NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/90/D/1419/200530 août 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑dixième session9‑27 juillet 2007

DÉCISION

Communication n o  1419/2005

Présentée par:

Francesco de Lorenzo (représenté par un conseil, Andrea Saccucci)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Italie

Date de la communication:

1er février 2005 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 17 août 2005 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

24 juillet 2007

Objet: Procès d’un ancien ministre pour des faits de corruption

Questions de procédure: Examen antérieur de l’affaire par la Cour européenne des droits de l’homme

Questions de fond: Jugement par un tribunal indépendant et impartial

Articles du Pacte: 2 (par. 1), 14 (par. 1, 3 d) et 5), 26

Article du Protocole facultatif: 5 (par. 2 a))

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EN VERTU DU PARAGRAPHE 4 DE L’ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑vingt ‑dixième session

concernant la

Communication n o  1419/2005**

Présentée par:

Francesco de Lorenzo (représenté par un conseil, Andrea Saccucci)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Italie

Date de la communication:

1er février 2005 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 24 juillet 2007,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication, datée du 1er février 2005, est Francesco de Lorenzo. Il affirme être victime de violations par l’Italie du paragraphe 1 de l’article 2, des paragraphes 1, 3 d) et 5 de l’article 14, et de l’article 26 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’Italie le 15 décembre 1978. L’auteur est représenté par un conseil, M. Andrea Saccucci.

Exposé des faits

2.1L’auteur a été Ministre de la santé de l’Italie de 1989 à 1992. En 1993, les parquets de Naples et de Milan ont ouvert une enquête sur le financement illégal de partis politiques, à l’issue de laquelle plusieurs accusations ont été portées contre l’auteur. Le 12 mai 1994, le juge chargé de l’enquête préliminaire de Naples a ordonné le placement de l’auteur en détention provisoire. L’auteur s’est pourvu en cassation contre cette décision et a demandé que l’affaire soit transmise au Collège pour les infractions ministérielles (ci‑après le «Collège») au motif que les chefs d’inculpation retenus contre lui concernaient certaines activités qu’il aurait menées dans l’exercice de ses fonctions ministérielles. Le 20 juillet 1994, la Cour de cassation a fait droit à sa demande et renvoyé l’affaire devant le Collège institué près le tribunal de Naples. Le 6 août 1994, le Collège a placé l’auteur en détention provisoire. Alléguant le manque d’impartialité et d’indépendance du Collège, l’auteur a protesté contre sa détention et demandé sa libération. Le 5 septembre 1994, le Collège a rejeté cette demande, affirmant qu’il était un organe judiciaire indépendant.

2.2Le 29 octobre 1994, le Collège a séparé la procédure concernant l’auteur de celle qui visait les autres coïnculpés. L’auteur a été renvoyé en jugement devant le tribunal de Naples pour répondre de 97 chefs d’accusation, notamment de corruption, de violations de la loi sur le financement des partis politiques et d’association de malfaiteurs, aggravée par la participation à l’entente de plus de 10 personnes.

2.3Le procès a duré de novembre 1994 à mars 1997. Le 16 décembre 1994, l’auteur a contesté la constitutionnalité de la loi no 219 de 1989, invoquant une violation du droit de toute personne d’être entendue par un tribunal indépendant et impartial, garanti par la Constitution de l’Italie, car cette loi habilitait le Collège à cumuler les fonctions de procureur et celles de juge de l’audience préliminaire. L’auteur a en outre excipé de la nullité de l’ordonnance du 29 octobre 1994 le renvoyant en jugement au motif que le Collège n’avait pas compétence pour la rendre et il a demandé que la procédure dirigée contre lui soit jointe à celle des autres personnes inculpées. Le 27 décembre 1994, le tribunal de Naples a rejeté toutes les exceptions et requêtes de l’auteur. Le 12 janvier 1995, l’auteur a été remis en liberté pour raison de santé. Le 11 octobre 1995, il a présenté une demande de suspension des débats motivée par le traitement anticancéreux qu’il suivait, demande que le tribunal a rejetée.

