ordonnant formellement ou opérant de plein droit le renvoi de l’inculpé ou de l’accusé devant la juridiction pénale, soit d’un mandat d’arrêt ou tout autre acte ayant la même force et décerné par l’autorité judiciaire, pourvu que ces derniers actes renferment l’indication précise du fait pour lequel ils sont délivrés et la date de ce fait.

303.En cas d’urgence, un simple avis dont le Procureur de la République est saisi par les autorités judiciaires de l’État requérant est suffisant.

304.En ce qui concerne le déroulement des audiences, les garanties classiques d’un jugement équitable sont prévues aux articles 42 à 48 du Code de procédure pénale tchadien à savoir la présomption d’innocence, le principe du contradictoire, l’assistance par un avocat de son choix ou commis d’office et le double degré de juridiction.

ARTICLE 8Obligation de coopération

305.À la lumière des conditions d’extradition sus‑évoquées, l’on est en droit de dire que l’extradition implique plusieurs États et repose sur le principe de réciprocité.

306.Depuis l’accession du Tchad à la souveraineté internationale, des traités et conventions intégrant l’extradition ont été signés avec d’autres États. On peut citer entre autres, la Convention générale de coopération en matière de justice du 12 septembre 1961 conclue entre 12 États africains et malgache, l’Accord franco-tchadien no 138/CSM du 6 mars 1976 relatif à l’entraide judicaire. La signature de ces conventions témoigne d’une volonté commune des États parties pour une collaboration dans les affaires juridiques nécessitant une extradition.

307.Cependant, ces deux textes étant antérieurs à la Convention contre la torture, leur contenu sur le point relatif à l’extradition n’a pas été élaboré dans l’esprit de l’article 8 de la Convention. Une telle démarche est également liée à l’engagement pris par chacun de ces États parties aux accords en vertu des obligations nées de la Convention. C’est pourquoi, au-delà de la nécessité d’harmoniser sa législation interne, celle de revoir ces accords ou celle d’en conclure d’autres s’impose au Gouvernement tchadien.

ARTICLE 9L’entraide judiciaire

308.En application du principe de la compétence territoriale qui limite la compétence des juridictions nationales aux frontières des États dont elles relèvent, la collaboration entre les autorités judiciaires de différents États est nécessaire pour faciliter tout acte de procédure. C’est ainsi que l’entraide judiciaire prévue à l’article 9 de la Convention a fait l’objet des traités et conventions de coopération précités. Le Code de procédure pénale tchadien y a également consacré quelques dispositions en fixant les conditions de l’extradition, en déterminant sa procédure ainsi qu’en précisant ses effets. Il en est de même des commissions rogatoires internationales.

309.La Convention générale de coopération en matière judiciaire du 12 septembre 1961 à laquelle le Tchad est partie prévoit en son article 50 que «lorsque les renseignements complémentaires lui seront indispensables pour s’assurer que les conditions requises par la présente convention sont réunies, l’État requis, dans le cas où l’omission lui paraîtra susceptible d’être réparée, avertira l’État requérant avant de rejeter la demande. Un délai pourrait être fixé par l’État requis pour l’obtention de ces renseignements.».

310.Lorsqu’en cas d’urgence les autorités compétentes de l’État requérant en font la demande, l’article 51 de la même convention prévoit une arrestation provisoire en attendant l’aboutissement de la demande d’extradition et des pièces à conviction.

311.La demande d’arrestation provisoire sera transmise aux autorités compétentes de l’État requis directement par voie postale ou télégraphique avec notification immédiate au Procureur général. L’autorité requérante sera informée sans délai de la suite donnée à sa demande.

312.Dans le même sens, l’article 52 de la même Convention permet la libération provisoire de l’accusé après son arrestation dans les vingt jours pour les pays limitrophes et trente jours pour les pays non limitrophes si l’une des pièces à conviction n’a pas été envoyée à l’autorité requise.

313.En cas de conflit de réclamation de l’accusé par deux États pour les mêmes faits, le Tchad choisira librement l’État auquel sera remis l’individu, compte tenu de la possibilité d’extradition ultérieure entre les États requérants, des dates respectives des demandes, de la gravité et du lieu des infractions.

314.Pour le cas des actes de torture commis sous le règne de Hissène Habré, plusieurs commissions rogatoires ont été exécutées au Tchad pour permettre au juge belge en charge du dossier de rassembler les pièces à conviction. Cependant, cette volonté d’entraide judiciaire a des limites au regard de la Convention, objet du rapport, en raison du défaut d’harmonisation, dans la mesure où les infractions visées à l’article 4 n’entrent pas dans le champ d’application de ces accords en matière d’entraide judiciaire.

