Nations Unies

CAT/OP/MNG/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

19 décembre 2018

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite en Mongolie du 11 au 20 septembre 2017 : observations et recommandations adressées à l’État partie

Rapport établi par le Sous-Comité*, **

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Application du Protocole facultatif3

III.Principaux problèmes7

A.Cadre institutionnel7

B.Allégations de mauvais traitements et d’actes de torture7

C.Mécanismes de plainte8

IV.Torture et mauvais traitements8

A.Police8

B.Détention avant jugement9

C.Prisons9

D.Cellules d’isolement et cellules disciplinaires9

V.Pratiques et procédures de la police10

A.Garanties fondamentales au début de la détention10

B.Problèmes liés au régime juridique de la détention11

C.Conditions matérielles de détention dans les postes de police12

D.Système de santé13

VI.Lieux de privation de liberté (centres de détention avant jugement et établissements pour peine)13

A.Centres de détention avant jugement : préoccupations d’ordre général13

B.Prisons : préoccupations particulières14

C.Système de santé16

VII.Centre national de santé mentale20

VIII.Étapes suivantes21

Annexes

I.List of places of deprivation of liberty visited by the Subcommittee on Prevention of Torture23

II.List of officials and other persons with whom the Subcommittee on Prevention of Torture met24

I.Introduction

1.Conformément au mandat que lui confère le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a effectué sa première visite régulière en Mongolie du 11 au 20 septembre 2017.

2.Le Sous-Comité était représenté par Malcolm Evans (chef de la délégation), Satyabhooshun Gupt Domah, Marija Definis-Gojanovic, Kosta Mitrovic, Margarete Osterfeld et Victor Zaharia. Il était assisté de trois spécialistes des droits de l’homme du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), deux agents de sécurité de l’ONU et quatre interprètes.

3.Au cours de la visite, le Sous-Comité s’est rendu dans des postes de police, des établissements pénitentiaires, des centres de soins, des centres de réadaptation, des établissements psychiatriques et des centres de détention de l’armée (voir l’annexe I). Les membres du Sous-Comité se sont entretenus avec des représentants de différents services, des représentants du Gouvernement mongol, et des membres de la Commission nationale des droits de l’homme, de la société civile et du Bureau des Nations Unies en Mongolie (voir l’annexe II).

4.À la fin de la visite, la délégation a présenté oralement ses observations préliminaires aux autorités et aux représentants du Gouvernement, à titre confidentiel.

5.On trouvera dans le présent rapport les observations et recommandations du Sous‑Comité concernant la prévention des actes de torture et des mauvais traitements dont pourraient être victimes les personnes privées de liberté en Mongolie.

6. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de distribuer le présent rapport à tous les organes, services et établissements concernés, notamment − mais pas exclusivement − à ceux qu ’ il mentionne.

7.Conformément au paragraphe 2 de l’article 16 du Protocole facultatif, le présent rapport restera confidentiel jusqu’à ce que la Mongolie décide de le rendre public.

8. Le Sous-Comité recommande aux autorités mongoles de demander la publication du présent rapport, conformément au paragraphe 2 de l ’ article 16 du Protocole facultatif.

9.Le Sous-Comité appelle l’attention de l’État partie sur le Fonds spécial créé en application de l’article 26 du Protocole facultatif. Les recommandations formulées dans les rapports de visite qui ont été rendus publics peuvent servir de base à des demandes de financement de projets spécifiques par l’intermédiaire du Fonds spécial, conformément au règlement de celui-ci.

10.Le Sous-Comité tient à remercier les autorités mongoles pour l’aide et l’assistance qu’elles lui ont apportées dans la planification et la réalisation de sa visite.

II.Application du Protocole facultatif

11.La Mongolie a ratifié le Protocole facultatif le 12 février 2015 et aurait dû créer ou désigner un mécanisme national de prévention dans un délai d’un an. Deux ans plus tard, ce processus est toujours en cours.

12.Le Sous-Comité note que les autorités ont procédé à des examens et à des consultations internes aux fins de déterminer quelle forme devrait prendre son mécanisme national de prévention, et il croit comprendre qu’elles envisagent de confier cette fonction à la Commission nationale des droits de l’homme.

Mandat

13.Comme l’énonce le paragraphe 1 de l’article 3 de la loi relative à la Commission nationale des droits de l’homme, la Commission a pour mandat de promouvoir et de protéger les droits de l’homme et les libertés inscrits dans la Constitution de la Mongolie, la législation nationale et les traités internationaux auxquels la Mongolie est partie. L’article 13 de cette loi dispose que la Commission fait des propositions sur les questions relatives aux droits de l’homme, propose et recommande des modifications d’ordre législatif ou administratif et propose des mesures d’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, effectue des recherches, collabore avec les institutions nationales, régionales et internationales des droits de l’homme, mène des activités de sensibilisation, favorise l’éducation aux droits de l’homme et promeut l’adhésion aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

Compétences en matière de visites

14.Depuis sa création, en 2000, la Commission surveille la situation des droits de l’homme dans les lieux de détention en effectuant des visites, annoncées ou non, en procédant à des enquêtes et à des recherches et faisant un travail de surveillance. Elle surveille les centres de rééducation pour mineurs, les prisons fermées et ouvertes, les centres de détention avant jugement et les centres médicaux des prisons. Les centres de santé mentale relèvent aussi de sa compétence de surveillance. Depuis 2007, la Commission s’assure que les droits des personnes qui reçoivent des soins de santé mentale au Centre national de santé mentale sont respectés. Elle a également présenté des rapports sur une clinique de soins psychiatriques, un centre de traitement des addictions et des foyers destinés aux victimes de violences familiales. Le Comité contre la torture a recommandé à la Mongolie de renforcer la surveillance indépendante et régulière, par la Commission, des lieux de privation de liberté, y compris les établissements accueillant des personnes présentant un handicap psychosocial et les établissements de protection spéciale (CAT/C/MNG/CO/2, par. 20 c)). Cependant, lors de la visite, le Sous-Comité a été informé que la Commission ne visitait pas systématiquement les lieux de détention, et qu’elle n’organisait pas d’entretiens individuels avec des détenus.

Choix des commissaires

15.Comme le prévoit le mandat de la Commission, le Président du Parlement désigne les trois commissaires sur la base des propositions qui lui sont soumises par le Président de la République, la Commission des affaires juridiques, qui est une commission permanente du Parlement, et la Cour suprême. En 2016, le Comité contre la torture a recommandé à la Mongolie de mettre en place un processus de sélection clair, transparent et participatif pour pourvoir les postes de la Commission (CAT/C/MNG/CO/2, par. 34 b)).

Financement

16.La Commission est financée par le budget consolidé de l’État partie, approuvé par le Parlement. Son budget et ses effectifs ont été réduits ces dernières années, ce dont le Comité contre la torture s’est inquiété (CAT/C/MNG/CO/2, par. 34 a)).

Rapports et observations sur la législation et les politiques

17.Conformément au mandat de la Commission, les commissaires sont tenus de soumettre chaque année au Parlement un rapport sur la situation des droits de l’homme en Mongolie, qui doit également paraître au Journal officiel. La Commission doit également présenter des propositions et des recommandations sur les questions relatives aux droits de l’homme et s’assurer que les lois et les décisions administratives sont conformes aux principes énoncés dans les instruments pertinents. Le Sous-Comité constate que la Commission fait régulièrement des recommandations sur le droit de ne pas être soumis à la torture dans ses rapports annuels au Parlement. En 2014, elle a proposé que la législation soit modifiée de sorte que la définition du crime de torture soit conforme avec les articles 1er et 4 de la Convention contre la torture, et qu’une disposition qui permette de protéger les victimes de la torture et de leur garantir réparation soit adoptée. Récemment, la Commission a recommandé, entre autres choses, que la durée de la détention avant jugement soit réglementée et que le Code de procédure pénale soit modifié en ce sens. Elle a aussi proposé la création d’un groupe de travail chargé de rédiger les projets d’amendements nécessaires à l’établissement du mécanisme national de prévention.

18.Le Sous-Comité note qu’un projet de loi est en cours d’élaboration. Ce texte, qui vise à modifier la loi portant création de la Commission et à élargir le mandat de la Commission de façon qu’elle assume la fonction de mécanisme national de prévention, doit être adopté prochainement par le Parlement. Le choix du cadre légal qui convient le mieux au mécanisme national de prévention appartient à l’État partie, mais il est impératif que le mécanisme choisi soit pleinement conforme aux dispositions du Protocole facultatif et aux directives du Sous-Comité concernant les mécanismes nationaux de prévention (voir CAT/OP/12/5). La mise en place du mécanisme national de prévention devrait faire l’objet d’un processus ouvert, inclusif et transparent, faisant intervenir la société civile et les autres acteurs qui participent à la prévention de la torture en Mongolie. Il en va de même de la sélection et de la nomination des membres et du directeur du mécanisme national, qui devraient obéir à des critères expressément énoncés.

