NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/90/D/1140/20027 août 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre-vingt-dixième session9‑27 juillet 2007

CONSTATATIONS

Communication n o  1140/2002

Présentée par:

Matlyuba Khudayberganova(non représentée par un conseil)

Au nom de:

Iskandar Khudayberganov (fils de l’auteur)

État partie:

Ouzbékistan

Date de la communication:

28 novembre 2002 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application des articles 92 et 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 29 novembre 2002 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

24 juillet 2007

Objet: Imposition de la peine de mort à l’issue d’un procès inéquitable et recours à la torture pendant l’enquête préliminaire

Questions de fond: Torture, procès inéquitable, droit à la vie

Questions de procédure: Appréciation des faits et des éléments de preuve, bien‑fondé des allégations

Articles du Pacte: 2, 3, 5, 6, 7, 10, 11, 14, 16

Article du Protocole facultatif: 2

Le 24 juillet 2007, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci‑après en tant que constatations concernant la communication no 1140/2002 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif.

[ANNEXE]

ANNEXE

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Quatre ‑vingt-neuvième session

concernant la

Communication n o 1140/2002**

Présentée par:

Matlyuba Khudayberganova (non représentée par un conseil)

Au nom de:

Iskandar Khudayberganov (fils de l’auteur)

État partie:

Ouzbékistan

Date de la communication:

28 novembre 2002 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 24 juillet 2007,

Ayant achevé l’examen de la communication n° 1140/2002 présentée au nom d’Iskandar Khudayberganov en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication est Matlyuba Khudayberganova, de nationalité ouzbèke. Elle présente la communication au nom de son fils, Iskandar Khudayberganov, lui aussi de nationalité ouzbèke, né en 1974, en attente d’exécution à Tachkent après avoir été condamné à mort par le tribunal municipal de Tachkent le 28 novembre 2002. L’auteur affirme que son fils est victime de violations par l’Ouzbékistan de ses droits au titre des articles 2, 3, 5, 6, 7, 10, 11, 14 et 16 du Pacte. Elle n’est pas représentée par un conseil.

1.2Le 29 novembre 2002, conformément à l’article 92 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a demandé à l’État partie de ne pas exécuter la sentence de mort prononcée contre M. Khudayberganov pendant que son affaire était en cours d’examen. Le 11 décembre 2003, l’État partie a répondu que la Cour suprême avait ordonné de suspendre l’exécution en attendant la décision finale du Comité.

Exposé des faits

2.1Le 16 février 1999, plusieurs explosions ont eu lieu à Tachkent, faisant de nombreux morts et des blessés. Plusieurs personnes ont été soupçonnées d’avoir participé à la préparation des attentats, dont le fils de l’auteur, qui a fait l’objet de poursuites pénales.

2.2Le 28 novembre 2002, Iskandar Khudayberganov a été condamné à mort pour les délits suivants: formation d’une association criminelle organisée et participation à ses activités et participation à un groupe armé organisé; incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse; vol qualifié; assassinat avec circonstances aggravantes, perpétré de manière à mettre la vie d’autrui en danger; terrorisme et autres crimes.

2.3L’auteur affirme que le châtiment de son fils a été particulièrement sévère. Sa condamnation ne correspond pas à sa personnalité, qui avait fait l’objet d’une évaluation positive par ses voisins, comme l’attestait une déclaration écrite sous serment présentée au tribunal. Il est marié et a deux enfants. En 1996 et 1997, il travaillait comme assistant caméraman à la télévision.

