NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/TUN/Q/5/Add.125 février 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

RÉPONSES DU GOUVERNEMENT TUNISIEN À LA LISTE DES POINTS À TRAITER (CCPR/C/TUN/Q/5) À L’OCCASION DE L’EXAMEN DU CINQUIÈME RAPPORT PÉRIODIQUE DE LA TUNISIE (CCPR/C/TUN/5) *

[25 février 2008]

Cadre constitutionnel et juridique de l'application du Pacte (art.2)

1. Veuillez indiquer comment est mis en œuvre, durant la période couverte par le présent rapport, l'article 32 de la Constitution de la République Tunisienne, selon lequel les traités ont une autorité supérieure à celle des lois? Les dispositions du Pacte ont-elles été invoquées directement devant les tribunaux ou les autorités administratives. Dans l'affirmative, selon quelles procédures et quels ont été les résultats. Veuillez également indiquer si l'Etat partie envisage d'adhérer au Premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte?

Réponse:

Le régime juridique qui s’applique à tous les traités, toutes catégories confondues, est prévu par l’article 32 de la Constitution. En effet, cette disposition constitutionnelle prévoit, entre autres, que : « les traités ratifiés par le président de la République et approuvés par la Chambre des Députés ont une autorité supérieure à celle des lois ». La Constitution fixe, ainsi, la place des traités dans la hiérarchie des normes juridiques.

A partir du moment où il est entré en vigueur, moyennant une loi d’approbation et un décret de ratification, le traité international prend place dans l’ordre juridique national et devient une source de droit obligatoire et supérieure.

Le respect de la règle posée par l’article 32 de la Constitution s’impose à tous y compris aux juges comme aux autres pouvoirs constitutionnels de l’Etat.

De part sa vocation qui consiste à faire respecter la légalité, le juge est obligé à tenir compte des traités et de les appliquer du moment qu’ils font partie intégrante de la législation en vigueur.

Le juge tunisien, dont le juge administratif, veille au respect des droits consacrés par les conventions internationales.

L’introduction des instruments internationaux dans l’ordonnancement juridique interne a suscité de nombreuses discussions devant les tribunaux tunisiens. Contrairement à une position classique considérant que les dispositions des conventions internationales ratifiées et approuvées ne créent d’obligations qu’à la charge des États parties, en sorte qu’elles ne peuvent être directement invoquées devant les juridictions nationales, les juges judiciaires et administratifs ont jugé, dans diverses affaires, que les instruments internationaux, y compris ceux relatifs aux droits de l’Homme, pouvaient être directement invoqués par les justiciables.

a- L’application directe par les tribunaux judiciaires  des instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme:

Abandonnant progressivement leur position classique, les tribunaux judiciaires ont pu, de leur côté, juger, dans diverses affaires, que les instruments internationaux, y compris ceux relatifs aux droits de l’Homme, peuvent être directement invoqués par les justiciables.

- Dans le jugement rendu dans l’affaire n° 34179, en date du 27 juin 2000, le Tribunal de première instance de Tunis, statuant sur l’action intentée en vue de l’exequatur d’un acte de «répudiation» égyptien, a rejeté ladite demande au motif que « la répudiation constitue une forme traditionnelle et religieuse de dissolution du mariage fondée sur la volonté unilatérale du mari sans considération aucune de l’intérêt de la famille, d’où il résulte qu’elle contredit l’ordre public tunisien comme il appert de l’article 6 de la Constitution et des article 1, 2, 7 et 16, para. 1 et 2 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, ainsi que des articles 1, 2 et 16c) de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes de 1979 ».

- Dans le jugement rendu dans l’affaire n° 7602, en date du 18 mai 2000, le Tribunal de première instance de Tunis, statuant sur l’action intentée en vue de l’annulation de l’acte de vente consentie par une veuve non musulmane ayant pour objet ses parts sur des biens immobiliers qui lui étaient auparavant transmis par voie d’héritage de son mari tunisien musulman décédé, a débouté les demandeurs de leur action en réfutant les arguments selon lesquels l’héritière non musulmane au jour de l’ouverture de la succession n’aurait pas vocation à figurer dans la liste des héritiers ayant droit à la succession du défunt.

Dans les motifs à la base de son jugement, le Tribunal fait valoir, en substance, que « l’exclusion de la veuve de la liste des héritiers sur la base de sa conviction religieuse contredit les dispositions de l’article 88 du Code du statut personnel qui a limitativement défini l’homicide volontaire comme cas d’empêchement à la successibilité … » et que « la non discrimination fondée sur la religion fait partie des principes qui fondent l’ordre juridique tunisien et constitue un attribut de la liberté religieuse telle que garantie par l’article 5 de la Constitution et proclamée par les articles 2, 16 et 18 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, le para. 2 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le para. 1 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politique, ratifiés par la Tunisie… ».

- Dans l’arrêt n° 7286 en date du 2 mars 2001 rendu par la Cour de cassation, statuant sur le pourvoi en cassation formé par le père tunisien contre l’arrêt d’appel confirmatif d’un premier jugement ayant accordé l’exequatur à un jugement rendu par le Tribunal de première instance de Bruxelles, lequel avait prononcé le divorce et accordé la garde de l’enfant à la mère de nationalité belge, a rejeté ledit pourvoi en cassation et les motifs y contenus selon lesquels l’attribution par le juge étranger de la garde de l’enfant d’un couple mixte dont le mari, père de l’enfant, est tunisien et musulman revêtirait ledit jugement d’un caractère contraire à l’ordre public tunisien, dès lors qu’il empêcherait le père d’exercer la tutelle de son enfant et priverait ce dernier d’être élevé dans la culture et la religion de son père, d’où il résulterait que les juges du fond auraient violé la loi en accordant l’exequatur à un tel jugement.

Dans les motifs à la base de l’arrêt qui a rejeté le pourvoi ainsi formé, la Cour de cassation fait valoir en substance que « le législateur tunisien - en accord avec les dispositions de la Convention des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, ratifiée par la Tunisie-, a pris en considération en matière d’attribution de la garde l’intérêt de l’enfant…», de sorte que « l’ordre public tunisien ne se trouve point perturbé par la décision étrangère ayant décidé l’attribution de la garde de l’enfant à sa mère étrangère, dès lors qu’il s’agit, en l’espèce, d’une relation de droit privé international et que le seul critère qui devrait y prévaloir est bien celui de l’intérêt supérieur de l’enfant ».

- Dans le jugement rendu dans l’affaire n° 53/16189, en date du 2 décembre 2003, le Tribunal de première instance de La Manouba, statuant dans une action introduite par le Ministère public en vue de l’établissement de la filiation d’un enfant par suite de la preuve de la paternité par recours au test d’empreintes génétiques (ADN), a expressément motivé son jugement établissant ladite filiation en considérant que « la filiation est un droit de l’enfant qui ne saurait être limité par la forme de relations choisie par ses parents, d’où il résulte que la filiation telle que définie à l’article 68 du Code du statut personnel doit être entendue de façon large conformément à l’article 2, para. 2 de la Convention des droits de l’enfant ratifiée par la loi du 29 novembre 1991 et qui protège l’enfant contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique de ses parents, et que la privation de l’enfant de son droit à la filiation sous prétexte que ses parents ne sont pas liés par le mariage constitue une sanction infligée à cet enfant et une atteinte à l’un de ses droits fondamentaux, sans égard à la discrimination qui en résulterait entre les enfants par l’introduction artificielle d’une différence entre la filiation légitime et la filiation naturelle».

- Dans l’arrêt rendu dans l’affaire n° 120, en date du 6 janvier 2004, la Cour d’appel de Tunis, statuant sur l’appel interjeté par les héritiers tunisiens d’une femme tunisienne mariée en Suisse avec un citoyen belge contre le jugement de première instance donnant droit à l’action intentée par ce dernier tendant à l’annulation de l’acte de décès de sa femme au motif que ledit acte ne mentionnait pas son nom parmi les héritiers, a rejeté l’appel et confirmé le jugement de première instance tout en réfutant les arguments des appelants selon lesquels le mariage conclu en Suisse serait nul du fait que les époux se trouveraient dans l’un des cas d’empêchement au mariage, à savoir l’interdiction du mariage d’une musulmane avec un non musulman, d’où il résulterait que le mari n’aurait pas vocation à figurer dans la liste des héritiers ayant droit à la succession de la défunte.

Dans les motifs à la base de sa décision de rejet de l’appel, la Cour fait valoir, en substance, que « l’allégation d’un empêchement au mariage et, par suite, à la successibilité, fondée sur la différence de religion constitue une violation de l’article 6 de la Constitution garantissant le principe d’égalité de tous devant la loi et introduit une différence de traitement entre les hommes qui bénéficieraient du droit à la liberté de mariage avec des non musulmanes et les femmes qui en seraient privées, ainsi qu’une différence de traitement en matière successorale contraire à la liberté de conscience et de religion, également garantie par la Constitution et les instruments internationaux ratifiés par la Tunisie ».

b- L’application directe par le juge administratif des instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme :

Le Tribunal administratif joue, à cet égard, un rôle crucial depuis notamment l’adoption de la loi organique n° 39 du 3 juin 1996 instituant le double degré de juridiction dans les affaires relatives au recours pour excès de pouvoir, de la loi organique n° 79 du 24 juillet 2001 instituant une chambre de cassation au sein du Tribunal administratif et de la loi organique n° 11 du 24 février 2002 instituant le recours pour excès de pouvoir à l’encontre des décrets-lois en levant ainsi l’immunité dont lesdits décrets-lois bénéficiaient dans le système antérieur.

Toutes ces réformes ont permis au Tribunal administratif de veiller efficacement au respect des droits des justiciables et au renforcement des principes fondamentaux relatifs aux droits de l’Homme, y compris en se référant expressément aux principes proclamés par les instruments internationaux y relatifs. Les décisions suivantes sont ci-après sommairement rapportées, à titre indicatif :

· Protection par le Tribunal administratif du droit à la liberté d’opinion et d’expression:

- Dans le jugement rendu en première instance dans l’affaire n° 2193, en date du 1er juin 1994, le Tribunal administratif, se fondant tout à la fois sur l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et l’article 8 de la Constitution tunisienne, a décidé que l’administration ne pouvait en bon droit faire figurer dans le dossier de son fonctionnaire une mention indiquant ses idées politiques, philosophiques ou religieuses ni juger ce dernier pour ses propres idées tant qu’il ne s’est pas comporté lors de l’exercice de ses fonctions de façon contraire au bon déroulement des tâches qui lui incombent.

- Dans le jugement rendu en première instance dans l’affaire n° 18600, en date du 14 avril 2001, le Tribunal administratif a réitéré la même position et repris les mêmes motifs.

· Protection par le Tribunal administratif du droit à la liberté d’association:

- Dans le jugement rendu en première instance dans l’affaire n° 3643, en date du 21 mai 1996, le Tribunal administratif, se fondant expressément sur l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a décidé l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du Ministre de l’Intérieur portant classification de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme dans la catégorie des associations à caractère général. Dans les motivations fondant ce jugement, le Tribunal a considéré que « les traités internationaux ratifiés ont, selon l’article 32 de la Constitution, une autorité supérieure à celle des lois, d’où il résulte que la décision du Ministre prise par application de la Loi n°25 du 2 avril 1992 complétant la Loi n° 154 du 7 novembre 1959 relative aux associations était entachée d’excès de pouvoir ».

- Dans le jugement rendu en première instance dans l’affaire n° 13918 en date du 13 mai 2003, le Tribunal administratif a réitéré la même position et repris les mêmes motifs.

· Protection par le Tribunal administratif du droit à la liberté de mariage:

- Dans le jugement rendu en première instance dans l’affaire n° 16919, en date du 18 décembre 1999, le Tribunal administratif, se fondant sur l’article 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques reconnaissant le droit de se marier et de fonder une famille à l’Homme et à la femme à partir de l’âge nubile sans restriction, a décidé l’annulation pour excès de pouvoir de la décision de révocation de l’agent des forces de sûreté intérieure, prise par l’administration pour non obtention par ledit agent de l’autorisation préalable à son mariage avec une femme étrangère exigée par l’article 8 du Statut général des agents des forces de sûreté intérieure, dès lors que l’administration n’est pas parvenue à établir que les causes préventives liées à l’exigence de l’autorisation préalable, y compris le risque d’atteinte à la sûreté de l’État, étaient établis dans le cas de l’espèce.