ARTICLE 10 Programme de formation contre la torture

315.Dans le cadre de la promotion et de la défense des droits de l’homme, les associations de défense des droits de l’homme étaient les premières à initier et à organiser des ateliers de formation sur les droits de l’homme.

316.Ces ateliers de formation dont les cibles sont variées (fonctionnaires des départements ministériels directement intéressés par la question des droits, magistrats, forces de l’ordre, membres des associations de défense des droits de l’homme elles-mêmes…) sont présidés le plus souvent par des hauts responsables politiques (ministres, secrétaires généraux des ministères). Ces assises sont en outre toujours sanctionnées par des recommandations remises au Gouvernement.

317.Des campagnes de sensibilisation avec des thèmes variés sont également organisées par les associations de défense des droits de l’homme à l’endroit de la population dans plusieurs villes.

318.À la demande de la Ligue tchadienne des droits de l’homme (LTDH), des tranches horaires lui sont accordées par les responsables des écoles de formation de la police et de la gendarmerie afin de dispenser, en sus des matières classiques enseignées comme le droit pénal général, le droit pénal spécial et la procédure judiciaire, une formation sur les droits de l’homme.

319.Ce partenariat avec la LTDH et, plus tard, la nécessité d’harmonisation des programmes dans le cadre de la coopération internationale ont engendré des progrès notables au niveau de la formation des forces de l’ordre et de la sécurité.

320.En vue d’adapter les droits de l’homme et le droit international humanitaire au contexte des missions de défense nationale et des opérations de maintien de l’ordre public et de sécurité que doivent assurer les forces armées, il est créé, par arrêté no 059/MDNR/EMP/02 signé du Ministre de la défense nationale en mars 2002, un Centre de référence en droit international humanitaire (CRDIH).

321.Les attributions de ce Centre sont entre autres:

a)L’élaboration d’un programme national de l’enseignement du droit international humanitaire;

b)La conception et l’édition des documents didactiques.

322.Une autre disposition réglementaire du Ministre de la défense, notamment l’arrêté no 24/MDNACVG/ENP/05 du 26 janvier 2005, a permis la création d’une commission chargée de l’élaboration des textes sur le droit international humanitaire. Elle a le mérite de compter en son sein le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et un magistrat, expert indépendant. C’est aussi cette commission qui a la charge de la révision du Code de déontologie de la gendarmerie afin d’y intégrer la dimension droits de l’homme et droit international humanitaire.

323.L’étape suivante a été celle d’insérer au programme de formation des forces armées et de sécurité le droit international humanitaire par arrêté no 85/MDN/ENP/05 du 19 mai 2005. Cet arrêté rend obligatoire l’enseignement du droit international humanitaire dans les établissements de formation des forces armées et de sécurité.

324.Le processus de réforme a abouti à l’adoption d’un document intitulé «Manuel de l’instructeur en vigueur dans les forces armées et de sécurité». La rédaction de ce manuel a vu la participation de l’armée nationale, du Groupement des écoles militaires interarmées, de l’armée de l’air, de la Gendarmerie nationale, de la Garde nationale et nomade et de la Police nationale. Ce manuel est en fait la refonte de deux volumes des fascicules élaborés en collaboration avec la LTDH. Ce document enrichi et adapté aux besoins de formation de l’heure est rédigé sous la forme de fiches, il aborde tous les sujets auxquels sont souvent confrontées les forces armées tchadiennes pendant les hostilités. Il comprend deux volets.

325.Le premier volet consacré au droit humanitaire est réparti en trois niveaux; le contenu de la formation est spécifique à chaque cible correspondant à un niveau:

a)Niveau 1 − La formation commune de base dispensée aux hommes de rang et gendarmes. Ce sont les soldats et élèves de la Gendarmerie, de la Garde et de la Police nationales;

b)Niveau 2 − La formation des élèves officiers de première année, y compris les sous‑officiers;

c)Niveau 3 − La formation des élèves officiers de deuxième année, y compris les officiers subalternes.

326.Le deuxième volet consacré aux droits de l’homme constitue le tronc commun pour tous les niveaux. C’est ce deuxième volet qui prend en compte la torture.

327.Le module relatif à la torture reprend la définition donnée à l’article premier de la Convention y afférente et précise qu’elle est une violation fondamentale des droits de l’homme. Le module fait également ressortir des dispositions de la Loi fondamentale interdisant la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants.