2.4Au cours du procès, 86 des coïnculpés de l’auteur qui avaient été convoqués comme témoins ont choisi de garder le silence. Conformément à l’article 513 du Code de procédure pénale italien, le tribunal de Naples a autorisé la lecture des déclarations à charge faites par ces témoins au parquet au cours de l’enquête préliminaire.

2.5Le 8 mars 1997, le tribunal de Naples a reconnu l’auteur coupable de nombreux chefs de corruption et de violations de la loi sur le financement des partis politiques, de même que de la constitution d’une association de malfaiteurs, et l’a condamné à une peine de prison de huit ans et quatre mois ainsi qu’à une amende.

2.6L’auteur et le parquet ont interjeté appel devant la cour d’appel de Naples. L’auteur a demandé, notamment, que la procédure de première instance soit déclarée nulle et non avenue parce que son renvoi en jugement avait été décidé par le Collège qui, selon lui, manquait d’indépendance et d’impartialité, et que la décision de séparer les procédures avait été prononcée par un organe incompétent.

2.7La cour d’appel a rouvert l’affaire et cité à comparaître la plupart des coïnculpés. La majorité d’entre eux se sont à nouveau prévalus de leur droit de garder le silence, de sorte que les déclarations qu’ils avaient faites au cours de l’enquête préliminaire ont une nouvelle fois été utilisées. Le 7 juillet 2000, la cour d’appel a reconnu l’auteur coupable de plusieurs chefs de corruption et de violations de la loi sur le financement des partis politiques. Donnant suite à l’appel du parquet, elle a conclu que le défendeur avait appartenu à une association de malfaiteurs comprenant au moins 10 autres personnes. Elle a rejeté les exceptions de l’auteur tirées de l’incompétence du Collège pour se prononcer sur son renvoi en jugement et sur la séparation des procédures. Elle a réduit la peine de l’auteur à sept ans, cinq mois et vingt jours d’emprisonnement. L’auteur s’est pourvu en cassation contre la décision de la cour d’appel.

2.8Le 14 juin 2001, la Cour de cassation a relaxé l’auteur de certains des chefs d’inculpation retenus contre lui et a réduit sa peine à quatre ans, dix mois et dix jours d’emprisonnement. Elle n’a pas renvoyé l’affaire devant la cour d’appel, mais a néanmoins écarté la circonstance aggravante qui avait été retenue pour le chef d’association de malfaiteurs.

2.9Le 14 février 2002, l’auteur a introduit devant la Cour de cassation un recours pour rectification d’erreur, alléguant que la Cour aurait dû renvoyer son affaire devant la cour d’appel pour ce qui concernait le chef d’appartenance à une association de malfaiteurs. Le 27 mars 2002, la Cour de cassation a déclaré ce recours irrecevable.

2.10Le 21 juillet 2000, le tribunal de Naples avait déjà relaxé certains des coïnculpés de l’auteur. Le 7 mai 2004, la cour d’appel de Naples a débouté l’auteur de sa demande de réouverture du procès fondée sur l’existence d’une contradiction entre sa condamnation et la relaxe des autres inculpés dans le cadre de procédures séparées.

2.11Dans le cadre d’une autre procédure pénale en instance contre l’auteur, le Collège avait sollicité, le 24 mai 2001, l’avis de la Cour constitutionnelle quant à la constitutionalité de la loi no 219 de 1989 l’autorisant à exercer simultanément les fonctions de procureur et celles de juge de l’audience préliminaire. Par son arrêt no 134 du 11 avril 2002, la Cour constitutionnelle a considéré que le Collège aurait dû transmettre le dossier au parquet, qui aurait dû ensuite demander le renvoi en jugement devant le juge normalement compétent. Elle a admis que la loi no 81 de 1987 de même que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme prescrivaient la séparation des fonctions d’enquête et de jugement.

2.12Le 7 avril 2003, le Ministre de la justice de l’époque a déclaré que l’interprétation donnée par la Cour constitutionnelle était la seule qui soit compatible avec les principes constitutionnels de l’égalité, de la présomption d’innocence et de l’équité du procès, mais il a noté par ailleurs que l’arrêt de la Cour ne pouvait s’appliquer rétroactivement à des procédures déjà achevées, notamment à celle qui visait l’auteur.