Outre l’application directe par le juge judiciaire et par le juge administratif des instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme, le Conseil constitutionnel joue un rôle précurseur lors de sa saisine obligatoire pour contrôler la conformité de tous les projets de lois à la constitution et la conformité de l’ordonnancement juridique interne avec les traités internationaux ratifiés.

c-. Saisine obligatoire du Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel est expressément chargé, depuis notamment les lois constitutionnelles du 27 octobre 1997 et du 1er juin 2002, de contrôler la conformité et la compatibilité de tous les projets de lois à la Constitution et, spécialement, à ses dispositions relatives aux droits de l’Homme. Le contrôle comprend les projets de lois organiques et de lois ordinaires, ainsi que les amendements qui leur sont apportés au moment de leur adoption par la Chambre des députés et avant leur promulgation par le Président de la République. Le contrôle exercé est, en outre, un contrôle préventif qui vise à s’assurer de la conformité et de la compatibilité du texte examiné avec les prescriptions de la Constitution, ainsi qu’à veiller, entre autres, à la conformité de l’ordonnancement juridique interne avec les Traités internationaux ratifiés. Le Conseil émet alors un avis motivé s’imposant à tous, qui est publié au journal officiel.

Certes, le contrôle se rapporte, uniquement, aux dispositions de la Constitution. Mais l’organisation pyramidale des textes est, en soi, d’ordre constitutionnel. En effet, les traités internationaux ratifiés ont, selon l’article 32 précité, « une autorité supérieure à celle des lois ». Il s’agit là d’une règle impérative dont le respect s’impose, ce qui implique le contrôle de la constitutionnalité des projets de lois de ce point de vue également.

- Dans son Avis n° 02-2006 concernant un projet de loi complétant les dispositions du Code du statut personnel et ajoutant l'article 66 bis qui établit le droit des grands-parents à la visite de leurs petits enfants, le Conseil constitutionnel a rappelé dans ses considérants, entre autres, que « la Convention des Nations unies sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989 ratifiée par la République tunisienne retient, en premier lieu, l’intérêt supérieur de l’enfant et son droit de sauvegarder ses liens familiaux et prévoit, en plus des parents, et le cas échéant, des droits et des obligations pour les membres de la famille largement entendue » et que « le fait de conférer le droit de visite aux grands parents après le décès le l’un des deux parents, tout en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant est à même de consolider les liens entre les membres de la famille et représente, ainsi, un des aspects de la protection de la famille dans le cadre de ce que prévoit la Constitution et des principes acceptés par la République tunisienne et consacrés, notamment, par la Convention des Nations unies sur les droits de l’enfant » . Le Conseil constitutionnel en conclut en émettant l’avis que ledit projet de loi est conforme à la Constitution.

- Dans son Avis n° 32-2007 sur un projet de loi portant approbation du Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif à la création d’une Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, le Conseil constitutionnel a rappelé dans ses considérants, entre autres, que « l’article 32 précité prévoit que les traités ratifiés par le Président de la République et approuvés par la Chambre des députés ont une autorité supérieure à celle des lois », que « le fait pour l’État de s’obliger par des engagements internationaux ne constitue pas un abandon de sa souveraineté mais plutôt une manifestation de l’exercice de cette souveraineté » et qu’ainsi, « eu égard aux attributions conférées à la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples et sur la base aussi bien du préambule de la Constitution proclamant la volonté du peuple de demeurer fidèle aux valeurs humaines qui constituent le patrimoine commun des peuples attachés à la dignité de l’homme…que de l’article 5 de la Constitution prévoyant la garantie par la République tunisienne des libertés fondamentales et des droits de l’Homme dans leur acception universelle, globale, complémentaire et interdépendante, le Protocole objet de l’approbation s’insère, conformément à tout ce qui précède, dans le cadre de la réalisation de ces objectifs sans affecter la souveraineté de l’État ». Le Conseil constitutionnel en conclut en émettant l’avis que ledit projet de loi portant approbation du Protocole à Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples est conforme à la Constitution.

- Dans son Avis n° 56-2005 concernant un projet de loi portant organisation de l’activité de plongée, le Conseil constitutionnel a émis son avis quant à la non conformité dudit projet de loi à la Constitution du fait, notamment, que l’article 17 dudit projet de loi prévoit des sanctions pécuniaires et privatives de liberté pour nombre d’infractions y définies et ce, dans des conditions jugées par le Conseil constitutionnel comme étant contraires aux dispositions de l’article 73 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, ratifiée par la Tunisie, et disposant que « les sanctions prévues par l’État côtier pour les infractions aux lois de pêche…ne peuvent comprendre l’emprisonnement…ni aucun autre châtiment corporel ». Le Conseil constitutionnel a rappelé dans ses considérants, entre autres, «  qu’aux termes de l’article 32 de la Constitution, les traités ratifiés et approuvés ont une autorité supérieure à celle des lois » et « qu’il s’en suit que l’article 17, tel qu’ainsi formulé, n’est pas, par conséquent, conforme à l’article 32 de la Constitution ». Le Conseil constitutionnel en conclut en émettant l’avis que ledit projet de loi dans certaines de ses dispositions, notamment l’article 17, n’est pas conforme à la Constitution.

Enfin, et en réponse à la question du Comité concernant l’intention de la Tunisie d’adhérer au premier protocole facultatif se rapportant au Pacte des droits civils et politiques, il sied d’indiquer que la Tunisie a déjà engagé le débat à ce sujet. En effet, une commission regroupant les ministères concernés s’active actuellement à étudier la question.

2. Le Comité supérieur des droits de l’Homme et des libertés fondamentales est-il conforme aux Principes de Paris (Résolution 48/134 de l’Assemblée Générale, annexe) ?

Réponse:

Depuis 1991, la Tunisie avait décidé d'établir une institution indépendante en matière des droits de l'homme.

Dans un premier temps, le Comité Supérieur des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (C.S.D.H.L.F.) a été institué par décret qui lui a confié un certain nombre de compétences.

Dans un deuxième temps, le rôle et la compétence du Comité ont été réformés.

Dans un troisième temps, l'objectif est de faire du Comité une institution notamment indépendante et conforme aux principes de Paris, c'est l'objet d'un projet de loi en cours d'adoption.

S'agissant des activités, le Comité a notamment effectué des visites aux prisons, aux maisons d’arrêt, aux centres d’hébergement ou d’observation des mineurs ainsi qu'aux organismes sociaux chargés des personnes ayant des besoins spécifiques, et ce, en vue de s’assurer de l’application de la législation nationale relative aux droits de l’Homme et aux libertés fondamentales.

Ces visites se sont caractérisées par leur intensité et leur indépendance de fait.

Ainsi, le Comité a visité les prisons et a soumis après chaque visite un rapport au Président de la République.

Outre les rapports que le Comité adresse annuellement au président de la République, des rapports sont publiés à une très large échelle. Ces rapports ont contribué à la diffusion de la culture des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Par ailleurs, le Comité est habilité à recevoir les réclamations et les requêtes des citoyens portant sur les questions afférentes aux droits de l’Homme et aux libertés fondamentales et à soumettre à leur propos des rapports.

3. Veuillez indiquer quelles sont les difficultés rencontrées pour l’exécution des jugements (par. 77 du rapport de l’Etat partie) ? Veuillez également fournir des renseignements sur le travail de la Commission mise en place pour assurer le suivi de l’exécution des jugements et préciser les cas litigieux et les solutions apportées.

Réponse :

L'histoire des juridictions administratives atteste qu’au départ le juge administratif est un juge interne à l'administration qui ne dispose que de la justice retenue.Il en a été ainsi notamment en France où le système de la justice déléguée n'a été admis qu'en 1889 avec l'arrêt "Cadot".

Il est important de noter que la Tunisie n'a pas transité par le système de la justice retenue et que le tribunal administratif a été institué en tant que juridiction disposant de la justice déléguée. Ses arrêts sont, en conséquence, applicables à tous y compris à l'administration.

Le tableau suivant révèle le nombre des décisions du tribunal administratif à l'encontre de l'administration pour les années 2001 - 2007.

Année

Nombre des affaires

Taux

2001

359

35,47%

2002

332

31,59%

2003

242

33,42%

2004

169

26,04%

2005

152

19,41%

2006

223

26,83%

2007

127

58,52%

Les difficultés rencontrées, parfois, au niveau de l’exécution des décisions rendues par le tribunal administratif ont appelé les autorités publiquesà mettre en place certaines mesures et mécanismes susceptibles de contribuer à renforcer la coordination entre les différentes parties prenantes dans ce domaine, étant précisé que le recours au titre du contentieux de l’indemnisation reste ouvert aux plaignants.

Ainsi, en l’année 2000, il a été procédé à la création au niveau du Premier Ministère de deux commissions de suivi de l'exécution des jugements. La première est présidée par le Secrétaire Général du Gouvernement et est chargée du suivi de l'exécution des jugements en matière d'annulation. La deuxième est présidée par le Secrétaire d'Etat chargé de la Fonction Publique et la Réforme Administrative et est chargée du suivi de l'exécution des jugements en matière d'indemnisation (plein contentieux). Elle travaille de concert avec le médiateur administratif et le tribunal administratif lui-même.

En outre, une chambre spécialisée a été créée au sein du tribunal administratif afin d'examiner les difficultés d'exécution des arrêts rendus.

Jusque là sur 354 dossiers examinés qui ont posé des difficultés d'exécution 236, soit 66% , ont été réglés.

On ajoutera qu'une circulaire du premier ministre datant de novembre 2004 a prévu les moyens de coordination entre les différents services de l'Etat en vue d'assurer le suivi d'exécution des décisions prononcées contre l'administration.

4. Veuillez indiquer les mesures prises pour renforcer l’indépendance de la justice.

Réponse :

Consciente que l’indépendance de la magistrature est une exigence préalable du principe de légalité et la garantie fondamentale d’un procès équitable et partant de la conviction que la justice est un des supports majeurs du régime républicain, la Tunisie s'est souciée de consacrer cette indépendance au double niveau de la législation et de la pratique.

L'indépendance de la justice repose sur trois éléments fondamentaux, à savoir :

- La Constitution qui consacre dans son article 65 l’indépendance des magistrats dans l'exercice de leur fonction ;

- La neutralité du juge affirmée par les lois et intégrée dans la démarche des juges tunisiens ayant, désormais, des traditions solides en ce domaine ;

- et Les prérogatives reconnues au Conseil Supérieur de la Magistrature dans toutes les questions touchant le statut et les conditions des magistrats.

Les importants acquis matériels, moraux, sociaux et scientifiques accomplis ces dernières années, en faveur des magistrats tunisiens, viennent témoigner de la ferme volonté de la Tunisie de consolider et de promouvoir davantage l’indépendance de la magistrature.

Outre la Constitution, l’indépendance est garantie en application de la loi en vigueur au niveau du choix des membres du Conseil Supérieur de la Magistrature. Elle l’est également par le pouvoir décisionnel reconnu audit Conseil, dans la mesure où il n’est pas appelé à émettre de simples avis, mais à prendre des décisions exécutoires, notamment en matière de recrutement, de nomination, d’avancement, de mutation et de discipline.

La Constitution tunisienne a défini le rôle du Conseil Supérieur de la Magistrature en prévoyant dans son article 67 que « le Conseil Supérieur de la Magistrature, dont la composition et les attributions sont fixées par la loi, veille au respect des garanties accordées aux magistrats en matière de nomination, d’avancement, de mutation et de discipline ».

La composition et le fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature par la loi du 14 Juillet 1967 qui a été amendée à plusieurs reprises. Le dernier amendement est introduit par la loi organique de 2005.

Le Conseil Supérieur de la Magistrature est composé de 18 magistrats. Présidé par le Président de la République, il comprend en outre le Ministre de la justice en tant que vice-Président, 8 membres permanents choisis parmi les hauts magistrats, deux magistrats de sexe féminin nommés pour deux ans renouvelables et 8 magistrats élus par leurs collègues représentant les trois degrés du corps de la magistrature.

Le Conseil Supérieur de la Magistrature émet son avis sur les dossiers des auditeurs de justice avant de les soumettre au Chef de l’Etat pour nomination. Il statue également sur la titularisation, la promotion et la mutation des magistrats, conformément à des critères préalablement établis.

Le Conseil Supérieur de la Magistrature dresse et révise la "liste d'aptitude" et le "tableau d'avancement" qui conditionnent la nomination du magistrat à un grade supérieur. Il connaît lui-même des réclamations émises quant au contenu de ces documents. Enfin, il peut décider de prolonger la période à l'issue de laquelle le magistrat doit en principe faire l'objet d'un "avancement d'échelon".