328.Les différentes formes de torture y sont énumérées et les mesures susceptibles d’être prises à la lumière d’autres instruments internationaux en matière de droits de l’homme. Les 12 points du Programme d’Amnesty international pour la prévention des actes de torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants commis par des agents de l’État sont également reproduits dans le manuel pour leur vulgarisation dans les écoles de formation des forces armées et de sécurité. Il leur est enseigné par exemple la conduite des enquêtes indépendantes sur les allégations de torture ou encore la nullité des déclarations arrachées sous la torture.

329.Vingt‑cinq formateurs ont déjà reçu la formation pour l’utilisation du manuel qui doit être reproduit en 500 exemplaires afin d’être mis à la disposition de toutes les écoles de formation des forces armées et de sécurité du Tchad. Le contenu de l’enseignement sur le droit humanitaire et les droits de l’homme sera désormais le même pour toutes les écoles, car le programme est désormais national.

330.Le droit humanitaire est aussi enseigné à la faculté de droit et de techniques juridiques. L’École nationale d’administration et de magistrature vient de faire élaborer, avec l’appui technique du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), un manuel en cours de validation intitulé «Module de formation judiciaire des normes internationales des droits de l’homme pour l’École nationale d’administration et de magistrature».

331.Dans le cadre de la Décennie mondiale pour l’éducation aux droits de l’homme, le Gouvernement tchadien a engagé le processus d’adoption d’un plan d’action national d’éducation aux droits de l’homme. La mise en œuvre de ce plan d’action impliquera l’élaboration de programmes pluridisciplinaires et de manuels scolaires, et l’organisation de campagnes de sensibilisation des jeunes dans le milieu scolaire.

332.L’une des étapes de ce processus a été de former des formateurs aux techniques d’éducation en matière de droits de l’homme dans les trois villes du pays, à savoir N’Djamena, Bongor et Bol.

333.L’objectif de ces ateliers de formation pilote est de développer chez les formateurs des compétences devant leur permettre de promouvoir l’éducation aux droits de l’homme dans le secteur éducatif. La prochaine étape consistera en l’organisation d’un atelier pour définir les priorités.

334.Bien qu’encore embryonnaire, l’enseignement des droits de l’homme devient une nécessité incontournable à toutes les étapes de la vie de la société tchadienne. Les écoles professionnelles telles que l’ISSED et les écoles normales d’instituteurs ont aussi adopté un programme d’enseignement sur les droits de l’homme.

335.Contrairement aux écoles de formation des forces armées et de sécurité dont le programme d’enseignement est uniforme, ceux des autres établissements professionnels varient d’un établissement à un autre. Le projet du Ministère de l’éducation nationale permettra une harmonisation des contenus de l’enseignement dispensé en matière de droits de l’homme.

336.Il convient également de relever les efforts fournis par les associations de défense des droits de l’homme qui, avec l’appui de leurs partenaires, font former leurs membres dans de grands instituts internationaux des droits de l’homme.

337.Dans le cadre de la coopération internationale entre les associations de défense des droits de l’homme, les membres de l’ACAT bénéficient de la formation de formateurs en droits de l’homme. D’autres membres des associations des droits de l’homme bénéficient des mêmes formations.

ARTICLE 11 Les mécanismes de surveillance des personnes détenues

A. Les mesures législatives

338.En disposant à l’article 22 que «[n]ul ne peut être détenu dans un établissement pénitentiaire s’il ne tombe sous le coup d’une loi pénale en vigueur», la Constitution proscrit implicitement les détentions secrètes, par des personnes non habilitées et dans des lieux non indiqués, donnant souvent lieu à des actes de torture contre laquelle la même loi suprême n’a pas manqué de poser le principe de son interdiction à l’article 18. C’est ainsi qu’en cas d’arrestation illégale et de séquestration de personnes, les coupables seront punis de peine de travaux forcés à perpétuité, si l’arrestation a été exécutée avec un faux costume, sous un faux nom ou sur un faux ordre de l’autorité publique lorsque:

a)L’individu arrêté, détenu ou séquestré a été menacé de mort;

b)Les personnes arrêtées, détenues ou séquestrées ont été soumises à des tortures corporelles.

339.Ces principes posés par la Constitution protègent particulièrement les personnes privées de liberté, en raison des risques de torture ou de mauvais traitement que celles-ci peuvent encourir dans le milieu carcéral. Leur application implique la mise en place d’un mécanisme de surveillance à tous les niveaux de la chaîne pénale. Ce mécanisme est prévu aussi bien par les textes de loi que les règlements.