2.13Le 31 janvier 2001, l’auteur a introduit une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme, alléguant ce qui suit:

Sa condamnation sur la base de déclarations de témoins qu’il n’avait pas eu la possibilité d’interroger constituait une violation des articles 6 1) et 6 3) d) de la Convention européenne des droits de l’homme;

Le refus d’ajournement des débats pendant qu’il suivait un traitement anticancéreux constituait une violation des articles 6 1) et 6 3) c) de la Convention;

La lecture par le représentant du parquet devant le tribunal de Naples de plusieurs déclarations faites par les coïnculpés au cours de l’enquête préliminaire constituait une violation de l’article 6 1) de la Convention;

Le caractère imprécis des accusations portées contre lui et la modification de la qualification juridique de l’une d’elles au cours de la procédure constituaient une violation des articles 6 1) et 6 3) a) et b) de la Convention;

Le manque d’impartialité et d’indépendance du «Collège pour les infractions ministérielles» constituait une violation de l’article 6 1) de la Convention;

La différence de traitement entre l’auteur et les autres inculpés, en particulier pour ce qui est de l’application de nouvelles règles concernant la recevabilité des éléments de preuve recueillis au cours de l’enquête, constituait une violation de l’article 14, lu conjointement avec l’article 6 de la Convention;

Le fait que l’auteur avait été contraint de comparaître à son propre procès malgré ses problèmes de santé constituait une violation des articles 3 et 8 de la Convention;

Le fait que sa condamnation du chef de constitution d’une association de malfaiteurs n’avait pas été examinée au fond par une juridiction supérieure constituait une violation de l’article 2 du Protocole no 7 à la Convention.

2.14Le 12 février 2004, la Cour européenne a déclaré la majorité de ces griefs manifestement mal fondés. Le grief concernant le manque d’impartialité du Collège a été déclaré incompatible ratione materiae avec l’article 6 de la Convention car les garanties prévues par cet article s’appliquent uniquement aux juridictions appelées à décider d’une accusation en matière pénale. En conséquence, le grief similaire tiré de l’article 14, lu conjointement avec l’article 6, a également été déclaré irrecevable comme étant incompatible ratione materiae avec la Convention.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur dénonce une violation du paragraphe 1 de l’article 14 en raison du manque d’impartialité du Collège, ainsi que du paragraphe 1 de l’article 2, et de l’article 26, en raison du caractère discriminatoire de la procédure spéciale visant les infractions ministérielles.

3.2L’auteur allègue une violation du paragraphe 1 de l’article 14 au motif que le représentant du parquet a donné lecture, à la première audience, de déclarations faites au cours de l’enquête préliminaire.

3.3L’auteur invoque une violation du paragraphe 3 d) de l’article 14 du fait que le refus du tribunal d’ajourner les débats l’a privé du droit de participer activement et efficacement au procès.

3.4L’auteur affirme qu’il y a eu violation du paragraphe 5 de l’article 14 au motif qu’il s’est vu refuser le droit à un réexamen de sa condamnation et de sa peine pour appartenance à une association de malfaiteurs, la Cour de cassation n’ayant pas renvoyé l’affaire devant la juridiction de jugement aux fins du réexamen de sa condamnation.

3.5L’auteur dénonce une violation du paragraphe 1 de l’article 2, de l’article 26 et des paragraphes 1 et 3 de l’article 14 en raison de l’application discriminatoire des nouvelles règles en matière de preuve adoptées après l’achèvement de son procès. Selon lui, la différence dans l’application de ces règles a entraîné une différence de traitement entre lui‑même et les autres inculpés, en violation du principe de l’égalité devant la loi.