19.Le mécanisme national de prévention qui sera mis en place devrait faire en sorte d’éviter les conflits d’intérêts réels ou perçus dans l’exercice de ses fonctions. Tous ses membres devraient suivre des formations, notamment sur les techniques d’entretien, les modalités applicables aux visites et la détection des signes et des risques de torture et de mauvais traitements. Il devrait se doter de méthodes de travail et établir une méthode précise en ce qui concerne les visites, qui permette de mettre en lumière les problèmes institutionnels et systémiques, notamment ceux qui touchent les populations vulnérables dans les lieux de privation de liberté.

20.Il faudrait en outre qu’un dialogue réel et constant s’instaure entre le mécanisme national de prévention et les autorités de l’État, en vue de l’application des recommandations du mécanisme, aux fins de l’amélioration du traitement et de la situation des personnes privées de liberté et de la prévention de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’État partie devrait publier et diffuser largement les rapports annuels du mécanisme national de prévention.

21. Le Sous-Comité recommande aux autorités mongoles de s ’ acquitter de l’ obligation qu e leur fait le Protocole facultatif en établissant le mécanisme national de prévention , et de prendre pour ce faire, dès que possible, une loi qui garantisse l ’ indépendance fonctionnelle et opérationnelle du mécanisme national de prévention, en tenant dûment compte des principes concernant le statut des institutions nationales (Principes de Paris), et qui soit pleinement co nforme aux prescriptions du Protocole facultatif et aux directives du Sous-Comité concernant les mécanismes nationaux de prévention.

22. Le Sous-Comité recommande que les éléments ci-après, extraits de ses directives concernant les mécanismes nationaux de prévention, soient pris en compte par les autorités lorsqu ’ elles désigneront ou établiront un mécanisme national de prévention indépendant et efficace :

a) Le mécanisme national de prévention devrait être établi conformément aux dispositions pertinentes du Protocole facultatif et des Principes de Paris ;

b) Le mandat et les attributions du mécanisme national de prévention devraient être clairement définis dans un texte constitutionnel ou législatif, et son indépendance opérationnelle devrait être garantie en droit et en fait ;

c) Les membres du mécanisme national de prévention devraient être indépendants et impartiaux, et avoir les capacités et les connaissances professionnelles requises, y compris dans le domaine médical et psychologique, et d ’ autres connaissances spécialisées pour s ’ acquitter efficacement de leurs fonctions ;

d) Le mécanisme national de prévention devrait disposer d ’ effectifs suffisants pour pouvoir s ’ acquitter des fonctions qui lui sont dévolues en vertu du Protocole facultatif et disposer d ’ une capacité opérationnelle adaptée au nombre de lieux de détention relevant de son mandat ;

e) Le mécanisme national de prévention devrait disposer des ressources nécessaires à son bon fonctionnement et jouir d ’ une entière autonomie financière et opérationnelle totale dans l ’ exercice de ses fonctions au titre du Protocole facultatif. L ’ allocation de ressources devrait être assurée par l ’ établissement d ’ un poste distinct dans le budget annuel et ces ressources devraient être prévisibles, afin que le mécanisme national de prévention puisse élaborer son plan de travail et ses visites annuels, et planifier sa coopération avec d ’ autres partenaires ;

f) Le mécanisme national de prévention devrait compléter les systèmes de surveillance qui exist e nt en Mongolie et non s ’ y substituer ; il convient de prêter attention, au moment de sa création, à la nécessité d ’ une coopération et d ’ une coordination efficaces entre les différents mécanismes de prévention du pays ; son existence ne devrait pas empêcher la création ou le fonctionnement de mécanismes complémentaires ;

g) L ’ État partie devrait veiller à ce que le mécanisme national de prévention puisse effectuer ses visites selon des modalités et à une fréquence qu ’ il aura lui-même déterminées. Les membres du mécanisme national de prévention devraient notamment pouvoir s ’ entretenir à huis clos avec les personnes privées de liberté et procéder à tout moment à des visites inopinées dans tous les lieux de privation de liberté, conformément aux dispositions du Protocole facultatif ;

h) Le mécanisme national de prévention devrait jouer un rôle de premier plan dans le système de prévention de la torture et des mauvais traitements du pays, et jouir d ’ une forte visibilité auprès des institutions et du public. À cet égard, le Sous-Comité souligne qu ’ il importe de faire mieux connaître le mandat et les activités du mécanisme et qu ’ il est nécessaire que le mécanisme soit reconnu comme un élément cl ef de ce système.

III.Principaux problèmes

A.Cadre institutionnel

23.Le Sous-Comité note que l’État partie a récemment réformé en profondeur son système de justice pénale, entre autres choses en apportant des modifications importantes au Code pénal et au Code de procédure pénale. Il note aussi que de nombreux lieux de détention ont récemment été rénovés ou réaménagés et que ces travaux s’inscrivent dans un programme qui est appelé à se poursuivre, ce dont il se félicite. Bon nombre des changements opérés dans ce cadre méritent d’être salués, mais des problèmes subsistent. En particulier, le Sous-Comité s’inquiète de ce que la responsabilité du maintien de l’ordre, de la justice et des soins de santé en détention incombe au seul Ministère de la justice et de l’intérieur. Cette concentration est susceptible d’engendrer d’importants conflits d’intérêts et de nuire au bon fonctionnement du système de justice pénale et du système de détention, et ne permet pas de répondre aux besoins de prévention dans la mesure où elle n’est pas conforme au principe de séparation des pouvoirs.

24. Le Sous-Comité recommande de confier la responsabilité du maintien de l ’ ordre et celle de la justice à deux ministères différents, et de confier la responsabilité des soins de santé et des services médicaux dans les lieux de détention au Ministère de la santé.

B.Allégations de mauvais traitements et d’actes de torture

25.Le Sous-Comité souligne que les agents publics qui se livrent à des actes de torture ou à de mauvais traitements doivent être rapidement traduits en justice et, s’ils sont condamnés, se voir infliger des peines proportionnées à la gravité de l’infraction, et que les victimes doivent bénéficier de réparations effectives, y compris de services de santé et de réadaptation. L’État partie doit en outre veiller à ce que les juges, les procureurs, les professionnels de santé et les autres personnes qui participent aux enquêtes et à l’établissement des faits dans les cas de torture et de mauvais traitements soient dûment formés sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) et les normes internationales relatives à la torture et aux mauvais traitements, en particulier en ce qui concerne la qualification des faits de torture et la réalisation d’examens médicaux spécialisés.

26.Le Sous-Comité note avec préoccupation qu’en 2014, l’unité spéciale d’enquête, qui relevait auparavant du bureau du Procureur général, a été supprimée et que ses fonctions ont été transférées à l’Autorité indépendante de lutte contre la corruption. Il note également avec préoccupation que la procédure en vigueur, en vertu de laquelle ce sont des agents publics qui enquêtent sur les actes de torture et les mauvais traitements imputés à d’autres agents publics, s’apparente à une enquête par des pairs et pèche par un manque d’indépendance et d’impartialité, et ne garantit donc pas un contrôle efficace.

27.Le Sous-Comité craint que ce changement n’ait réduit la probabilité que de véritables enquêtes soient menées, ce qui fait baisser le nombre d’actions pénales engagées et risque de réduire le nombre de plaintes déposées, ce qui, en définitive, accroît le risque d’impunité.

28.D’après les statistiques, ces préoccupations ne sont pas dénuées de fondement : depuis 2014, on constate une diminution du nombre d’enquêtes ouvertes, et un seul agent public a été condamné et emprisonné pour mauvais traitements sur détenus. Le Sous-Comité partage la préoccupation que le Comité contre la torture a déjà exprimée sur ce point (CAT/C/MNG/CO/2, par. 17).

29. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de rétablir, au sein du bureau du P rocureur général, une unité d ’ enquête indépendante qui soit chargée d ’ enquêter sur les actes de torture et les mauvais traitements imputés à des agents publics, notamment à des policiers. L ’ État partie devrait aussi veiller à ce que toutes les enquêtes soient indépendantes, impartiales et efficaces, et à ce qu ’ il n ’ existe aucun lien entre les enquêteurs et les auteurs présumés (CAT/C/MNG/CO/2, par.  16).