En outre, le Conseil Supérieur de la Magistrature est le Conseil de Discipline des Magistrats. Le Conseil Supérieur de la Magistrature statue aussi sur la levée de l’immunité en ce qui concerne les magistrats auxquels un crime ou un délit est imputé. Il siège également en tant que conseil de discipline des magistrats qui ont commis des fautes disciplinaires.

S'agissant de l'effectivité du principe de l'indépendance des magistrats proclamé à l'article 65 de la Constitution du fait qu'il soit présidé par le Président de la République, il est à indiquer que cette présidence ne constitue nullement une innovation, elle est plutôt symbolique. De plus, dans la pratique, la présidence de ce Conseil n'affecte en rien l'indépendance des magistrats dont les décisions tenant à leurs carrières sont préparées et décidées par leurs paires, avant même la tenue du Conseil.

Le droit comparé témoigne, d'ailleurs, de la consécration de ce modèle dans plusieurs systèmes judiciaires étrangers.

Le recrutement des magistrats se fait sur la base de concours, les modalités et le programme du concours sont fixés par le Ministre de la justice et des droits de l'Homme.

Conformément à cette même loi, le juge exerce la fonction judiciaire de façon indépendante sur la base de son appréciation professionnelle des faits et conformément à l’esprit de la loi, sans influence.

Le juge est, en outre, indépendant vis-à-vis de la société en général et des parties aux différends soumis à son examen.

S'agissant de la corruption dans le domaine judiciaire, ce phénomène est quasi inexistant en Tunisie. Le CSM reste toutefois attentif à chaque cas où il est question d'une quelconque affaire de corruption. C'est ainsi qu'il a eu à se prononcer sur deux cas dans lesquels deux magistrats furent révoqués de leurs fonctions par décision du Conseil.

Mesures de lutte contre le terrorisme et respect des droits garantis par le Pacte

5. Veuillez fournir des informations détaillées sur la législation en vigueur relative à la lutte antiterroriste et en particulier la définition du terrorisme et/ou des actes terroristes et faire état de leur compatibilité au regard du respect des droits garantis par le Pacte.

Réponse :

Sur le plan interne, La Tunisie dispose d’un cadre législatif conforme aux textes internationaux auxquels elle a adhéré.

Bien avant les attentats du 11 septembre 2001, la législation pénale tunisienne a érigé les actes terroristes portant atteinte à la sécurité des individus, des groupes ou des biens, en infractions graves passibles de peines sérieuses.

La Tunisie a procédé, 8 ans avant l’adoption de la résolution 1373 par le Conseil de Sécurité, à la modification de sa législation, le 22 novembre 1993, pour criminaliser l’incitation à la haine et à la violence. Depuis l’adoption de cette résolution, elle s’est associée aux efforts de la Communauté internationale dans la lutte contre le terrorisme.

La Tunisie a adopté, également, une loi globale sur le terrorisme et le blanchiment d’argent (Loi n° 2003-75 du 10 décembre 2003 relative au soutien des efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et à la répression du blanchiment d’argent).

L’objectif principal de cette loi est, selon son article premier, de contribuer, entre autres, « au soutien de l’effort international de lutte contre toutes formes de terrorisme, à faire face aux sources de financement y afférentes et à la répression du blanchiment d’argent».

C’est en vertu de cette loi que la Tunisie a transposé en droit interne les dispositions des conventions internationales pertinentes en matière de lutte contre le terrorisme ainsi que les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies et de l’Assemblée Générale en la matière. Cette loi rappelle dans son article premier que la lutte contre le terrorisme doit se faire « dans le cadre des conventions internationales, régionales et bilatérales ratifiées par la République Tunisienne et dans le respect des garanties constitutionnelles ».

a- Lutte contre le terrorisme

La loi n° 2003-75 traite de la prévention et de l’incrimination des actes de terrorisme (Art. 12 à 25), ainsi que de la prévention et de l’incrimination sur le territoire tunisien de toute forme de financement, préparation ou perpétration d’actes de terrorisme visant d’autres Etats et leurs citoyens (Art. 13, 14 et 15).

En outre, cette loi définit le crime terroriste et les infractions qui y sont assimilées (incitation à la haine, racisme, extrémisme religieux, etc.). Elle instaure l’obligation de déclaration des transactions suspectes ou inhabituelles et le gel des fonds y afférents.

D’après les critères énoncés au chapitre IV de la dite loi, on entend par crime terroriste tout acte individuel ou collectif visant à terroriser une personne, un groupe de personnes ou une population afin de peser sur la politique d’un Etat, d’amener celui-ci à agir d’une certaine manière ou de l’en empêcher; de perturber l’ordre public ou la paix et la sécurité internationales; de s’en prendre à des personnes ou à des biens; d’endommager les locaux de missions diplomatiques ou consulaires ou d’organisations internationales; de causer d’importants dégâts à l’environnement et d’exposer ainsi la vie et la santé des populations à de graves dangers; ou de porter atteinte à des ressources vitales, à des infrastructures, à des moyens de transport et de communication, à des systèmes informatiques ou à des installations publiques.

b- Lutte contre le blanchiment d’argent

Conscient du recours, dans le cadre des activités de terrorisme, à la criminalité organisée (particulièrement le trafic illicite de stupéfiants et d’armes et le vol), le législateur tunisien a érigé les opérations de blanchiment d’argent en infraction.

En effet, le financement du terrorisme constitue, en droit tunisien, une infraction autonome passible de peines allant de 5 à 12 ans d’emprisonnement.

Cette loi garantit le déclenchement des poursuites pénales ou l’extradition de quiconque participe au financement, à l’organisation, à la préparation où à la perpétration d’actes de terrorisme ou qui y apporte un appui quelconque. Elle permet en outre, l’identification, la détection, le gel et la saisie des avoirs.

Et afin d’éliminer les risques d’abus dans l’application de cette loi, le législateur tunisien a exigé, dans l’article 67 de la même loi, que la confiscation des biens objet du blanchiment ainsi que le produit généré directement ou indirectement par l’infraction de blanchiment et leur liquidation au profit de l’Etat, doivent être ordonnés par  le tribunal.

Conscient également de l’importance de l’approche préventive dans la lutte contre les circuits de financement illicites, le législateur a créé une Commission d’analyse financière qui a notamment pour tâche d’enquêter sur les opérations et les transactions douteuses et peut, à cette fin, demander l’aide de ses homologues étrangers.

La Commission d’analyse financière est un symbole de coopération entre les différents services appelés à enquêter sur les opérations de blanchiment d’argent. En effet, elle est composée de représentants des différentes instances judiciaires et financières et des différents services de sécurité du pays qui peuvent ainsi coordonner plus efficacement les efforts qu’ils déploient pour surveiller les opérations et les transactions suspectes et partant, éliminer les circuits financiers illicites et lutter contre le financement du terrorisme et contre le blanchiment d’argent.

c -Mécanismes judiciaires de lutte contre le terrorisme

La loi n° 2003-75 prévoit une série de mesures pénales à même de permettre de lutter efficacement contre le terrorisme:

► La centralisation des poursuites : la loi confie la responsabilité d’enquêter sur les infractions terroristes, de déclencher les poursuites et de juger ces infractions aux agents de la police judiciaire et aux instances judiciaires présentes dans la capitale. Ce choix est essentiellement motivé par le fait que les instances concernées ont, de par le nombre et le type d’affaires qu’elles ont été amenées à traiter, pu acquérir un haut niveau de connaissance des structures complexes des groupements terroristes;

► La mise en place d’une instance judiciaire spécialisée dans la lutte antiterroriste;

► Une coopération plus accrue entre les différentes autorités chargées de lutter contre le terrorisme (police judiciaire, autorité de poursuite d’instruction et de jugement, personnes assujetties à l’obligation de déclaration et cellule d’analyses financières).

d- Lutte contre le terrorisme et respect des droits de l’Homme

Les rédacteurs de le la loi n° 2003-75 se sont inspirés des normes internationales en la matière et ont veillé à ce que les dispositions de la nouvelle loi soient conformes à celles de la résolution 1373 du Conseil de sécurité et satisfassent aux deux exigences fondamentales suivantes:

► Mettre sur pied un système répressif complet permettant de surveiller et de poursuivre les terroristes avec l’efficacité requise et garantir la sécurité des individus et notamment de certaines personnes prises pour cibles par les terroristes. En effet, et compte tenu du danger que les organisations terroristes font courir à ces personnes, le législateur tunisien leur a accordé une protection spéciale et a prévu que l’identité des officiers de police judiciaire ou des membres des services judiciaires qui traitent les affaires de terrorisme pourrait être tenue secrète.

► Confier aux autorités judiciaires le contrôle de l’enquête préliminaire et des investigations diligentées par les officiers de police judiciaire à l’occasion de l’exécution des commissions rogatoires.

Le législateur tunisien a, de ce fait, renforcé la protection des libertés individuelles en s’inspirant de celle accordée par la Constitution (notamment celle prévue par l’article 12 qui stipule que « la garde à vue est soumise au contrôle judiciaire et il ne peut être procédé à la détention préventive que sur ordre juridictionnel. Il est interdit de soumettre quiconque à une garde à vue ou une détention arbitraire ») et en se conformant aux recommandations relatives à la protection des droits de l’Homme et des libertés individuelles figurant dans les instruments internationaux.

En outre, la législation tunisienne ne prévoit pas de mesures administratives qui limitent les libertés individuelles, mais elle habilite les officiers de police judiciaire à ordonner la garde à vue d’un suspect dans le cadre d’une instruction préparatoire ou en exécution d’une commission rogatoire et elle autorise le juge d’instruction à ordonner la détention préventive d’un suspect dans le cadre d’une instruction préparatoire.

Les délais de garde à vue et de la détention préventive prévus pour les infractions de droit commun sont les mêmes que pour les infractions terroristes.

La Tunisie n’a pas institué une juridiction exceptionnelle pour connaître des infractions terroristes, demeurées du ressort des tribunaux du droit commun.

Le droit à la présomption d’innocence et les garanties d’un procès équitable sont reconnus aux auteurs des infractions terroristes.

La menace terroriste ne relève pas de la théorie. La Tunisie vit dans un contexte géopolitique particulièrement sensible qui accroît la gravité des risques terroristes qu'elle encourt. Grâce à un dispositif complet et harmonieux qui n'a omis aucun plan d'action possible contre le terrorisme, la Tunisie a réussi à éviter un débordement terroriste. La lutte contre la pauvreté, l'ancrage d'un message de tolérance et la réforme du système éducatif sont, à côté du dispositif législatif, les quatre piliers que la Tunisie a adoptés pour combattre la menace terroriste.

Toutefois le risque terroriste est particulièrement difficile à éradiquer. La Tunisie en a fait la douloureuse expérience à plusieurs reprises. En avril 2001, un camion-citerne kamikaze venait exploser contre une synagogue millénaire dans la pittoresque île de Djerba, attentat meurtrier qui a coûté la vie à plusieurs touristes. En décembre 2006 et janvier 2007, un groupe lourdement armé s’est infiltré dans le pays dans le but de faire sauter des édifices publics. De violents affrontements armés les ont opposés aux forces de l’ordre qui ont réussi à les neutraliser, mais deux membres des forces armés ont payé de leur vie la défense de la sécurité de notre pays contre ces terroristes.

Ces deux évènements ne sont que des exemples de la gravité du risque terroriste affrontée par la Tunisie.

La Tunisie reste fermement attentive à la lutte contre le terrorisme dans le cadre la législation et des actions de prévention qui viennent d'être exposées ci-dessus. Son but est de réaliser un équilibre entre la lutte efficace contre le terrorisme et le respect des droits des personnes poursuivies à cet égard. Comme cela se constate dans plusieurs pays, l’équilibre entre ces deux préoccupations, parfois nécessairement divergentes, n'est pas toujours facile à réaliser.

Non discrimination et égalité des droits des hommes et des femmes (art.3 et 26)

6. Veuillez donner des informations détaillées sur l'ampleur du phénomène de la violence contre les femmes, y compris la violence familiale, et sur les mesures prises à son encontre. Veuillez fournir des statistiques pour les cinq dernières années concernant le nombre de plaintes enregistrées pour des cas de violence à l'égard des femmes, les enquêtes et les poursuites diligentées suite à ces plaintes, le type de sanctions prononcées et d'indemnisations octroyées aux victimes ou leurs proches. L'Etat partie envisage –t-il de pénaliser le viol conjugal? Veuillez commenter les dispositions de l'article 218 du Code pénal relatives au désistement de l'ascendant ou du conjoint victimes au regard de leur conformité avec les dispositions du Pacte.