2.4Khudayberganov a été initialement arrêté au Tadjikistan, le 24 août 2001, parce qu’il aurait été un «espion ouzbek». Il a été interrogé et torturé dans les locaux du Ministère tadjik de l’intérieur. Le 5 février 2002, il a été transféré en Ouzbékistan, où il a été arrêté. Détenu dans les sous‑sols du Ministère de l’intérieur à Tachkent, il y a été passé à tabac et torturé par des enquêteurs et contraint d’avouer sa culpabilité. L’auteur soumet une copie d’une lettre non datée de son fils, dans laquelle celui‑ci décrit les tortures qu’il a subies. Selon ses dires, il a été matraqué et on l’a empêché de dormir, sans lui donner la moindre nourriture «pendant des semaines». Il a reçu des coups de pied dans l’aine et sur la tête. Il a été frappé à la tête avec un tube, à la suite de quoi il a commencé à entendre des bruits dans son crâne. Tout cela a été fait sans qu’il ait pu consulter un avocat. Il a été battu par plusieurs hommes d’une trentaine d’années. Il a résisté jusqu’à ce qu’on le menace d’amener ses parents au même endroit et de faire perdre «leur dignité» à sa mère, sa sœur et sa femme devant lui. Le 11 février 2002, il a été incarcéré au centre de détention provisoire du Service de la sûreté nationale, le NSS, et officiellement inculpé en vertu des articles 242, 155, 158, 159 et 161 du Code pénal ouzbek (formation d’une association criminelle et constitution d’un groupe armé, qu’il a dirigé ou auquel il a participé; terrorisme; tentative d’attenter à la vie du Président; conspiration visant à prendre le pouvoir et à renverser l’ordre constitutionnel; activité subversive).

2.5L’auteur a été informé de la détention de son fils le 18 mars 2002, lorsqu’une avocate lui a appris qu’elle représentait celui‑ci. Toutes les plaintes concernant les mauvais traitements infligés à son fils qu’elle a adressées à différentes institutions (Bureau du Procureur général, Administration présidentielle et Cour constitutionnelle) sont restées sans réponse et ont été simplement transmises aux instances contre lesquelles elle avait porté plainte. Selon un arrêt rendu par la Cour suprême le 20 novembre 1996, les éléments de preuve obtenus par des méthodes illicites sont irrecevables. Pourtant, les aveux extorqués à son fils ont servi de base à sa condamnation. Cette condamnation a également été fondée sur les témoignages d’un certain Akhmedov qui était un malade mental et d’un certain Abdusamatov, dont le témoignage était erroné, ce que le tribunal n’ignorait pas.

2.6Au début du procès, Khudayberganov s’est rétracté. Le tribunal a conclu que c’était là une stratégie de défense.

2.7Aucune des accusations contre le fils de l’auteur n’aurait été corroborée lors du procès et seules des preuves indirectes auraient été retenues contre lui. Les accusations de terrorisme portées contre lui n’étaient pas davantage fondées. Aucune information concernant le moment précis, le lieu ou la nature d’actes terroristes commis par Khudayberganov n’a été présentée lors de l’instruction ou du procès.

2.8L’auteur considère que l’accusation de formation d’une association criminelle proférée contre son fils n’est pas fondée. Quant aux accusations selon lesquelles son fils avait participé à deux vols qualifiés, l’auteur affirme que, lors du procès, aucune victime ne l’a identifié comme ayant participé à ces délits. L’accusation selon laquelle son fils aurait participé au meurtre de deux policiers après le deuxième vol, le 6 août 1999, est également dénuée de fondement car il se trouvait à l’étranger à ce moment-là.

2.9Les enquêteurs avaient saisi plusieurs kilos de nitrate d’ammonium et de poudre d’aluminium au domicile d’un certain Karimov (chez qui Khudayberganov s’était caché pendant plusieurs mois) et avaient conclu que ces substances servaient à la fabrication d’explosifs. L’auteur affirme que cette conclusion est sans fondement.

2.10L’auteur affirme que les droits de son fils à la présomption d’innocence et au bénéfice du doute ont été violés. Tant l’instruction que le procès auraient été conduits avec la volonté de l’accuser.

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme que les droits que confèrent à son fils les articles 2, 3, 5, 6, 7, 10, 11, 14 et 16 du Pacte ont été violés.