340.L’article 202 du Code de procédure pénale dispose en ce sens que le Procureur de la République dirige l’activité de tous les membres du ministère public, de tous les officiers et les agents de police judiciaire de son ressort.

341.C’est au Procureur de la République que la loi confie la responsabilité de rechercher et de poursuivre tout auteur d’une infraction. De même que la loi étend cette responsabilité à la surveillance des violons comme des établissements pénitentiaires.

342.Cette obligation qui lie le Procureur de la République et les autres membres du ministère public commence dès la garde à vue. C’est dans ce sens que l’article 221, alinéa 2, prescrit que «[l]e magistrat du ministère public peut autoriser la prolongation de la garde à vue pendant un nouveau délai de quarante-huit heures s’il l’estime indispensable à la bonne fin de l’enquête. L’autorisation doit être donnée par écrit après que le magistrat s’est assuré, au besoin personnellement, que la personne retenue n’est l’objet d’aucun sévice.».

343.En matière de détention préventive, le Code de procédure pénale prévoit en son article 247 la visite des lieux de détention par les autorités judiciaires en ces termes: «Les juges d’instruction et les procureurs de la République sont tenus de visiter au moins une fois par mois les personnes soumises à la détention préventive. Il en est de même du Président de la cour criminelle au cours de chaque session.».

344.À cette liste d’autorités judiciaires chargées de visiter les personnes soumises à la détention préventive, l’article 483 ajoute que le Procureur général, les juges résidents et les juges de paix sont tenus de visiter les établissements pénitentiaires dans le cadre de l’exécution de la détention préventive et des peines privatives de liberté.

345.Il est en outre exigé pour tous les établissements pénitentiaires la tenue d’un registre d’écrou signé et paraphé à toutes les pages par le magistrat du ministère public. Ce registre doit, en cas de libération, mentionner l’acte de remise, la date de sortie du détenu ainsi que la décision de justice ou le texte de loi motivant la libération, tel est l’esprit de l’article 480 du Code de procédure pénale.

346.Lorsqu’une personne doit faire l’objet d’une incarcération provisoire ou d’un billet d’écrou, et sans que l’inscription sur le registre d’écrou ait été faite, les règles régissant la procédure pénale édictées à l’article 481 ne permettent nullement à un agent de l’administration pénitentiaire, sous peine d’être poursuivi et puni comme coupable de détention arbitraire, de recevoir ni de retenir une personne si ce n’est qu’en vertu de:

a)Un arrêt ou jugement de condamnation;

b)Une ordonnance de prise de corps;

c)Un mandat de dépôt, d’arrêt ou d’amener.

347.Par ailleurs, l’article 482 précise que «tout magistrat du ministère public auquel est dénoncée la détention irrégulière d’une personne dans un établissement pénitentiaire est tenu de procéder sur le champ aux vérifications nécessaires».

348.«Tout agent de l’administration pénitentiaire qui en est requis par un magistrat ou officier du ministère public, ou un juge d’instruction ou un officier de police judiciaire délégué par ceux‑ci, est tenu d’exhiber au requérant ses registres, de lui laisser prendre copie de telle partie de ceux‑ci qu’il estimera nécessaire, de montrer la personne du détenu ou de lui présenter l’ordre qui le lui défend.»

349.L’article conclut que le refus d’exécuter les prescriptions exposera l’agent aux poursuites comme étant coupable ou complice de détention arbitraire.

B. Les mesures administratives

350.En application de l’article 479 du Code de procédure pénale, qui prévoit un décret devant déterminer l’organisation et le régime intérieur des établissements pénitentiaires ainsi que les conditions de répartition des condamnés, les modalités d’exécution des peines privatives de liberté et le régime auquel les condamnés doivent être soumis, le décret no 371/77/CSM/MJ du 9 novembre 1977 portant statut des établissements pénitentiaires du Tchad a été adopté.

351.Aux termes de l’article 14 dudit décret, il est interdit au personnel de ces établissements, à savoir le régisseur, le gardien chef, le greffier comptable et les gardiens, d’exercer des violences et voies de fait sur les détenus. L’article 2 du même décret prévoit également une visite des établissements pénitentiaires par le Directeur de l’administration pénitentiaire qui «[…] inspecte au moins une fois par an chacune des prisons».