Réponse :

Le Code du statut personnel (CSP) promulgué en 1956 protège la femme contre toute forme de violence, lui garantit la pleine capacité de recours et met en place plusieurs possibilités de réparation. Les réformes adoptées en 1993 et portant amendement de certains articles du CSP et du Code pénal ont constitué une avancée réelle sur la voie de la lutte contre la violence.

L’ancien article 23 du CSP obligeait l’épouse à obéir à son mari et à « remplir ses devoirs conjugaux conformément aux usages et à la coutume ». Aux termes de la loi n° 93-74 du 12 juillet 1993, l’article 23 (nouveau) du CSP dispose que « chacun des époux doit traiter son conjoint avec bienveillance, vivre en bon rapport avec lui et éviter de lui porter préjudice ». Il instaure, à cet effet, de nouveaux rapports au sein du couple qui sont basés sur la complémentarité et l’indépendance. L’épouse n’est plus assimilée à la propriété du mari, mais elle acquiert le statut de personne juridique à part entière ayant les mêmes droits et devoirs que son conjoint.

L’article 31 du CSP donne le droit à la femme victime elle-même (ou ses enfants) de voies de faits, avec coups et blessures, même légères, du père ou du mari, de demander le divorce sur la base du préjudice subi, d’obtenir pension alimentaire, résidence, garde et réparation, en numéraire, des préjudices moraux et matériels qui lui sont occasionnés par le mari.

En outre, et sur le plan pénal la violence conjugale est punie de la prison pouvant atteindre deux ans. La loi du 12 juillet 1994, portant modification de l’article 218 du Code pénal, considère le lien conjugal comme une circonstance aggravante qui justifie un alourdissement de la peine. L’article 218 (nouveau) dispose que «tout individu qui, volontairement, fait des blessures, porte des coups, ou comme toute autre violence ou voie de fait… est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de mille dinars. Si l’auteur de l’agression est un descendant ou conjoint de la victime, la peine est de deux ans d’emprisonnement et de deux mille dinars d’amende».

EVOLUTION DES PROCES VERBAUX RELATIFS A LA VIOLENCE CONJUGUALE AU NIVEAU DU PARQUET

ACTIVITES

ANNEE JUDICIAIRE

03-- 02

04-- 03

05-- 04

05--06

06-07

Saisine

6799

6277

6671

7252

7820

P.V traités

3905

3792

4486

5192

5750

Classement sans suite ou désistement

1558

1857

1652

2021

2204

Renvoi devant le juge cantonal

353

243

284

504

318

Renvoi devant le tribunal correctionnel

1589

1972

2091

1710

2217

Ouverture d'instruction

7

9

54

131

45

Classement pour d'autres motifs

398

500

405

826

966

Le viol conjugal est, comme tout viol, incriminé par la loi tunisienne. Il tombe sous le coup des articles 227 et 227 bis du code pénal. Il convient d'insister à cet égard que ces deux articles ne font jamais de la qualité d’époux une qualité qui confère une immunité contre les poursuites ni une circonstance atténuante pour l'agresseur. La loi s'applique donc à tous et il y a viol dès que le consentement de la femme fait défaut.

En pratique, il ne semble pas qu'il y a eu des plaintes pour viol conjugal. Plusieurs associations de protection des droits des femmes font des campagnes pour sensibiliser les femmes à leurs droits et disposent de cellules d'écoute et d'orientation pour les femmes victimes d'agression quel que soit leur nature. Les tribunaux ne manqueront donc pas à poursuivre et éventuellement sanctionner les cas de viol conjugal qui leurs seraient signalés.

S'agissant de l'adultère, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays appartenant à différentes sphères culturelles, la Tunisie traite l'adultère de la femme et l’adultère de l'homme de manière parfaitement égale. L'article 236 du code pénal est particulièrement explicite à cet égard puisqu'il punit « l'adultère du mari ou de la femme » sans aucune distinction.

Par la réforme de 1993, le législateur a abrogé l’article 207 du code pénal qui faisait bénéfi c ier des circonstances atténuantes, le mari qui tue son épouse surprise en flagrant délit d’adultère. Ce crime est désormais soumis à la peine appliquée en matière d’homicide, à savoir la prison à vie. Aucune distinction entre hommes et femmes ne subsiste dans en droit tunisien en ce qui concerne l'incrimination de l'adultère.

Concernant les types de sanctions prononcées, il s'agit de sanctions pécuniaires ou privatives de liberté selon la gravité des faits. Le droit à l'indemnité est reconnu. La réparation doit couvrir le préjudice subi. Il s'agit d'une réparation du préjudice corporel, moral et matériel.

7. Veuillez commenter l’article 58 du Code du statut personnel relatif au droit de garde des enfants au regard de sa compatibilité avec les articles 3 et 26 du Pacte.

Réponse :

L'article 58 du Code du statut personnel (CSP) a pour objet la détermination des conditions que doit remplir le titulaire de la garde de l'enfant. Les articles 3 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques posent, quant à eux, le principe d'égalité et de non-discrimination notamment en raison du sexe, de la race ou de la religion.

La lecture attentive de l'article 58 CSP démontre qu’il ne souffre d'aucune inégalité entre les sexes et qu’il ne consacre aucune discrimination. Cette affirmation découle du constat que l'article 58 n'accorde à aucun des deux sexes des privilèges particuliers lors de la détermination du titulaire du droit de garde. En effet, l'attribution de la garde obéit à un critère fondamental qui se caractérise par sa neutralité face aux prétendants à la garde de l’enfant : c'est le critère de l'intérêt supérieur de l'enfant, réaffirmé au titre des principes généraux par le Code de la protection de l’enfant adopté le 9 novembre 1995 (I). En outre, les tribunaux ont constamment oeuvré à consolider l'esprit égalitaire de l'article 58 en dégageant un principe selon lequel l'unique critère qui doit gouverner la décision du juge lors de l'attribution de la garde est celui de l'intérêt supérieur de l'enfant. Cette démarche jurisprudentielle a le mérite d'évincer toute considération discriminatoire lors de l'attribution de la garde (II).

I- Conformité de l'article 58 au principe d'égalité

L’inégalité signifie qu'une personne soit privilégiée uniquement en raison de son sexe, de sa race ou de sa religion. Or, force est de constater qu'à aucun moment, le législateur tunisien n'a cherché à faire de l'article 58 un moyen pour favoriser l'un des deux sexes par rapport à l'autre. Le seul but de l'article 58 est de poser des conditions objectives qui garantissent que la garde ne soit attribuée qu'au parent le plus apte à élever l'enfant dans les meilleures conditions qui permettent son plein épanouissement physique, moral et intellectuel.

Toutes les conditions prévues à l'article 58 se ramènent donc au même objectif, à savoir la sauvegarde de l'intérêt supérieur de l’enfant. Aucune des conditions prévues n'a pour finalité de favoriser quiconque des prétendants à la garde de l'enfant. La recherche de l'intérêt supérieur de l'enfant préside au choix de ces conditions et elle est leur unique raison d'être. C'est pourquoi ni l’homme ni la femme ne se trouvent a priori favorisés pour se voir attribuer la garde de l'enfant. L'examen attentif des conditions prévues par l'article 58 démontre qu'aucune d'elles n'est entachée d'une quelconque inégalité ou discrimination :

- La condition de la majorité : aucune distinction selon l’âge de l'homme ou de la femme n'est prévue, l’aptitude à demander la garde s’acquiert donc pour les deux sexes au même âge.

- La condition de la jouissance des facultés mentales : aucune discrimination n'est prévue à cet égard.

- La condition de l'honnêteté : elle s'applique d'une manière parfaitement égale à l'homme et à la femme.

- La condition de la capacité de pourvoir aux besoins de l’enfant : elle est exigée pour les deux sexes sans discrimination.

- La condition d'être indemne de toute maladie contagieuse : c'est une condition neutre qui ne peut présenter aucune discrimination.

- La condition pour le gardien de sexe masculin d'avoir à sa disposition une femme qui assure les charges de la garde : force est de constater que cette condition ne s'impose qu'aux hommes. Elle est donc loin de créer une inégalité à l'égard des femmes. On ne saurait donc parler ici de discrimination à l'égard des femmes. En outre, cette condition découle naturellement de la nature de la garde qui doit assurer à l'enfant qui se trouve privé de l'affection et de la protection maternelle une affection féminine de substitution.

- La condition que le gardien de sexe masculin ou que l'époux de la mère gardienne soit parent à un degré prohibé : cette condition a pour unique but de protéger l'enfant. Elle ne peut être expliqué par aucune considération discriminatoire. Le législateur exige la parenté à un degré prohibé avec l'enfant comme une garantie supplémentaire protégeant l'enfant de sexe féminin d'un éventuel abus qui pourrait être commis par le gardien ou par l'époux de la mère gardienne.

- « La condition » que la femme gardienne ne soit pas mariée : il convient d'insister sur le fait que cette condition n'est ni une condition générale ni une condition automatique.

D'une part, cette condition n'est pas une condition générale car elle n'a pas lieu à s'appliquer dans les cas où la gardienne est la mère et la tutrice de l'enfant, c'est-à-dire dans le cas du décès du père, de son absence ou de son incapacité. De même, la condition que la gardienne ne soit pas mariée ne s'applique pas dans le cas où l'enfant est au stade de l'allaitement.

D'autre part, la condition que la gardienne ne soit pas mariée n'est pas une condition automatique car elle ne joue que si le juge ne décide pas le contraire. Autrement dit, c'est à l’aune de l'intérêt supérieur de l'enfant qu’au final la décision du juge sera prise. On peut donc dire qu'en réalité l'attribution de la garde sera ici encore appréciée à la lumière de l'intérêt supérieur de l'enfant et non plus à la lumière de la condition du non mariage de la gardienne. En effet, l'article 58 pose une directive claire qui impose au juge de prendre sa décision en considération de « l'intérêt de l’enfant ». Que la femme soit mariée devient donc un élément marginal puisqu'il est primé par l'intérêt supérieur de l’enfant. C'est ce qui permet de dire que le mariage de la gardienne n'est plus un empêchement à la garde pour la femme. Une femme mariée peut parfaitement se voir attribuer la garde si l’intérêt supérieur de l’enfant l’exige. Le non mariage de la femme n’est plus une vraie condition pour que la garde lui soit attribuée. Seul l’intérêt supérieur de l’enfant doit être pris en compte. C'est d'ailleurs la position à laquelle est parvenue la jurisprudence tunisienne qui, dans une interprétation courageuse et avant-gardiste, a décidé que l'unique critère d'attribution de la garde est l'intérêt supérieur de l'enfant.

Consécration par la jurisprudence du principe d'égalité

C’est le critère de la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant qui garantit une parfaite égalité entre les parents lors de l'attribution de la garde. En effet, l'homme et la femme se situent sur un parfait pied d’égalité pour se voir attribuer la garde de l'enfant, en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant qui permet au juge de les départager. C'est au juge que revient le grand mérite d'avoir introduit et adopté, le premier, le critère de l'intérêt supérieur de l’enfant en droit tunisien et ce, bien avant toute intervention législative. En effet, la notion d'intérêt de l'enfant était absente du Code du statut personnel lors de sa promulgation en 1956. C'est la Cour d'appel de Tunis qui, dans un grand élan créateur, a introduit cette notion en droit tunisien en énonçant dans des termes clairs et précis dans un arrêt rendu le 29 mai 1958 que l’attribution de la garde doit s'appuyer sur « l'intérêt de l'enfant ».

L'intervention du législateur, qui a modifié le Code du statut personnel par la loi du 3 juin 1966 pour y introduire le critère de l'intérêt de l'enfant, était donc la consécration d'une jurisprudence novatrice qui a fait prévaloir l'intérêt supérieur de l'enfant lors de l'attribution de la garde. Cet élan créateur de la jurisprudence s'est poursuivi sans interruption et s'est confirmé à plusieurs reprises ultérieures. Deux exemples permettent de l’illustrer : il s'agit d'une part de la proclamation que l'intérêt supérieur de l'enfant est l'unique critère d'attribution de la garde et, d'autre part, l’affirmation qu'il est prohibé au juge statuant sur la garde de se baser sur des éléments discriminatoires quelle que soit leur nature.

De son côté, la Cour de Cassation a affirmé dans un arrêt du 26 février 1991 que « l'intérêt supérieur de l'enfant est la directive fondamentale et le critère unique » qui doit être pris en considération lors de l'attribution de la garde. Dans un autre arrêt du 8 mars 1994 la Cour de Cassation a déclaré que l'intérêt supérieur de l'enfant est « l’unique élément sur lequel doit se baser l'appréciation du juge ». La même cour a réitéré sa position dans des termes aussi vigoureux dans un arrêt du 1er avril 1997.

