NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/HRV/CO/824 mars 2009

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALESoixante‑quatorzième session16 février‑6 mars 2009

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

CROATIE

1.Le Comité a examiné les sixième à huitième rapports périodiques de la Croatie (CERD/C/HRV/8), présentés en un seul document, à ses 1920e et 1921e séances (CERD/C/SR.1920 et CERD/C/SR.1921), tenues les 26 et 27 février 2009. À sa 1929e séance (CERD/C/SR.1929), tenue le 5 mars 2009 il a adopté les observations finales suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction les sixième à huitième rapports périodiques présentés par l’État partie. Il se félicite également du dialogue franc et constructif qu’il a tenu avec la délégation de haut niveau et se félicite des réponses exhaustives fournies par écrit et par oral à la liste des points à traiter et aux questions posées par les membres du Comité.

B. Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de nouvelles lois visant à donner effet à diverses dispositions de la Convention, en particulier la loi contre la discrimination (2009), la loi constitutionnelle sur les minorités nationales (2002) et la loi sur le droit à l’assistance juridique (2008).

4.Le Comité prend note avec satisfaction de la création d’un ensemble d’institutions chargées de la promotion des droits de l’homme, en particulier des droits des minorités, notamment les Conseils pour la protection des minorités nationales ainsi que le Service gouvernemental pour les droits de l’homme. Le Comité se félicite en particulier de la création du Bureau du Médiateur en tant qu’institution nationale de défense des droits de l’homme de l’État partie et de l’élargissement de son mandat, qui lui permettra de devenir l’organe principal chargé de l’élimination de la discrimination; toutefois, il prend note d’informations faisant état de l’insuffisance des crédits alloués au Bureau.

5.Le Comité salue de nouveau la coopération accrue entre l’État partie et le Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie.

6.Le Comité se félicite de la mise en place de programmes et cours de formation aux droits de l’homme à l’intention d’agents de l’État, y compris les agents chargés de l’application des lois et les membres du corps judiciaire, qui visent notamment à sensibiliser davantage à l’interdiction de la discrimination raciale.

7.Le Comité apprend avec satisfaction que la Convention est transposée dans le droit interne de l’État partie et qu’en Croatie, le droit international prime le droit interne.

8.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié la plupart des instruments de base des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme ainsi que le Protocole no 12 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui concerne la lutte contre la discrimination en tant que norme générale en matière de droits de l’homme.

9.Le Comité relève avec satisfaction que l’État partie a tenu des consultations avec des organisations de la société civile œuvrant à la protection des droits de l’homme en vue de l’élaboration de son rapport périodique.

C. Préoccupations et recommandations

10.Le Comité se félicite des données recueillies par l’État partie sur la composition ethnique de sa population, mais il regrette l’absence d’informations quant à la méthode de collecte et aux critères régissant cette méthode, en particulier en ce qui concerne le point de savoir si ces critères sont conformes à la recommandation générale VIII (1990) du Comité concernant l’interprétation et l’application des paragraphes 1 et 4 de l’article premier de la Convention (identification à un groupe racial ou ethnique particulier).

L’État partie devrait fournir , dans son prochain rapport périodique au Comité, des informations sur ses méthodes de collecte de données, en indiqu ant si et en quoi ces méthodes tiennent compte de la manière dont un individu s’identifie lui-même.

11.Le Comité prend note des informations fournies sur les procédures de contrôle des autorités locales concernant l’application des lois et d’autres mesures relatives à l’interdiction de la discrimination raciale. Il note toutefois les informations selon lesquelles certaines autorités locales sont réticentes à mettre en œuvre les lois et les politiques publiques en matière de non‑discrimination, en particulier à l’égard des personnes rapatriées (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures concrètes afin de garantir la pleine application de la législation et des politiques antidiscrimination, en particulier au niveau local, l’objectif étant d’éliminer tout type de discrimination de facto. L’État partie devrait également donner au Comité des informations sur les mesures prises à cet égard.

12.Tout en accueillant avec satisfaction l’adoption d’une définition de la notion de crime inspiré par la haine et l’interdiction de ce crime dans le droit pénal de l’État partie, ainsi que les informations communiquées par la délégation selon lesquelles un nouveau code pénal est en cours d’élaboration, le Comité redit sa préoccupation au sujet du fait que de nombreux cas de violence à l’encontre de personnes appartenant à des minorités ne sont pas portés devant la justice et que les coupables ne sont pas sanctionnés. Le Comité demeure également préoccupé par l’absence de loi interdisant les organisations racistes, conformément à l’article 4 b) de la Convention. Il note également que seules quelques plaintes ont été déposées en justice et ont débouché sur des condamnations au titre de l’article 174 du Code pénal en vigueur (art. 4 et 6).