3.6L’auteur affirme qu’il a épuisé les recours internes et que la même question n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Pour ce qui est de la réserve émise par l’État partie à propos du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, il fait valoir que la requête qu’il avait introduite auprès de la Cour européenne des droits de l’homme n’a pas été «examinée» par la Cour étant donné que certains des griefs qui y étaient formulés ont été déclarés incompatibles ratione materiae avec les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et que d’autres ont été déclarés manifestement mal fondés et donc irrecevables. Si les faits dénoncés au regard du Pacte sont les mêmes que ceux qui ont été soumis précédemment à la Cour européenne, l’auteur affirme que les droits violés et les arguments de droit sont sensiblement différents de ceux qui ont été invoqués dans le cadre de la procédure devant la Cour européenne ou n’ont pas été «examinés» par cette dernière.

Observations de l’ État partie sur la recevabilité

4.1Par une note verbale datée du 18 juillet 2006, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication au motif qu’il avait émis une réserve au sujet du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif. Il relève que les griefs formulés par l’auteur au titre du Pacte et ceux qu’il avait soumis précédemment au titre de la Convention européenne des droits de l’homme se recoupent en grande partie et sont tirés des mêmes droits. La «même question» a donc clairement été soumise à la Cour européenne des droits de l’homme, qui l’a «examinée» avec attention.

4.2L’État partie observe que l’auteur lui‑même admet que la même question a déjà été examinée par la Cour européenne des droits de l’homme, même s’il prétend que ses arguments de droit sont «sensiblement différents de ceux qui ont été invoqués dans le cadre de la procédure devant la Cour européenne». L’État partie rappelle que, selon la jurisprudence constante du Comité, une question est réputée avoir été examinée lorsque les parties, les griefs énoncés et les faits invoqués pour les justifier sont les mêmes. Le Comité n’a jamais considéré que «les mêmes arguments de droit» étaient l’un des éléments caractérisant la notion de «même question». En tout état de cause, il est difficile de discerner le moindre argument de droit véritablement nouveau dans la mesure où les griefs formulés et l’argumentation juridique de l’auteur, ainsi que les faits invoqués pour les justifier, sont strictement identiques à ceux qui figurent dans sa requête auprès de la Cour européenne. L’État partie note en outre que ce sont les mêmes droits qui sont invoqués devant le Comité.

4.3En ce qui concerne les deux griefs qui ont été déclarés irrecevables car incompatibles ratione materiae avec la Convention, l’État partie relève que la Cour européenne les a en fait examinés en détail et qu’elle a abouti à la conclusion que les arguments présentés par l’auteur pour attester le manque d’indépendance et d’impartialité des juridictions nationales avaient trait non pas de manière directe au comportement de la juridiction de jugement, mais à celui du parquet ou du Collège ayant déterminé si l’ancien ministre pouvait être renvoyé en jugement. Eu égard à cet examen détaillé, les deux griefs considérés ne peuvent faire l’objet d’un nouvel examen par le Comité. En tout état de cause, l’État partie affirme que ces griefs sont également incompatibles ratione materiae avec les dispositions du Pacte au sens de l’article 3 du Protocole facultatif. Le Pacte ne vise en effet que les situations où il s’agit de décider des contestations sur des droits et obligations de caractère civil et ses dispositions ne s’appliqueraient pas à l’appréciation abstraite de l’indépendance et de l’impartialité d’un organe tel que le Collège. Celui‑ci s’est uniquement prononcé sur le point de savoir si l’auteur pouvait passer en jugement, le procès ordinaire ayant été mené par des juridictions régulières dont la conduite a été examinée par la Cour européenne.

4.4Enfin, l’État partie fait valoir que l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles puisqu’il n’a pas contesté la composition du Collège.

Commentaires de l’auteur

5.1Par une lettre datée du 30 décembre 2006, l’auteur réitère que la «question» dont le Comité est saisi n’est pas «la même» que celle que la Cour européenne a déjà «examinée». Il insiste sur le fait que la Cour n’a pas «examiné» les griefs qu’elle a déclarés incompatibles ratione materiae avec les dispositions de la Convention européenne. En tout état de cause, il rappelle que certains de ses griefs concernent des droits et libertés qui ne sont pas expressément consacrés par la Convention ou qui sont protégés d’une manière clairement restrictive par rapport aux droits et libertés correspondants garantis par le Pacte.