Par ces termes, concis et précis, la Cour de Cassation proclame que l'attribution de la garde n'obéit qu'à un critère unique, à savoir l'intérêt supérieur de l'enfant. En ne faisant plus de référence à l'article 58 CSP, la Cour de Cassation exprime clairement sa volonté de condenser toutes les conditions d’attribution de la garde dans une condition unique qui est la préservation de l'intérêt supérieur de l’enfant. C'est une position courageuse illustrant le rôle créateur du juge qui contribue ainsi à l'évolution du droit positif. Cette position exclut toute éventualité que des facteurs discriminatoires ne s’immiscent dans l’appréciation du juge lors de l’attribution de la garde.

La Cour de Cassation a, également, affirmé l'égalité absolue des parents lors de l'attribution de la garde des enfants issus de couples mixtes. Le problème a surgi quand un courant a défendu l'idée que la mère de nationalité étrangère non domiciliée en Tunisie ne peut se voir attribuer la garde de ses enfants. Dans un remarquable arrêt du 2 mars 2001, la Cour de Cassation a déclaré dans des termes énergiques que « l'intérêt supérieur de l'enfant doit être l'unique critère pris en considération lors de l’attribution de la garde à l'exclusion de toutes les autres considérations ». Ces « autres considérations », exclues par la Cour de Cassation, sont celles tirées de la nationalité étrangère de la mère, de son domicile à l'étranger et de sa religion. Cette position est une parfaite illustration qu’en droit tunisien aucune discrimination fondée sur le sexe, la race ou la religion n'est acceptée. C'est d’ailleurs le sens direct des articles 3 et 26 du Pacte.

Droit à la vie (art.6)

8. Veuillez indiquer le nombre de prisonniers encourant la peine de mort, et pour quelles infractions, ainsi que le nombre de condamnations à mort prononcées par contumace. Etant donné qu'il n'y a pas eu d'exécutions depuis 1991 (par. 142 du rapport de l'Etat partie), la Tunisie envisage-t-elle de ratifier le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte?

Réponse :

La législation tunisienne admet la peine de mort pour certains crimes. Toutefois, la politique législative est une politique restrictive à cet égard. En effet, contrairement à plusieurs pays appartenant à la même sphère culturelle que la Tunisie, l'homicide n’est pas toujours puni de la peine de mort. La peine de mort n'est encourue qu'en cas de circonstances aggravantes tels la préméditation ou si l'homicide est précédé de viol.

Le nombre actuel des condamnés à mort est de 87 (84 hommes et 3 femmes).

Le tableau suivant présente le nombre total des condamnés à mort depuis 1991, ventilé selon la nature de l’infraction.

Nature des infractions

Nombre des condamnés

- Homicide volontaire avec préméditation

46

- Homicide volontaire précédé par viol

11

- Homicide volontaire précédé par attentat à la pudeur

05

-Homicide volontaire suivi d’un vol commis avec violence grave

25

Total

87

Le nombre de condamnés à mort par contumace est de 14.

L'article 6 du Pacte ne pose pas une obligation d'abolition de la peine de mort mais sa démarche est très restrictive et la Tunisie s’inscrit dans cette voie.

En ce qui concerne l’intention de la Tunisie d’adhérer au deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte, il sied d’indiquer que le débat est déjà engagé à ce sujet.

La Tunisie n'a procédé à aucune exécution depuis 1991. Le chef de l'État a tenu à maintes reprises à affirmer sa franche réserve à l'égard de la question de l'exécution. Rien qu'en décembre 2007 dans une interview à un journal français le Président a clairement affirmé ceci : «je ne signerai jamais l'exécution de condamnés à mort ». C'est dire que la Tunisie est un Etat abolitionniste de fait.

Interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, droit à la liberté et à la sécurité et traitement des prisonniers (art 7, 9 et 10)

9. Bien que les nouvelles législations nationales interdisent les arrestations et détentions arbitraires (par. 167 à 179 du rapport de l’Etat partie), de telles pratiques auraient lieu et affecteraient en particulier les défenseurs des droits de l’Homme. Veuillez commenter. En outre, veuillez préciser si la législation de l’Etat partie ainsi que sa pratique permettent à tout individu arrêté ou en détention d’introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale conformément à l’article 9 du Pacte. Le droit à un avocat est-il garanti et selon quelles modalités?

Réponse :

Outre les informations fournies dans le rapport, il y a lieu de rappeler que la législation nationale interdit les arrestations et détentions arbitraires. Les allégations selon lesquelles les défenseurs des droits de l’Homme feraient l’objet d’arrestations et de détentions arbitraires sont dénuées de tout fondement. En fait, les défenseurs des droits de l’Homme jouissent, comme tous les citoyens, de tous les droits qui leur sont garantis par la loi conformément au principe de l’égalité de tous les citoyens devant la loi proclamé à l’article 6 de la Constitution.

Par ailleurs, tout individu arrêté ou détenu illégalement a le droit de déposer une plainte au ministère public en vue de poursuivre l’auteur ou les auteurs de l’arrestation ou de la détention arbitraire. L’article 103 du Code Pénal interdit fermement toute atteinte à la liberté individuelle d’autrui et punit de cinq ans d’emprisonnement tout fonctionnaire public qui aura porté atteinte à la liberté individuelle d’autrui.

Les autorités tunisiennes veillent attentivement au respect des dispositions législatives toutes les fois qu’il y a allégation de détention arbitraire. L’Etat tient à la sécurité et liberté de tous les citoyens et ne reste pas indifférent toutes les fois qu’un cas de détention arbitraire est signalé. Le parquet effectue assez souvent des visites inopinées aux centres d’arrestation et vérifie l’état des registres d’arrestation et les conditions de détention.

Etant rappelé que toute personne arrêtée dispose, comme cela a été indiqué au rapport, de toutes les garanties légales dont l’assistance d’un avocat en cas de commission rogatoire.

S’agissant des allégations relatives aux défenseurs des droits de l’Homme, une seule personne se réclamant de la défense des droits de l’Homme a selon une instance internationale été victime d’une détention arbitraire contrairement au point de vue de la Tunisie.

10 - Malgré la promulgation de la loi du 14 mai 2001 relative à l’organisation des prisons (par. 188 et 189 du rapport de l’Etat partie), les conditions de détention seraient préoccupantes. Veuillez fournir des plus amples informations sur les résultats et le suivi des enquêtes de la commission d’investigation sur les conditions de séjour dans les prisons (par.195 et suivants du rapport de l’Etat partie).

Réponse :

En 2001, les institutions pénitentiaires ont été transférées de la tutelle du Ministère de l’intérieur au Ministère de la Justice et des Droits de l'Homme.

Dans le soucis d'améliorer les conditions de détention dans les prisons, une nouvelle réglementation a été adoptée par la loi du 14 mai 2001 relative à l'organisation des prisons en vertu de laquelle les détenus sont répartis selon le sexe, l'âge et la nature de l'infraction.Cette loi prévoit, également, la préparation des détenus à la vie post-carcérale, en leur permettant, d'une part, l'exercice d'un travail rémunéré, conformément aux dispositions du Pacte et, d'autre part, le suivi d'un programme de formation en vue de leur réhabilitation et intégration dans la vie active.

L'intérêt que porte la Tunisie à la situation dans les prisons s'est confirmé par la création, en 2002, d'une Commission d'enquête sur les conditions d'incarcération dans les prisons tunisiennes. Les membres de ladite Commission se sont entretenus avec plusieurs détenus dans leurs cellules en toute liberté.Les détenus ont confirmé l'amélioration de leurs conditions carcérales au cours des dernières années. Le rapport de ladite Commission a comporté une analyse du phénomène de la "surpopulation" dans certains établissements pénitentiaires, du problème de l'insuffisance qui en résulte au niveau du nombre de lits et de ses répercussions sur les détenus sur le plan sanitaire et psychique.

La Commission sus indiquée a, aussi, étudié l'évolution des programmes spéciaux d'enseignement des détenus analphabètes et de formation professionnelle ainsi que les activités sportives et culturelles organisées au profit des détenus.

A cet égard, des recommandations ont été faites pour améliorer davantage les conditions d'incarcération.

Sur la base des recommandations faites par cette commission à la suite de visites rendues dans les différents établissements pénitentiaires, des mesures tendant à améliorer davantage les conditions de séjour des détenus en prison et à faciliter leur réinsertion sociale ont été décidées.

Ces mesures consistent notamment à :

* Reconsidérer la situation des prévenus en attente de jugement. La détention préventive devant être une mesure exceptionnelle.

* Mettre en œuvre les mesures de mise en liberté avec ou sans caution pour les infractions qui ne comportent pas d’incidence grave sur les personnes et les biens.

* Continuer d’appliquer la loi relative à la peine de travail d’intérêt général en tant qu’alternative à la peine d’emprisonnement pour certaines infractions, et ce, en sensibilisant les personnes concernées et les établissement qui accueillent les condamnés, aux avantages de cette loi et à sa portée correctionnelle.

* Parachever le programme de généralisation des unités sanitaires multidisciplinaires en installant ce type de structures dans les deux prisons qui n’en sont pas encore pourvues.

* Accélérer l’installation des appareils de radiologie dans les prisons qui n’en sont pas dotées et qui sont éloignées des établissements hospitaliers.

* Améliorer les conditions de santé et renforcer le cadre médical et celui des psychiatres afin d’assurer un meilleur encadrement sanitaire et psychologique aux détenus.

* Réviser les conditions de la grâce réhabilitative afin d’en faire bénéficier le plus grand nombre possible des détenus en leur assurant une source de revenus permanente après leur sortie de prison.

* Renforcer le programme de recyclage des agents des services pénitentiaires et de rééducation.

* Accorder toute l’attention requise aux programmes de formation professionnelle et aux activités sportives et culturelles au profit des détenus et aux programmes spéciaux d’enseignement destinés aux détenus analphabètes.

* Permettre au juge d’application des peines au sein des établissements pénitentiaires de se consacrer exclusivement aux tâches qui lui sont attribuées et ce, afin de renforcer son rôle dans le suivi des conditions de détention dans les prisons, dans le contrôle de l’application de la peine ainsi que dans la possibilité de faire bénéficier certains détenus de la liberté conditionnelle. D’ailleurs, dans ce cadre, les juges d’application des peines ont au cours de l’année 2003 libéré conditionnellement 545 détenus.

D’autre part, les interventions du juge d’application des peines ont été élargies à plusieurs questions, telles :

- l’autorisation de certains détenus à rendre visite à leurs proches que ce soit dans les établissements hospitaliers ou à leurs domiciles, conformément aux conditions énoncées par la loi en vigueur.

- la possibilité de prendre connaissance du registre de discipline

- l’autorisation de certains détenus à passer les épreuves de l’examen de baccalauréat ou de la maîtrise.

- L’autorisation de certains détenus à assister aux obsèques de leurs proches, conformément aux conditions énoncées par la loi en vigueur.

Outre ces mesures, et en vue de réduire la surpopulation carcérale, de nouvelles prisons ont été construites telles que la prison de Sfax en remplacement de l’ex prison de Sfax et la prison de Mornaguia en remplacement de l’ex prison de Tunis. De nouveaux pavillons ont été également construits dans les prisons de Borj Erroumi, Borj El Amri , Sers et Saouaf .

Le nombre total des lits est passé de 18873 en 2003 à 24900 en 2007, celui des douches a atteint 790, celui des robinets d'eau potable est de 2160 et celui des toilettes est de 1520.

Par ailleurs, l'amélioration des prestations d’assistance s'est traduite par :

-L’amélioration de l’assistance médicale (visites médicales d’accueil systématiques ; installation d’unités médicales équipées ; présence d’un médecin responsable engagé à pleins temps et des médecins spécialistes à temps partiel ; gratuité des consultations médicales, des médicaments et des soins ; transfert des détenus malades nécessitant des soins médicauxextérieurs aux hôpitaux civils ; prise en charge médicale et psychologique des enceintes et des mères allaitantes et de leurs enfants).

-Le renforcement du cadre médical et paramédical

Fonctions

2003

2004

2005

2006

2007

Médecins spécialistes

03

03

06

05

05

Médecins généralistes

26

30

28

30

30

Médecins

Généralistes

17

17

12

15

15

conventionnés

Dentistes

12

12

12

09

09

Spécialistes

36

34

37

36

36

Pharmaciens

-

01

01

01

01

Techniciens supérieurs

05

05

15

15

15

Préparateurs

02

02

02

02

02

Agent Infirmier

195

202

222

227

240

- L’installation d'unités médicales à la prison de Mornaguia, de Gabès et de Nadhour.