Le Comité encourage l’État partie à renforcer ses mesures tendant à prévenir et à porter devant la justice toutes les affaires crim inell es inspiré e s par la haine et d’autres cas de violence fondés sur la race, notamment afin de donner aux victimes des voies de recours effectives et équitables. Il rappelle sa recommandation générale XV (1993) concernant l’article 4 de la Convention, selon laquelle toutes les dispositions dudit article doivent être obligatoirement respectées. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que sa nouvelle loi pénale soit exhaustive et pleinement conforme aux dispositions de l’article 4 de la Convention, qui déclarent illégales et interdites toutes les organisations qui incitent à la discrimination raciale. L’État partie devrait renforcer son action visant à former à la non ‑discrimination les fonctionnaires locaux et les agents responsables de l’application des lois . L e Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale XXXI (2005) concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale.

13.En dépit de l’adoption d’une loi sur le droit à l’assistance juridique, le Comité est préoccupé par des informations faisant état de difficultés pour obtenir ce type d’assistance, en particulier pour les personnes appartenant à des minorités, en raison de la complexité des procédures et du fonctionnement des organes administratifs et judiciaires locaux.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures voulues pour que les personnes appartenant à tous les groupes ethniques aient plus facilement accès à l’aide juridique et que la justice soit ainsi accessible à tous.

14.Tout en se félicitant des mesures qu’a adoptées l’État partie pour éliminer la discrimination à l’égard des communautés roms, notamment le Plan d’action pour la Décennie de l’insertion des Roms et le Programme national pour les Roms, le Comité demeure préoccupé par la discrimination dont sont victimes les membres de cette minorité dans l’exercice de leurs droits fondamentaux, en particulier dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, du logement, de la citoyenneté et de la participation politique. Le Comité note en outre que les membres de la minorité rom sont apparemment peu enclins à s’identifier eux‑mêmes comme tels dans le cadre d’exercices nationaux de collecte de données (art. 5 et 2).

Le Comité, appelant l’attention sur sa recommandation générale XXVII (2000) concernant la discrimination à l’égard des Roms, réitère sa recommandation selon laquelle l’État partie doit continuer à prêter attention à la situation des membres de la minorité rom et à renforcer son action en vue d’éliminer la discrimination à leur encontre. En particulier, l’État partie devrait assurer aux enfants roms l’égalité d’ accès à une éducation de qualité, y compris un enseignement en rom, prévenir la ségré gation de facto des élèves roms et prendre de plus amples mesures pour lutter contre les préjugés. Il devrait également veiller à la mise en œuvre effective de ses politiques visant à assurer aux Roms de meilleurs taux d’ emploi , une représentation politique adéquate à tous les niveaux et l’égal ité d’ accès à la citoyenneté et au logement. Le Comité encourage par ailleurs l’État partie à créer les conditions propices pour que les membres de la minorité rom s’identifient eux ‑mêmes comme tels.

15. Apprenant avec satisfaction que plusieurs procès pour crimes de guerre ayant eu lieu par contumace seront révisés et que de nombreux cas dont les auteurs présumés n’ont pas été identifiés font l’objet d’une nouvelle enquête, le Comité prend note de l’engagement de l’État partie d’ouvrir une enquête sur les crimes de guerre, indépendamment de l’origine ethnique des victimes. Il se dit cependant préoccupé par les informations selon lesquelles les coupables sont traités différemment selon qu’ils sont d’origine serbe ou croate (art. 5 a)).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts afin de garantir que tous les procès pour crimes de guerre engagés au niveau national so n t équitable s et non discriminatoire s et que tous les crimes de guerre font effectivement l’objet d’une enquête et de poursuites , indépendamment de l’origine ethnique des victimes et des coupables.

16.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures qu’a prises l’État partie pour garantir une représentation juste et adéquate des minorités dans l’administration centrale, régionale et locale, les forces de police, ainsi que l’appareil judiciaire, et il prend note des résultats obtenus jusqu’à présent, tels que l’élection d’un membre de la minorité rom au Parlement national. Nonobstant tous ces efforts, le Comité est préoccupé par le fait que la sous‑représentation des minorités perdure dans le corps judiciaire (art. 5 c)).

Le Comité encourage l’État partie à prendre de plus amples mesures visant à une représentation juste et adéquate de toutes les minorités dans les organes publics, y compris l e corps judiciaire et les organes de coordination des droits de l’homme au niveau des districts. Il invite par ailleurs l’État partie à prendre des mesures visant à  encourager les femmes appartenant à des minorités à avoir une vie publique plus active.

17.Le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie sur l’accès à la citoyenneté. Cependant, il se dit de nouveau préoccupé par le fait que certains groupes ethniques, en particulier les personnes d’origine rom, serbe et bosniaque, rencontrent toujours des difficultés pour obtenir les documents nécessaires à l’acquisition de la citoyenneté (art. 5 d) ii) et iii)).

Le Comité recommande que l’État partie , a gissant dans le but de garantir l’accès à la  citoyenneté sur une base non discriminatoire, supprime tous les obstacles administratifs et autres et aide les personnes qui ont difficilement accès à la documentation obligatoire, telles que les personnes d’origine rom, serbe et bosniaque.

18.Le Comité note avec préoccupation que les filles roms ont tendance à être mariées à un âge précoce en dépit des dispositions juridiques interdisant les mariages précoces (art. 5 d) iv)).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à la mise en œuvre effective de ses lois concernant l’âge légal du mariage, en consultation avec les communautés intéressées , et de mener des campagnes de sensibilisation à l’illégalité de ces mariages parmi les groupes concernés . Il appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation XXVII (2000) concernant la discrimination à l’égard des Roms, et sa recommandation  XXV (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale.