C.Mécanismes de plainte

30.Le Sous-Comité a été informé tant par des détenus que par des agents publics que les plaintes de détenus pour mauvais traitements étaient d’abord examinées par le personnel du centre de détention concerné et soumises à un contrôle avant d’être transmises aux mécanismes de plainte externes appropriés. En pratique, la plupart des lettres font l’objet d’une forme de censure, et le Sous-Comité est donc d’avis qu’il n’y a aucun moyen de soumettre véritablement les plaintes à un examen extérieur. Le Comité contre la torture a déjà exprimé sa préoccupation à ce sujet (CAT/C/MNG/CO/2, par. 18 a)), préoccupation que le Sous-Comité partage.

31. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place des mécanismes efficaces qui permettent aux détenus de présenter, directement et en toute confidentialité , des plaintes concernant des mauvais traitements, sans aucune forme de contrôle ou de censure interne (ou externe), à des organes indépendants, impartiaux et efficaces ayant le pouvoir d ’ enquêter et de déclencher les actions voulues de protection et de réparation.

32. Le Sous-Comité recommande en outre à l ’ État partie de faire en sorte que les personnes qui présentent de telles plaintes ne subissent aucune forme de sanction, y compris des représailles physiques, disciplinaires ou administratives.

IV.Torture et mauvais traitements

A.Police

33.Le Sous-Comité a reçu de la part de nombreuses sources des informations selon lesquelles des policiers se seraient livrés à des actes de torture et à de mauvais traitements au moment de l’arrestation et aux premiers stades de l’enquête, notamment dans des postes de police isolés ou de petite taille. Les observations que le Sous-Comité a lui-même faites au cours de ses visites de certains lieux de détention permettent d’affirmer que certaines de ces allégations sont crédibles.

34.Il semble que les policiers qui infligent ces mauvais traitements − parmi lesquels figurent des coups et, plus rarement, l’administration de décharges électriques − aient pour objectif, entre autres choses, d’obtenir des aveux et de trouver des éléments de preuve. Les policiers exercent aussi parfois, lors des premiers interrogatoires, des pressions psychologiques indues qui peuvent s’apparenter à de la torture ou à des mauvais traitements. Ainsi, il arrive qu’ils menacent l’intéressé d’un transfert vers un autre poste de police où il serait maltraité, qu’ils menacent ses proches ou qu’ils l’empêchent de recevoir la visite de ses proches et de s’entretenir avec eux tant qu’il n’aura pas fait d’aveux ou fourni tel ou tel renseignement.

35.Bien que la plupart des postes de police dans lesquels le Sous-Comité s’est rendu disposent aujourd’hui de pièces équipées d’un système de vidéosurveillance ou de matériel d’enregistrement audio et vidéo, il apparaît que le premier interrogatoire, pendant lequel le risque de mauvais traitements est le plus élevé, se déroule généralement dans les bureaux des enquêteurs de la police. Le Sous-Comité, rappelant les recommandations du Comité contre la torture (CAT/C/MNG/CO/2, par. 16 c)), estime que le fait de ne pas interroger systématiquement les suspects dans des salles d’interrogatoire dûment équipées accroît considérablement le risque de mauvais traitements.

B.Détention avant jugement

36.Le Sous-Comité a été informé que des personnes placées en détention avant jugement feraient l’objet de mauvais traitements, notamment de coups de bâton ou de ceinture, infligés dans un endroit isolé du centre de détention qui n’est pas sous vidéosurveillance, par exemple au centre de détention avant jugement no 461 ou au centre de détention provisoire de la province de Töv, ou lorsque le détenu se trouve temporairement hors du centre de détention.

C.Prisons

37.Le Sous-Comité n’a reçu aucune allégation de mauvais traitements physiques ou psychologiques de la part de détenus dans les prisons qu’il a visitées.

38. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mettre l ’ accent, dans les programmes de formation destinés aux policiers, aux enquêteurs et aux membres du personnel pénitentiaire, sur l ’ interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements ;

b) De faire savoir aux policiers, aux enquêteurs et aux membres du personnel pénitentiaire que les personnes qui commettent des actes de torture quels qu ’ ils soient, y compris des actes de torture psychologique, sous la forme de menaces, ou qui se rendent complices de tels actes ou y participent se verront infliger des peines proportionnées à la gravité des faits en cause ;

c) De passer, dans le cadre des enquêtes et des poursuites, d ’ un système fondé sur les aveux à un système fondé sur les éléments de preuve ;

d) De veiller à ce que tous les interrogatoires aient lieu dans des salles officiellement prévues à cet effet et dûment équipées.

D.Cellules d’isolement et cellules disciplinaires

39.Le Sous-Comité est préoccupé à plusieurs égards par le recours abusif aux procédures disciplinaires dans les centres de détention avant jugement et les prisons. Dans certains établissements, comme le centre de détention avant jugement no 461, il arrive que des détenus restent en cellule d’isolement jusqu’à trois jours en attendant l’adoption d’une décision concernant la mesure disciplinaire qui va leur être appliquée. Étant donné que les cellules d’isolement sont, dans les faits, les mêmes que les cellules disciplinaires, il arrive que la sanction excède la durée maximale autorisée. En outre, dans les cellules disciplinaires, la nourriture est distribuée une seule fois par jour et les détenus ne peuvent pas s’asseoir pendant la journée car les matelas et le linge de lit ne leur sont fournis que la nuit. De plus, il ne semble exister aucun recours effectif contre les sanctions disciplinaires.

40.Le Sous-Comité constate avec préoccupation que, d’après les registres des cellules disciplinaires, dans certaines prisons, il est arrivé que des détenus restent à l’isolement pendant quarante-cinq jours car ils se sont vu appliquer trois peines consécutives d’une durée de quinze jours, qui est actuellement la durée maximale autorisée. Il apparaît que la nouvelle loi de juillet 2017 autorise les placements en cellule disciplinaire pendant quatre‑vingt-dix jours consécutifs, sans recours effectif.

41.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour permettre aux détenus de former des recours contre les sanctions disciplinaires. Les cellules d ’ isolement ne devraient être utilisées qu ’ en cas d ’ absolue nécessité, et le temps passé en cellule d ’ isolement devrait être déduit de la durée de la sanction disciplinaire. Les cellules d ’ isolement et les cellules disciplinaires devraient être meublées correctement, et être notamment pourvues d ’ une literie la journée. Les détenus qui se trouvent dans des cellules d ’ isolement ou des cellules disciplinaires devraient avoir le même droit à la nourriture que les autres détenus et pouvoir faire au moins une heure d ’ exercice par jour en plein air.

42. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que la durée maximale du placement à l ’ isolement ne dépasse pas quinze jours consécutifs , et que les périodes d ’ isolement ne soient pas appliquées de façon consécutive ou en succession rapide.

V.Pratiques et procédures de la police

A.Garanties fondamentales au début de la détention

43.Le Sous-Comité rappelle que le Comité contre la torture a relevé que tous les détenus ne bénéficiaient pas des garanties fondamentales en matière de prévention dès le début de leur détention (CAT/C/MNG/CO/2, par. 12, et CCPR/C/MNG/CO/6, par. 24 c)). Le Sous-Comité a observé que les personnes amenées au poste de police, en particulier dans les zones reculées au niveau des comtés (sums), étaient rarement informées de leurs droits ou de la raison pour laquelle elles se trouvaient là.

44.Les personnes arrêtées ont le droit de consulter un avocat, mais ce droit est rarement respecté dans la pratique. Par conséquent, les interrogatoires se déroulent souvent sans avocat, même si la personne concernée en a demandé un. Le nombre important de détenus qui auraient renoncé à leur droit de consulter un avocat est, à lui seul, source de préoccupation du point de vue de la prévention. Le Sous-Comité a en outre été informé que, même lorsque le détenu est représenté par un avocat, il rencontre souvent son conseil pour la première fois à l’audience devant le tribunal. Il existe en théorie une aide juridictionnelle, mais les systèmes en place ne permettent pas aux personnes privées de liberté de bénéficier rapidement de l’aide effective d’un conseil. De fait, le Sous-Comité croit comprendre que, dans certains sums, il n’est pas possible d’avoir un avocat commis d’office.

45.Le Sous-Comité note que, dans de nombreux cas, la police n’a pas informé les proches de la personne concernée que celle-ci avait été arrêtée. Il constate avec préoccupation que le détenu a dû « coopérer » avec les autorités qui le détenaient avant qu’elles l’autorisent à voir sa famille ou ses proches.