- L’acquisition des équipements médicaux modernes : Unité dentaire( Toutes les Prisons ), Unité ophtalmologique (Mornaguia – Borj-elamri – Mornag),Unité radiologique(Bizerte–Mornaguia–Sfax),Unité de kinésithérapie (Borj-roumi-Mornaguia –Sousse–Sfax), (Echograph Mornaguia), Appareil ECG ( Toutes les Prisons ), Glucomètre ( Toutes les Prisons ) .

- La prise en charge et traitement des toxicomanes : 2003 (112), 2004 (43), 2005 (113), 2006 (159), 2007 (148)

- L’amélioration de l’assistance psychologique :(Les détenus bénéficient d’une assistance psychologique (entretien d’accueil, prise en charge des cas spécifique, étude des cas, encadrement des séances de dynamique de groupe, organisation de caravanes psychologiques) .

Afin d'améliorer les prestations psychologiques au profit des détenus (recrutement de 11 psychologues durant la période 2003-2007).

-L’amélioration de l'assistance sociale et de l'assistance ultérieure:( création d’un bureau social dans toutes les prisons, entretien d’accueil, assurer le maintien des liens familiaux, intervention visant le soutien matériel des familles nécessiteuses, réalisation des enquêtes et des études sociales, intervention visant la réinsertion des détenus libérable, l’assistance sociale ultérieure concerne les détenus libérables et se pratique en collaboration étroite avec la famille, les autorités régionales et locales et les organisations et les associations concernées).

Afin d'améliorer les prestations sociales au profit des détenus, il a été procédé au recrutement de 10 sociologues durant la période 2003-2007.

- Le renforcement des liens familiaux :Les visites sans dispositif de séparation ont concerné 92036 détenus. Elles se répartissent de la manière qui suit : 2003(13902) ; 2004 (19081) ; 2005 (15108) ; 2006 (22128) ; 2007 (21817).

Depuis 1992, le programme de réhabilitation des détenus mis en place dans le but de faciliter leur réinsertion se déroule en deux sessions par an (session du 25 juillet et session du 7 novembre). Il se base sur trois axes principaux (réhabilitation professionnelle, réhabilitation sociale et psychologique et réhabilitation culturelle).Il est sanctionnépar des examens de fin de formation professionnelle et la délivrance de certificats par les autorités compétentes et l’obtention de la grâce présidentielle.

Nombre de Sessions du Programme de Réhabilitation

et les Certificats discernés aux Détenus

Année

Nb.des

Nb des détenus Réhabilités

Les Certificats

Sessions

Hommes

F emmes

Total

Prof

Artis

Agri

Total

2003

24

129

01

130

29

73

26

128

25

93

02

95

58

12

25

95

2004

26

403

18

421

215

59

147

421

27

236

03

239

162

18

59

239

2006

28

506

11

517

338

52

127

517

29

328

04

332

202

24

80

306

2007

30

329

06

335

206

40

74

320

31

348

05

353

200

37

86

323

Total Général

2372

50

2422

1410

315

624

2349

* Programme d'enseignement des adultes : Tous les détenus analphabètes ont accès au programme national de l’enseignement des adultes engagé depuis 2000. Ce programme est mis en oeuvre en collaboration avec le Ministère des Affaires Sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l’étranger.

Année

Cycle de Base

Cycle Complémentaire

Total

2003

272

306

578

2004

325

329

654

2005

302

318

620

2006

330

374

704

2007

406

324

730

T . Général

1635

1651

3286

* Programme d'enseignement secondaire et supérieur : Les détenus inscrits aux établissements secondaires et universitaires peuvent poursuivre leurs études et passer leurs examens avec autorisation de la Direction Générale des Prisons et de la Rééducation :

Années

Examens du Baccalauréat

Enseignement

Participants

Admis

Supérieur

2003/2004

05

+ 1 Bac Français

01

01

03

- Maîtrise en gestion : 01

- 2 éme Cycle : 02

2004/2005

06

+ 1 Bac Français

02

01

03

- Maîtrise en droit : 01

- 1 er Cycle : 02

2005/2006

09

+ 1 Bac Français

01

01

12

- 3 ème cycle : 01

- Maîtrise : 02

- 2 ème Cycle : 01

- 1 er Cycle : 08

2006/2007

12

+ 1 Bac Français

02

01

14

- 3 ème cycle : 01

- Maîtrise : 03

- 2 ème Cycle : 04

- 1 er Cycle : 06

Moyens et mesures de contrôle et de suivi :

- Visites inopinées du comité supérieur des droits de l’Homme et des libertés fondamentales organisées dans les établissements pénitenciers : (2004 (01) ; 2005 (02) ; 2006 (01) ; 2007 (02).

- Visites de suivi du ministre de la justice et des droits de l’Homme.

- Visites de contrôle et de suivi du directeur général des prisons et de la rééducation.

- Visites d’inspections, globales ou partielles, organisées par la direction générale des prisons et de la rééducation.

11. Veuillez indiquer le nombre de plaintes enregistrées pour torture ou mauvais traitements de la part des agents de l’Etat, et fournir des renseignements sur les enquêtes, les poursuites, les condamnations et les mesures d’indemnisation auxquelles ces plaintes ont donné lieu. Veuillez fournir davantage de renseignements sur les mécanismes permettant d’examiner les plaintes pour torture ou mauvais traitements formulés à l’encontre des agents de l’Etat à tous les stades de la privation de liberté. En particulier, dans quelles mesures ces mécanismes sont-ils indépendants ? Les organisations non gouvernementales ont-elles accès aux lieux de détention, et dans quelles conditions ?

Réponse :

Prévenant les possibilités d'abus, le droit tunisien a mis en place tout un arsenal répressif pour les auteurs d'actes de torture ou de mauvais traitement dont les détenus peuvent faire l'objet. Il a, en outre, institué comme renforcement aux textes juridiques des mécanismes efficaces de protection des droits de l'homme.

En effet, de nombreux mécanismes juridictionnels et non juridictionnels sont opérationnels et permettent d’examiner les plaintes pour torture ou mauvais traitements formulés à l’encontre des agents de l’Etat à tous les stades de la privation de liberté.

Ces mécanismes ont permis aux victimes des abus et violations, imputés à un certain nombre d'agents de police, de la garde nationale et de l'administration pénitentiaire, de déposer à leur encontre des plaintes, d'engager des actions judiciaires devant les tribunaux et d'obtenir des indemnisations des dommages qui leur ont été causés.

Bien que l'Etat tunisien ne dispose malencontreusement pas de données statistiques permettant de dénombrer les plaintes présentées à l'encontre des agents chargés d'appliquer la loi, le système de recueil de données et de statistiques ne couvrant jusqu’à peu que les affaires enrôlées devant les tribunaux et non la totalité des plaintes, l'examen des annales juridictionnels permet de recenser un certain nombre d'affaires dans lesquels des agents de police, de la garde nationale et de l'administration pénitentiaire ont été déférés devant les tribunaux pour différents chefs d'infractions liés à l'exercice de leurs fonctions.

I- Mécanismes juridictionnels

Les cours et tribunaux de droit commun examinent des affaires dont les auteurs ou complices (fonctionnaires publics) ont été poursuivis pour actes de violence, mauvais traitements ou abus d’autorité et infligent à leur encontre des peines sévères si leur culpabilité est établie.

Les décisions ci-dessous illustrent l’efficience de ces mécanismes juridictionnels aussi bien en matière pénale que civile et ce, par la condamnation des coupables et l’indemnisation des victimes.

Arrêt N° 6651 du 1 juillet 1992 rendu par la Cour d'appel de Mednine condamnant un agent de la garde nationale à 4 mois d'emprisonnement avec sursis pour violences commises par un fonctionnaire public lors de l'exercice de ses fonctions en application de l'article 101 du Code Pénal.

*Arrêt N° 1120 du 25 janvier 2002 rendu par la Cour d'appel de Tunis condamnant trois agents de l'administration pénitentiaire à 4 ans d'emprisonnement pour violences sur un détenu ayant occasionné une incapacité permanente dépassant 20 % et ce en application des articles 218 et 219 du Code Pénal condamnant, par là même, l'Etat à verser à la victime 307 mille dinars à titre de réparation.

*Arrêt N° 788 du 2 avril 2002 rendu par la Cour d'appel de Tunis condamnant un agent de police à 15 ans d'emprisonnement pour coups et blessures volontaires envers une personne ayant entraîné la mort sans intention de la donner en application de l'article 208 du Code Pénal.

*Arrêt N° 1546 du 3 avril 2002 rendu par la Cour d'appel de Tunis condamnant un agent de la garde nationale à 16 mois d'emprisonnement pour violences suivies d'une incapacité permanente dépassant 20 % en application des articles 218 et 219 du Code Pénal condamnant, par là même, l'Etat à verser à la victime 18 mille dinars à titre de réparation.

*Arrêt N° 2645 du 12 mars 2005 rendu par la Cour d'appel de Tunis condamnant trois agents de police à des peines allant d'un an à 18 mois d'emprisonnement pour violences commises, par un fonctionnaire public, lors de l'exercice de ses fonctions en application de l'article 101 du Code Pénal.

*Arrêt N° 10372 du 2 février 2007 rendu par la Cour d'appel de Tunis condamnant un chef de poste de police à 500 dinars d'amende pour violences commises par un fonctionnaire public lors de l'exercice de ses fonctions en application de l'article 101 du Code Pénal.

Les poursuites pénales ne préjugeant pas du droit de l'administration d'exercer une action disciplinaire à l'encontre de ses fonctionnaires en application du principe de la dualité des fautes pénales et disciplinaires, les auteurs de tels forfaits étant aussi généralement sujets à des mesures disciplinaires de révocation.

Le tableau ci-après dénombre les agents de police, de la garde nationale et de l'administration pénitentiaire poursuivis devant les juridictions tunisiennes pour la période 2000-2007.

Année

Nombres d'agents jugés

2000

5

2001

7

2002

10

2003

12

2004

20

2005

30

2006

15

2007

11

Affaires en cours

95

Total

205

* Ventilation par nature de l’infraction :

Nature de l'Infraction

Nombre d'Affaires

1- Abus d'autorité et abus de pouvoir accompagné de violence

80

2- Usage de violence physique ou verbale par un fonctionnaire public lors de l'exercice de ses fonctions

107

3- Usage de violence envers un accusé pour obtenir des aveux

8

4- Détention et séquestration arbitraire

2

5- Diverses autres formes d'abus.

8

Total

205

Toutes les fois que le juge établit qu'il y a des cas de mauvais traitement, il alloue des indemnités à la demande des victimes. Dans l'affaire n° 1120 citée ci-dessus, le montant de l'indemnité a été évalué à 307 mille dinars (soit environ 250. 000 dollars US).

II- Mécanismes d’ordre non juridictionnel

Outre les juridictions de droit commun qui peuvent être saisies par les victimes d’abus d’autorité, il y a lieu de mentionner l’existence de mécanismes d’ordre non juridictionnel tels que :

-Le Comité supérieur des droits de l’Homme et des libertés fondamentales  qui examine les plaintes et les doléances qui lui sont envoyées par des personnes ou par les familles des personnes prétendant être victimes de violations des droits de l’homme et les transmit aux autorités compétentes aux fins de réponse tout en assurant leur suivi ;

-Les unités des droits de l’homme jouant le rôle de cellules d’écoute, d’étude et d’intervention au sein des Ministères les plus concernés, comme celui de la Justice et des droits de l’homme, celui de l’Intérieur et du Développement Local et celui des Affaires Etrangères.

Par ailleurs, il sied de rappeler que dans le cadre de son engagement en faveur du respect des droits des personnes privées de liberté, le Gouvernement Tunisien a, en vertu d'un accord conclu en 2005, autorisé le Comité International de la Croix Rouge (CICR), organisation internationale connue pour son impartialité et son expertise, à visiter les établissements pénitentiaires, toutes les unités de détention provisoire et tous les lieux de garde à vue. Pour ce faire, un accord entre le Gouvernement Tunisien et le CICR a été signé, avec effet immédiat, le 26 avril 2005.

