Nations Unies

CMW/C/BOL/CO/3

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

27 octobre 2022

Français

Original : espagnol

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant le troisième rapport périodique de l’État plurinational de Bolivie *

1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de l’État plurinational de Bolivie à ses 500e et 502e séances, les 22 et 23 septembre 2022. À sa 512e séance, le 30 septembre 2022, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir soumis son troisième rapport périodique et ses réponses à la liste de points, et accueille avec satisfaction les renseignements complémentaires fournis par la délégation, qui était conduite par le Ministre de la justice et de la transparence institutionnelle, accompagné du Vice-Ministre de la justice et des droits fondamentaux. La délégation était également composée de représentants du Ministère de l’intérieur, dont la Directrice générale du service des migrations, ainsi que de l’Ambassadrice et de fonctionnaires de la Mission permanente de l’État plurinational de Bolivie auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

3.Le Comité se félicite du dialogue ouvert et constructif tenu sous forme hybride avec la délégation et remercie les représentants de l’État partie des renseignements qu’ils lui ont communiqués et de l’attitude constructive adoptée, qui ont permis de mener au fil des séances une analyse et une réflexion conjointes.

4.Le Comité sait que l’État plurinational de Bolivie, en tant que pays d’origine de travailleurs migrants, a fait des progrès dans la protection des droits de ses ressortissants à l’étranger. Il fait observer cependant que l’État partie, en tant que pays de transit, de retour et de destination, se heurte à des difficultés en ce qui concerne la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

5.Le Comité note que certains pays dans lesquels des Boliviens sont installés font partie du Marché commun du Sud et de la Communauté andine et que ces personnes peuvent donc bénéficier des avantages découlant des accords en matière de migration conclus dans ce cadre, comme le Statut migratoire andin, l’Instrument andin de migration professionnelle et l’Accord sur l’octroi du statut de résident aux ressortissants des États parties au Marché commun du Sud.

B.Aspects positifs

6.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après :

a)La Convention interaméricaine sur la protection des droits de l’homme des personnes âgées, en mai 2017 ;

b)La Convention de 1988 sur la sécurité et la santé dans la construction (no 167) de l’Organisation internationale du Travail (OIT), en février 2015 ;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, en avril 2013 ;

d)La Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189) de l’OIT, en avril 2013.

7.Le Comité salue l’adoption des textes de loi suivants :

a)La loi no 1173 du 3 mai 2019 visant à accélérer la procédure pénale et à renforcer la lutte contre la violence à l’égard des enfants, des adolescents et des femmes ;

b)La loi no 1152 du 20 février 2019 portant modification de la loi no 475 du 30 décembre 2013 relative aux prestations de santé, modifiée par la loi no 1069 du 28 mai 2018 « Pour un système de santé unique, universel et gratuit » ;

c)La loi no 1067 du 28 mai 2018 portant modification de la loi no 370 sur les migrations et visant à élargir le registre des personnes nées à l’étranger de mère ou de père bolivien(ne) ;

d)La loi no 997 du 13 novembre 2017 portant modification de la loi no 370 sur les migrations, qui prévoit que les étrangers âgés de plus de 60 ans bénéficiant du statut de résident permanent peuvent se voir délivrer une carte d’identité pour étrangers d’une durée de validité illimitée et que les personnes handicapées qui se rendent à l’étranger, de même que les personnes sans ressources financières ainsi que les membres de leur famille qui vont à l’étranger pour y faire soigner une maladie grave se voient exonérer de la taxe migratoire ;

e)La loi no 464 relative au Service plurinational d’aide aux victimes et la loi no 463 relative au Service plurinational de défense publique, du 19 décembre 2013 ;

f)La loi no 370 du 8 mai 2013 sur les migrations et le décret suprême no 1923 du 12 mars 2014, qui offrent une protection aux travailleurs migrants étrangers et aux membres de leur famille.

8.Le Comité salue également l’adoption des mesures institutionnelles et des mesures de politique générale ci-après :

a)Le volet du Plan multisectoriel de développement pour le bien-vivre consacré à la lutte contre le racisme et toute forme de discrimination (2021-2025), adopté en application d’une décision prise à l’issue de la session extraordinaire no 001/2022, tenue en mars 2022 ;

b)L’arrêté ministériel no 001/2022 de janvier 2022, qui définit les migrants comme étant un groupe de population en situation de vulnérabilité et qui prévoit qu’il y a lieu de faire preuve de souplesse quant à leur inscription dans les établissements d’enseignement ;

c)L’arrêté ministériel no 196/2021 de mars 2021 portant approbation de la procédure de traitement des plaintes concernant des actes de harcèlement au travail et de harcèlement sexuel commis contre des femmes sur leur lieu de travail ;

d)Le Protocole unique de prise en charge spécialisée des victimes de la traite et du trafic des personnes, adopté par la décision FGE/JLP/DAJ no 2017/2020 de novembre 2020 ;

e)La décision no 148/2020 prise en août 2020 par la Direction générale des migrations d’autoriser les ressortissants vénézuéliens qui entrent en Bolivie avec des enfants et des adolescents à y séjourner à titre temporaire ;

f)Le Protocole interinstitutions relatif à la prise en charge et à la protection des enfants, des adolescents et des femmes victimes de violence, adopté par l’arrêté ministériel no 154/2019 de décembre 2019 ;

g)La mise en place par les décrets suprêmes nos 1800 (2013), 2965 (2016), 3676 (2018) et 4576 (2021) de quatre programmes visant à régulariser le statut migratoire d’étrangers en situation irrégulière et à délivrer à ces personnes une carte d’identité.

9.Le Comité félicite l’État partie d’avoir voté en faveur du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, adopté par l’Assemblée générale dans sa résolution 73/195, et lui recommande de continuer à s’efforcer de mettre en œuvre le Pacte conformément aux obligations internationales découlant de la Convention, ces instruments internationaux visant l’un et l’autre à protéger les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

10.Le Comité prend note de la mise en place du Système plurinational de suivi, de contrôle et de statistique concernant les recommandations relatives aux droits de l’homme en Bolivie (système SIPLUS Bolivia), présenté en 2015.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générales (art. 73 et 84)

Contexte actuel

11.Le Comité prend note avec préoccupation des effets disproportionnés que la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) a eus sur les travailleurs migrants et les membres de leur famille et des informations selon lesquelles des camps de quarantaine ont été mis en place aux frontières terrestres, dans des régions soumises à des conditions géographiques et climatiques extrêmes, ce qui a fait courir des risques aux ressortissants boliviens qui cherchaient à rentrer au pays.