352.Les articles 24, 25 et 26 prévoient des visites planifiées et inopinées des établissements pénitentiaires par le Procureur général, les juges d’instruction, les procureurs de la République, les juges résidents, les juges de paix, le Ministre de la justice ou son délégué, le Directeur de l’administration pénitentiaire, les médecins, les assistants sociaux et les infirmiers.

353.Le même décret institue une Commission de surveillance et de contrôle de gestion dont le rôle est la surveillance intérieure en ce qui concerne la salubrité, le régime alimentaire, la discipline, le service de santé, la tenue régulière des registres d’écriture et le travail des détenus.

354.Dans le cadre de leurs activités en milieu carcéral, les associations des droits de l’homme qui le sollicitent peuvent obtenir une autorisation de visite permanente délivrée par le Directeur de l’administration pénitentiaire.

355.Dans la pratique, les magistrats du parquet recourent très souvent à une mesure appelée «ordre de mise à disposition» qui ne repose sur aucune base légale. Cette pratique de «mise à disposition» fait partie de la longue liste des difficultés qui entravent la mise en œuvre effective de ces mécanismes de surveillance. Ces difficultés sont entre autres:

a)La modestie et irrégularité du budget alloué à la Direction responsable pour l’accomplissement de sa mission;

b)L’inexistence d’un corps de gardiens de prison;

c)L’inexistence de la commission de surveillance prévue par les textes, l’irrégularité des visites;

d)L’existence d’une brigade interne anarchique, constituée de prisonniers, à la maison d’arrêt de N’Djamena;

e)L’insubordination des officiers de police judiciaire aux magistrats dans certaines localités.

356.Pour pallier ces difficultés, les États généraux de la justice, tenus en juin 2003, ont formulé quelques recommandations visant à améliorer les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires. Il s’agit de:

a)La construction d’infrastructures plus adéquates;

b)La formation d’un corps spécial des gardiens des maisons d’arrêt;

c)La nomination d’un juge d’application des peines;

d)L’inspection nationale des maisons d’arrêt en collaboration avec la société civile.

357.Le programme de réforme de la justice approuvé en février 2005 a pris en considération ces propositions en prévoyant:

a)La révision du décret no 371/77/CSM/MJ du 9 novembre 1977 portant statut des établissements pénitentiaires du Tchad;

b)La réfection, la construction et l’équipement de nouveaux établissements pénitentiaires pour répondre aux normes visant à humaniser les conditions de détention;

c)La formation continue du personnel judiciaire et des 200 gardiens de prison, avec des équipements de travail spécifiques, la construction d’un nouveau bâtiment du Ministère de la justice ainsi que la réfection des maisons d’arrêt.

358.Ce chiffre est nettement insuffisant face à l’ampleur du besoin. Par ailleurs, il faut préciser que la Commission nationale des droits de l’homme a eu à former tous les régisseurs des maisons d’arrêt du Tchad en 2001.

359.S’agissant de la mise en place d’un corps de gardiens de prison, un projet de décret portant organisation de ce corps au sein de la Garde nationale est initié par le Garde des Sceaux, Ministre de la justice, et transmis à la signature du chef de l’État.

360.La note de présentation du projet de décret s’appuie sur les dispositions de l’article 199 de la Constitution qui attribue entre autres à la Garde nationale et nomade la garde et la surveillance des maisons d’arrêt. Il est en outre déploré la situation actuelle qui confie cette surveillance aux éléments de la gendarmerie dont l’insubordination à l’égard des autorités auprès desquelles ils sont détachés constitue une entrave à l’instauration de l’autorité du Directeur de l’administration du territoire et à celle de leurs chefs hiérarchiques, qui sont le Procureur de la République et le Procureur général.

361.Les éléments désignés seront formés aux instruments internationaux en matière des droits de l’homme, aux Règles de Beijing, aux Principes directeurs de Riyad et à l’ensemble de règles minima pour le traitement des détenus avant d’être déployés sous le contrôle exclusif du Ministère de la justice.

ARTICLE 12L’obligation de procéder à une enquête immédiate en cas de torture

A. Les mesures législatives

362.Les autorités compétentes chargées de la poursuite des infractions sont celles désignées et précitées aux articles 179 et 180 du Code de procédure pénale.

363.L’article 176 du Code de procédure pénale dispose que «la police judiciaire est chargée de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte. Lorsqu’une information est ouverte, elle exécute les délégations des juridictions d’instruction et défère à leurs réquisitions.».

364.Il est à noter que c’est le Procureur de la République qui dirige et coordonne l’action de tous les officiers et agents participant à la police judiciaire (art. 177 du Code pénal).