46. Le Sous-Comité recommande à l ’État partie  :

a) De faire en sorte que toutes les personnes arrêtées soient immédiatement informées des raisons de leur arrestation et de leurs droits en tant que détenus ;

b) De veiller à ce que les personnes privées de liberté puissent contacter un avocat de leur choix et aient le droit de s ’ entretenir avec lui, à moins qu ’ il existe des motifs légitimes d ’ empêcher les contacts avec un avocat en particulier, auquel cas un autre avocat pourra être choisi ;

c) De revoir le système de l ’ aide juridictionnelle de sorte que toutes les personnes privées de liberté bénéficient en temps voulu d ’ une aide efficace ;

d) De faire en sorte que toutes les personnes privées de liberté puissent informer sans délai un membre de leur famille ou un proche de leur arrestation. L ’ exercice de ce droit ne doit pas dépendre de la bonne volonté ou des décisions des autorités chargées de la détention, du procureur, de l ’ enquêteur ou de l ’ administration du lieu de détention.

B.Problèmes liés au régime juridique de la détention

Garde à vue

47.Le Sous-Comité constate avec préoccupation que, si la loi limite à six heures la durée de la garde à vue à des fins d’interrogatoire, en pratique, les gardes à vue durent beaucoup plus longtemps, sans être soumises à l’appréciation d’un procureur ou d’un juge. De plus, le Sous-Comité a été informé que la police pouvait étendre cette durée à quarante‑huit heures, dans des cas exceptionnels, mais qu’elle avait recours à cette possibilité fréquemment, et non exceptionnellement, y compris le week-end lorsque les enquêteurs ne sont pas forcément disponibles.

48.Le Sous-Comité note avec préoccupation que tous les poste de police, en particulier ceux des zones rurales, ne tiennent pas forcément un registre des personnes placées en garde à vue aux fins d’un premier interrogatoire. Cela signifie que, dans les faits, il n’existe pas forcément de registre où est systématiquement consigné le nom des personnes qui ont été interrogées par un enquêteur de la police, puisque l’enregistrement a souvent lieu seulement lorsque ces personnes ont été admises dans un centre de détention provisoire ou avant jugement ou sont transférées vers un commissariat au niveau de la province (aimag).

49.Le Sous-Comité a appris avec préoccupation que les personnes placées en garde à vue, pour une durée allant parfois jusqu’à quarante-huit heures, le sont souvent dans des lieux inappropriés, tels que les bureaux des enquêteurs ou des couloirs. En outre, ces personnes ne reçoivent souvent ni nourriture ni boisson, et il arrive qu’elles ne soient pas autorisées à aller librement aux toilettes. Certaines personnes placées en garde à vue ont été menottées tout au long de l’enquête préliminaire.

50.Le Sous-Comité considère en outre que les liens étroits qui existent souvent entre la police et les procureurs peuvent donner l’impression que les procureurs ont tendance à se contenter d’enregistrer les dossiers qui leur sont soumis par la police au lieu d’en apprécier le contenu.

51. Le Sous-Comité recommande à l ’État partie  :

a) De veiller à ce que la durée de la garde à vue ne dépasse pas la durée prévue par la loi, et à ce qu ’ elle soit calculée dès le moment où la personne est privée de liberté. Toute prolongation de la garde à vue doit être autorisée par des autorités indépendantes, dans le respect de la loi ;

b) De veiller à ce que la garde à vue soit consignée comme il se doit dans des registres de détention. La tenue des registres devrait être confiée aux hauts responsables de la police et l ’ ensemble des membres de la police devraient recevoir la formation voulue  ;

c) De faire en sorte que les personnes placées en garde à vue se voient offrir de la nourriture et, à tout le moins, de l ’ eau, pendant leur garde à vue, et qu ’ elles aient accès comme il se doit aux toilettes ;

d) De faire en sorte que durant leur garde à vue, les personnes concernées soient placées dans des lieux adéquats ;

e) De mettre fin sans délai à la pratique qui consiste à transférer les personnes en garde à vue dans des centres de détention provisoire ou avant jugement sans contrôle juridictionnel ;

f) De veiller à ce que les procureurs agissent en toute indépendance à l ’ égard de la police lorsqu ’ ils examinent les demandes de prolongation de la garde à vue ou de placement en détention provisoire ou avant jugement.

Détention administrative et cellules de dégrisement

52.Le Sous-Comité prend note des mesures qui ont été prises dans l’État partie pour combattre l’abus d’alcool et la violence familiale. Il craint toutefois que les procédures de détention administrative prévues dans ce cadre ne débouchent sur des formes de détention arbitraire, sans que les personnes concernées ne bénéficient des garanties juridiques ou d’un contrôle juridictionnel approprié. Il s’inquiète aussi du fait qu’il ne semble y avoir, dans la pratique, aucune différence dans la façon dont sont traitées les personnes qui sont en état d’ébriété et qui ont commis une infraction administrative et celles qui sont en état d’ébriété mais n’ont pas commis d’infraction, de sorte que dans les faits c’est l’ivresse qui est réprimée. Le Sous-Comité constate aussi avec préoccupation que la violence familiale est considérée comme une infraction administrative et non comme une infraction pénale.

53.Le Sous-Comité a observé que certaines des personnes placées dans des cellules de dégrisement et dans des centres de détention administrative n’avaient été informées ni de leurs droits ni de la durée de leur détention, pas plus qu’elles n’avaient bénéficié d’un examen médical, ce qui est particulièrement préoccupant dans le cas des personnes placées dans les cellules de dégrisement.

54. Le Sous-Comité recommande à l ’État partie  :

a) De veiller à ce que les personnes soupçonnées d ’ avoir commis des infractions administratives sous l ’ emprise de l ’ alcool soient détenues séparément de celles qui sont détenues parce qu ’ elles sont en état d ’ ébriété, et que les unes et les autres soient traitées comme il convient au vu des motifs de leur détention ;

  b) De veiller à ce que l ’ alcoolémie des personnes placées en détention en raison de leur état d ’ ébriété soit mesurée immédiatement à l ’ arrivée au centre de détention, et que l ’ on utilise un seuil constant et approprié à cette fin ;

c) De veiller à ce que les personnes placées dans des cellules de dégrisement soient informées de leurs droits et des raisons de leur détention, ainsi que de la durée de celle-ci, laquelle ne doit pas dépasser la durée maximale autorisée par la loi ( vingt ‑quatre heures). Ces personnes doivent être autorisées à informer un membre de leur famille ou un proche de leur détention, bénéficier d ’ un examen médical à leur arrivée et pouvoir consulter un avocat et un médecin, selon que de besoin.

55.Le Sous-Comité note avec préoccupation que les personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions administratives sont parfois détenues au-delà de la période maximale prescrite par la loi. Certes, l’autorité judiciaire intervient dans le placement d’une personne en détention administrative, mais il semble que le rôle du pouvoir judiciaire soit pour ainsi dire purement formel. En outre, des personnes placées en détention administrative ont affirmé qu’elles ne disposaient en pratique d’aucun recours contre la décision de les placer en détention, étant donné que les recours n’ont pas d’effet suspensif et qu’en règle générale, la détention aura pris fin avant que le recours ne soit examiné.

56.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que la détention administrative temporaire n ’ excède pas la durée maximale prescrite par la loi. Les ordonnances de placement en détention pour infraction administrative devraient faire l ’ objet d ’ un contrôle juridictionnel complet et digne de ce nom, et toutes les garanties juridiques applicables aux détenus devraient être respectées et pouvoir être invoquées. Il conviendrait de mettre en place un recours utile contre les ordonnances de placement en détention administrative qui donne des résultats concrets.

C.Conditions matérielles de détention dans les postes de police

57.Le Sous-Comité est profondément préoccupé par l’état dans lequel se trouvaient la plupart des cellules de détention provisoire et de dégrisement qu’il a visitées. Nombre de ces cellules se trouvaient en sous-sol, étaient très humides et mal ventilées et offraient un accès limité à la lumière naturelle. Les cellules de détention n’étaient pas surpeuplées, mais étaient dans un état de grande vétusté et disposaient d’une literie inadéquate. Partout, l’hygiène et les conditions sanitaires laissaient à désirer. Aucune distribution de nourriture et d’eau n’était visiblement assurée.

58.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre immédiatement des mesures pour améliorer l ’ état des locaux de détention provisoire et des cellules de dégrisement, afin que ceux-ci soient conformes aux normes internationales, s ’ agissant entre autres de l ’ aération, de la lumière naturelle et des conditions d ’ hygiène. De la nourriture et de l ’ eau devraient être distribuées à toutes les personnes détenues, comme il convient.