12. Le Comité recommande à l ’ État partie de protéger les droits des migrants et des membres de leur famille, en particulier leur droit à la santé, et d ’ atténuer les conséquences néfastes de la pandémie de COVID-19 , en tenant compte de la note conjointe d ’ orientation sur les impacts de la pandémie de COVID-19 sur les droits humains des migrants, établie par le Comité et le Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants .

Législation et application

13.Le Comité prend note avec satisfaction de la promulgation de la loi no 370 sur les migrations, qui permet au travailleur migrant d’obtenir un titre de séjour lié à son travail, et salue l’adoption de mesures telles que la création d’une carte de circulation frontalière. Il note que les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par l’État partie font partie intégrante du droit bolivien. Toutefois, il relève avec préoccupation que :

a)Les catégories de travailleurs migrants ne sont pas définies de la même façon que dans la Convention ;

b)Le décret d’application de la loi no 997, qui porte modification de la loi no 370 sur les migrations, n’a pas été adopté.

14. Le Comité recommande à l ’ État partie :

  a) De veiller à ce que sa législation, en particulier la loi n o 370 sur les migrations, soit pleinement conforme à la Convention, notamment en définissant les mêmes catégories de travailleurs migrants que celles visées à l ’ article 2 (par. 2) de la Convention ;

b) D ’ adopter le décret d ’ application de la loi n o 997 relative à la carte d ’ identité pour étrangers et à l ’ annulation de la taxe migratoire.

15.Le Comité note qu’à titre provisoire, selon le règlement d’application de la loi no 251 sur la protection des réfugiés, les demandes émanant de personnes apatrides sont traitées conformément à la procédure établie dans ladite loi. Il est toutefois préoccupé par le fait qu’il n’existe pas de loi sur l’apatridie.

16. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une loi sur l ’ apatridie.

Articles 76 et 77

17.Le Comité rappelle que l’État partie n’a pas encore fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

18.  Le Comité renouvelle ses précédentes recommandations et invite l ’ État partie à faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention et à reconnaître, dans les meilleurs délais, la compétence du Comité pour recevoir des communications émanant d ’ États parties ou de particuliers.

Ratification des instruments pertinents

19.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore adhéré aux conventions suivantes de l’OIT : Convention de 1949 sur les travailleurs migrants (révisée) (no 97) ; Convention de 1975 sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires) (no 143) ; Convention de 1997 sur les agences d’emploi privées (no 181) ; Convention de 2019 sur la violence et le harcèlement (no 190).

20. Le Comité invite de nouveau l ’ État partie à envisager de ratifier les Conventions de l ’ OIT n os  97 et 143 et l ’ encourage à étudier la possibilité de ratifier les Conventions de l ’ OIT n os  181 et 190.

Politique et stratégie globales

21.Le Comité constate avec préoccupation l’absence de politique et de stratégie globales visant à mettre en œuvre la Convention.

22. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ élaborer une politique et une stratégie globale s en matière de migration qui tienne nt compte du genre , des besoins des enfants et des questions intersectionnelles , et qui soient fondée s sur les droits de l ’ homme, conformément à la Convention ;

b) D ’ allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à l ’ accomplissement effecti f des engagements pris en faveur des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, en prévoyant des échéances, des indicateurs et des repères clairs pour le suivi et l ’ évaluation .

Coordination

23.Le Comité relève avec préoccupation que le Conseil national des migrations ne dispose pas des ressources nécessaires pour coordonner efficacement les politiques publiques en matière de migration et que peu de réunions sont organisées en vue de garantir l’exercice des droits protégés par la Convention.

24. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer son cadre institutionnel pour coordonner toutes les politiques relatives aux droits des travailleurs migrants, et de doter le Conseil national des migrations des ressources humaines, techniques et financières nécessaires à son bon fonctionnement, en assurant la coordination interinstitutionnelle et en favorisant la participation des administrations départementales, provinciales et municipales, ainsi que des organisations de la société civile .

Collecte de données

25.Le Comité prend acte des efforts qu’a faits l’État partie pour fournir des données statistiques sur les migrations et constate avec préoccupation ce qui suit :

a)L’absence d’un système centralisé de collecte de données rend difficile l’évaluation de la mise en œuvre de la Convention, en particulier en ce qui concerne les travailleurs migrants à l’étranger et leurs conditions d’emploi, les rapatriés, les migrants en transit, les femmes et les enfants migrants non accompagnés et les travailleurs migrants étrangers dans l’État partie ;

b)Les données statistiques relatives aux demandes de séjour, à la délivrance de documents de voyage ou au nombre de départs obligatoires ne sont pas accessibles au public ;

c)Le système SIPLUS Bolivia n’est pas mis à jour et a une efficacité limitée.

26. Le Comité recommande à l ’ État partie, eu égard à la cible 17.18 des objectifs de développement durable :

a) De mettre en place un système de collecte de données, ventilées par sexe, âge, nationalité et/ou origine, sur la situation des travailleurs migrants et des membres de leur famille dans l ’ État partie, traitant tous les aspects de la Convention ;

b) De garantir l ’ accès du public aux statistiques disponibles sur les travailleurs migrants, y compris ceux qui sont en situation irrégulière , et les membres de leur famille , et de veiller à la protection des données personnelles des travailleurs migrants et des membres de leur famille afin que ces données ne soient pas utilisées à des fins de contrôle migratoire ou à des fins discriminatoires par les services publics ou par des entreprises privées ;

c) De mettre à jour le système SIPLUS Bolivia et le dispositif d ’ indicateurs relatifs aux droits de l ’ homme, et de renforcer leur efficacité , en assurant leur diffusion .