365.En outre, le Code pénal reconnaît aux autorités administratives le droit de poursuivre, dans l’hypothèse de crimes et de délits contre la sûreté intérieure ou extérieure de l’État lorsqu’il y a urgence. Ainsi, les préfets en province et le délégué du Gouvernement à N’Djamena peuvent faire requérir par écrit les officiers de police judiciaire compétents, de faire tous les actes nécessaires pour constater lesdites infractions et pour en livrer les auteurs aux tribunaux; à charge d’en aviser le Procureur de la République ou le juge résident dans les vingt‑quatre heures (art. 189 du Code de procédure pénale).

366.Cependant, il convient de préciser qu’en matière de crime et délits non flagrants, les officiers et les agents de police judiciaire, au cours de leurs enquêtes préliminaires pour rechercher les auteurs ou rassembler les preuves d’une infraction, ne peuvent décerner aucun mandat, procéder à aucune perquisition, entendre aucun témoin sous serment (art. 220 du Code de procédure pénale).

367.Lorsque les difficultés d’ordre technique surgissent au cours de ces enquêtes, le Code de procédure pénale prévoit la possibilité de recourir à l’expertise pour la manifestation de la vérité: «Le magistrat instructeur, le tribunal ou la cour peuvent faire appel à des hommes de l’art, capables de les éclairer sur les questions d’ordre technique.».

368.«Un ou plusieurs experts peuvent être désignés, suivant la nature ou l’importance des faits à éclaircir» (art. 123 du Code de procédure pénale). Quant à l’article 124, il déclare que «lorsque des lois spéciales le prévoient ou lorsqu’il est jugé utile de recourir à une expertise contradictoire, deux experts sont désignés, dont un proposé par le prévenu, l’inculpé ou l’accusé».

369.L’ordonnance no 02/PR/86 du 1er mars 1986 portant Code de justice militaire dispose en son article 17 que «le commandant en chef des forces armées est chargé de rechercher toutes les infractions de la compétence des juridictions militaires et d’en livrer les auteurs aux tribunaux chargés de les juger. Il reçoit à cet effet les plaintes ou dénonciations des chefs de corps ou de service des fonctionnaires ou officiers publics, des personnes qui ont été témoins des infractions commises ou des victimes de ces infractions. Il peut également être saisi par le Ministre de la défense nationale…».

370.Il apparaît clairement que toutes ces dispositions habilitent les différentes autorités judiciaires à procéder aux enquêtes dans le cadre général de la commission des infractions constatées. Aucune disposition ne mentionne le cas spécifique de la torture qui doit motiver immédiatement une enquête.

371.Il arrive que le Procureur de la République ou le juge d’instruction ait reçu des personnes conduites devant eux se déclarant victimes de torture. Même à ce niveau, aucune enquête ne peut être ouverte.

B. Les mesures administratives

372.Sur le plan réglementaire, le Gouvernement a pris un décret en 1995 portant Code de déontologie de la Police nationale. L’article 10 de ce texte déclare expressément que «toute personne appréhendée et placée sous la responsabilité et la protection de la police ne doit subir de la part des fonctionnaires de police ou des tiers aucune violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant».

373.«Le fonctionnaire de police qui serait témoin d’agissements prohibés par le présent article engage sa responsabilité disciplinaire s’il n’entreprend rien pour les faire cesser ou néglige de les porter à la connaissance de l’autorité compétente…»

374.En raison de l’inexistence de dispositions pénales réprimant la torture et entraînant, par voie de conséquence, une procédure pour déclenchement immédiat d’une enquête en cas de torture, il est évident que le Code de déontologie passe sous silence la situation du fonctionnaire de police qui se serait rendu coupable d’acte de torture et celle de sa victime. La sanction disciplinaire ne ciblera que le témoin négligent.

ARTICLE 13Le droit des victimes de porter plainte

375.Même en l’absence d’une disposition pénale réprimant expressément la torture, la victime d’un acte de torture a toujours la possibilité de poursuivre l’auteur de celle‑ci. En application de l’article 226 du Code de procédure pénale: «Le plaignant conserve la faculté, nonobstant la décision de classement sans suite, soit de citer directement l’auteur du délit ou de la contravention devant le tribunal, soit de se constituer partie civile devant le juge d’instruction.».

376.Aussi, l’action publique, pour l’application des peines, est mise en mouvement, aussi bien par les magistrats ou les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi, que par la partie lésée (art. 1 du Code de procédure pénale).