D.Système de santé

59.Le Sous-Comité note avec préoccupation que pratiquement aucun soin de santé n’est assuré dans les postes de police.

60.Le Sous-Comité recommande que l ’ on garantisse l ’ accès à un médecin indépendant, ainsi qu ’ à un examen médical qui devrait être réalisé par un médecin indépendant dès que possible après l ’ arrestation et dûment consigné dans un registre. Les dossiers médicaux devraient être mis à la disposition des détenus ou de leurs représentants légaux à la demande des détenus. Tous les membres du personnel médico-légal devraient suivre une formation sur le Protocole d ’ Istanbul, qui est un outil indispensable pour détecter les actes de torture et les mauvais traitements, attester de leur réalité et faire en sorte qu ’ ils ne se reproduisent pas.

VI.Lieux de privation de liberté (centres de détention avant jugement et établissements pour peine)

A.Centres de détention avant jugement : préoccupations d’ordre général

61.Le Sous-Comité constate avec satisfaction que le nombre de personnes placées en détention avant jugement a considérablement diminué depuis l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2017, de nouvelles lois qui ont notamment ramené de vingt-quatre à dix-huit mois la durée maximale de la détention avant jugement.

Régime juridique

62.Le Sous-Comité constate avec préoccupation que les décisions de prolongation de la détention avant jugement sont souvent communiquées aux détenus par l’intermédiaire du ministère public et ne sont pas prises lors d’audiences judiciaires tenues en présence des intéressés et de leur avocat. Il a été informé d’un cas dans lequel une personne a été maintenue en détention avant jugement pendant quinze mois sans être présentée à un juge. L’audience judiciaire constitue une garantie importante contre la torture et les mauvais traitements, en ce qu’elle permet − en principe − au détenu ou à son avocat de faire part de tout problème et au juge d’ordonner l’ouverture sans délai d’une enquête indépendante et efficace en cas de présomption de mauvais traitements.

63. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les décisions de placement en détention avant jugement et de prolongation de la détention avant jugement soient prises par des juges ayant entendu les personnes concernées.

Activités hors cellule et contacts avec le monde extérieur

64.Le Sous-Comité note avec une vive préoccupation que les personnes placées en détention avant jugement ne sortent presque pas de leur cellule ; elles ne sont autorisées à la quitter qu’une ou deux fois par semaine pendant quinze à trente minutes, ce qui est très en deçà de la norme internationalement reconnue, soit une heure par jour au minimum. De plus, durant ces brèves périodes, les détenus sont confinés dans ce que l’on peut qualifier au mieux de cages à ciel ouvert, tellement exiguës qu’elles empêchent tout exercice physique ; certaines permettent à peine de se mouvoir. Au centre de détention avant jugement de la province de Töv, lorsqu’ils ne sont pas en cellule, les détenus sont menottés par deux.

65.De plus, les personnes placées en détention avant jugement ne peuvent recevoir des visites que deux fois par semaine, durant une vingtaine de minutes. Le Sous-Comité constate également avec préoccupation qu’au centre de détention avant jugement no 461, les visites des proches sont soumises à l’autorisation du ministère public et que les détenus ne sont pas autorisés à passer des appels téléphoniques ou à envoyer des lettres.

66. Le Sous-Comité recommande que toutes les personnes placées en détention avant jugement soient autorisées à passer au minimum une heure par jour en dehors de leur cellule, dans des espaces extérieurs où elles puissent déambuler et faire de l ’ exercice, si elles le souhaitent.

67. Le Sous-Comité recommande également de réviser le régime des visites applicable aux personnes placées en détention avant jugement afin que les visites ne soient pas soumises à l ’ autorisation du ministère public et qu ’ elles puissent être suffisamment fréquentes et se dérouler dans des locaux suffisamment spacieux et qui garantissent le respect de l ’ intimité.

Conditions matérielles

68.À l’exception de quelques cellules du centre de détention avant jugement no 461, le Sous-Comité n’a pas constaté de situation de surpopulation. Certains établissements, dont le centre de détention avant jugement de la province de Töv, auraient toutefois été surpeuplés si le taux d’occupation officiel avait été atteint. Dans la plupart des centres de détention avant jugement que le Sous-Comité a visités, d’importants travaux de rénovation sont prévus ou en cours. Dans les établissements qui ont été rénovés, les conditions matérielles sont globalement acceptables, même si des problèmes restent à régler. Ainsi, dans certaines cellules, les toilettes n’ont pas de porte et sont placées sous vidéosurveillance. De plus, pour obtenir des produits d’hygiène de première nécessité les détenus, hommes comme femmes, doivent soit les demander à leurs proches, soit les acheter.

69.Le Sous-Comité a également relevé des insuffisances en ce qui concerne la literie dans les centres de détention avant jugement, et note en particulier que les draps ne sont pas changés assez fréquemment. Il juge particulièrement préoccupant qu’au centre de détention avant jugement no 461, les détenus en attente de transfèrement et les personnes placées en garde à vue pour des périodes qui peuvent aller jusqu’à quarante-huit heures n’ont pas de lit.

70. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie :

a) De faire en sorte que son programme de rénovation des centres de détention avant jugement soit mené à bien rapidement, dans le respect des normes internationales. Il devrait veiller en particulier à ce que toutes les cellules aient des dimensions raisonnables, comportent des installations sanitaires adéquates, et soient suffisamment éclairées et correctement ventilées, et à ce que les détenus se voient fournir une literie et des produits d ’hygiène ;

b) De remédier, à titre prioritaire, au problème de surpopulation de l ’ aile du centre de détention avant jugement n o 461 qui est réservée aux détenus en attente de transfèrement ;

c) De veiller à ce que tous les détenus aient un lit et à ce que les draps soient changés plus fréquemment.

B.Prisons : préoccupations particulières

71.Le Sous-Comité salue les progrès considérables que l’État partie a accomplis dans la rénovation de ses prisons. Il se félicite également de l’abolition de la peine de mort, de la commutation des peines capitales déjà prononcées en peines de vingt ans d’emprisonnement et des autres modifications apportées à la législation pénale qui ont permis, avec l’adoption du nouveau Code pénal et du nouveau Code de procédure pénale, de réduire la population carcérale et, partant, les problèmes de surpopulation.

Préoccupations applicables à toutes les prisons

Possibilités de travailler

72.Le Sous-Comité constate que les détenus bénéficient de nombreuses possibilités de travailler, mais demeure préoccupé par le fait que, tant dans les prisons fermées que dans les prisons ouvertes, leur travail n’est pas toujours rémunéré.

73. Le Sous-Comité recommande que tous les détenus puissent travailler en échange d ’ une rémunération appropriée et bénéficient de conditions de travail dûment réglementées et conformes aux normes acceptées.

Régime de détention

74.Le Sous-Comité est préoccupé par plusieurs aspects excessivement restrictifs du régime de détention. Ainsi, dans certaines des prisons visitées, les détenus nouvellement admis ne sont pas autorisés à quitter leur cellule durant les quatorze premiers jours. Les détenus qui ne travaillent pas ne peuvent sortir de leur cellule que deux ou trois fois par semaine pour une durée très limitée et, dans certaines prisons de haute sécurité, ils passent ce temps hors de leur cellule dans des lieux qui peuvent être qualifiés au mieux de cages à ciel ouvert.

75.Le Sous-Comité constate également avec préoccupation que les lois adoptées en juillet 2017 restreignent les contacts que les détenus purgeant une peine d’emprisonnement sont autorisés à avoir avec le monde extérieur. Il note que les détenus des prisons de haute sécurité ne peuvent plus recevoir que quatre visites par an, d’une durée maximale de trois heures chacune, et que les visiteurs ne sont en aucun cas autorisés à passer la nuit dans la prison. Les détenus relevant du régime de détention en prison fermée ont eux aussi vu le nombre de visites autorisées se réduire et l’envoi et la réception de lettres et de colis et les communications téléphoniques font l’objet de restrictions accrues. De plus, un grand nombre de détenus se plaignent de ce que les visites sont trop courtes, sachant combien le voyage est long et onéreux pour leurs proches.