Suivi indépendant

27.Le Comité prend note de la récente élection du Défenseur du peuple, de la création du Service de la mobilité humaine au sein du Bureau du Défenseur du peuple et du fait que cette institution a été désignée comme mécanisme national de prévention de la torture, conformément à la loi no 1397 du 29 septembre 2021. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)L’insuffisance des ressources allouées au Bureau du Défenseur du peuple et la fragilité de cette institution due au fait que son ancien chef a occupé le poste à titre intérimaire pendant une longue période et aux retards pris dans l’élection du nouveau chef ;

b)Le fait que le mécanisme national de prévention de la torture n’effectue pas de visites régulières dans les lieux de détention temporaire de migrants.

28. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De renforcer le B ureau du Défenseur du peuple dans le respect des Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme ( Principes de Paris ) , notamment en lui allouant des ressources humaines, techniques et financières suffisantes, pour protéger les droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille conformément à la Convention, et de mettre en place , pour la sélection du Défenseur du peuple , des procédures de sélection transparentes et fondées sur le mérite, qui garantissent l ’ indépendance et l ’ autonomie de l ’ institution ;

b) De veiller à ce que le mécanisme national de prévention de la torture effectue un contrôle indépendant et efficace des lieux de privation de liberté où des migrants peuvent être détenus dans le cadre des opérations de contrôle de s migrations .

Formation et diffusion de l’information sur la Convention

29.Le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur la formation à la Convention destinée aux membres des forces de l’ordre et par la diffusion insuffisante d’informations sur les droits consacrés par la Convention auprès de toutes les parties prenantes.

30. Le Comité renouvelle ses précédentes recommandations et recommande à l ’ État partie :

a) De mettre en place des programmes de formation réguliers sur les droits que la Convention reconnaît aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille, à l ’ intention des fonctionnaires qui s ’ occupent de questions relatives aux migrations, en particulier les forces de l ’ ordre et les autorités frontalières, les juges, les procureurs, les agents consulaires et les travailleurs sociaux ;

b) De coopérer avec les organisations de la société civile et les médias pour diffuser des informations sur la Convention, en particulier dans les zones frontalières, et de veiller à ce que tous les travailleurs migrants aient accès à des informations sur leurs droits et sur la manière de les exercer.

Participation de la société civile

31.Le Comité s’inquiète de la participation limitée de la société civile à l’application de la Convention, du manque d’informations sur la participation de la société civile à l’élaboration du rapport national, de l’absence de rapports parallèles à celui de l’État partie, et du caractère limité du dialogue engagé sur les lois et les politiques relatives aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille, ainsi que du peu de coordination en la matière.

32. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer son dialogue avec les organisations de la société civile, notamment les organisations d ’ aide aux migrants, en particulier dans le cadre de l ’ élaboration du rapport national, et de veiller à la participation effective de la société civile à l ’ application de la Convention et des recommandations figurant dans les présentes observations finales.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Non-discrimination

33.Le Comité prend acte de l’existence du Comité national contre le racisme et toutes les formes de discrimination et du Protocole concernant le recueil et le traitement des plaintes pour actes de racisme et de discrimination dans l’administration publique et la répression de tels actes. Il est toutefois préoccupé par :

a)L’insuffisance des ressources allouées à la mise en application de la loi no 45 contre le racisme et toutes les formes de discrimination ;

b)Le nombre limité de condamnations prononcées pour des infractions à la loi susmentionnée ;

c)La stigmatisation sociale des travailleurs migrants, en particulier les travailleurs migrants vénézuéliens, et la xénophobie exprimée à leur égard dans le discours public, notamment par la police des migrations, les fonctionnaires chargés des questions d’emploi et les médias ;

d)La disposition du Code du travail de 1939 limitant à 15 % la proportion de travailleurs étrangers dans l’effectif des entreprises et des institutions boliviennes, alors que, selon les renseignements reçus, la primauté est accordée aux traités relatifs aux droits de l’homme, qui ont rang constitutionnel.

34. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De faire en sorte que des ressources suffisantes soient allouées à la mise en application de la loi n o 45 contre le racisme et toutes les formes de discrimination ;

b) De veiller à ce que les plaintes pour discrimination donnent lieu à une enquête en bonne et due forme et à ce que les responsables aient à répondre de leurs actes ;

c) De renforcer les campagnes visant à sensibiliser la population et à former les agents du secteur public aux questions migratoires et aux droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ainsi qu ’ à leur faire prendre conscience de la nécessité de lutter contre la stigmatisation sociale, y compris dans les médias  ;

d) De réformer le Code du travail, et notamment de supprimer la limite de 15 % de travailleurs étrangers dans les effectifs des entreprises et institutions boliviennes.

Droit à un recours utile

35.Le Comité est préoccupé par :

a)Le fait que les travailleurs migrants ne connaissent pas les moyens dont ils disposent pour pouvoir déposer une plainte ;

b)L’accès limité des travailleurs migrants à une assistance juridique ;

c)Le peu d’informations sur le nombre et la nature des plaintes examinées par les organes judiciaires et administratifs, les enquêtes menées et les décisions rendues dans les cas dans lesquels la Convention a été invoquée ; il cite, à titre d’exemple, l’arrêt no 2270/2012 du Tribunal constitutionnel plurinational.

36. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De faciliter l ’ accès de tous les travailleurs migrants à la justice, notamment en supprimant les obstacles qui les empêchent de porter plainte, en lançant des campagnes d ’ information sur les voies administratives et judiciaires qui permettent de porter plainte et d ’ obtenir réparation, et en enquêtant sur les violations et les abus commis et en punissant comme il convient les auteurs de ces faits ;

b) De faciliter l ’ accès des travailleurs migrants au Service plurinational d ’ aide aux victimes et au Service plurinational de défense publique ;

c) De collecter des données ventilées sur le nombre et la nature des plaintes examinées par les organes judiciaires et administratifs, le type d ’ infraction et/ou de comportement dénoncé, et l ’ issue des procédures, y compris les jugements dans lesquels la Convention a été invoquée.