5.2En ce qui concerne l’allégation de non‑épuisement des voies de recours internes, l’auteur réaffirme qu’il s’est prévalu de tous les recours utiles dont il disposait.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité a vérifié qu’une plainte similaire déposée par l’auteur avait été déclarée irrecevable par la Cour européenne des droits de l’homme le 12 février 2004 (requête no 69264/01). La plupart des griefs formulés ont été déclarés irrecevables au motif qu’ils étaient manifestement mal fondés, et d’autres ont été déclarés irrecevables parce qu’ils étaient incompatibles ratione materiae avec la Convention européenne des droits de l’homme. Le Comité rappelle en outre qu’au moment de son adhésion au Protocole facultatif, l’État partie a formulé une réserve à propos du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif à l’effet d’indiquer que le Comité «n’a pas compétence pour examiner une communication d’un particulier si la même question est examinée ou a déjà été examinée par d’autres instances internationales d’enquête ou de règlement».

6.3Dans le cas d’espèce, le Comité est saisi de la «même question» que la Cour européenne. Quant au point de savoir si la Cour a «examiné» la même question, le Comité relève que la Cour a conclu à l’irrecevabilité de la plupart des griefs formulés par l’auteur au motif qu’ils étaient manifestement mal fondés (voir par. 2.14 ci‑dessus), ce dont elle s’est amplement expliquée. Le Comité conclut à ce propos que la Cour a effectivement «examiné» la plupart des allégations de l’auteur et que la réserve émise par l’État partie au sujet du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif s’applique. Pour ce qui est du grief restant de l’auteur concernant le Collège, déclaré irrecevable par la Cour européenne au motif qu’il était incompatible ratione materiae avec la Convention, le Comité considère que la Cour n’a pas examiné ce grief au sens du paragraphe 2 a) de l’article 5.

6.4Le Comité prend note de l’argument de l’État partie concernant le non‑épuisement des recours internes, mais il considère que l’auteur a épuisé ces recours étant donné qu’il a soulevé la question de l’indépendance et de l’impartialité du Collège devant le Collège lui‑même, devant la cour d’appel de Naples et devant la Cour constitutionnelle. Néanmoins, le Comité relève que, selon la Cour européenne des droits de l’homme, le paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme a pour finalité principale, au pénal, d’assurer un procès équitable devant un tribunal compétent pour «décider» du bien‑fondé de l’accusation et que les garanties d’indépendance et d’impartialité propres au procès équitable concernent uniquement les juridictions appelées à décider de l’innocence ou de la culpabilité d’un prévenu. De même, le Comité estime que le paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte s’applique principalement aux «tribunaux et cours de justice» qui rendent des jugements en matière pénale. Dans la présente affaire, le Collège pour les infractions ministérielles pouvait uniquement se prononcer sur le renvoi de l’auteur en jugement, et non sur sa culpabilité au regard des faits qui lui étaient reprochés. C’est une juridiction particulière qui a exercé les fonctions de procureur et celles de juge de l’audience préliminaire, et l’auteur avait demandé lui‑même que l’affaire soit transmise au Collège. Dans ces circonstances, le Comité estime que cette partie de la communication est irrecevable ratione materiae en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

6.5Pour ce qui est du grief connexe formulé par l’auteur au titre de l’article 26 à propos du caractère discriminatoire de la procédure spéciale visant les infractions ministérielles, le Comité relève que c’est l’auteur lui‑même qui a demandé que l’affaire soit transmise au Collège (voir de nouveau par. 2.1 ci‑dessus). L’auteur est censé avoir fait cette demande en pleine connaissance des compétences attribuées au Collège par la loi no 219 de 1989. Le Comité considère que l’auteur n’a pas établi en quoi le transfert de l’affaire au Collège constituait une discrimination. Il estime par conséquent que l’auteur n’a pas suffisamment étayé son grief de violation de l’article 26 aux fins de la recevabilité. Cette partie de la communication est donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu des articles 2 et 3 et du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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