377.Cependant, dans la pratique, les victimes des actes de torture ont peur de déposer une plainte quand l’auteur de l’infraction occupe un certain poste dans la fonction publique ou appartient à une catégorie sociale déterminée.

378.Leur appréhension est légitime puisque aucun texte ne prévoit de mesures de protection dont doivent bénéficier les victimes et leurs témoins lorsqu’elles procèdent à un dépôt de plainte.

379.Par exemple, au moment de l’enquête sur les crimes commis par l’ex‑Président Hissène Habré, l’un des rescapés a été menacé à N’Djamena par des individus pour avoir déposé devant la Commission d’enquête. Pour toutes ces raisons, généralement, les victimes préfèrent se taire.

380.Cependant, la publication du rapport de la Commission d’enquête sur les crimes commis par Hissène Habré et ses complices a eu un retentissement sur le plan international; ce qui a provoqué un soutien massif des organisations non gouvernementales et de la communauté internationale aux victimes.

381.Cet encouragement a incité une centaine de personnes à se constituer partie civile, individuellement ou collectivement, pour saisir la justice afin de voir leurs bourreaux, les anciens agents de la DDS, jugés et punis.

382.Cette constitution de partie civile a permis l’audition de 35 personnes et l’inculpation de 20 agents de l’ex‑DDS dont 19 interrogés au fond. Jusqu’à ce jour, le cabinet d’instruction en charge du dossier n’a pu procéder qu’à une seule confrontation.

383.Il est à noter que l’affaire Habré est encore pendante devant les tribunaux. Il faut aussi souligner que les associations de défense des droits de l’homme en interférant dans une affaire contribuent à éliminer toute velléité des auteurs des infractions de s’en prendre aux victimes qui ont porté plainte.

ARTICLE 14La garantie d’une réparation et d’une indemnisationéquitable et adéquate

384.Au Tchad, il n’existe pas de base légale consacrant la torture comme une infraction distincte. Comme il l’a été plusieurs fois souligné, elle ne constitue qu’une circonstance aggravante.

385.Ainsi, la victime d’une infraction ayant fait l’objet d’un acte de torture peut se constituer partie civile en invoquant les dispositions de l’article 7 du Code de procédure pénale tchadien.

386.À la suite des exactions commises sous le régime de l’ex‑Président Habré, les victimes se sont constituées partie civile devant le doyen des juges d’instruction désigné dans ce qu’il convient d’appeler l’«Affaire Habré et ses complices». Cette procédure a permis l’ouverture d’une information judiciaire.

387.Ce juge tchadien en charge du dossier des agents de la DDS n’a toujours pas reçu les moyens conséquents pour l’accomplissement de sa mission et se heurte également au vide juridique des textes pénaux en matière de torture.

388.Un autre moyen permettant à la victime d’obtenir réparation est l’exercice des recours prévus par l’article 1384 du Code civil français, en vigueur au Tchad.

389.S’inspirant des solutions trouvées aux victimes de torture sous d’autres cieux et aidées par la présence des députés victimes, les victimes ont fait élaborer par l’Assemblée nationale une proposition de loi qui vise à leur accorder une somme d’argent pour la réparation du préjudice subi. La proposition de loi estime cette réparation à 40 millions de francs par an et par personne. Le taux est le même tant pour les victimes directes qu’indirectes.

390.Les victimes proposent que ces sommes puissent provenir du Trésor public et des biens appartenant au Président Habré et ses complices qui doivent être confisqués et des fonds extérieurs.

391.L’état endémique ou récurrent de guerre du pays donne souvent aux forces de l’ordre l’occasion de commettre d’innombrables actes de torture lors des enquêtes qu’elles effectuent pour identifier l’auteur ou le complice.

ARTICLE 15La nullité des aveux obtenus sous la contrainte

392.Les infractions peuvent être établies par tous modes de preuve: procès‑verbaux de police, rapports d’experts, témoignages, aveux.

393.Cependant, selon l’article 71 du Code de procédure pénale, «[l]es juges ne peuvent fonder leurs décisions que sur des preuves qui ont été produites au cours des débats et contradictoirement discutées devant eux».

394.En outre, l’article 72 du même code dispose que: «[l’]aveu, comme tout autre élément de preuve, est laissé à la libre appréciation du juge».

395.De toutes les façons, les procès‑verbaux font foi jusqu’à inscription de faux ou jusqu’à preuve contraire ou ne valent qu’à titre de simples renseignements (art. 74).