3.Droits humains de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Femmes migrantes

37.Le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur les mesures visant à garantir l’égalité des sexes dans les politiques en matière de migration, par le fait que bon nombre de migrantes occupent des emplois traditionnellement réservés aux femmes, puisqu’elles sont notamment engagées comme employées de maison, et par la violation des droits des migrantes en matière d’emploi.

38. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De garantir l ’ égalité des sexes dans les politiques en matière de migration, notamment en adoptant des mesures visant à éliminer la discrimination à l ’ égard des femmes migrantes, qui peut prendre la forme de violences fondées sur le genre, et à permettre à ces femmes d ’ exercer leurs droits à la santé, à l ’ éducation et à l ’ emploi ;

b) D ’ effectuer plus régulièrement des inspections sur les lieux de travail afin d ’ assurer un meilleur suivi des conditions de travail des domestiques migrantes, y compris de celles qui sont en situation irrégulière, conformément à l ’ observation générale n o 1 (2011) du Comité, et de veiller à ce que ces dernières aient accès aux mécanismes de plainte.

Enfants et adolescents migrants

39.Le Comité est préoccupé par :

a)L’absence de protocoles d’intervention pour la prise en charge des enfants et adolescents migrants non accompagnés, l’absence d’informations sur les cas dans lesquels des membres de ce groupe de population se sont vu refuser le statut de réfugié, et l’absence de recours formés par les Bureaux du Défenseur des enfants et des adolescents ;

b)L’incompatibilité de l’âge minimum d’admission à l’emploi (14 ans) fixé dans la loi no 1139 de 2018 avec la norme établie dans la Convention de 1973 sur l’âge minimum (no 138) de l’OIT, qui prévoit que cet âge minimum ne saurait être inférieur à l’âge auquel cesse la scolarité obligatoire, ni en tout cas à 15 ans ;

c)Le peu d’informations sur les mesures visant à lutter contre le travail des enfants et des adolescents migrants ; il prend note, néanmoins, de l’existence de bureaux mobiles temporaires dans les zones rurales ;

d)L’absence d’informations sur la situation des enfants et adolescents boliviens dont les parents ont émigré, en particulier sur la maternité à distance.

40. Conformément aux observations générales conjointes n o s  3 et 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n o s  22 et 23 du Comité des droits de l ’ enfant (2017), le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que les systèmes nationaux de protection de l ’ enfance, notamment les Bureaux du Défenseur des enfants et des adolescents, prennent en considération les besoins et l ’ opinion des enfants migrants et d ’ autres personnes en situation de migration et disposent des ressources nécessaires pour s ’ acquitter de leur mandat ;

b) De garantir aux enfants et adolescents migrants, y compris aux enfants de travailleurs migrants en situation irrégulière et aux enfants non accompagnés, les mêmes droits que ceux dont jouissent tous les autres enfants, en particulier en ce qui concerne l ’ accès à l ’ éducation, à la santé, aux services sociaux et à la protection contre la violence ;

c) D ’ envisager de porter l ’ âge minimum d ’ admission à l ’ emploi à l ’ âge auquel cesse la scolarité obligatoire, ou en tout cas à 15 ans ;

d) De redoubler d ’ efforts pour éliminer le travail des enfants et des adolescents migrants, notamment en sensibilisant le public, en accordant plus d ’ aide sociale aux familles en situation d ’ extrême pauvreté, en donnant davantage de moyens aux services de l ’ Inspection du travail et en sanctionnant ceux qui exploitent les enfants travailleurs migrants ou les soumettent au travail forcé et à des abus, en particulier dans l ’ économie informelle ;

e ) De mener une étude sur la situation des enfants et adolescents boliviens dont les parents ont émigré, en particulier sur la maternité à distance.

Gestion des frontières et migrants en transit

41.Le Comité est préoccupé par :

a)Les opérations de contrôle de l’immigration, qui ont été présentées sur les réseaux sociaux comme des procédures de protection de la sécurité publique et que la Direction générale des migrations a menées, en particulier en 2021 et 2022, dans les zones frontalières et les centres urbains, sur les routes et aux frontières interdépartementales, en particulier à Desaguadero, El Alto et La Paz, afin de repérer les personnes en situation irrégulière et de les reconduire à la frontière, de leur notifier les mesures prévues d’interdiction de territoire, d’interdiction d’entrée ou d’obligation de quitter le territoire, ou de leur intimer de régulariser leur situation ;

b)Le risque élevé, pour les enfants et les adolescents migrants non accompagnés en transit, de subir des violences ou d’être victimes de la traite ou de trafic ;

c)Le manque d’infrastructures, d’équipements et de personnel formé au sein des institutions publiques frontalières, notamment des Bureaux du Défenseur des enfants et des adolescents, ainsi que le manque de coordination et l’absence de centres d’accueil.

42. Le Comité recommande à l ’ État partie, conformément aux principes et directives recommandés sur les droits de l ’ homme aux frontières internationales, élaborés par le Haut ‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme (HCDH) :

a) De procéder, en concertation avec tous les acteurs concernés, à une évaluation de l ’ incidence des opérations de contrôle de l ’ immigration sur l ’ augmentation du risque de violation du droit à la vie et à l ’ intégrité physique des migrants en transit, et de prendre les mesures nécessaires pour prévenir ce risque, protéger cette population et promouvoir des politiques migratoires axées sur les droits de l ’ homme et la sécurité humaine, notamment la mise en place de voies de migration sûres et régulières et de voies de régularisation permanentes ;

b) De revoir la manière dont les opérations de vérification du statut migratoire sont annoncées et se déroulent, afin d ’ éviter que les migrants soient stigmatisés et perçus comme un danger présumé pour la sécurité publique, et d ’ éviter qu ’ il soit fait l ’ amalgame entre statut migratoire irrégulier et criminalité ;

c) D ’ adopter des protocoles qui prévoient une action coordonnée entre les autorités compétentes aux fins de la prise en charge des enfants et adolescents migrants non accompagnés ;

d) D ’ allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes au renforcement de la gestion des frontières, en veillant à ce que les institutions, notamment les Bureaux du Défenseur des enfants et des adolescents, disposent des équipements nécessaires, et à ce que les agents des autorités frontalières reçoivent une formation sur les garanties à respecter lors des opérations et sur l ’ évaluation des risques en matière de protection internationale.