76. Le Sous-Comité recommande :

a) Que tous les détenus condamnés, dès qu ’ ils ont commencé à purger leur peine, soient autorisés à quitter leur cellule pour passer du temps dans des espaces communs et puissent, s ’ ils le souhaitent, s ’ adonner à des activités utiles et collectives ;

b) Que tous les détenus condamnés puissent, conformément à la norme minimale reconnue au niveau international, passer au moins une heure par jour à l ’ air libre, dans un endroit où ils peuvent se mouvoir et faire de l ’ exercice physique ;

c) Que les règles plus restrictives instaurées en juillet 2017 pour les visites des proches et les contacts avec le monde extérieur soient abrogées et remplacées par de nouvelles règles permettant aux détenus de recevoir des visites plus fréquentes et plus longues, sachant combien il est compliqué et onéreux pour leurs proches de venir les voir.

Aménagements raisonnables

77.Le Sous-Comité constate qu’il n’a été procédé à aucun aménagement raisonnable en faveur des détenus handicapés, notamment pour que ceux-ci puissent accéder aux douches et aux toilettes et participer aux activités hors cellule.

78. Le Sous-Comité recommande de procéder à des aménagements raisonnables afin de garantir les droits des personnes handicapées dans l ’ ensemble du système pénitentiaire.

Toilettes et douches

79.Le Sous-Comité constate avec préoccupation que, dans plusieurs des prisons visitées, les douches et les toilettes à l’usage de certains détenus, notamment des détenus placés en cellule disciplinaire, se trouvent à l’extérieur, et que les toilettes se résument parfois à des latrines à fosse.

80. Le Sous-Comité recommande que toutes les prisons soient équipées d ’ installations sanitaires intérieures intégrées ou reliées aux locaux de détention.

Préoccupations suscitées par certaines prisons

Prison no 405

81.Durant les visites de leurs proches, les détenus sont entravés par des chaînes en fer fichées dans le sol ; les visites se déroulent dans une pièce placée sous vidéosurveillance et en présence d’un gardien.

82. Le Sous-Comité recommande de mettre fin immédiatement à cette pratique et de veiller à ce que les visites puissent se dérouler dans un cadre plus familial et moins sécurisé.

83. Ayant constaté que les détenus ne sont autorisés à se doucher que toutes les deux semaines, le Sous-Comité recommande qu ’ ils puissent se doucher au minimum une fois par semaine.

Prison no 407

84.Le Sous-Comité constate avec préoccupation que les installations à l’usage des familles en visite de longue durée laissent à désirer et est préoccupé en particulier par l’absence de douches et par l’insalubrité des toilettes extérieures.

85. Le Sous-Comité recommande d ’ améliorer les conditions dans lesquelles sont accueillies les familles qui viennent rendre visite à un proche, notamment en mettant à leur disposition des douches et des toilettes intérieures.

Prison no 415

86.Plusieurs des toilettes et douches communes, équipées uniquement de parois basses et, dans le cas des toilettes, fermées par une porte vitrée, n’offrent pas l’intimité voulue, et sont placées sous vidéosurveillance.

87. Le Sous-Comité recommande de remédier à cette situation afin de préserver l ’ intimité des détenus.

Prison no 421

88.Les toilettes de la prison no 421, tout comme celles de plusieurs autres prisons que le Sous-Comité a visitées, se trouvent à l’extérieur des bâtiments, dans des locaux séparés. Cela est particulièrement problématique à la prison no 421, où un nombre important de détenus sont handicapés, âgés ou malades. De manière générale, cette prison ne répond pas aux besoins des détenus particulièrement vulnérables, qui ont des besoins spéciaux en matière d’alimentation ou de mobilité.

89. Le Sous-Comité recommande de garantir la pleine accessibilité de l ’ ensemble de la prison, en particulier pour les détenus ayant besoin d ’ installations adaptées. L ’ alimentation et l ’ accès à l ’ eau et aux équipements sanitaires, tout comme l ’ accès à des activités récréatives et l ’ exercice d ’ autres droits fondamentaux, devraient satisfaire aux normes internationales. Des dispositions spéciales doivent être prises, notamment sur le plan alimentaire, en faveur des détenus handicapés, âgés ou ayant des besoins particuliers.

C.Système de santé

Préoccupations d’ordre général

Indépendance du personnel médical

90.Le Sous-Comité a visité plusieurs structures de santé prenant en charge des détenus condamnés ou en attente de jugement, dont l’hôpital de la prison centrale (centre de détention no 401), l’unité hospitalière du centre de détention avant jugement no 461, le centre de détention no 429 pour détenus tuberculeux et séropositifs et un centre de détention pour personnes toxicomanes et alcooliques du sum de Bayan-Ölgii. Toutes les structures étaient propres, même si certaines étaient vétustes, et laissaient largement entrer la lumière du jour. Le personnel était en nombre suffisant et le Sous-Comité n’a pas constaté de surpopulation. Le Sous-Comité précise aussi qu’il n’a reçu aucune information faisant état de mauvais traitements. Il demeure toutefois préoccupé de ce que le personnel médical fait partie du personnel pénitentiaire, car cela va à l’encontre du principe concernant l’indépendance des services médicaux des prisons.

91.Le Sous-Comité appelle l’attention de l’État partie sur les principes internationaux relatifs à l’équivalence et à l’intégration, qui voudraient que les services médicaux des établissements de la justice pénale relèvent de l’autorité du Ministère de la santé, de sorte que les détenus reçoivent les mêmes soins de santé que les patients non détenus et que les services médicaux des prisons soient autonomes.

Examen médical

92.Si un examen médical initial est généralement réalisé à l’arrivée de la personne en détention, apparemment il se fait souvent en présence de policiers. Dans le centre de détention avant jugement no 461, le Sous-Comité a reçu des informations indiquant que cet examen se faisait parfois dans des espaces communs, notamment dans des couloirs. Il a également constaté que les comptes rendus des examens médicaux initiaux étaient le plus souvent sommaires et ne contenaient pas tous les renseignements nécessaires, tels que la description des blessures constatées et de leur origine. De plus, les résultats de l’examen médical initial n’étaient pas intégralement consignés dans le dossier médical du détenu.

93.D’une manière générale, le personnel médical ne connaît pas le Protocole d’Istanbul ni les autres normes internationales pertinentes. Le Sous-Comité craint par conséquent que les médecins ne soient pas attentifs aux signes de torture et de mauvais traitements.

94.L’examen par un médecin des personnes qui arrivent dans un centre de détention et l’établissement d’un compte rendu détaillé concernant les blessures constatées au cours de cet examen constituent des garanties importantes s’agissant de prévenir la torture et les mauvais traitements et de lutter contre l’impunité. Ils permettent en outre de protéger les policiers et les membres du personnel pénitentiaire contre les allégations mensongères.

95. Le Sous-Comité recommande que tout nouveau détenu soit soumis, le plus rapidement possible et au plus tard vingt-quatre heures après sa mise sous écrou, à un examen médical approfondi, notamment à une auscultation complète, visant à détecter entre autres choses tout signe de blessure préexistante. Le résultat complet de cet examen devrait être dûment consigné dans un registre confidentiel prévu à cet effet.

96. Les examens médicaux doivent être réalisés périodiquement et dans le respect du principe du secret médical ; aucune personne n ’ appartenant pas au personnel médical ne doit y assister. Ils doivent être réalisés hors de portée de voix et à l ’ abri des regards des gardiens, sauf dans les rares cas où le personnel médical demande que ceux-ci y assistent, pour des raisons de sécurité. Lorsqu ’ elles sont nécessaires, de telles mesures doivent être dûment consignées et le personnel de sécurité doit se tenir à une distance suffisante.

97. Le Sous-Comité recommande également à l ’ État partie d ’ améliorer la formation du personnel médical des lieux de détention, particulièrement au sujet du Protocole d ’ Istanbul et des autres normes internationales pertinentes.

Préoccupations particulières

Hôpital de la prison centrale (centre de détention no 401)

Pénurie de fournitures médicales

98.Un grand nombre de détenus se sont plaints de pénuries de médicaments et de fournitures médicales. Le Sous-Comité a appris que la prise en charge d’un détenu en milieu hospitalier était parfois reportée faute de matériel ou de fournitures médicales, et que le patient n’était soigné qu’après avoir acquitté le coût de son traitement.

99. Le Sous-Comité recommande de veiller à ce que les fournitures médicales soient suffisantes et à ce que les patients soient traités gratuitement.