396.Les aveux, le plus souvent extorqués au prévenu dans les commissariats de police ou les brigades de gendarmerie font qu’ils perdent leur caractère probant devant le juge. «Les interrogatoires sont menés de telle façon que les détenus n’aient aucune possibilité de nier les faits qui leur sont reprochés. Ceux‑ci sont contraints, généralement à force de tortures et de mauvais traitement, de reconnaître des faits et des allégations qu’ils n’ont jamais commis, mais ils recourent à ces moyens pour faire cesser le supplice subi.».

397.La persistance de ces pratiques s’explique par l’impunité garantie aux coupables et surtout les multiples pressions exercées sur les juges.

398.Le Manuel de l’instructeur qui sera dispensé dans toutes les écoles de formation des forces armées et de sécurité n’a pas perdu de vue les débordements qui peuvent se produire lors des interrogatoires. Aussi, est‑il prévu des modules sur «la conduite de l’enquête» et «la lutte contre l’impunité».

ARTICLE 16L’interdiction des actes assimilables à la torture

399.Il convient de rappeler que la Constitution a fait sien le principe de l’inviolabilité de la personne humaine et dispose non seulement que tout individu a droit à la vie et à l’intégrité de sa personne, mais elle interdit également les actes de torture, les sévices ou traitements dégradants et humiliants.

400.Le Code pénal tchadien, pour sa part, réprime, en de nombreux articles, les autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture telle qu’elle est définie à l’article premier de la Convention. Ce sont:

a)Les atteintes à la liberté (art. 143, 144, 145, 146 et 148);

b)Les arrestations illégales et séquestrations de personnes (art. 149 à 152);

c)Les atteintes à la vie (art. 239 à 248);

d)Les atteintes à l’intégrité corporelle ou mentale (art. 252, 253, 254 et 256);

e)L’administration de substance nuisible (art. 258).

401.Des mesures d’ordre réglementaire corroborent la volonté du Gouvernement de réprimer ces actes inhumains et dégradants. L’article 2 du décret no 269 du 4 avril 1995 portant Code de déontologie de la police énonce que «la Police nationale s’acquitte de ses missions dans le respect de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de la Constitution, des conventions internationales et des lois».

402.L’article 7, alinéa 2, dudit décret dispose que le fonctionnaire de Police nationale «[…] a le respect absolu des personnes, quelles que soient leur nationalité ou leur origine, leur condition sociale ou leurs convictions politiques, religieuses ou philosophiques».

403.Le décret va plus loin en déclarant à l’article 8 que «le fonctionnaire de Police nationale est tenu, même lorsqu’il n’est pas en service, d’intervenir de sa propre initiative pour porter assistance à toute personne en danger, pour prévenir ou réprimer tout acte de nature à troubler l’ordre public et protéger l’individu et la collectivité contre les atteintes aux personnes et aux biens».

404.En 2002, le législateur a adopté la loi no 06/PR/02 du 15 avril 2002, portant promotion de la santé de reproduction qui réprime entre autres les mutilations génitales féminines (MFG). Il existe encore malheureusement au Tchad certaines pratiques coutumières dégradantes et cruelles pour l’être humain. On note l’existence du sororat et du lévirat dans certaines régions du Tchad ainsi que le mariage forcé. Ces mariages ont quelquefois des fins tragiques pour celui des conjoints qui se sent humilié. Cependant, ces pratiques tendent à disparaître.

405.Une mineure, mariée de force par ses parents, a fini par tuer son mari et se trouve actuellement à la maison d’arrêt de N’Djamena.

406.D’autres phénomènes non moins avilissants et condamnables comme le harcèlement et le tourisme sexuels, la pédophilie et le trafic d’enfants tendent à se généraliser et à prendre une ampleur inquiétante.

407.Les femmes sont généralement les premières victimes de violences conjugales. Il faut dire que le Gouvernement n’a jamais toléré ces pratiques qui sont sanctionnées chaque fois que les auteurs sont appréhendés par la police ou la gendarmerie.

408.Une autre préoccupation non moins importante est l’exploitation des enfants. Les enseignants des écoles coraniques à qui est dévolue la tâche d’éducation religieuse des enfants (communément appelés «mouhadjirines») soumettent ceux‑ci à des sévices corporels et les exploitent comme des bêtes de somme ou des vaches à lait.

409.Les enfants bouviers souvent soumis aussi aux châtiments corporels et aux intempéries n’ont droit à aucune éducation scolaire, et ce parfois avec la complicité des parents. Dans ce domaine, il faut aussi noter l’effort entrepris tant par les organisations nationales et internationales dans l’assistance et la sensibilisation à apporter aux enfants.

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