Détention

43.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a indiqué que la migration n’était pas érigée en infraction et que les migrants n’étaient pas privés de leur liberté au seul motif qu’ils étaient en situation irrégulière. Toutefois, il est préoccupé par les allégations de détention abusive de migrants n’ayant pas été autorisés à entrer sur le territoire et par le manque d’informations sur le nombre de personnes ainsi détenues et sur le lieu, la durée et les conditions de leur détention.

44. Compte tenu de son observation générale n o 5 (2021) sur le droit des migrants à la liberté et leur droit de ne pas être détenus arbitrairement, le Comité engage l ’ État partie à :

a) V eiller à ce que la détention de migrants soit une mesure exceptionnelle de dernier recours, à ce que les motifs soient précisés dans chaque cas, y compris les raisons pour lesquelles des mesures de substitution ne peuvent être mises en œuvre, et à ce que cette mesure soit examinée dans les vingt-quatre heures par une autorité judiciaire indépendante et impartiale ;

b) A dopter des mesures de substitution à la détention administrative des travailleurs migrants et des membres de leur famille dans le cadre de la procédure d ’ entrée ou en cas d ’ expulsion du territoire national.

Expulsions

45.Le Comité est préoccupé :

a)Par le nombre élevé d’étrangers expulsés ces dernières années et, entre autres, par les informations reçues sur : des expulsions collectives, notamment de familles ayant des enfants et des adolescents, en particulier par la frontière péruvienne (via la ville de Desaguadero) ; les mesures d’expulsion prises à la suite d’opérations de contrôle de l’immigration, qui privent les intéressés de la possibilité de se défendre en justice ou de former un recours ; les reconduites à la frontière depuis le lieu de résidence ;

b)Par les informations selon lesquelles des étrangers qui n’avaient pas été autorisés à entrer sur le territoire n’ont pas eu accès aux services d’un interprète aux points d’entrée ni aux mécanismes permettant de soumettre une demande de protection internationale, et n’ont pas eu la possibilité de prendre contact, sans restriction, avec leurs représentations consulaires et par le fait que ce type de cas n’est pas recensé lorsqu’il se produit dans les zones frontalières ;

c)Par le court délai de quinze jours dans lequel il est possible de contester la décision d’obligation de sortie du territoire une fois celle-ci notifiée et d’engager une action administrative ou judiciaire ;

d)Par le fait que l’État partie n’évalue pas les besoins en matière de protection internationale, notamment la situation des personnes en possession d’une carte de demandeur d’asile qui sont retenues par la Direction générale des migrations et ne sont remises en liberté qu’après l’intervention d’un avocat.

46. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que, dans toute procédure susceptible d ’ avoir une incidence sur les enfants et les adolescents, l ’ intérêt supérieur de ceux-ci soit une considération primordiale, conformément aux observations générales conjointes n os 3 et 4 du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n o s 22 et 23 du Comité des droits de l ’ enfant (2017)  ;

b) De faire en sorte que, dans toutes les procédures administratives et judiciaires, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, en particulier ceux qui sont en situation irrégulière, bénéficient des garanties d ’ une procédure régulière, que ceux qui font l ’ objet d ’ un arrêté d ’ expulsion administrative puissent bénéficier de services de soutien et d ’ une représentation en justice gratuite et exercer leur droit de recours, et que les procédures d ’ expulsion soient conformes aux articles 22 et 23 de la Convention ;

c) De modifier la procédure à suivre en cas d ’ obligation de quitter le territoire, prévue par la loi n o 3 70, de façon à rendre systématique la notification d ’ une sommation de régulariser la situation et à prolonger le délai de recours ;

d) De garantir l ’ interdiction des expulsions collectives et arbitraires ; d ’ analyser de façon objective la situation de chaque migrant en tenant compte d ’ éventuels besoins de protection ; de veiller au respect du principe de non-refoulement et de proposer des solutions de substitution à l ’ expulsion, notamment le droit d ’ asile, des mesures de protection complémentaire, l ’ autorisation de séjour temporaire pour raisons humanitaires et la régularisation fondée sur d ’ autres motifs.

Asile

47.Le Comité s’inquiète des difficultés auxquelles se heurtent les personnes qui déposent une demande d’asile, souhaitent obtenir le statut de réfugié ou s’efforcent d’éviter d’être expulsées, et qui s’expliquent par : a) le fait que, depuis 2018, ces demandes ne peuvent être soumises qu’au Secrétariat technique de la Commission nationale pour les réfugiés, à La Paz, et sont traitées par un personnel en sous-effectif ; b) l’absence d’informations, aux frontières et dans les aéroports, sur la procédure d’octroi du statut de réfugié, et l’insuffisance de l’aide juridictionnelle ; c) l’application de facto de critères de préadmission aux personnes qui présentent une demande ; d) le fait que la définition « élargie » de la notion de réfugié retenue dans la loi no 251 et la Déclaration de Carthagène sur les réfugiés n’est pas appliquée, ce qui porte préjudice aux personnes ayant besoin d’une protection internationale, en particulier aux Colombiens, aux Érythréens, aux Éthiopiens, aux Palestiniens et aux Vénézuéliens.

48. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De faire en sorte que toutes les demandes de protection internationale présentées en tout point du territoire, y compris aux frontières et dans les aéroports, soient effectivement reçues, enregistrées et transmises sans délai aux autorités chargées de les traiter , en veillant à ce que la procédure et les décisions prises soient fondées exclusivement sur les dispositions de la loi n o 251 et les traités applicables, notamment la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille , la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son Protocole de 1967 ;

b) D ’ accroître les effectifs du personnel chargé de traiter les demandes d ’ octroi du statut de réfugié au sein de la Commission nationale pour les réfugiés, et d ’ envisager la possibilité de recevoir des demandes dans d ’ autres villes que La Paz ;

c) De renforcer les programmes de formation continue destinés aux agents des services d ’ asile et aux garde-frontières , conformément à l ’ arrêt rendu , le 25 novembre 2013 , par la Cour interaméricaine des droits de l ’ homme dans l ’ affaire Familia Pacheco Tineo vs. Estado Plurinacional de Bolivia, et de veiller à appliquer la définition « élargie » de la notion de réfugié, conformément aux dispositions de la loi n o  251 et de la Déclaration de Carthagène sur les réfugiés ;

d) De faire en sorte que le principe de non-refoulement soit respecté, que les personnes ayant besoin d ’ une protection internationale soient repérées , et qu ’ à leur arrivée dans l ’ État partie, les ressortissants étrangers intéressés puissent obtenir des renseignements sur la procédure d ’ asile et bénéficier d ’ un accompagnement juridique .