19.Le Comité prend note de l’engagement exprimé par l’État partie de permettre aux personnes qui avaient fui la guerre de retourner dans l’État partie si elles le souhaitent, notamment en résolvant leurs problèmes de logement et en créant des conditions propices à leur réinsertion dans la société. En dépit de cet engagement, le Comité demeure préoccupé par le nombre important de cas non résolus de rapatriés, concernant en particulier la restitution des droits de propriété et de location (art. 5 e)).

Le Comité réitère sa recommandation de 2002 tendant à ce que l’État partie intensifie ses efforts afin de faciliter le retour et la réinsertion des réfugiés, en particulier des personnes rapatriées qui appartiennent à la minorité serbe, en adoptant et en mettant en œuvre des mesures justes et transparentes en vue de leur retour durable . En particulier, l’État partie devrait veiller à l’application de ses politiques et lois visant à résoudre tous les problèmes de logement que continuent de rencontrer les propriétaires et les anciens titulaires de droits de location, d’ici à la fin 2009 comme prévu. L’État partie devrait créer des conditions permettant aux personnes de toute origine ethnique d’opter pour un séjour permanent.

20.Tout en se félicitant des mesures qu’a prises l’État partie pour supprimer les disparités entre les différentes régions de façon à garantir le retour durable des réfugiés et d’autres personnes déplacées, le Comité note que les «zones préoccupant particulièrement l’État partie» demeurent sous‑développées du point de vue économique (art. 5 e)).

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier encore ses ef forts afin de créer les  conditions propices au développement durable de «zones préoccupant particulièrement l’État partie», qui sont habitées par les minorités les plus importantes numériquement , y compris les Serbes et les Roms, en supprimant les disparités économiques et sociales entre les régions. En particulier, l’État partie devrait veiller à la mise en œuvre effective de la loi sur les régions au titre des mesures de protection spéciales de l’État et procéder à l’adoption de la législation concernant les stratégies régionales de développement.

21.Tout en accueillant avec satisfaction les mesures prises pour encourager la compréhension entre les groupes ethniques présents dans l’État partie et promouvoir un climat de tolérance, y compris l’éducation des fonctionnaires à tous les niveaux, le Comité est préoccupé par les informations sur les préjugés sociaux dont sont victimes certains groupes minoritaires, tels que les Roms et les Serbes. Il est également préoccupé par les informations faisant état de la montée de tensions ethniques dans un pays voisin de l’ex‑Yougoslavie et note que les tensions ethniques qui ont toujours divisé l’ex‑Yougoslavie ont pu se propager dans la région (art. 7).

Le Comité encourage l’État partie à renforcer ses efforts visant à promouvoir l’harmonie interethnique et la tolérance parmi le grand public. Dans ce contexte, il recommande également à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que toutes les tensions ethniques qui surviendraient dans un pays voisin ne se propagent pas en Croatie.

22.Le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

23.Le Comité recommande à l’État partie de prendre en considération les passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée (A/CONF.189/12, chap. I), lorsqu’il transpose la Convention dans son ordre juridique interne, en particulier les articles 2 et 7 de la Convention. En outre, le Comité prie instamment l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations spécifiques sur les plans d’action et autres mesures qu’il aura adoptés pour donner suite à la Déclaration et au Programme d’action de Durban au niveau national. Il l’encourage en outre à participer activement à tous les travaux du Comité préparatoire de la Conférence d’examen de Durban, ainsi qu’à la Conférence d’examen elle-même en 2009.

24.Le Comité encourage l’État partie à poursuivre l’élaboration de la déclaration facultative dont il est question à l’article 14 de la Convention.

25.Le Comité recommande à l’État partie de ratifier les modifications apportées au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adoptées le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties à la Convention et approuvées par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 du 16 décembre 1992. À cet égard, le Comité cite la résolution 63/243 de l’Assemblée générale en date du 22 janvier 2009, dans laquelle l’Assemblée demande instamment aux États parties d’accélérer leurs procédures internes de ratification des modifications et d’informer par écrit le Secrétaire général, dans les meilleurs délais, de leur acceptation de ces modifications.

26.Le Comité recommande que les rapports de l’État partie soient rendus publics dès leur présentation et que les observations du Comité concernant ces rapports soient également publiées dans les langues officielles et nationales de l’État partie.

27.Le Comité invite l’État partie à mettre son document de base à jour conformément aux directives harmonisées concernant l’établissement de rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier les instructions relatives au document de base commun, adoptées lors de la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, tenue en juin 2006 (HRI/GEN/2/Rev.4).

28.Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, tel que modifié, le Comité prie l’État partie de l’informer de la suite donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 12, 19 et 20 ci‑dessus dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales.

29.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses neuvième et dixième rapports périodiques en un seul document le 12 octobre 2011 au plus tard, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et en veillant à répondre à tous les points soulevés dans les présentes observations finales.

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