Observations de l’État partie

4.1Le 23 décembre 2003, l’État partie a affirmé que, selon les informations du bureau du Procureur général de l’Ouzbékistan, Khudayberganov avait été arrêté au Tadjikistan le 31 janvier 2001 et transféré le 5 février 2002 en Ouzbékistan, où il était détenu. D’après les éléments de preuve, il avait rejoint les rangs de l’organisation religieuse extrémiste «Mouvement islamique de l’Ouzbékistan» (IMU) en 1998 et suivi un entraînement militaire en Tchétchénie. Après son retour en 1998, il avait créé la cellule de Tachkent de l’IMU avec d’autres individus, dans le but d’instaurer un État islamique. Pour financer leurs activités, les membres du groupe avaient commis plusieurs meurtres et vols à main armée.

4.2Le 16 février 1999, plusieurs bombes ont explosé à Tachkent. Le 4 mars 1999, le fils de l’auteur ainsi que d’autres membres du groupe ont dévalisé le domicile d’un homme d’affaires à Tachkent, s’emparant d’une grosse somme d’argent et d’une voiture. Le 6 août 1999, ils ont agressé un autre chef d’entreprise qui est mort de ses blessures; deux policiers ont également été tués à la suite de cet incident. En août 1999, la victime alléguée s’est rendue dans un camp militaire au Tadjikistan.

4.3En juin 2000, l’intéressé a suivi une formation spéciale aux explosifs dans un camp de l’IMU au Tadjikistan. En juillet 2000, il est arrivé à Tachkent avec l’ordre de faire exploser une bombe à la gare ferroviaire ou dans un autre lieu important. L’attentat à la bombe n’a pas eu lieu, les autorités ayant arrêté ses complices alors qu’ils s’efforçaient d’apporter des détonateurs et des câbles depuis le Tadjikistan.

4.4D’après les éléments de preuve à charge, la culpabilité de Khudayberganov et de ses coaccusés a été établie en partie par leurs aveux ainsi que par les résultats de la vérification de l’exactitude de leurs affirmations effectuée sur les lieux des délits, la déposition de plusieurs témoins et les informations recueillies lors de la confrontation des coaccusés avec les victimes, et enfin par les analyses médico‑légales et balistiques.

Réponses complémentaires de l’auteur

5.1L’auteur a fourni des informations complémentaires en 2003. Elle note que l’État partie n’indique pas que la moindre enquête ait été ouverte concernant les allégations de torture subie par son fils et fait observer que ce dernier porte encore une cicatrice à la tête par suite du coup qui lui a été asséné avec un tube en métal. Après son transfert au Centre de détention du NSS, il a été torturé, on lui a administré des substances psychotropes et on l’a menacé de violer ses parentes devant lui. Il s’est plaint de ces agissements lors du procès et a donné les noms des responsables mais le tribunal a rejeté ses allégations.

5.2L’auteur rappelle que son fils a affirmé lors du procès qu’il était innocent parce qu’il se trouvait à l’étranger quand les meurtres ont été commis et qu’aucun élément de preuve n’a corroboré sa participation à ces crimes. Son fils a prouvé son innocence à l’audience. Il n’a pas suivi d’entraînement en Tchétchénie en 1998 mais étudiait à Tachkent. Il a nié être un membre de l’IMU. Le 16 février 1999, pendant les attentats à la bombe, il se trouvait au domicile de sa belle‑mère. Après les attentats, les autorités ont procédé à plusieurs arrestations et le 21 février 1999, il s’est enfui au Tadjikistan. Plusieurs témoins déjà détenus pour différents délits et qui avaient incriminé le fils de l’auteur se sont rétractés lors du procès, affirmant que leurs témoignages étaient faux et avaient été obtenus sous la contrainte.

5.3Selon l’auteur, les substances chimiques trouvées au domicile de Karimov ont été saisies en l’absence de tout témoin. Aucun élément ne confirmait que son fils possédât la moindre arme à feu et aucune arme ni aucune cartouche n’ont été trouvées lors des perquisitions. L’inculpation et la condamnation de son fils pour ce chef d’accusation reposaient uniquement sur des preuves indirectes.