Assistance consulaire

49.Le Comité prend note de l’adoption par le Ministère des affaires étrangères du manuel opérationnel relatif aux fonctions des services centraux et des services diplomatiques. Il relève toutefois avec préoccupation qu’il n’existe pas de règlement d’application de la loi no 465 et qu’il y a peu de représentations consulaires officielles de l’État plurinational de Bolivie à l’étranger et peu de représentations diplomatiques et consulaires étrangères dans l’État partie, en particulier de pays d’Océanie, d’Asie et d’Afrique.

50. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter un règlement d ’ application de la loi n o 4 65 relative aux services diplomatiques  ;

b) D ’ augmenter progressivement le nombre de ses représentations consulaires, en particulier en Afrique, en Asie et en Amérique centrale, et de renforcer les capacités de ses consulats et ambassades en vue d ’ offrir une aide et une protection effective aux travailleurs migrants boliviens et aux membres de leur famille à l ’ étranger.

Soins médicaux

51.La loi no 370 sur les migrations dispose que les ressortissants étrangers ont droit à la santé et, depuis 2021, ceux qui appartiennent à certains groupes en situation de vulnérabilité, comme les femmes enceintes ou allaitantes, les enfants âgés de moins de 5 ans, les personnes handicapées et les personnes âgées, peuvent s’enregistrer auprès du Système unique de santé ; néanmoins, le Comité est préoccupé par ce qui suit :

a)L’absence de prise en charge médicale des étrangers sans papiers ou en situation irrégulière ;

b)L’application du principe de réciprocité, conformément à la loi no 1152 relative au Système unique de santé, principe qu’il est pourtant interdit d’appliquer pour ce qui est de l’exercice des droits de l’homme ;

c)Les ressortissants étrangers qui n’appartiennent pas à des groupes en situation de vulnérabilité, en particulier les enfants âgés de plus de 5 ans et les adolescents, sont exclus du Système unique de santé, et les personnes titulaires d’un titre de séjour délivré par la Direction générale des migrations, du statut de réfugié ou d’une carte d’identité pour étrangers éprouvent des difficultés à s’enregistrer au sein du Système unique de santé.

52. Le Comité recommande que, conformément à l ’ article 28 de la Convention, l ’ État partie :

a) Garantisse un accès effectif à un système de santé universel, notamment l ’ accès aux soins médicaux d ’ urgence, aux services de santé sexuelle et procréative et à d ’ autres soins de santé primaires ;

b) Veille à ce que toutes les personnes relevant de sa juridiction, y compris les travailleurs migrants et les membres de leur famille, indépendamment de leur statut migratoire, aient accès au Système unique de santé de sorte qu ’ elles soient traitées sur un pied d ’ égalité avec les nationaux, et supprime la référence au principe de réciprocité dans la loi n o 1152.

Enregistrement des naissances et nationalité

53.Le Comité note que la loi sur l’enregistrement des faits d’état civil permet à des parents sans papiers de prouver leur identité et d’établir le lien de parenté qui les unit à leurs enfants en présentant des déclarations de témoins, mais il est toutefois préoccupé par :

a)L’obligation faite aux parents étrangers d’être enregistrés au service de l’état civil pour obtenir l’acte de naissance et la carte d’identité de leur enfant, ce qui constitue pour eux un obstacle puisque les personnes en situation irrégulière ne sont généralement pas en possession de documents délivrés par leur pays d’origine ou, si c’est le cas, ces documents sont en mauvais état ;

b)Les difficultés à enregistrer les naissances auprès des consulats des pays d’origine, en particulier dans le cas de la République bolivarienne du Venezuela, ce qui engendre un risque d’apatridie.

54. Eu égard aux observations générales conjointes n os 3 et 4 du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n os 22 et 23 du Comité des droits de l ’ enfant sur les droits de l ’ homme des enfants dans le contexte des migrations internationales (2017), et compte tenu de la cible 16.9 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que tous les enfants de travailleurs migrants boliviens expatriés et les enfants nés sur le territoire de l ’ État partie, en particulier les enfants nés de migrants en situation irrégulière et de demandeurs d ’ asile, soient enregistrés à la naissance, reçoivent des documents d ’ identité personnels et acquièrent une nationalité, et de sensibiliser les migrants à l ’ importance que revêt l ’ enregistrement de la naissance de leurs enfants.

Éducation

55.En vertu de l’arrêté ministériel no 001/2022 adopté par le Ministère de l’éducation, les enfants de ressortissants étrangers peuvent être scolarisés dans des établissements d’enseignement ordinaires sur présentation d’une pièce d’identité, quelle qu’elle soit ; néanmoins, le Comité est préoccupé par :

a)Les obstacles qui empêchent les enfants et les adolescents dont les parents sont migrants d’accéder à l’éducation, notamment l’absence de documents d’identité, l’obligation d’être enregistré au service de l’état civil et la méconnaissance, de la part du personnel enseignant, de la législation en la matière ;

b)Les informations selon lesquelles des enfants et des adolescents réfugiés ou demandeurs d’asile sont privés du droit de s’inscrire dans un établissement d’enseignement et de se voir délivrer un certificat attestant qu’ils ont suivi les cours ;

c)Les difficultés à obtenir la reconnaissance et la validation des diplômes de l’enseignement primaire, secondaire et universitaire, ainsi que l’obligation de bénéficier du statut de résident permanent pour obtenir la reconnaissance des qualifications professionnelles, ce qui empêche les ressortissants étrangers qui ne résident pas dans l’État partie depuis deux ou trois ans d’exercer leur profession.