Activités en plein air et contacts avec le monde extérieur

100.Le Sous-Comité constate avec préoccupation que les activités récréatives et les possibilités de faire de l’exercice en plein air sont inexistantes à l’hôpital de la prison centrale, et que les détenus sont confinés dans leur chambre, désœuvrés, la majeure partie de la journée. Il n’a vu aucun livre destiné aux patients durant sa visite. Non seulement les patients ne sont pas autorisés à quitter leur chambre, mais les fenêtres des chambres sont en outre délibérément opacifiées ou occultées afin d’empêcher les résidents de regarder par les fenêtres, qui offrent une vue panoramique sur la campagne. Le Sous-Comité juge ce procédé inutile, punitif et mesquin dans un cadre à vocation thérapeutique.

101.La délégation du Sous-Comité a été informée que les contacts avec le monde extérieur étaient fortement restreints et limités à seulement vingt minutes par mois pour les patients relevant du régime de détention en prison ouverte et vingt minutes tous les deux mois pour les patients relevant du régime de détention en prison fermée.

102. Le Sous-Comité recommande que tous les patients puissent faire de l ’ exercice et s ’ adonner à des activités éducatives, récréatives et culturelles . Il faudrait faire en sorte que les fenêtres soient à nouveau transparentes, et les détenus devraient avoir des contacts plus nombreux avec le monde extérieur. Ces contacts ne devraient pas être déduits du nombre total de visites autorisées lorsque le détenu retourne en prison.

Transfert de l’hôpital vers la prison

103.Certains patients, notamment ceux venus de prisons extrêmement éloignées de l’hôpital de la prison centrale, sont gardés au centre de détention avant jugement no 461 avant d’être renvoyés dans leur prison d’origine à l’issue de leur traitement médical. Les patients se sont plaints de ce qu’ils pouvaient être détenus jusqu’à deux mois dans de mauvaises conditions, dans les locaux parfois surpeuplés, ce qui annulait les bienfaits de leur traitement médical.

104. Le Sous-Comité recommande de veiller à ce que la période durant laquelle les détenus sortis de l ’ hôpital sont placés au centre de détention avant jugement n o 461 dans l ’ attente d ’ être ramenés en prison soit aussi brève que possible, et à ce que leurs conditions de détention soient adaptées à leur état de santé fragile.

Centre de détention pour personnes toxicomanes ou alcooliques

Garanties juridiques

105.Le Sous-Comité est préoccupé par le caractère vague de la législation en vertu de laquelle les personnes toxicomanes ou alcooliques peuvent être placées en détention. Il est préoccupé en particulier par le fait que les diagnostics médicaux établissant que la personne est toxicomane ou alcoolique ne semblent pas être complets ni être fondés systématiquement sur des méthodes de dépistage appropriées. Le Sous-Comité n’a pas trouvé trace, dans les dossiers médicaux des patients, d’examens médicaux ayant révélé que les intéressés souffraient effectivement d’une dépendance. Les détenus lui ont indiqué qu’ils n’avaient pas été physiquement examinés avant de comparaître devant le tribunal, lequel s’était contenté selon leurs dires d’entériner sans aucune vérification les conclusions de la police selon lesquelles ils devaient être placés en détention.

106.Les détenus ont également affirmé que ni la procédure qui avait conduit à leur placement en détention, ni leurs droits ne leur avaient été expliqués. Ils n’avaient connaissance d’aucun moyen permettant de soumettre une décision de placement en détention à un processus rapide d’examen impartial et effectif.

107.Le Sous-Comité craint qu’en l’absence de telles garanties fondamentales, les placements au centre de détention pour personnes toxicomanes ou alcooliques ne risquent de s’apparenter à de la détention arbitraire.

108. Le Sous-Comité recommande à l ’État partie  :

a) De rechercher, au niveau local, des solutions permettant de répondre aux besoins des personnes toxicomanes ou alcooliques et d ’ éviter de recourir aux différentes formes de détention administrative, qui présentent un risque d ’ arbitraire ;

b) De veiller à ce que tout diagnostic de dépendance soit fondé sur les examens et critères médicaux requis, et à ce que tous les examens médicaux soient consignés rigoureusement dans un dossier médical, qui devrait pouvoir être consulté par le détenu et son avocat à leur demande ;

c) De veiller à ce que toutes les personnes privées de liberté bénéficient, dans la pratique, de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de leur détention, et soient notamment informées des motifs de leur détention, de leurs droits en tant que détenus et de leur droit de consulter l ’ avocat de leur choix ;

d) De mettre en place des procédures efficaces aux fins d ’ un examen indépendant des décisions de placement au centre de détention pour personnes toxicomanes ou alcooliques, ainsi que des mécanismes de plainte et des moyens de recours appropriés auxquels les détenus aient effectivement accès.

Traitements forcés

109.Bien qu’aucun détenu ne se soit plaint au Sous-Comité d’avoir subi de mauvais traitements, il ne fait pas de doute que les personnes qui sont placées au centre de détention pour personnes toxicomanes ou alcooliques se voient administrer des soins sous contrainte.

110. Le Sous-Comité recommande que toutes les personnes placées au centre de détention pour personnes toxicomanes ou alcooliques soient soumises à un examen médical, y compris à une évaluation de leur santé mentale. L ’ État partie d evrait mettre en place et tenir à jour un système adéquat de gestion des dossiers médicaux de tous les patients, qui sont de nature confidentielle. Il devrait également faire en sorte que tout consentement libre et éclairé donné à un traitement médical soit consigné dans le dossier médical de l ’ intéressé.

Conditions sanitaires

111.Le Sous-Comité est préoccupé par l’état épouvantable des toilettes, qui consistent en des latrines à fosse, situées à l’extérieur, à une distance considérable des espaces de vie. Quant aux douches, qui se trouvent encore plus loin, elles sont vétustes et délabrées et semblent être tout juste en état de marche.

112. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de s ’ employer de toute urgence à améliorer radicalement les installations sanitaires à l ’ usage des détenus au centre de détention pour personnes toxicomanes ou alcooliques, et de faire procéder à des travaux de rénovation visant à installer dans les bâtiments, à proximité des espaces de vie, des sanitaires suffisamment éclairés et ventilés.

VII.Centre national de santé mentale

113.La délégation du Sous-Comité a visité le Centre national de santé mentale, qui accueille, outre des patients admis à titre volontaire, des personnes dont l’admission a été ordonnée par la justice dans le cadre de procédures pénales ou civiles. Elle a pris note des rénovations qui ont été réalisées récemment dans cette structure afin d’en améliorer les conditions matérielles. Elle a également pris note des mesures visant à mettre en place un système de prise en charge extrahospitalière. La délégation n’a pas reçu d’allégations de mauvais traitements dans le Centre.

114.Le Sous-Comité constate néanmoins qu’en Mongolie, le système de santé mentale est essentiellement fondé sur un modèle hospitalier, et qu’il faudrait allouer des fonds suffisants aux établissements extrahospitaliers afin de passer d’un modèle hospitalier à un modèle extrahospitalier, et de promouvoir la santé mentale auprès des populations.

115. Le Sous-Comité recommande d ’ allouer des ressources humaines et financières suffisantes au secteur de la santé mentale. Il recommande également de réviser la législation nationale afin de protéger les droits des patients admis à titre volontaire et de garantir le bon fonctionnement des mécanismes de réexamen.

116. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures supplémentaires visant à faciliter la mise en place de services de prise en charge extrahospitalière, de façon que les patients qui sont maintenus durablement dans des structures hospitalières faute d ’ alternative puissent quitter ces structures.

117. Le Sous-Comité recommande également que les professionnels de santé reçoivent une formation adéquate sur les normes internationales relatives aux droits de l ’ homme, en particulier la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Il recommande en outre à l ’ État partie d ’ augmenter le nombre de psychiatres, d ’ infirmiers, de psychologues, d ’ ergothérapeutes et de travailleurs sociaux, de proposer une prise en charge pluridisciplinaire aux patients ainsi que des activités de réadaptation et de formation professionnelle et des activités récréatives.

Hospitalisation sans consentement, garanties juridiques et moyens de contrainte

118.Les hospitalisations sans consentement en établissement psychiatrique sont régies par les dispositions du chapitre 5 de la loi du 3 janvier 2013. Elles ont pour objectif de protéger les patients qui ne sont pas en mesure de donner leur consentement au moment de leur hospitalisation. Toutefois, le Comité constate que la législation mongole n’opère aucune distinction entre les traitements selon qu’ils sont administrés aux patients avec ou sans leur consentement. De plus, aucune disposition réglementaire n’exige expressément d’obtenir le consentement éclairé du patient. Enfin, il n’y a aucun mécanisme de contrôle extérieur, et les autorités judiciaires ne participent pas aux décisions d’hospitalisation sans consentement.