De juin 2005 au 31 décembre 2006, le CICR a effectué 61 visites à 18 postes de police, à 9 postes de la garde nationale ainsi qu’aux 28 prisons du pays. Durant ces visites, les délégués du CICR ont procédés à des milliers d’entretiens sans témoin. De janvier 2006 à mai 2007, le CICR a mené 32 visites dans les prisons. La coopération avec le CICR prend également forme dans des programmes de formation destinés aux magistrats, aux membres du parquet et aux agents de l’administration pénitentiaire

12. Les opposants politiques et les défenseurs des droits de l’homme seraient la cible d’actes d’harcèlements, d’intimidations voire même de torture ou mauvais traitements de la part d’agents de l’Etat. Veuillez commenter et le cas échéant faire état des mesures prises afin de garantir en pratique le respect des dispositions du Pacte.

Répons e:

Il existe en Tunisie neuf partis politiques dont six sont représentés à la chambre des députés et ils mènent leurs activités normalement.

En ce qui concerne les partis de l'opposition, il sied d'indiquer que les partis légalement constitués mènent normalement leurs activités, publient leurs journaux. Ceux d'entre eux qui sont représentés à la chambre des députés bénéficient de subventions publiques pour mener leurs activités.

Les groupements non reconnus sont traités conformément à la loi sur les partis politique qui prévoit que le parti politique agit dans le cadre de la constitution et de la loi et qu'il doit dans son activité respecter et défendre notamment "la forme républicaine du régime et ses fondements, le principe de la souveraineté populaire et les principes organisant le statut personnel". La loi prévoit également que le parti politique droit "bannir la violence sous toutes ses formes, ainsi que le fanatisme, racisme et toute autre forme de discrimination la loi ajoute qu'un parti politique " ne peut s'appuyer fondamentalement dans ses principes, activités et programmes sur une religion, une langue, une race, un sexe ou une région", c'est dire que la Tunisie est engagée ainsi à faire face notamment à l'instrumentalisation de la religion à des fins politiques. Elle reste attentive à tout ce qui est de nature à favoriser le pluralisme sans extrémisme et à approfondir le processus démocratique.

S’agissant des défenseurs des droits de l’homme, il y a une multitude d’associations qui se réclament des droits de l’Homme. Il y a un certain nombre de conflits entre ces associations ou au sein même de ces associations.

En tout état de cause, l’Etat ne reste nullement indifférent à l’égard de toute agression quelque soit sa source chaque fois qu’il est établi que des agents de l’ordre ont procédé à des agressions et prend les mesures appropriées à cet égard. Les victimes, de leur côté, ont toute la latitude de porter plainte et d’obtenir réparation.

13. Dans le cadre de la lutte contre l’impunité (par.180 à 185 du rapport de l’Etat partie), veuillez fournir pour les cinq dernières années des données ventilées sur les sanctions prononcées en fonction du chef d’inculpation et du grade du fonctionnaire.

Réponse :

Le gouvernement tunisien œuvre constamment à lutter contre toute forme d’impunité en mettant en place tous les mécanismes nécessaires à la protection des droits de l’Homme dont notamment les mécanismes de contrôle et d'inspection et en facilitant l'accès à la justice aux victimes de manière à permettre de constater toute forme d'abus d'autorité, d'en rassembler les preuves et de présenter leurs auteurs devant les autorités judiciaires compétentes.

Les recours internes à l'encontre des agents chargés de l'application de la loi qui se rendent coupables de telles infractions sont effectifs et efficaces et sont autant d’ordre judiciaire qu’administratif.

Sanctions pénales :

Les sanctions pénales prononcées à l’encontre des agents chargés de l'application de la loi ont varié durant la période allant de 2000 à 2007 de l'amende à l'emprisonnement pendant plusieurs années tel qu’il a été démontré précédemment.

Sanctions administratives :

Les poursuites disciplinaires à l'encontre des agents chargés de l'application de la loi qui se rendent coupables d’abus donnent lieu également à des sanctions administratives. C’est ainsi que 120 agents des forces de l’ordre ont été reconnus responsables de fautes disciplinaires. Les sanctions ont varié entre la révocation définitive, la révocation provisoire et l’avertissement.

Le tableau suivant reproduit les statistiques relatives aux nombres d'agents pénitentiaires qui ont fait l'objet de sanctions disciplinaires:

Nature des sanctions

année

Rappel à l'ordre

Avertissement

Blâme

Suspension du travail

Total

2003

-

-

1

1

2

2004

1

-

4

4

9

2005

3

1

3

2

9

2006

-

-

-

1

1

2007

-

-

1

1

2

Total

4

1

9

9

23

Droit à un procès équitable (art. 14)

14. La loi tunisienne interdit-elle d'invoquer comme éléments de preuve, dans toute procédure, des déclarations obtenues par la torture ou les mauvais traitements?

Réponse :

La loi tunisienne interdit d'invoquer comme éléments de preuve, dans toute procédure, des déclarations obtenues par la torture ou les mauvais traitements. C’est un principe général de droit que tout acte obtenu par la violence est nul de nullité absolue, ainsi qu’il est affirmé par la loi tunisienne qui définit extensivement la violence comme tout « faits de nature à produire (chez celui qui en est victime) soit une souffrance physique, soit un trouble moral soit la crainte d’exposer sa personne, son honneur ou ses biens à un préjudice ».

Par ailleurs, l’article 152 du Code de procédures pénales dispose que « l’aveu, comme tout élément de preuve est laissé à la libre appréciation du juge »

Dans un arrêt rendu le 25 février 1974, la chambre criminelle de la Cour de cassation a décidé qu’encourt la cassation le jugement qui omet de discuter les présomptions qui sont susceptibles de prouver que l’aveu n’est pas valable.

Liberté d'opinion et d'expression (art. 19)

15. Les journalistes feraient l'objet d'une censure de leur travail malgré la législation tunisienne garantissant la liberté d'informer et de s'informer (par. 260 à 289). Veuillez commenter ces informations et le cas échéant faire état des mesures prises afin de conformer la pratique aux dispositions du Pacte.

Réponse :

La Constitution tunisienne et tout le dispositif législatif en la matière garantissent le droit d’informer et de s’informer.

Il y a une dynamique de plus en plus affirmée et une volonté de l’Etat à encourager le pluralisme médiatique. Cela s’est concrétisé par une réforme du Code de la presse du 9 janvier 2006 qui a supprimé l’obligation du dépôt légal pour les publications de presse nationale qu’ils soient quotidiens, périodiques ou revues périodiques.

La richesse du paysage médiatique tunisien se traduit par le développement continu des publications de presse, toutes catégories confondues. Les exemples suivants permettent de l’illustrer:

Les journaux de l’opposition : presque tous les partis de l’opposition publient des journaux généralement hebdomadaires en toute liberté avec une ligne éditoriale totalement libre et critique. On peut évoquer les journaux suivants :

Le Journal « El Mawquif » du Parti Démocrate Progressiste.

Le Journal «  Mouatinoun » du Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés.

Le Journal « Attariq El Jadid» du Mouvement Ettajdid

Le Journal «El Mostaqbel» du Mouvement des Démocrates Socialistes.

Le Journal «El Wihda» du Parti de l’Unité Populaire.

Le Journal «El Oufouq» du Parti Social Libéral.

Le journal «El watan» de l'Union Démocratique Unioniste.

Le manque de moyens matériels et financiers des journaux d’opinion reste un handicap à leur développement. Les pouvoirs publics y ont pourvu en accordant des subventions aux médias des partis politiques représentés au parlement.

Ainsi, il a été, dernièrement, décidé d’augmenter la subvention réservée aux journaux des partis politiques, qui éditent leur presse quotidiennement ou hebdomadairement, à 240 mille dinars au lieu de 180 mille dinars auparavant, soit une majoration de 33,3%. Pour les partis politiques qui éditent leur presse mensuellement, la subvention est portée à 60 mille dinars au lieu de 45 mille dinars, soit également une augmentation de 33,3%. Ces majorations sont applicables à compter du 1er janvier 2008.

S’agissant de l’audiovisuel, le gouvernement a, dans l’esprit de renforcer le pluralisme, autorisé une nouvelle chaîne de télévision privée « Hannibal » ainsi que plusieurs radios nationales et régionales du secteur privé.

En outre, un syndicat des journalistes vient d’être crée suite à des élections libres.

Il est à noter, toutefois, que des insuffisances persistent. Elles relèvent des résistances et des mauvais réflexes qui empêchent au quotidien l’accès des journalistes aux sources de l’information.

L’autocensure, qui est un résidu de pratiques anciennes de la censure, se manifeste sous différents aspects dont le plus important est le manque d’initiative et l’attente des directives de la hiérarchie au sein des journaux.

Cette situation qui perdure a interpellé les autorités qui mettent tout en œuvre pour y pourvoir, en vue de vaincre les inerties et de lever tous les obstacles à une presse faisant montre d’audace, d’engagement et de critique constructive.

16. Certains sites d'informations tunisiens ou journaux électroniques ainsi que ceux des partis politiques, d'organisations non gouvernementales ou de médias étrangers diffusant des informations critiques sur le gouvernement tunisien et la situation nationale des droits de l’Homme seraient régulièrement bloqués en Tunisie? Veuillez commenter, et le cas échéant, indiquer si de telles pratiques sont en conformité avec le Code des Communications promulgué en vertu de la loi n° 2001-1 du 15 janvier 2001 et l'article 19 du Pacte (par. 278 à 289 du rapport de l'Etat partie)?

Réponse :

La presse électronique est libre et n’est assujettie à aucune restriction par le Code des communications. C’est un régime de liberté qui favorise la création des sites internet. Mais il y a des sites qui non seulement ne défendent pas les droits de l’Homme mais les compromettent. Les sites de pédophilie, de terrorisme ou ceux qui incitent à la haine raciale ne peuvent pas laisser les responsables indifférents en Tunisie comme ailleurs.

17. Veuillez commenter la nouvelle disposition du Code électoral, résultant de la loi organique n° 2003-58 du 4 août 2003, interdisant à tout tunisien de s'exprimer sur un média audiovisuel étranger en faveur ou à l'encontre d'un candidat aux élections présidentielles durant la campagne électorale (sous peine d'encourir une amende de vingt cinq mille dinars) au regard de sa compatibilité avec l'article 19 du Pacte?

Réponse :

L’article 62-III du Code électoral interdit à toute personne, durant la période électorale, l’utilisation d’une station radio ou chaîne de télévision privée ou étrangère, ou émettant de l’étranger, dans le but d’inciter à voter ou à s’abstenir de voter pour un candidat ou une liste de candidats. Cet article interdit également l’utilisation desdites stations et chaînes dans le dessein de la propagande électorale durant la période électorale. Toute infraction aux interdictions précitées est punie d’une amende de 25 mille dinars.

Les dispositions de cet article ne sont pas incompatibles avec l’article 19 du Pacte qui garantit la liberté d’opinion et d’expression. A cet égard, il y a lieu de nuancer entre l’exercice de la liberté d’expression, qui demeure un droit fondamental de l’Homme, et l’utilisation des médias audiovisuels étrangers durant les campagnes électorales, qui est définie par un cadre légal spécifique. Un accès non équitable aux médias audiovisuels étrangers est de nature à favoriser un candidat ou plusieurs candidats aux dépens des autres candidats. Cette situation est de nature à porter atteinte aux principes d’égalité entre les candidats et à compromettre le jeu démocratique lui-même.

Par ailleurs, il sied de remarquer que la règle posée par l’article 62-III est tout à fa it conforme avec l’aspect exclusivement souverain de l’opération électorale.

Droit de réunion pacifique (art. 21)

18. La liberté de réunion des défenseurs des droits de l’Homme ferait l'objet d'entraves de la part des autorités de l'Etat partie, ceci sous diverses formes telles que l'encerclement des bureaux des organisations non gouvernementales et le blocage de quartiers pour empêcher la tenue de réunions. Veuillez commenter et le cas échéant faire état des mesures prises ou envisagées afin de garantir le respect des dispositions de l'article 21 du Pacte .

Réponse:

La liberté de réunion est garantie par la Constitution (article 8) et est exercée dans les conditions définies par la loi. A cet égard, la loi n° 69-4 du 24 janvier 1969 relative à la réglementation des réunions publiques, cortèges, défilés, manifestations et attroupements, énonce dans son article premier que les réunions publiques sont libres. Elles peuvent avoir lieu sans autorisation préalable. Néanmoins, certaines formalités sont à respecter: une déclaration préalable doit être faite; chaque réunion doit avoir un bureau responsable qui est chargé de maintenir l'ordre et d'empêcher toute atteinte à la loi.

Ces dispositions sont conformes à l’article 21 du Pacte.