56. Eu égard aux observations générales conjointes n os 3 et 4 du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n os 22 et 23 du Comité des droits de l ’ enfant (2017), et compte tenu de la cible 4.1 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De faire en sorte que, conformément à l ’ article 30 de la Convention, tous les enfants de travailleurs migrants, indépendamment de leur statut migratoire ou de celui de leurs parents et des documents d ’ identité en leur possession, aient accès à l ’ enseignement préscolaire, primaire et secondaire dans des conditions d ’ égalité avec les nationaux et se voient notamment délivrer des certificats attestant que chaque cours a été suivi avec succès et que chaque niveau d ’ enseignement a été atteint ;

b) De veiller à ce que les enseignants du secteur public suivent une formation sur la réglementation et les procédures relatives au droit qu ’ ont tous l es enfants et l es adolescents , y compris les enfants de migrants, de réfugiés ou de demandeurs d ’ asile, d ’ être scolarisés, et de promouvoir la mise en œuvre de campagnes de sensibilisation visant à lutter contre les préjugés et la stigmatisation sociale.

Transfert des revenus du travail et de l’épargne au terme du séjour

57.Le Comité fait observer qu’en application de la Convention multilatérale ibéro‑américaine de sécurité sociale, les personnes qui ont travaillé dans un ou plusieurs État(s) partie(s) et ont cotisé à la sécurité sociale à long terme peuvent demander la reconnaissance de leurs apports et obtenir une allocation vieillesse, décès ou invalidité. Il est toutefois préoccupé par la situation des migrants originaires de pays avec lesquels l’État partie n’a pas conclu de tels accords, par l’absence de renseignements sur les mesures prises pour faciliter le transfert des revenus du travail, de l’épargne et des biens des travailleurs migrants et par le refus des banques d’ouvrir un compte aux demandeurs d’asile titulaires de documents d’identité provisoires.

58. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De permettre aux migrants qui ont cotisé à la sécurité sociale de transférer leur s avoir s de retraite vers le pays de leur choix ;

b) De faciliter les envois de fonds effectués par les Boliviens depuis l ’ étranger et le transfert des revenus du travail, de l ’ épargne et des biens des migrants vers leur pays d ’ origine, en appliquant des frais de transfert et de réception préférentiels.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

Droit de voter et d’être élu dans l’État d’origine

59.Le Comité note que, selon la loi no 026 relative au régime électoral, les Boliviens de l’étranger ont le droit de participer aux élections présidentielles, au mécanisme de révocation de mandat et aux référendums nationaux ; il prend note de la création de 26 nouvelles circonscriptions électorales et de la mise en place, dans le cadre des élections générales de 2019, des stratégies de communication et d’information intitulées « Voter à l’étranger » dans les pays où la concentration de migrants boliviens est la plus forte. Il observe toutefois :

a)Que seuls les Boliviens qui résident dans un pays où l’État partie dispose d’une représentation diplomatique et consulaire permanente peuvent exercer leur droit de vote ;

b)Que les Boliviens de l’étranger ne sont pas représentés au sein de l’Assemblée législative plurinationale.

60. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre des mesures visant à créer les conditions nécessaires pour permettre à tous les travailleurs migrants et aux membres de leur famille qui résident à l ’ étranger, en particulier dans les pays où il ne dispose pas d ’ une représentation diplomatique, d ’ exercer leur droit de voter et d ’ être élus ;

b) D ’ envisager la possibilité que les Boliviens de l ’ étranger soient représentés au sein de l ’ Assemblée législative plurinationale.

Permis de travail et résidence

61.Le Comité prend note avec préoccupation du manque d’objectivité des critères appliqués pour définir la durée des périodes au cours desquelles les personnes titulaires d’un permis de séjour sont autorisées à s’absenter du pays et s’inquiète de la brièveté de ces périodes d’absence, au-delà desquelles les intéressés se voient retirer leur permis de séjour, en application de l’article 17 du décret suprême no 1923.

62. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures législatives nécessaires, notamment de modifier le d écret suprême n o 1923, en vue d ’ allonger les périodes d ’ absence en fonction de critères objectifs.

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

Traite des personnes

63.Le Comité prend note de l’adoption de la politique plurinationale de lutte contre la traite, le trafic des êtres humains et les infractions connexes (2021-2025) et des protocoles relatifs à la prise en charge des victimes. Il est toutefois préoccupé par ce qui suit :

a)Le plan multisectoriel de lutte contre la traite et le trafic des êtres humains n’est pas mis à jour ;

b)Les migrantes, les demandeuses d’asile et les réfugiées sont particulièrement exposées au risque d’être victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle ;

c)Les procédures visant à repérer rapidement les victimes de la traite sont insuffisantes, et notamment les contrôles aux frontières sont peu efficaces ;

d)L’État partie ne compte que trois centres d’accueil de victimes de la traite ;

e)Le peu de renseignements sur les mesures prises pour que les victimes bénéficient d’une aide médicale et psychologique appropriée pendant la procédure de repérage et de signalement, et l’absence de programmes offrant une protection suffisante aux victimes de la traite qui ne peuvent rentrer dans leur pays d’origine.

64. S ’ appuyant sur ses précédentes recommandations et conformément à la Convention et au document du HCDH intitulé «  Principes et directives concernant les droits de l ’ homme et la traite des êtres humains : Recommandations  » , le Comité recommande à l ’ État partie , eu égard à la cible 5.2 des objectifs de développement durable :

a) D ’ adopter un nouveau plan multisectoriel de lutte contre la traite et le trafic de personnes  ;

b) De faire en sorte que les femmes et les filles ne risquent pas d ’ être poursuivies au cours de leur déplacement dans les pays de destination ni à leur retour, sachant que l ’ application de politiques restrictives , axées sur la sécurité , rend les femmes et les filles plus vulnérables à la traite et à l ’ exploitation sexuelle ;

c) D ’ institutionnaliser les mécanismes de regroupement familial et d ’ identification des migrants sans papiers dans le but de prévenir la traite et d ’ empêcher que des migrants soient séparés de leur famille pour une période indéfinie , de mettre en place des dispositifs efficaces d ’ identification et d ’ orientation des personnes se déplaçant dans le cadre de mouvements mixtes et susceptibles d ’ avoir besoin d ’ une protection internationale , et d ’ intensifier les campagnes de prévention de la traite, en particulier dans les zones frontalières ;