119. Le Sous-Comité recommande que le personnel médical veille systématiquement à obtenir le consentement libre et éclairé du patient, aux fins de son hospitalisation comme de son traitement.

120. Le Sous-Comité recommande également de veiller à ce que les juges revoient périodiquement la situation des personnes soumises à une mesure d ’ hospitalisation d ’ office, afin de garantir le droit à la liberté des patients pour lesquels la mesure d ’ hospitalisation sans consentement ne se justifie plus.

121. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une législation qui énonce clairement les droits des patients et les protège, et qui fixe des critères clairs permettant d ’ identifier les situations exceptionnelles dans lesquelles une personne peut être placée en établissement psychiatrique et traitée sans avoir donné son consentement éclairé.

122.Le Sous-Comité insiste sur le fait que les moyens de contrainte devraient être utilisés uniquement en dernier ressort, toujours à des fins autres que punitives et à la seule condition qu ’ aucune autre forme de contrôle moins restrictive ne permette de prévenir un risque réel, et qu ’ ils devraient également être retirés dès que possible.

123. Le Sous-Comité recommande de veiller à ce que les patients admis à titre volontaire ne fassent pas régulièrement l ’ objet d ’ une contention contre leur volonté. Lorsqu ’ elles sont absolument nécessaires, les mesures de contrainte devraient être employées uniquement dans les lieux prévus à cet effet, et le patient devrait être convenablement vêtu et se trouver hors de la vue des autres patients. Le personnel intervenant devrait être dûment formé et ne pas solliciter l ’ aide d ’ autres patients ; les moyens de contrainte devraient être appliqués avec la compétence et le soin voulus pour préserver la santé du patient et lui épargner des souffrances inutiles.

124. Le Sous-Comité recommande également à l ’ État partie d ’ adopter une politique globale élaborée avec soin portant sur l ’ emploi de mesures de contrainte et définissant les moyens de contrainte qui peuvent être employés, les circonstances dans lesquelles ils peuvent être utilisés, les modalités pratiques de leur application, les autorisations nécessaires et les systèmes de contrôle qui doivent être mis en place avant et pendant leur application, la durée de l ’ utilisation des moyens de contrai n te et la procédure à suivre après la levée de la mesure. En outre, l ’ État partie devrait veiller à ce que tout recours à un moyen de contrainte soit consigné dans un registre prévu à cet effet, et à ce que des mécanismes de plainte ainsi que des mécanismes de contrôle internes et externes soient en place.

VIII.Étapes suivantes

125.Le Sous-Comité prie l’État partie de lui communiquer sa réponse dans les six mois à compter de la date de transmission du présent rapport à la Mission permanente de la Mongolie auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et des autres organisations internationales à Genève. Dans ce document, l’État partie devrait répondre directement à toutes les recommandations et demandes de renseignements complémentaires formulées dans le rapport, et rendre compte en détail des mesures déjà prises ou prévues pour donner suite aux recommandations, en précisant les calendriers d’exécution. La réponse devrait contenir des renseignements sur la mise en œuvre des recommandations portant spécifiquement sur certaines institutions et sur les politiques et les pratiques générales en vigueur.

126.L’article 15 du Protocole facultatif interdit toutes les sanctions et représailles, quelles qu’en soient la forme et la source, visant une personne qui a été en contact ou a tenté d’être en contact avec le Sous-Comité. Le Sous-Comité rappelle à la Mongolie l’obligation qui lui incombe de prévenir de telles sanctions ou représailles et la prie de fournir, dans sa réponse, des renseignements détaillés sur les mesures qu ’ elle aura prises pour s ’ acquitter de cette obligation.

127.Le Sous-Comité rappelle que la prévention de la torture et des mauvais traitements est une obligation continue et de large portée. Il demande donc à être informé de toute mesure législative ou réglementaire ainsi que de toute politique et de tout fait nouveau pertinent touchant le traitement des personnes privées de liberté et la création du mécanisme national de prévention, afin de pouvoir continuer d ’ aider la Mongolie à s ’ acquitter des obligations que lui fait le Protocole facultatif.

128.Le Sous-Comité considère que sa visite et le présent rapport font partie d’un dialogue continu. Il sera heureux d’aider la Mongolie à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Protocole facultatif en lui fournissant de plus amples conseils et une assistance technique en vue d’atteindre leur objectif commun, qui est de prévenir la torture et les mauvais traitements dans les lieux de privation de liberté. Il estime que le moyen le plus efficace de poursuivre le dialogue serait pour lui de rencontrer les autorités nationales chargées de la mise en œuvre de ses recommandations dans les six mois qui suivent la réception de la réponse au présent rapport.

129.Le Sous-Comité recommande que, dans les six mois qui suivent la réception de la réponse au présent rapport et conformément à l ’ article 11 du Protocole facultatif, un dialogue s ’ instaure entre le Sous-Comité et les autorités nationales mongoles concernant la fourniture de conseils et d ’ une assistance aux fins de la mise en œuvre des recommandations du Sous-Comité. Il recommande également à la Mongolie d ’ entamer des discussions avec lui sur les modalités de ce dialogue au moment où elle soumettra sa réponse au présent rapport.

Annexe I

[Anglais seulement]

List of places of deprivation of liberty visited by the Subcommittee on Prevention of Torture

Pretrial detention facility No. 461

Detention facility No. 401

Prison No. 405

Prison No. 407

Prison No. 409

Prison No. 411

Prison No. 415

Prison No. 417

Prison No. 421

Detention facility No. 429

Prison No. 441

Centralized enforcement centre for administrative detention and alcohol treatment under the Metropolitan Police

Confinement centre in Bayanzurkh district

Bayanzurkh district, first police station

Bayanzurkh district, second police station

Bayanzurkh district, third police station

Department for the forced labour and treatment of intoxicated and drug-addicted persons, Tuv province, Bayan soum

Tuv province police department

Khan-Uul district, first police station

Khan-Uul district, second police station

Chingelti district, first police station

Songinokhairkhan district, first police station

Court decision implementation service, Tuv province

Tuv province police department

Armed forces, unit No. 32

Detention facility for foreigners

Annexe II

[Anglais seulement]

List of officials and other persons with whom the Subcommittee on Prevention of Torture met

Ministry of Justice and Home Affairs

G. Bayasgalan, State secretary

T. Bat-Ulzii, Director, Treaty, Law and Cooperation Department

General Agency for Execution of Court Decisions

S. Batsaikhan, Head of Imprisonment Office

Ch. Munkh-Erdene, Head, Security Division

B. Amardorj, Head, Pretrial detention facility No. 461

B. Dorjbat, Head, Confinement Section

National Police Agency

Colonel P. Batbaatar, First Deputy Commissioner

Colonel Ch. Boldbaatar, Deputy Commissioner

Colonel D. Naranbaatar, Head of Investigation Service

Colonel A. Amgalan, Minor Crime Investigation Service

Colonel J. Erdenebold, Head of Metropolitan Police Department

L. Nyamdavaa, Head of Legal Division

N. Baysgalan, Head of International Relationship Division

Armed Forces

General D. Ganzorig, Head, Operations Management Department, Armed Forces General Staff

L. Batbold, Head, Armed Forces Unit No. 32

Immigration Agency

N. Bayanmunkh, Head of Monitoring Department

Ch. Narmandakh, Head of Visa and Permission Department

General Intelligence Agency

D. Enkhtur, Investigation Department

Office of the Prosecutor General

Mr. Bat-Orshikh, Assistant Prosecutor

Ministry of Health

Tsogzolmaa, Senior officer, Policy Planning Department

M. Oyunchimeg, Officer, Medical Services Department

D. Baigalmaa, Senior officer, Public Health Department

L. Nasantsengel, National Centre for Mental Health

Ministry of Labour and Social Protection

Ms. Munguntsooj, Population Development Department

Ms. Munkhzul, Officer of Health, Education and Social Welfare Commission of Children with Disabilities

Ministry of Foreign Affairs

V. Oyu, Head of Human Rights Division, Department of International Law and Treaty

National Human Rights Commission of Mongolia

Byambadorj Jamsran, Chief Commissioner

Oyunchimeg Purev, Commissioner

Ganbayar Nanzad, Commissioner

Staff members of the Commission

United Nations

Beate Trankmann, United Nations Resident Coordinator and United Nations Development Programme resident

Representative in Mongolia

Tsetsegma Amar, Coordination Specialist, Office of the Resident Coordinator

Civil society

Mongolian Bar Association

People’s Security Research Centre

National Federation for Blind People

Independent Living Centre

Ms. Ichinnorov, Independent human rights lawyer