Il y a une impulsion de l’Etat à ce que les espaces publics soient ouverts aux ONGs et aux partis politiques de l’opposition toutes les fois que ces réunions respectent la loi en vigueur. A titre d’exemple, la section d’Amnesty International a organisé dernièrement librement son congrès dans un espace public. Il en est de même pour le Conseil national du Parti Démocrate Progressiste qui s’est tenu dans un hôtel de la place. En outre, le Mouvement Ettajdid a organisé une série de conférences et de rencontres dans des espaces publics, sans aucune entrave.

19. Veuillez donner des renseignements plus précis sur les critères appliqués pour déclarer une réunion illégale ou représentant une menace pour la sécurité publique. Veuillez également préciser s'il existe des recours en cas de refus de l'autorisation de tenir une réunion et, dans l'affirmative, comment les recours s'exercent. Veuillez fournir des statistiques pour les cinq dernières années sur le nombre de réunions déclarées illégales, le nom des organisations, les motifs de refus de la réunion et le nom des organismes ou autorités ayant participé à la prise de

Réponse :

Les critères appliqués sont ceux prévus par la loi.

Il n’y a pas des statistiques disponibles. Cependant, le nombre de réunions déclarées illégales est très limité. Cela a pu concerner un groupement dénommé « Association internationale de soutien aux prisonniers politiques » et dont les objectifs et programmes entrent dans le cadre d’activités menées par des groupes extrémistes sous couvert de groupement se réclamant de la défense des droits de l’Homme.

L’arrêté interdisant la tenue d’une réunion publique n’est pas irrévocable. Il est susceptible de recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal administratif.

Liberté d'association (art. 22 )

20. Dans la pratique et contrairement à la législation nationale régissant l'enregistrement des associations, ainsi, que les dispositions de l'article 22 du Pacte, les défenseurs des droits de l’Homme rencontreraient, de la part des autorités de l'Etat partie, de nombreux obstacles (refus de délivrance du récépissé confirmant la déclaration de constitution en tant qu'association, absence de réponse au dépôt de statuts) destinés à empêcher leur reconnaissance en tant qu'association. Veuillez fournir des informations détaillées sur le nombre de demandes d'enregistrements d'associations de défenseurs des droits de l’Homme, le délai d'obtention de l'enregistrement et le nombre de refus et les motifs invoqués .

Réponse:

La loi sur les associationsa défini un cadre légal régissant la constitution des associations et l’exercice de leur activité.

L’article 3 de cette loi impose aux personnes désirant former une association de déposer, au siège du gouvernorat ou délégation dans laquelle est situé le siège social, une déclaration et une liste mentionnant les noms des fondateurs et leurs identités. Il en sera donné récépissé.

Les demandes de constitution d’associations en cours d’examen sont au nombre de 47.

Les associations auxquelles un refus a été opposé ont la possibilité de recourir au Tribunal administratif pour contester le bien fondé du refus. Ainsi, le Conseil National pour les Libertés en Tunisie a introduit un recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal administratif contre la décision de refus de constitution. Le recours est en cours d’examen.

Droits des personnes appartenant à une minorité (art.27)

21. Il apparaît que les berbères revendiqueraient la protection et la promotion de leur culture et de leur langue. Veuillez préciser si des mesures sont prises ou envisagées afin de garantir le maintien et le développement de la culture berbère en accord avec l'article 27 du Pacte.

Réponse :

L’origine ethnique de la Tunisie est berbère. La population tunisienne a toutefois intégré des éléments venus de l’extérieur. Aucune revendication interne ne s’est jamais manifestée pour invoquer des droits spécifiques à une catégorie. Contrairement à ce qui se passe ailleurs, la Tunisie ne connaît pas de phénomène de minorité ethnique. Il est étonnant que ce genre de question soit évoqué relativement à un pays ethniquement intégré.

Tout en confirmant son engagement à protéger les minorités partout dans le monde et conformément au droit international, la Tunisie souhaiterait attirer l’attention sur la nécessité de tenir compte des réalités existantes et non pas des les supposer compte tenu d’un activisme qui ne la concerne pas.

Diffusion d'informations concernant le Pacte

22. Veuillez fournir des renseignements sur la formation dispensée aux agents de l'Etat, en particulier aux juges et aux fonctionnaires de police en ce qui concerne le Pacte.

Réponse : 

Les établissements spécialisés chargés de la formation des agents de l’Etat (Institut Supérieur de la Magistrature, Ecole supérieure des Agents de l’Administration Pénitentiaire, Ecole de Agents de la Sûreté Nationale,) dispensent un enseignement en rapport avec les droits de l’Homme et les libertés fondamentales.

En ce qui concerne, la formation des juges, un arrêté du Ministre de la Justice du 26 juin 1993, relatif à l’enseignement de la matière des droits de l’Homme dans le cadre de la formation et de la qualification à l’Institut Supérieur de la Magistrature, dispose dans son article premier que « la formation et la qualification à l’institut supérieur de la magistrature comporte parmi les matières principales des cours dans le domaine des droits de l’Homme. Ces cours visent à promouvoir les connaissances des conventions internationales, les recommandations et les principes de conduite émanant des Nations Unies et des organisations régionales en matière des droits de l’Homme et la connaissance des mécanismes de protection internationale et du droit comparé .Ces cours et les travaux pratiques qui s’y rattachent comme les jugements expérimentaux et autres techniques éducationnelles visent à développer le sens humain des normes internationales tendant à garantir les droits des justiciables et l’administration de la justice ». Selon l’article 2 de ce même arrêté, « la matière des droits des droits de l’Homme est enseignée en deux semestres. Le premier semestre traite des instruments internationaux s’occupant des droits de l’Homme et le second semestre traite des mécanismes de protection des droits de l’Homme et ce comme suit :

a) L’étude des instruments internationaux s’occupant des droits de l’Homme tels que :

1) Les conventions internationales adoptées par les Nations Unies (la Charte universelle des droits de l’Homme) et autres documents et pièces internationaux (les déclarations, les directives, les principes et conduites) ;

2)Les prototypes de conventions régionales adoptées sur le plan arabe, islamique et africain, ainsi qu’adoptées sur le plan européen et américain.

b)L’étude des mécanismes de protection des droits de l’Homme et ce : 1) Dans le cadre des Nations Unies, les agences spécialisées, l’organisation internationale de travail ainsi que les organisations régionales et l’étude de leur rapport avec le régime juridique et judiciaire national ; 2) Dans le cadre des organisations non gouvernementales par la mise en relief du rôle de ces organisations en ce qui concerne la propagation des principes des droits de l’Homme et de leur protection ».

Dans le cadre de la formation continue des magistrats en exercice, l’Institut Supérieur de la Magistrature organise des colloques et des symposiums portant sur des thématiques telles que  « les droits de la victime, les droits de l’Homme, le pouvoir judiciaire et les droits de l’Homme, les droits de l’Homme en droit tunisien, le Conseil constitutionnel, le juge pénal et les droits de l’Homme, la Tunisie et les droits de l’Homme, la femme et la loi, la femme et la modernité, l’aide judiciaire, les mécanismes de protection de l’enfant en droit tunisien, les droits de la famille dans le Code du droit international privé, la protection des données personnelles à travers la loi organique n°63-2004 du 27 juillet 2004, l’intérêt supérieur de l’enfant dans la législation et la justice».

Par ailleurs, parmi les thèmes qui ont fait l’objet de mémoires de fin d’étude des Auditeurs de justice durant les années 2001-2007, ont peut citer : les organes de traités, La nouvelle législation pénitentiaire et les droits de l’Homme, l’humanisation des peines dans le système pénal tunisien, les mécanismes non judiciaires nationaux de protection des droits de l’Homme, commentaire de l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, les critères nationaux et internationaux du procès pénal équitable, La Constitution tunisienne et les droits de l’Homme, Les conventions internationales entre la loi et la jurisprudence en Tunisie.

De leur côté, l’Ecole des Agents de la Sûreté Nationale et l’Ecole Supérieure des Agents de l’Administration Pénitentiaire s’emploient à développer le sens des droits de l’Homme chez les cadres et les agents de services pénitentiaires et de rééducation, en vue d’améliorer les relations entre l’agent de la sûreté et le citoyen, ainsi que les prestations fournies aux détenus.

Les contenus de formation pour les agents et cadres de la sécurité nationale en matière des droits de l’Homme et des libertés fondamentales se répartissent comme suit :

- Les fondements civilisationnels des droits de l’Homme ;

- Les mécanismes internationaux et nationaux de protection des droits de l’Homme ;

- L’évolution de la législation en matière de droits de l’Homme et de libertés fondamentales en Tunisie ;

- Les principes fondamentaux dans l’usage de la force par les agents de sécurité ;

- Les règles de conduite des fonctionnaires chargés de l’application des lois ;

- La garantie de l’intégrité physique de l’individu dans la législation tunisienne (durant la garde à vue et la détention préventive) ;

- La protection des droits de la femme, de l’enfant et des personnes âgées ;

- La protection des droits des personnes à besoins spécifiques.

Par ailleurs, l’Ecole Nationale des Prisons et de la Rééducation organise des séances de formation dans le domaine des droits de l’Homme ciblant les cadres et les agents cités si dessous :

- Les lieutenants stagiaires (formation d’application) ;

- Les élèves faisant partie du cadre civil (formation de base) ;

- Les élèves faisant partie du cadre en uniforme (formation de base) ;

- Les cadres et agents de la direction générale des prisons et de la rééducation (formation spécialisée).

Ces séances sont animées par des cadres de la direction générale des prisons et de la rééducation selon les thèmes suivants :

- La Déclaration universelle des droits de l’Homme (10/12/1948) ;

- La Convention des Nations Unies contre la torture et autres formes de traitements et de sanctions cruels inhumains ou dégradants ;

- Les droits et les libertés mentionnés dans la Constitution de la République Tunisienne ;

- Le traitement humanitaire et respect de la dignité des détenus ;

- Le comportement civique ;

- Les droits de l’enfant.

Dans le but de permettre aux officiers stagiaires et aux élèves de l’école Nationale des prisons et de la rééducation d’acquérir les connaissances juridiques nécessaires afin d’accomplir leurs taches d’une bonne manière, l’école nationale a programmé durant l’année scolaire 2007-2008 des conférences sur les droits de l’Homme, les peines de substitution, le juge d’application des peines, le juge d’application des peines, le Code de la protection de l’enfant.

23. Veuillez indiquer si l'Etat partie a diffusé des informations sur le Pacte, les précédentes observations finales du Comité ainsi que processus de soumission du présent rapport. Veuillez communiquer des informations sur la participation des représentants de la société civile à l'élaboration dudit rapport.

Réponse:

La Tunisie a non seulement diffusé des informations sur les principaux instruments des droits de l’Homme dont notamment le Pacte, mais elle a intégré des extraits de ces instruments dans les manuels scolaires sans exception, aux différents cycles de l’enseignement primaire, secondaire et universitaire.

Cette diffusion est, en même temps, intégrée dans les programmes de formation et de recyclage des différents groupes professionnels, en particulier les juges, les avocats, les responsables de l'application des lois, le personnel des établissements de détention, le personnel de santé, y compris les psychologues, les travailleurs sociaux, etc.

Quant aux précédentes observations finales du Comité, il convient de souligner qu’elles ont été diffusées aux départements ministériels concernés et qu’elles sont accessibles au large public à travers le Web.

Enfin en ce concerne le processus de soumission du présent rapport à la consultation des composantes de la société civile, il sied d’indiquer que des réunions ont été organisées au sein des services du Coordinateur Général des droits de l’Homme et ce, à l’occasion de la préparation en même temps du rapport national concernant l’Examen Périodique Universel devant le Conseil des droits de l’homme. Ont été à cet égard consultées plusieurs associations dont, notamment, les ONGs représentants des travailleurs (Union Générale des Travailleurs de Tunisie), les magistrats (Association Tunisienne des Magistrats), les avocats (Ordre des Avocats de Tunisie), les journalistes (Syndicat des Journalistes de Tunisie), les défenseurs des droits de l’homme, y compris les droits des femmes, de l’enfant et des personnes handicapées (le Croissant Rouge Tunisien, Association de réinsertion des prisonniers libérés, Union Nationale des Femmes de Tunisie, Association des Femmes Démocrates, Association Tunisienne des Mères, Le Centre de Recherches, d’Études, de Documentation et d’Information sur les Femmes, Association Tunisienne des Droits de l’Enfant, Union Tunisienne de Solidarité Sociale, Union Nationale des Aveugles de Tunisie, etc.), ainsi que des parlementaires tant de la majorité que de l’opposition, des professeurs universitaires, etc .

-----