d) D ’ allouer suffisamment de ressources à la fourniture d ’ une aide psychologique, juridique et médicale à toutes les victimes de la traite et à la mise à disposition de foyers destinés en particulier aux enfants et aux adolescents , ainsi qu ’ aux femmes victimes de la traite, et de doter le Conseil plurinational de lutte contre la traite et le trafic d ’ êtres humains des ressources nécessaires à l ’ exécution de son mandat  ;

  e) De mieux former les fonctionnaires chargés de faire appliquer la loi relative à la lutte contre la traite et le trafic des personnes (loi n o 263) de sorte qu ’ ils sachent repérer rapidement l es victimes et les orient er vers les services compétents aux fins de leur protection, et d ’ accroître la diffusion du Protocole unique de prise en charge spécialisée des victimes de la traite et du trafic des personnes ;

f) De veiller à ce que les auteurs d ’ actes de traite fassent l ’ objet d ’ enquêtes, de poursuites et de sanctions appropriées et à ce que les victimes obtiennent une réparation intégrale, et d ’ intensifier la coopération internationale en vue d ’ élaborer avec les pays d ’ origine, de transit et de destination des plans d ’ action communs visant à prévenir la traite et à repérer les réseaux de criminalité organisée.

Régularisation

65.Le Comité note que quatre procédures extraordinaires visant à régulariser la situation des migrants ont été mises en place depuis la publication de la loi no 370 sur les migrations. Il est toutefois préoccupé par :

a)L’absence de politique globale de régularisation et le fait qu’un grand nombre de migrants et de membres de leur famille, y compris d’enfants et d’adolescents non accompagnés, ne puissent pas bénéficier d’une procédure prévisible en la matière ;

b)La difficulté de régulariser le statut migratoire des enfants et des adolescents, en particulier lorsque ceux-ci ne sont pas accompagnés, difficulté qui s’explique par les obstacles qu’ils doivent surmonter pour obtenir les documents requis, notamment les documents d’identité, par l’obligation qui leur est faite de présenter un acte de naissance légalisé ou apostillé qui atteste l’existence d’un lien de parenté biologique et par l’obligation faite aux mères accompagnant leur enfant de présenter un document légalisé ou apostillé qui atteste qu’elles ont le droit de garde ;

c)Le coût élevé de la procédure et le manque de souplesse de la législation sur l’immigration, qui empêche les ressortissants étrangers en situation irrégulière de régulariser leur situation par d’autres moyens ;

d)Les obstacles que les intéressés doivent surmonter pour pouvoir obtenir un titre de séjour de longue durée, notamment l’obligation de présenter des documents difficiles à obtenir, comme le certificat de nationalité, l’extrait de casier judiciaire ou les certificats délivrés par l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL), et l’obligation de présenter des documents apostillés ou légalisés, ainsi que le coût élevé de la procédure et des documents demandés ;

e)L’absence de données statistiques ventilées sur le nombre de titres de séjour délivrés par l’État partie.

66. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De concevoir et de mettre en œuvre une politique globale garantissant l ’ accès des travailleurs migrants et des membres de leur famille en situation irrégulière, y compris les enfants et les adolescents non accompagnés, à une procédure de régularisation à un coût abordable, en tenant compte de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant et en considérant la régularisation comme un moyen de prot éger les droits des intéressés  ;

b) De faciliter la régularisation des enfants et adolescents migrants, indépendamment des documents d ’ identité qu ’ eux-mêmes et/ou leur père ou leur mère ont en leur possession, en tenant compte de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant  ;

c) De renforcer une législation et une politique fondée s sur les droits de l ’ homme en matière de gestion des migrations et des frontières, en tenant compte des droits et des besoins des travailleurs migrants , ainsi que des avantages d ’ une mobilité organisée , et d ’ encourager une migration de main-d ’ œuvre régulière, ouverte et facilitée ;

d) De lever les obstacles économiques et autres qui empêchent les travailleurs migrants et les membres de leur famille d ’ obtenir des titres de séjour de longue durée, notamment en assouplissant les exigences quant aux documents à fournir ;

e) De collecter des données statistiques, ventilées par nationalité, sexe, âge et situation (régulière ou irrégulière) des migrants, sur les titres de séjour délivrés, y compris aux ressortissants de la République bolivarienne du Venezuela.

6.Diffusion et suivi

Diffusion

67. Le Comité demande à l ’ État partie de veiller à ce que les présentes observations finales soient diffusées largement dans ses langues officielles, auprès des institutions publiques compétentes, notamment les ministères, l ’ Assemblée législative plurinationale , l ’ appareil judiciaire et les autorités locales, ainsi qu ’ auprès des organisations non gouvernementales et des autres membres de la société civile .

Assistance technique

68. Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer de faire appel à l ’ assistance internationale et intergouvernementale pour l ’ application des recommandations contenues dans les présentes observations finales conformément au Programme de développement durable à l ’ horizon 2030. Il lui recommande également de poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et programmes des Nations Unies .

Suivi des observations finales

69. Le Comité invite l ’ État partie à lui fournir par écrit, dans un délai de deux ans (c ’ est-à-dire le 1 er octobre 202 4 au plus tard), des informations sur l ’ application des recommandations figurant aux paragraphes 24 (coordination institutionnelle), 42 (contrôle de l ’ immigration), 46 (expulsions) et 66 (régularisation) ci-dessus.

Prochain rapport périodique

70. Le Comité prie l ’ État partie de soumettre son quatrième rapport périodique d ’ ici au 1 er octobre 2027. À une session antérieure à cette date, il adoptera une liste de points établie avant la soumission du rapport au titre de la procédure simplifiée, à moins que l ’ État partie ne décide expressément de soumettre son quatrième rapport périodique au titre de la procédure ordinaire de présentation des rapports. Il appelle l ’ attention de l ’ État partie sur ses directives harmonisées concernant l ’ établissement des rapports destinés aux organes conventionnels .