5.4L’auteur affirme qu’elle n’a appris la détention de son fils que quarante et un jours après son arrestation, alors qu’en vertu du Code pénal ouzbek les autorités sont tenues d’informer les parents de la personne arrêtée dans un délai de vingt‑quatre heures.

5.5L’auteur réaffirme que le tribunal n’a pas été impartial. Lorsque l’allégation de torture a été formulée devant le tribunal, le juge a répondu que les accusés devaient répéter leurs aveux tels que passés lors de l’enquête préliminaire et ne devraient pas «dramatiser». Le juge a purement et simplement ignoré leurs déclarations. À diverses reprises, le Procureur n’a pas assisté aux débats et, en son absence, ses fonctions auraient été exercées par le juge.

5.6Enfin, l’auteur affirme que son fils a été passé à tabac alors qu’il était dans le quartier des condamnés à mort et qu’à diverses reprises on l’a amené dans un local spécial, où on l’a attaché sur une chaise et on lui a rasé la tête.

5.7Le 10 mars 2005, l’auteur a présenté de nouveaux commentaires, réitérant ceux qu’elle avait formulés précédemment.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Le 25 mai 2004, l’État partie a réitéré ses observations antérieures. Il rappelle que le 28 novembre 2002, l’intéressé a été condamné à mort par le tribunal municipal de Tachkent. Il a été reconnu coupable parce que, après avoir rejoint les rangs de l’IMU en février 1998 avec d’autres individus, il avait suivi un entraînement dans des camps militaires en Tchétchénie et au Tadjikistan. Après son retour en Ouzbékistan, il avait commis plusieurs délits, dont des meurtres et des vols qualifiés. Le 28 janvier 2003, la chambre d’appel du tribunal municipal de Tachkent avait confirmé la sentence de mort.

6.2Le 29 juin 2005, l’État partie a présenté de nouvelles observations. S’agissant des allégations de torture, en particulier de l’absence d’enquête à ce sujet, il affirme que ni les fonctionnaires du Ministère de l’intérieur ni ceux du NSS n’ont employé la torture ni aucune autre méthode illicite d’enquête à l’encontre du fils de l’auteur. Selon l’État partie, les allégations de torture formulées par l’auteur sont une tentative pour induire le Comité en erreur et donner une image négative des autorités chargées de faire respecter la loi en Ouzbékistan.

6.3L’État partie affirme que Khudayberganov a été représenté par un avocat dès le premier interrogatoire. Le dossier montre qu’il a passé des aveux de son plein gré. Les pièces du procès et les comptes rendus d’audience ne contiennent aucune mention de ses affirmations concernant des tortures, des passages à tabac ou une utilisation de la violence contre lui. Les allégations de torture sont dénuées de fondement, ce que corrobore également le fait qu’elles n’ont jamais fait l’objet d’une plainte devant les autorités responsables de l’application des lois.

6.4L’État partie soutient que, d’après le dossier, Khudayberganov a avoué qu’il avait participé aux activités de l’IMU et qu’il s’était rendu dans des camps d’entraînement de terroristes en Tchétchénie et au Tadjikistan. Il est retourné à Tachkent en 1998 afin d’y recruter des volontaires pour les camps. L’État partie réitère la chronologie des événements et affirme catégoriquement que la culpabilité de Khudayberganov a été établie de manière indubitable conformément à la procédure pénale applicable. L’action en justice a été conduite dans le strict respect du Code de procédure pénale alors en vigueur et le procès s’est déroulé en présence de deux magistrats du parquet ainsi que des deux avocats du fils de l’auteur.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité note que la même question n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale, comme il est tenu de s’en assurer en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, et il prend note de ce que nul ne conteste que les recours internes ont été épuisés.

7.3Le Comité note tout d’abord que l’auteur affirme que les droits conférés à son fils par les articles 3, 5, 11 et 16 ont été violés. Ces griefs n’ont été étayés par aucune autre information pertinente; ils sont donc irrecevables au titre de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.4Le Comité relève que les griefs de l’auteur qui soulèvent des questions au titre de l’article 14 tendent à démontrer que le procès de son fils n’a pas satisfait au critère d’équité, que le tribunal n’était ni impartial ni objectif et que son président a exercé les fonctions du procureur lorsque ce dernier était absent. L’État partie a réfuté ces allégations, en termes généraux, en affirmant que la conduite du procès avait été conforme à la loi et aux procédures alors en vigueur, et en faisant valoir plus particulièrement que les débats s’étaient toujours déroulés en présence des avocats et des procureurs. En l’absence de toute autre information pertinente, le Comité conclut que cette partie de la communication est irrecevable faute d’avoir été suffisamment étayée, en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.5Le Comité considère que les autres griefs de l’auteur tirés des articles 2, 6, 7, 10 et 14 sont suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et les déclare donc recevables.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

8.2L’auteur affirme que son fils a été battu et torturé par les enquêteurs et qu’il a été ainsi forcé d’avouer sa culpabilité. Il s’est rétracté lors du procès, affirmant que ses aveux avaient été obtenus sous la contrainte et identifiant nommément les responsables des mauvais traitements qui lui avaient été infligés. L’État partie a rejeté la plainte en la faisant passer pour une stratégie de défense et a affirmé que ni la torture ni d’autres méthodes illicites d’enquête n’avaient été utilisées contre Khudayberganov, et que l’ensemble de l’enquête et toute la procédure judiciaire s’étaient déroulées conformément aux lois en vigueur. L’auteur a également affirmé que son fils avait subi des mauvais traitements dans le quartier des condamnés à mort, ce que l’État partie n’a pas contesté. Le Comité rappelle qu’une fois qu’une plainte pour mauvais traitements contraires à l’article 7 a été déposée, elle doit faire l’objet d’une enquête rapide et impartiale de la part de l’État partie. Il note que le dossier contient des copies des plaintes concernant les mauvais traitements infligés au fils de l’auteur qui ont été portées à l’attention des autorités de l’État partie, notamment des copies des lettres de la sœur de la victime, des avocats, d’ONG, ainsi qu’une lettre de Khudayberganov lui‑même, détaillant les méthodes de torture utilisées contre lui. Le Comité considère que, dans les circonstances de l’espèce, l’État partie n’a pas démontré que ses représentants ont répondu de manière adéquate aux allégations de torture que l’auteur a formulées, tant dans le cadre de la procédure pénale devant la juridiction nationale que dans la présente communication. En conséquence, il convient d’accorder le crédit voulu aux allégations de l’auteur. Dans ces conditions, le Comité conclut que les faits tels que présentés font apparaître une violation des droits du fils de l’auteur visés à l’article 7, lu conjointement avec le paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte.

8.3Compte tenu de la conclusion ci‑dessus concernant l’article 7 du Pacte, le Comité n’estime pas nécessaire d’examiner séparément le grief de l’auteur tiré de l’article 10.

8.4Le Comité rappelle que l’imposition d’une sentence de mort à l’issue d’une procédure dans laquelle les dispositions du Pacte ont été violées constitue une violation de l’article 6 du Pacte. En l’occurrence, la peine de mort a été infligée à la victime en violation de l’article 7 et du paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte. En conséquence, le Comité conclut que les droits de la victime au titre du paragraphe 2 de l’article 6 du Pacte ont également été violés.

9.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est d’avis que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits de M. Khudayberganov visés au paragraphe 2 de l’article 6, à l’article 7 et au paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte, ces deux derniers étant lus conjointement.

10.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie doit accorder à M. Khudayberganov un recours utile, notamment sous la forme d’une commutation de peine et d’une indemnisation. L’État partie est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

11.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de quatre‑vingt‑dix jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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